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  • Avec leurs 3,20 mètres d’envergure, on peut les voir sillonner le ciel malgache. Ce sont des drones cargos, conçus sur la Grande Île depuis 2019 par une start-up, la seule à proposer un service de livraison avec les drones qu’elle fabrique. La jeune société et sa soixantaine de salariés ont réussi à lever 3 millions d’euros l’an dernier auprès d’un fonds d’impact basé en France. Une aventure humaine et technologique dans un secteur aussi innovant qu’incertain.

    De notre correspondante à Antananarivo,

    Le dernier drone d’AerialMetric est solidement harnaché sur le banc d’essai. Les équipes de calibration et de recherche et développement simulent un décollage en conditions réelles. Objectif : vérifier le comportement des quatre moteurs, poussés à leur vitesse maximale de 110 km/h. Le test fini, les ingénieurs viennent récolter les premières données physiques. « Moteurs avant D et A, température : 80°C. Ce n’est pas normal, il faut qu’on vérifie ça », alerte l'un d'eux.

    Jusqu’à 10 kg de charge transportable (ou 12 litres), une autonomie de plus 200 km, ce petit bijou de technologie à plus de 90 000 euros pièce a été conçu dans ce hangar tananarivien. « On importe les ailes, le corps du drone, le fuselage, la dérive, l’aile centrale », explique, tournevis en main, Zo Rakotoarisoa, le tout premier salarié de la start-up, assis devant une table de montage. « Pour le reste, c’est nous qui fabriquons tout à l’intérieur du drone, comme l’ordinateur de bord, par exemple. On adapte aussi le drone à la demande des clients. Parfois, ils veulent transporter plus de poids ou augmenter la vitesse. En ce moment, on tente une amélioration du système de largage », décrit-il. Une imprimante 3D est en train de fabriquer la pièce manquante, pendant qu’au département électronique, on vérifie le câble du moteur, soumis à des températures trop élevées.

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    Un drone à l’épreuve de la géographie malgache

    L’objectif de la start-up, à terme, est d’être totalement autonome pour produire ses drones. Un vrai défi dans un secteur de technologie de pointe très concurrentiel. « C’est une course à la précision, sur l’autonomie de vol, sur la capacité d’emport [capacité de charge d’un avion, NDLR], surtout dans le domaine de la cargaison par drone, expose Thomas Clochard, directeur technique adjoint. Il faut être le meilleur. »

    Une agilité permanente à laquelle s’astreint la start-up, favorisée, il est vrai, par la législation aéronautique encore souple à Madagascar, qui lui a permis de réaliser des milliers de vols. « Nous avons sur une même île, des zones désertiques, très humides, des chaleurs très élevées, un relief avec des montagnes, des vallées, qui se suivent avec peu d’intervalles, poursuit Thomas Clochard. C’est vraiment quelque chose qui soumet le drone à des conditions de vol très extrêmes. C’est pour ça que nous avons réussi à développer un drone tout terrain. » Une expertise désormais reconnue à l’international et qui laisse présager un bel avenir au drone cargo malagasy.

  • En Tunisie, inflation et pénuries rythment le quotidien des habitants depuis des mois. C’est dans ce contexte que l'association locale Alert sensibilise les Tunisiens aux questions économiques, en diffusant notamment des podcasts hebdomadaires à destination du public. Financement des médias, prix de l’huile d’olive ou encore économie de rente sont des sujets traités. Sur le réseau social TikTok, certaines vidéos engrangent jusqu’à plusieurs centaines de milliers de vues.

    De notre correspondante à Tunis,

    En cette froide soirée de ramadan, une dizaine d’amis – de jeunes trentenaires pour la plupart — se retrouve dans les rues de Carthage, en banlieue de Tunis.

    « Toutes les semaines, on se retrouve après le travail le lundi pour tourner un podcast qui est diffusé sur toutes les plateformes le dimanche matin », explique Louai Chebbi. Diplômé en droit à Paris, il est revenu au pays pour enseigner. Il chapeaute aussi l’association Alert.

    « Trois, deux, un, action ! », décompte l’un des membres. Ces podcasts durent parfois jusqu’à près de deux heures. Alors que les difficultés que traverse la Tunisie — comme l’inflation, l’endettement, les pénuries — sont souvent expliquées par les autorités comme étant les conséquences de complots visant l’État tunisien, Alert veut contrer le discours officiel, chiffres et démonstrations à l’appui.

    Des contenus accessibles qui donnent des clés

    « On a remarqué que les "think tank" qui travaillent normalement avec l’écriture de longs rapports qui font 80, 90 pages, parfois 150 pages, mais ne trouvent pas un public large, un public de profanes », constate le président de l’organisation. Face à ce constat, Alert a voulu faire quelque chose de concret : « On a travaillé des vidéos, avec du contenu accessible, avec un langage, un vocabulaire tunisien qui donne les clefs à ces personnes pour déverrouiller les questions qui semblent un peu trop techniques. »

    Et les sujets économiques ne sont jamais vraiment décorrélés des questions politiques. « L’économie, c'est la politique, bien évidemment. Notre travail, c'est de dire : "On fait de la politique en parlant d’économie et on fait de l’économie en parlant de politique" », souligne Louai Chebbi.

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    Au programme aujourd’hui dans le podcast tourné ce jour-là, le statut des professions libérales en Tunisie. Pas de présentateur attitré. Le plus compétent des membres du collectif conduit les débats. Mehdi Jemaa, expert-comptable et membre d’Alert, tient la barre pour cette émission. À 27 ans, expert-comptable dans un cabinet, ce projet est très stimulant pour lui : « Honnêtement, moi personnellement, j’y trouve du sens. C’est une quête de sens. J’ai un rôle quelque part et j’arrive à avoir un impact, et ça honnêtement, c'est mon moteur. »

    Aujourd’hui, l’organisation fonctionne essentiellement sur l’implication et la générosité de ses membres. Pour garantir la liberté de ton et l’indépendance d’Alert, Mehdi Jemaa encourage les auditeurs à mettre la main à la poche pour assurer la pérennité du programme.

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  • L’économie congolaise qui repose depuis toujours sur le pétrole va dorénavant pouvoir également compter – même si à moindre échelle - sur le gaz naturel liquéfié (GNL). Le Congo-Brazzaville devient producteur et exportateur de GNL grâce aux investissements du groupe pétrolier italien Eni. La toute première cargaison vient de quitter Pointe-Noire (sud), la capitale économique.

    Avec notre envoyé spécial à Pointe-Noire, Loïcia Martial

    Sur le site de Litchenjili à quelques encablures de Pointe-Noire, les officiels venus assister au démarrage de la production du gaz naturel regardent un cargo qui mouille dans l’Atlantique. Dans ce bateau se trouve la première cargaison de gaz liquéfié prête à partir. Symboliquement, le chef de l’État Denis Sassou Nguesso ouvre une vanne sous le regard enthousiaste du ministre des hydrocarbures, Bruno Jean-Richard Itoua. « Aujourd’hui, nous célébrons à la fois le début de la production et le premier cargo, donc l’exportation du gaz naturel liquéfié pour la première fois dans ce pays, se félicite ce dernier. Pour l’instant, nous sommes dans la première phase qui est celle de 600 000 tonnes (par an) et l’année prochaine, nous passerons à 3 millions de tonnes. »

    Une usine de liquéfaction livrée par Eni en temps record

    L’essentiel de la production sera exportée et une infime partie, avant sa liquéfaction, sera destinée à la consommation locale et à l’alimentation de la centrale électrique du Congo, première unité de production d’énergie du pays.

    La société italienne Eni a investi 5 milliards de dollars dans cette usine de liquéfaction qui a vu le jour en un temps record. Une année seulement pour qu’elle sorte de terre et soit opérationnelle. « Nous avons voulu (volontairement) avec le contracteur que le projet se fasse très vite, explique Bruno Jean-Richard Itoua. Il y a un marché très demandeur de gaz. Au niveau international, la crise entre l’Ukraine et la Russie crée des tensions sur le marché. Parce qu’il y a une partie de la production mondiale, notamment celle de la Russie qui n’est pas disponible. Il y a une demande très forte, les prix sont très élevés. Donc, tout producteur de gaz a intérêt à aller vite. »

    Eni a fait usage de technologies très avancées pour produire et traiter ce gaz plus rapidement. « Nous avons (en particulier) utilisé des technologies qui nous ont permis de réaliser un développement modulaire de GNL de petite taille, détaille Claudio Descalzi, le PDG du groupe italien. C'est un modèle jamais utilisé en Afrique et même avec peu d’exemples dans le monde. »

    Exploiter le gaz plutôt que le torcher

    La production de gaz naturel liquéfié apporte une réelle valeur ajoutée à l’économie congolaise, selon le directeur général du Port autonome de Pointe-Noire, Séraphin Balhat. « Depuis les années 1950, on brûlait le gaz, on gaspillait une richesse. Le chef de l’État a pris cette sage décision de faire en sorte que ce gaz soit désormais récupéré, liquéfié et exporté pour la richesse nationale, pour plus de revenus », rappelle-t-il.

    Le gouvernement envisage également de produire des engrais avec ce gaz. Cette année, la production de gaz naturel liquéfié devrait déjà rapporter 29 milliards de francs CFA (environ 44 millions d’euros) aux caisses de l’État.

  • Au Sénégal, plus que quelques jours avant la fin de la campagne pour les 19 candidats à la présidence. Croissance économique, FCFA, lutte contre la corruption sont des thématiques qui apparaissent dans les différents programmes. Autre sujet économique qui s’invite dans la campagne, celui de la gestion des ressources naturelles et plus précisément le cas du projet gazier sénégalo-mauritanien « Grand Tortue Ahmeyim ».

    Ce projet s'est invité dans la campagne, car peut-être emblématique des difficultés de gestion et les attentes qui entourent ces grands projets énergétiques. Les découvertes pétrolières et gazières sont promesse de recettes fiscales et de redevances. Mais les premiers litres de gaz prévus pour avril 2022 ne sortiront finalement de terre qu'aux alentours du 3e trimestre 2024.

    La production annuelle de GNL attendue pour cette 1ʳᵉ phase est de 2,5 millions de tonnes, essentiellement destinée à l'exportation dans un contexte géopolitique très favorable.

    Cependant, alerte Papa Daouda Diene, analyste économique au Natural Resource Governance Institute, ces rentrées prévisionnelles doivent être considérées avec précaution. Car les retards pris dans le lancement du projet pourraient avoir des conséquences économiques importantes, notamment pour le budget de l'État. « Il ne faut pas oublier que des affectations avaient été prévues dans le budget de 2023 par exemple au niveau des fonds de stabilisation, des fonds intergénérationnels, souligne l’analyste. Mais également, ils peuvent avoir des impacts sur les prévisions de croissance et les prévisions d'endettement, ça, c'est au niveau macroéconomique. »

    « Se prémunir des risques associés à ces retards »

    Des retards qui peuvent avoir également des impacts sur les perspectives économiques. Le FMI en fin de mission en septembre 2023 évaluait les perspectives de croissance du PIB à 8,8% pour 2024. Une croissance qui sera stimulée en cas de démarrage de la production de pétrole et de gaz, précise l’institution. « Pour se prémunir de ces risques associés à ces retards, le gouvernement doit faire preuve de prudence dans la planification de l'utilisation de ce gaz, des emprunts associés, de l'utilisation des revenus, etc. », précise encore Papa Daouda Diene.

    Le coût estimé de la Phase 1 du projet gazier était estimé à 3,6 milliards de dollars. Mais les retards de mise en service vont entraîner de fait des surcoûts. « Quand on connait un retard, il y a forcément de nouveaux investissements et le coût va augmenter, pointe Babacar Gaye, économiste spécialisé dans les questions pétro-gazières et consultant au cabinet DG Link. Il y a des surcoûts, il y a des surfacturations. BP va récupérer l’argent dépensé avant de parler de bénéfices. Du coup quand est-ce qu’on va amortir ? »

    Les montages financiers de ce genre de projets sont complexes et évoluent au fil du temps et des phases d’exploitation. Le ministre du Pétrole et des Énergies sénégalais, Antoine Félix Diome a rappelé certaines modalités à l’occasion d’une conférence de presse conjointe avec son homologue mauritanien à Nouakchott en janvier dernier. « Au début, nous ne mettons pas d'argent. C'est-à-dire que l'opérateur arrive, il y a une décision finale d'investissement qui est arrêtée après le plan de développement de l'unité qui annonce le coût, détaille le ministre. Après avoir engagé toutes les dépenses, c'est à partir de ce moment, quand [l’opérateur] récupère les dépenses qu'ils ont mises, qu'on se partage le "profit oil". »

    Renégocier les contrats ?

    Le « cost oil » est donc le coût pétrolier, « qui d'ailleurs doit être arrêté à un certain montant. Il ne peut pas aller indéfiniment. D'où l'intérêt de bien surveiller le cost oil », précise-t-il encore. Face à ces retards importants, les autorités ont indiqué lancer un grand audit pour notamment évaluer ces surcoûts. Un exercice de transparence également vivement attendu par la société civile. « Je pense que ce sera le plus grand dossier pour le prochain gouvernement, estime le spécialiste Babacar Gaye. C'est pourquoi aujourd'hui, vous pouvez constater que dans l'arène politique, à ce moment de la campagne, certains candidats ont promis aux Sénégalais de renégocier les contrats, parce que ce à quoi nous sommes en train d'assister n'augure rien de bon pour l'avenir de l'exploitation du gaz au Sénégal. »

    Les difficultés à voir mis en service durant la première phase inquiète. Les phases 2 et 3 de Grand Tortue – censées être plus tournées vers le marché local et plus rémunératrice pour les États – sont prévues. Mais les surcoûts, les reports, mais également la politique générale de BP — notamment ses engagements à réduire ses investissements dans les hydrocarbures — crée de l'incertitude autour de l'avenir du projet.

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  • Crise du Covid, changement climatique, conflits... Le continent africain est touché par de multiples facteurs qui impactent sa sécurité alimentaire. La question du stockage des céréales et autres denrées alimentaires est donc centrale, mais encore très imparfaite. Pourtant, le développement d’entrepôts et d’infrastructures de stockage adaptés peut avoir par ricochet — en plus d’assurer la bonne conservation des produits – des impacts importants sur les économies.

    Avec son plan de développement de lieux de stockage, la Côte d’Ivoire a fait les comptes, explique Justin N’Goran Koffi, le directeur général de l’Autorité de Régulation des Récépissés d'Entreposage.

    « Ca va développer un tissu industriel local. Vous prenez l'exemple, d’un entrepôt de 1000 m² c'est 150 emplois directs, c'est 450 emplois indirects. C'est un véritable parc industriel. Ne serait-ce qu'un seul entrepôt, ça change la vie des populations », soutient le DG.

    Dans ce domaine, le Sénégal est également sur les rangs. Développer l’activité dans le centre économique, mais également en régions. « Le Sénégal a érigé le marché de Diamniadio pour centraliser tout ce qui est stockage. Ce qui gangrenait jusque-là la productivité du Sénégal, c'est la période post-récolte, analyse Djibril Diop inspecteur à la Compagnie nationale d’assurance agricole du Sénégal et témoigne de la politique en cours. Donc Diamniadio est le centre, mais au niveau des agro-pôles qui sont en train d’être érigées, on est en train d’ériger des infrastructures au niveau des départements, au niveau des régions pour un quadrillage national. Et ça permettra aux actifs du secteur primaire de prendre leur vraie place dans le développement économique. »

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    Suivi des travailleurs indépendants

    Un développement d’autant plus important dans des pays qui manquent encore d’infrastructures, souligne Mireille Mogena qui fait du conseil au Tchad. « C’est une zone sahélienne, on produit beaucoup, malheureusement, on n'a pas de lieu de stockage, on a une vraie problématique là-dessus, constate-t-elle. Il faut pouvoir trouver des lieux pour justement les installer au plus près de la population. Parce que malheureusement les infrastructures ne nous permettent pas de faire des grandes distances. » L’objectif essentiel pour elle, dynamiser ce secteur agricole qui peine à se développer à l'export, mais surtout localement.

    En Côte d’Ivoire, le développement des entrepôts s’accompagne d’un système de récépissés et donc de traçabilité qui peut avoir des impacts importants et parfois inattendus. « Aujourd'hui, nous avons développé la couverture maladie universelle en Côte d'Ivoire par exemple. Le paysan qui n'a pas de salaire à partir d'un récépissé d'entrepôt, il peut être traçable, met en avant Justin N’Goran Koffi. Vous avez la Caisse nationale de prévoyance sociale qui a lancé la retraite des travailleurs indépendants. Mais comment on fait pour prélever tout ça ? Dans l'organisation, l'écosystème que l’on va mettre en place autour du système d'entreposage, ça permettra aux paysans d'avoir accès à des financements. Ils sont visibles. » Les systèmes de stockages locaux et de récépissés peuvent également encourager la transformation dans de petites unités locales grâce à la disponibilité des matières et des facilités de crédits.

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  • Crise du Covid-19, changement climatique, conflits… Le continent africain est touché par de multiples problématiques qui impactent sa sécurité alimentaire. Dans ce contexte, les questions de qualité de semences ou d’engrais sont souvent évoquées. Celle du stockage plus rarement, alors qu’elle est hautement stratégique.

    Des productions agricoles mal stockées sont sujettes à de nombreux risques. Djibril Diop est inspecteur à la Compagnie nationale d’assurance agricole du Sénégal. Il est un témoin des dégâts récurrents. « Vous pouvez produire, mettre ça en stockage et un aléa arrive », illustre-t-il. « Les rongeurs peuvent arriver si c'est mal entreposé et déprécier la marchandise. Du coup, la valeur marchande diminue. »

    Et d'ajouter : « Il est donc dans l'intérêt du producteur qui a trimé pendant des jours, des mois ou bien des années, au terme de sa production et dans l'attente des dividendes de son action, de bien couvrir cela pour que les résultats ne soient pas biaisés, afin que quand le sinistre arrive, cet événement aléatoire que personne ne maîtrise, qu’il soit indemnisé. »

    Ces problèmes de stockage se ressentent dans le quotidien des populations, souligne Mireille Mogena, à la tête d’un cabinet de conseil qui travaille notamment sur les thématiques agricoles au Tchad. « Pendant les périodes de soudure, on voit que les prix flambent et on se demande pourquoi les prix flambent », souligne-t-elle. « Parfois, on a l'impression que les producteurs ont stocké pour faire de la surenchère. Mais parfois non. Justement, ils n'ont pas forcément stocké, mais ils ont cette problématique de pouvoir trouver des lieux de stockage. Donc, c'est un peu une double peine. »

    En Côte d'Ivoire, un programme de prélèvement et de construction

    Des problèmes de stockage qui ont clairement été identifiés et estimés par les autorités ivoiriennes. Entre 30 et 60% des récoltes sont ainsi perdues faute de bons lieux de stockages chaque année, pour un coût évalué à 40 milliards de francs CFA. « Ne serait-ce que pour la moitié des 23 spéculations que nous avons, afin de stocker la moitié, nous avons besoin d'un peu plus de 2 000 entrepôts. Ça fait un investissement d'environ 5 milliards d'euros dans toutes les zones de production », détaille Koffi Ngoran, le directeur général de l’Autorité de régulation des récépissés d'entreposage.

    « Ce n’est pas reluisant par exemple d’entendre dire que la meilleure qualité de l’anacarde vient du Bénin. Alors qu'eux, ils produisent à peine 150 000 tonnes et nous sommes à plus d'un 1,3 million de tonnes. Et donc évidemment, s'il y a un stockage intelligent, avec un traitement manutentionnaire adéquat, s'il est possible de faire la surveillance 24 heures sur 24 avec un système électronique qui a des capteurs sur l'humidité, sur l'intrusion et sur la contamination des produits, ça permet de faire un bond », explique encore détaille Koffi Ngoran.

    Face à cette problématique, et dans l’objectif d’avoir moins de pertes et d’assurer la qualité des produits agricoles, les Ivoiriens ont engagé une politique de prélèvements pour permettre le développement de ces structures de stockage. Un projet de construction de 108 entrepôts est en cours.

  • Pour nourrir leurs familles et assumer certains de leurs besoins, des dizaines d'enfants abandonnent le chemin de l'école et se lancent chaque année dans les activités minières à Mbaïki, une ville située à 105 km de Bangui, au sud-ouest de la Centrafrique. Poussés par la pauvreté pour certains ou le suivisme pour d'autres, ces enfants en quête d'indépendance économique sont aujourd'hui exposés à différents dangers.

    Avec notre envoyé spécial à Ndolobo,

    Cet après-midi, le véhicule roule à 20 km/h sur les pistes sablonneuses de la Lobaye. Avec précaution, le chauffeur s’arrête par moments, cherche le bon chemin puis arrive enfin sur le chantier minier de Ndolobo, qui se trouve à 18 km au nord de Mbaïki. C’est une grande carrière à ciel ouvert, non loin d’un cours d’eau, tenue par un groupe de collecteurs natifs de Mbaïki.

    Juste à l’entrée, un groupe d’enfants assis sur des blocs de pierres se partagent du vin de palme. « J’ai abandonné l’école cette année pour venir chercher le diamant et l’or, explique Nestor, un jeune de 14 ans. Mes parents sont pauvres. Je me bats pour soutenir ma famille et financer mes études l’année prochaine. »

    Sous ce soleil ardent, les uns portent de lourds paniers remplis de graviers jusqu’au cours d’eau, d’autres les lavent, les tamisent afin de trier les pierres précieuses. C’est un travail artisanal et pénible selon Samuel, lui aussi âgé de 14 ans : « Il faut creuser plusieurs mètres pour avoir le diamant et l’or. Les adultes ne nous distinguent pas. Nous devons aussi creuser et casser les grosses pierres avec des masses. Chaque jour, on se réveille à 3 heures du matin pour parcourir 18 km à pied. »

    Si certains se partagent entre l’école et le chantier, Olivier, 15 ans, a définitivement tourné le dos aux études. « Parfois, je gagne entre 50 et 60 000 francs CFA en deux jours. Parfois, en un seul jour, je gagne entre 40 et 50 000 francs CFA. Il m’arrive aussi souvent de rentrer bredouille. »

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    Droits des enfants

    En 2020, Gabriel a perdu son fils dans un chantier minier. Chez lui, le deuil n’est pas fini. « C’est un travail pénible pour les enfants, concède ce père rongé de remords. Je m’en voudrais éternellement d’avoir entraîné mon enfant qui n’avait pas encore 10 ans dans ce travail. Il est mort parce qu’un bloc de terre s’est effondré sur lui. »

    En Centrafrique, le manque d’opportunités économiques pousse des milliers d’enfants à se lancer dans des activités parfois dangereuses. « L’un des principaux facteurs poussant les enfants vers le travail minier est lié au manque d’opportunités économiques. À cela s’ajoute la pauvreté endémique que certaines familles traversent dans des régions où l’économie est largement informelle et basée sur l’extraction minière, analyse Remy Djamouss, coordonnateur du Centre pour la promotion des droits de l’enfant (CPDE). Généralement, les familles dépendent du travail des enfants pour survivre. »

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    Et d'ajouter : « Les conventions internationales sur les droits des enfants et même le code de protection des enfants en Centrafrique, interdisent le travail des enfants, surtout lorsque ce travail est dangereux et lorsque cela met à mal l’éducation des enfants. »

    Même s’il n’y a pas de données exactes sur le nombre d’enfants qui pratiquent des activités minières, dans la Lobaye, une vingtaine de chantiers miniers attireraient chaque année selon les sources une centaine d’enfants âgés de 10 et 15 ans.

  • Du très renommé Ngugi wa Thiong’o, à des auteurs plus contemporains comme Yvonne Adhiambo Owuor, la littérature kényane bourgeonne. Les lecteurs sont de plus en plus avides de récits locaux. Mais se faire publier reste un défi pour de nombreux écrivains, surtout à leurs débuts. Il faut parfois se tourner vers l’étranger ou publier à compte d’auteur.

    De notre correspondante à Nairobi,

    Les rayons de Soma Nami à Nairobi sont remplis d’auteurs du continent. La librairie indépendante se revendique panafricaine. Elle vient aussi de lancer sa propre maison d’édition. Wendy Njoroge, une des cofondatrices, explique : « Il y a des lacunes au Kenya en termes de publications d’œuvres de fiction ou de littérature non fictionnelle. Peu de maisons d’édition s’y risquent. Notre objectif, c’est de pouvoir faire découvrir des récits est-africains au reste du monde. Beaucoup de films sont tirés de livres. L’idée serait même que le livre soit une première étape pour nourrir un paysage plus large avec des histoires est-africaines. »

    Kiarie Kamau est bien conscient de ces lacunes, malgré des demandes du public pour de la littérature kényane. Il est PDG d’une maison d’édition et président de l’Association des éditeurs au Kenya. « Le secteur de l’édition est très dynamique au Kenya, mais principalement dans un domaine : celui des manuels scolaires, explique le professionnel de l’édition. Je dirais qu’ils représentent entre 85 à 90% des livres publiés. Et ce parce qu’ils assurent des revenus presque immédiats, surtout si l’on répond à un appel d’offres du gouvernement qui sont généralement payés dans les six à huit mois. Pour la fiction, la rentabilité est plus longue, ça demande aux maisons d’édition d’avoir plus de capital. »

    Publication à compte d'auteur

    Face à ces difficultés, Joan Thatiah a décidé d’auto-éditer ses œuvres. Elle le reconnaît, l’investissement est risqué. L’écrivaine dit avoir dépensé un peu plus de 1 500 euros pour obtenir 1 000 copies de son premier livre. « J’ai dû chercher un rédacteur, un designer pour le livre, puis il y a tout l’aspect juridique, les copyrights, et enfin l’impression qui coûte très cher, détaille-t-elle. Et à la fin, on ne sait pas si les livres vont se vendre. J’y ai mis toutes mes économies, c’était un vrai pari ! »

    Aujourd’hui, Joan ne regrette pas sa décision, car elle réussit désormais à vivre de son métier d’écrivaine. « C’est beaucoup de travail, mais pour moi, la publication à compte d’auteur est plus rentable que si j’étais passée par une maison d’édition », assure-t-elle. Sur ses neufs livres, seul un a été publié par une maison d’édition, au Nigeria. « Je tire comme profit environ 50% des revenus des livres vendus, contre 10% que me promettait une maison d’édition kényane », précise encore Joan Thatiah.

    Forte de cette expérience, l’écrivaine aide aujourd’hui les plumes kényanes débutantes à naviguer dans le milieu de l’autoédition et ainsi encourager l’essor de la littérature kényane.

  • Le riz est présent dans toutes les assiettes sénégalaises mais pour la grande majorité il s’agit de riz importé d’Asie. Cette céréale est pourtant cultivée localement, avec la pluie dans le centre et le sud du pays, et par irrigation fluviale dans le nord. Un programme d’autosuffisance en riz a même été lancé en 2014, des efforts sont faits pour mécaniser la production, mais de nombreux défis persistent.

    Avec notre envoyée spéciale à Richard Toll, Juliette Dubois

    À Richard Toll dans le Fouta, la période des semences a commencé. Des saisonniers jettent des poignées de semis dans l’eau. Mouhamed Diop loue 100 hectares de terres, mais il se bat chaque année contre les oiseaux qui viennent picorer ses cultures.

    « Aux champs, nous les cultivateurs, on fait bien notre travail, se défend-il. Ce sont les oiseaux qui nous fatiguent trop et font baisser la rentabilité. Par exemple, si je devais avoir 100 sacs et que les oiseaux en mangent 30, il y aurait moins de production. »

    Des machines peu adaptées

    Il faudrait donc récolter rapidement pour échapper aux oiseaux, mais le manque de machines handicape les producteurs comme l’explique Mouhamed Diop : « Je n’arrive pas à avoir ce que je devrais récolter à cause des oiseaux, mais aussi du manque de matériel agricole. Là où la récolte devrait se faire en une semaine, si tu n’as pas de matériel, ça peut prendre jusqu’à un mois. »

    Certains cultivateurs ont pu acheter des moissonneuses batteuses grâce à des subventions de l’État. C’est le cas d’Ousseynou Ndiaye. Sa machine récolte quatre hectares par jour, un énorme gain de temps. Mais selon lui, le changement climatique la rend déjà obsolète : « Avec les pluies précoces, on a des difficultés pour que cette machine qui est équipée de pneumatiques parfois n’est pas en mesure d’assurer la récolte parce que les périmètres sont humides et inondés. Là, il nous faut des machines à chenilles. »

    En plus des inondations, les germinations se font trop tôt, et les sols sont de plus en plus salinisés. Ousseynou Ndiaye estime les pertes l’an dernier dans la région à près de 200 000 ha et 100 milliards de FCFA.

    Nécessaire adaptation

    Autre conséquence : les producteurs prennent du retard dans l’exécution des travaux et l’objectif de deux récoltes par an n’est pas atteint. Pour Ousseynou Ndiaye, qui est aussi président du comité interprofessionnel de la filière riz, des mesures doivent être prises pour mieux gérer ces effets du changement climatique. « Il faudrait aussi assurer la qualité des semences avec un bon crédit adapté aux semences. Il faut aussi veiller à l’assurance agricole qui doit être généralisée. Il faudrait mettre en place un fond de calamité », détaille-t-il.

    Un comité scientifique a été mis en place avec la SAED, la Société d'Aménagement et d'Exploitation du Delta du Fleuve Sénégal. Aboubacry Sow en est le directeur : « les conseils que l’on donne, c'est d’essayer de voir comment mettre en place les semis le plus tôt possible pour permettre donc peut-être la récolte au mois de juin au plus tard au mois de juillet avant que la saison des pluies ne s’installe. »

    À terme, l’objectif est d’arriver à généraliser la double culture et d’enfin s’approcher de l’autosuffisance en riz. Le Sénégal importe encore un million de tonnes de riz par an.

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  • En Centrafrique, la ville de Mbaïki est réputée pour ses pépinières. Située dans la forêt équatoriale, la localité compte plusieurs millions d’hectares de forêt avec une centaine de groupements spécialisés dans la production des jeunes végétaux. En plus d’entretenir les arbrisseaux, leurs habitants sont aussi en quête de marchés pour assoir leur indépendance économique.

    Avec notre envoyé spécial à Mbaïki,

    Casquette noire, t-shirt vert et arrosoir en main, Augustin Baguénde montre d’un geste passionné des centaines de jeunes plants alignés en plusieurs colonnes dans de petits sachets noirs en plastique. « Cette pépinière de 20 hectares, fondée en 2019, produit chaque année 50 variétés de 500 jeunes plants. Âgé de 55 ans, Augustin nous ouvre les portes de son entreprise », lance-t-il fièrement. « Ici, nous développons nous-mêmes les graines dans des sachets et nous les arrosons tous les jours. Nous avons des cacaoyers, des orangers, des pommes rouges, des goyaviers, des avocatiers, des manguiers, les fruits de la passion... et presque l'ensemble des agrumes », ajoute-t-il.

    Produire des plans, un travail technique

    Les prix varient entre 250 et 2 500 FCFA. Avec son équipe de 15 personnes, Augustin travaille essentiellement avec des moyens artisanaux. Pour avoir de meilleurs rendements, ces jardiniers bénéficient parfois des formations délivrées par Fidèle Baya, responsable forestier à l'Institut supérieur de développement rural (ISDR) de Mbaïki.

    « Le processus commence toujours par le choix d'un site approprié, explique celui-ci. Une fois le site de la pépinière choisi, il faut commencer par le nettoyage et le défrichage complet. Ça se passe généralement entre les mois de novembre et décembre. Préalablement, il faut mettre les graines dans des sachets avant d'ajouter le terreau, c'est-à-dire de la terre arable, mélangée avec la terre noire. On installe les plants en colonnes et on les arrose régulièrement pour avoir un bon rendement. »

    Mathieu est l'un des fils d'Augustin. Passionné par ce travail, il s’émerveille dès qu’il en parle. Après cinq ans d'activités, il connait mieux le profil de ses potentiels clients : « Nous vendons nos arbrisseaux aux agriculteurs, aux fermiers et aux agents des eaux et forêts. Les principaux acheteurs viennent de la capitale ou des principales villes et villages de notre préfecture. Chaque employé à un salaire mensuel qui permet de couvrir ses besoins et ceux de sa famille. »

    Agroforesterie et protection de l'environnement

    Aujourd'hui, une centaine de micro-entreprises de pépinières travaillent dans cette zone forestière qui couvre une superficie de 37 500 km². Leur existence est cruciale pour la protection de l'environnement selon Didier, agent des eaux et forêts : « Avant, pour mettre en place une plantation, il fallait tout détruire. c'est-à-dire enlever tous les arbres pour cultiver le champ. Mais maintenant, on demande à la population de pratiquer l’agroforesterie, explique Didier. Nous amenons la population à comprendre que la forêt que nous voyons aujourd'hui peut disparaître demain. En faisons cela, nous luttons contre la dégradation des terres et l'avancée du désert. La forêt se dégrade à un rythme accéléré. C'est pourquoi il faut encourager maintenant la population à pratiquer le reboisement. »

    Aujourd'hui, ces groupements cherchent à s’équiper en véhicules, pour étendre leurs activités dans toute la République centrafricaine et dans la sous-région.

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  • Il s’appelle wangash, wagashi ou wagasi. Il s’agit du célèbre fromage fabriqué par les femmes peules au Bénin, mais aussi au Togo. Un mets prisé dans l’Afrique de l’Ouest, mais dont la production reste peu structurée. De nombreux acteurs ont compris le potentiel de ce produit unique et font bouger les choses.

    Dans une arrière-cour familiale, en banlieue de Lomé, les femmes préparent le wagasi dans de grosses marmites en métal. Rafiatou a chargé sur sa tête un grand fût en plastique, dans lequel des fromages ronds et blancs sont empilés – elle passera la journée à vendre ses produits dans la capitale du Togo. « C’est un peu difficile, ça prend du temps », explique Rafiatou.

    Chaque matin, un cousin part à moto et parcours plusieurs kilomètres pour aller chercher le lait frais qui sera ensuite cuisiné par les femmes. Elles fabriquent du fromage wagasi, mais aussi des yaourts ou des boissons à base de lait. « Il part des fois à 5h, des fois à 6h, décrit ce cousin. Il s’en va chez les Peuls, il collecte le lait et il le ramène avec les bidons comme ça. C’est des dépenses ! »

    Sédentariser l'activité

    Alaji Abdoulaye est à la tête d’une association culturelle peule. Cet éleveur originaire du nord du Togo voit bien les limites de l’élevage nomade : « Il n’y a plus de forêt pour nourrir les bœufs. Tu es toujours sur le terrain de quelqu’un. Il y a des moments, tu peux produire beaucoup de lait. Il y a des moments, il n’y a pas de lait. Et si tu dois te déplacer pour chercher le wagasi, ça risque de se gâter. Nous, on est en train de chercher comment on peut faire pour garder nos bœufs sur place, pour produire du lait et faire le wagasi au même endroit. »

    Alaji Abdoulaye n’est pas le seul à avoir compris le potentiel économique du wagashi. Installée en France depuis dix ans, Ornella Anani produit son propre fromage peul, en région parisienne. « C’est un fromage qui se substitue parfaitement à la viande et au poisson et qui est très nutritif et bon pour la santé », plaide-t-elle.

    Une certification pour le fromage peul

    Mais pour soutenir le développement de la filière en Afrique, il faut commencer par protéger un savoir-faire unique. Des travaux ont été lancés en avril 2023 pour tenter de développer une indication géographique Wagashi Gassirè. « L’indication géographique, c'est d’abord un instrument de propriété intellectuelle. C’est-à-dire qu’on va essayer de réserver l’usage du nom d’un produit à ceux qui produisent et qui sont dans la zone. Et donc on va protéger ce nom et protéger les producteurs qui produisent spécifiquement dans la région. Dans de nombreux cas, ça devient un instrument de développement de filières agricoles », explique Claire Cerdan, chercheuse au sein du Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (CIRAD).

    Le Wagashi Gassiré visé par cette certification est produit spécifiquement au nord et au centre du Bénin et sa fabrication implique d’utiliser des feuilles de pommier de Sodome pour accélérer la coagulation du lait. « Le produit sous indication géographique va fortement ressembler au produit que l’on croise aujourd’hui sur les marchés, poursuit-elle. On essaie de regarder comment on va conserver et emballer ce produit. Il sera dans des boutiques et pas seulement sur les marchés au bord des routes, et donc l’idée, c'est vraiment d’avoir une plus-value et des retombées économiques. »

    Ce projet doit également permettre d’améliorer l’insertion professionnelle des femmes et garantir de meilleurs revenus aux productrices.

    À écouter aussiFromages sauvages

  • L’Entreprise générale du cobalt (EGC) qui aura le monopole et le contrôle du cobalt issu de l’exploitation artisanale en RDC devrait être enfin opérationnelle. La Gécamines, actionnaire majoritaire à 95%, a annoncé en février doter cette société d’État de cinq carrés miniers destinés à l’exploitation minière artisanale. La création d’EGC devrait lui permettre d’assurer une chaîne d’approvisionnement de qualité sans violation des normes environnementales et des droits humains.

    Avec notre correspondante à Lubumbashi, Denise Maheho

    La nouvelle a été très bien accueillie par les milliers de mineurs artisanaux de la région du Katanga, car la plupart exploitent du cobalt illégalement sur des sites industriels. Mais Papy Nsenga, un exploitant artisanal de Kolwezi, est inquiet que l’ensemble des coopératives n’aient pas accès à ces carrés miniers. « Aujourd’hui, nous comptons plus de 200 000 exploitants artisanaux à Kolwezi. La ville enregistre plus d’une centaine des coopératives minières qui n’ont pas de sites propres, combien d’entre elles vont accéder à ces cinq carrés miniers ? », questionne-t-il.

    Une inquiétude partagée par Shadrack Mukad, membre de la plateforme Comprendre et Agir dans le secteur minier, CASMIA. Le secteur minier artisanal est envahi par des acteurs politiques qui se cachent derrière des coopératives minières, estime-t-il. Quid de celles qui n’ont pas de soutien ? « Ceux qui ont été marginalisés, ces coopératives minières qui n’ont pas de parapluie politique devraient être privilégiées pour exploiter ces cinq carrés miniers que la Gécamines a accordés à l’EGC », estime Shadrack Mukad.

    Traçabilité et meilleure rémunération

    Pour sa part, l’Entreprise générale du Cobalt veut d’abord assainir la chaîne d’approvisionnement de ce minerai stratégique pour la transition énergétique. « D’abord, nous pourrons contrôler l’accès aux mines artisanales, ce qui veut dire plus de présence d’enfants et de personnes vulnérables, détaille Eric Kalala le directeur général d’EGC. Nous pourrons distribuer des équipements de protection individuelle aux mineurs. Nous pourrons lancer un programme de traçabilité et nous assurer d’une meilleure rémunération des artisanaux. »

    Le directeur général assure qu’ils seront très stricts quant à l’attribution de ces carrés miniers. « Ceux qui se verront donner accès aux mines dont nous avons le contrôle, respecterons ces normes éthiques qui sont très exigeantes. Il en va de la sécurité des mineurs aussi de leur santé et aussi plus largement de l’exclusivité de la croissance issue de nos mines », assure-t-il.

    Assainir l'ensemble du secteur

    De son côté, la coalition Ne touche pas à mon Cobalt, une autre structure de la société civile, veut voir l’État congolais, qui détient 5% des parts dans EGC, apporter aussi son appui dans le cas de la mine de Kasulo qui est actuellement gérée par une entreprise chinoise.

    Franck Fwamba est le coordonateur de l’organisation : « Nous demandons maintenant à l’État Congolais qui est coactionnaire dans EGC de céder la seule et unique zone artisanale de Kasulo qui est aussi une partie d’un permis de la Gécamines qui avait été prise pour créer une zone artisanale, afin d’assainir la chaine d’approvisionnement. »

    En 2020, EGC avait déjà signé, avec le groupe Suisse Trafigura, un accord de commercialisation du cobalt artisanal de la RDC. En plus de sa production industrielle issue de la mine de Mustoshi à Kolwezi, Trafigura entend exporter entre 5 000 et 10 000 tonnes de cobalt provenant des mines artisanales.

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  • En Tunisie, les courses du ramadan se feront dans l’austérité, pour faire face à une inflation générale proche de 8%, alors que la hausse des prix des denrées alimentaires atteint les 12%. Dans de nombreux pays, la banane est un produit de saison plutôt bon marché. Mais en Tunisie, il s'agit d'un luxe difficilement accessible. Les commerçants en vendent d’ailleurs de moins en moins et doivent souvent s’en procurer au marché noir, faute d'importations.

    De notre correspondante à Tunis,

    L'an dernier, le prix de la banane avait fait l'objet de vives polémiques, poussant l'État tunisien à le fixer à 5 dinars le kilo, soit 1,50 euro. Mais cette année, le fruit est de nouveau inaccessible pour les petites bourses. Sur l’étal de Wissem Krouma, 29 ans, dans le quartier populaire de Bhar Lazreg, les bananes suspendues au-dessus des légumes n’attirent plus la clientèle. Wissem doit les vendre à 10 dinars le kilo, soit 3 euros, pour rentrer dans ses frais.

    « Le carton de bananes me coûte environ 220 dinars les 18 kilos, donc je ne fais même pas de marge, je vends les bananes au prix où je les achète au marché de gros, lâche-t-il, dépité. Parce que ça me permet d’avoir une offre variée dans mon étal même si pas grand monde les achète. Les clients achètent au mieux une à deux bananes maximum. »

    Des bananes au prix de la viande

    Sous le régime de Ben Ali, l’importation de la banane était taxée à 36%, mais les proches du président avaient le droit de contourner cette taxe et négociaient directement avec les producteurs de banane en Équateur et en Côte d'Ivoire.

    À l'époque, ces bananes de contrebande abondaient à des prix très accessibles sur le marché tunisien. Wissem s'en souvient bien. « À l’époque, j’étais au collège, mais je tenais déjà un stand de fruits. Pendant le ramadan, j’achetais le carton de bananes à 12 dinars le kilo, le max, c'était 23 dinars. Donc dix fois moins cher que maintenant ! », s'exclame-t-il.

    Chez Marwen, un autre commerçant, un client vient d’acheter un peu plus d’un kilo. Il se moque de son prix trop élevé. « Ça m’a coûté plus de 15 dinars, à ce prix-là, ce ne sont pas des bananes, c’est de la viande de mouton que j’achète ! C’est très cher. Apparemment, Kaïs Saïed n’est pas encore venu contrôler tout ça », grince-t-il.

    « On ne peut pas gérer l’inflation par décret »

    Une blague en référence à l’année passée où le prix de la banane avait suscité de telles polémiques que le président Kaïs Saïed avait ordonné au ministère du Commerce de geler son prix. Une initiative qui avait rencontré un certain succès populaire, mais qui n’a pas duré, comme l’explique Louai Chebbi, cofondateur de l’association Alert : « On ne peut pas gérer l’inflation par décret, lance-t-il. Le gouvernement et les autorités publiques essaient de légitimer leur position politique en ayant des résultats économiques et donc la limite de cette vision, c’est de dire : "Il faut combattre la cherté des prix par décret." En limitant le prix de la banane à 5 dinars, on fait complètement disparaître l’offre. Ce qu’on fait, c'est qu’on va stresser l’offre parce qu’on ne va pas permettre aux agriculteurs, aux commerçants, aux petits détaillants, d'y trouver leur compte. »

    Dans le sud tunisien, Jamel Sayaari confie aller chercher les bananes directement en Libye pour sa consommation personnelle. « Je passe la frontière parce que le kilo est à 2-3 dinars et à Ben Guerdane, ils le revendent entre 5 et 7 dinars. Mais ça reste beaucoup moins cher que les prix pratiqués dans la capitale ! »

    L’office du commerce tunisien a annoncé vouloir importer 2 000 tonnes de bananes d’Égypte pour le mois de Ramadan, et fixer son prix de vente à 5 dinars comme l’année passée. Mais pour le moment, celles-ci ne sont pas encore arrivées sur les étals.

  • Les nouvelles normes européennes RDUE, concernant l’importation de certains produits d’Afrique comme le cacao ou le café, s’appliqueront dès le 1er janvier prochain. Objectif : lutter contre la déforestation et améliorer les conditions de productions (meilleure rémunération des producteurs, lutte contre le travail des enfants, etc.). En Côte d’Ivoire, pour répondre à ces exigences, la filière hévéa se met en ordre de bataille.

    La traçabilité est l’un des grands enjeux de cette réforme. Et pour cela, la géolocalisation des plantations est en cours afin de s’assurer qu’elles n’empiètent pas sur des forêts ou des zones protégées. « Ça consiste à prendre par exemple le GPS et à tourner autour de la plantation pour avoir exactement ces mesures, explique Isabelle Billon, chargée de projet à la Société africaine de plantations d'hévéas. Cette plantation apparaît ensuite sur un logiciel sous forme de polygone. » Un travail de longue haleine et coûteux. Cependant, aujourd’hui, « tous nos planteurs ont été géolocalisés ». Une fois ce travail réalisé dans l’ensemble des plantations, l’enjeu sera de créer une base de données communes et harmonisée sur l’ensemble du territoire.

    Autres souci pour la traçabilité : s’assurer que du caoutchouc qui n’est pas durable ne soit mélangé avec du caoutchouc qui respecte les normes. Un risque lorsque les intermédiaires se multiplient, concède l’association des professionnels du caoutchouc. Dans ce domaine, la Société africaine de plantations d'hévéas explique avoir fait le choix d’acheter directement au planteur. « Grâce à l'achat direct au planteur, ça nous permet de savoir exactement qui nous livre », assure Isabelle Billon. L’autre stratégie pour l’entreprise est de déterminer un potentiel de livraison par plantation. « On sait par exemple qu’un planteur qui a quatre hectares va nous fournir 4 000 tonnes à l’hectare, précise la chargée de mission. Et si jamais un planteur dépasse ce potentiel de production, c'est une alerte pour nous et on va du coup faire un contrôle pour voir s’il n’y a pas eu fraude à son niveau. »

    Des normes sources d'opportunités

    Et quand il y a doute, la production partira vers des destinations moins regardantes, précise l’association des professionnels du caoutchouc. Car le marché européen ne représente aujourd’hui que 20% des exportations ivoiriennes. Mais si ces nouvelles normes sont contraignantes, l’association veut y voir une opportunité.

    « Compte tenu du fait que le géo-référencement, donc assorti de la traçabilité, sera pratiquement impossible pour certains gros producteurs de caoutchouc naturel, évidemment ça va offrir à la Côte d'Ivoire une opportunité d'élargissement de sa part de marché en Europe, défend son vice-président Lamine Sanogo. Le deuxième aspect, c'est que le marché européen est plus rémunérateur. Et avec tous les efforts qui sont faits, évidemment, ce caoutchouc aura une certaine valorisation, donc on peut s'attendre à une prime qui vienne nous aider à couvrir tous les efforts qui sont faits. »

    Lorsque ces nouvelles normes seront appliquées, une prime à la qualité devrait être débloquée, dont les planteurs espèrent bénéficier. L’association des professionnels du caoutchouc assure par ailleurs qu’une partie de sa production correspond déjà aux nouvelles normes européennes.

  • Parmi les filières passées à la loupe à l’occasion du Salon de l’agriculture qui s'est tenu la semaine dernière à Paris, celle du mouton. Si la production de viande ovine est en hausse dans le monde, cette tendance recouvre différentes réalités. En baisse en Europe et en Océanie, elle est en plein développement en Afrique : +19% pour le continent.

    En Côte d’Ivoire, il est parfois difficile de trouver du mouton sur les étals. « On n’arrive pas à couvrir nos besoins en termes de protéines animales en matière de moutons d'ovin, constate le Dr Christian Alla, vétérinaire et coordinateur de projet au ministère des Ressources animales et halieutiques. Donc le ministère a instauré plusieurs projets structurants dans l'optique d'améliorer cette couverture en besoin de viande ovine. »

    Aujourd’hui, pour couvrir ses besoins, la Côte d’Ivoire importe des moutons du Burkina Faso ou du Mali. « Le premier défi, c'est celui de l’amélioration génétique, poursuit le Dr Christian Alla. Nous avons des races animales qui ne sont pas suffisamment performantes. C'est-à-dire que la production carcasse n'est pas suffisante, il n'y a pas assez de viande. En Côte d'Ivoire, on a les races qu'on appelle les races Djallonké, qui sont adaptées à notre climat. Nous souhaitons donc faire venir des races performantes que nous allons croiser avec nos races locales de sorte à avoir des ovins performants et qui sont résistants au climat que nous avons en Côte d'Ivoire. »

    Développer la filière et créer de la valeur

    Si certains continents produisent essentiellement en vue d’exporter, la production africaine tente pour l’instant de répondre aux ambitions de souveraineté alimentaires et aux besoins locaux. « La croissance est en interne par rapport à un besoin de sécurisation d'une alimentation plus saine, plus locale, et en quantité plus importante », analyse Patrick Soury, président de l’organisation Inn’ovin. Ceci en valorisant les spécificités des territoires qui sont particuliers en Afrique, assure le spécialiste, tout en étant « dans une logique de conservation de la biodiversité, de l'environnement, produire sans détruire, mais plus en autosuffisance locale ». Le potentiel de développement y est important, détaille-t-il encore, notamment du fait de l’évolution des habitudes et des besoins alimentaires.

    Dans cette perspective, des étudiants agronomes togolais en service civique en France viennent chercher des pistes dans la mécanisation, l’amélioration de l’alimentation du bétail, ou encore les soins vétérinaires.

    Cependant, les jeunes du continent – tout comme les Européens – désertent le milieu agricole. D’où le besoin de rendre le secteur plus attractif, estime Florence Afetor, cette agronome togolaise. « Je dirais qu’il faut beaucoup plus se tourner vers la transformation », avance-t-elle. Aujourd’hui, la filière ne présente que peu « de valeur ajoutée », constate-t-elle, « mais quand vous mettez en place une industrie de transformation et que vous commercialisez la viande déjà abattue, ou bien le lait, ou bien le fromage, ou bien des produits dérivés, je crois que nous pouvons aisément vivre de l'élevage. » Selon les spécialistes, la création de chaînes de valeurs sur le continent peut également stimuler l’élevage d’ovins.

  • Souveraineté alimentaire, juste rémunération, ou encore durabilité des agricultures sont des thématiques au cœur des discussions mondiales et africaines. Si l’essentiel des acteurs est d’accord sur la nécessité de transformer les systèmes agricoles, cette transition aura un coût. Le 13 février s’est tenu à Paris, la grande conférence de la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (FARM). À cette occasion, une réflexion était menée sur comment financer cette transformation.

    Sur le terrain, le constat est quasi unanime. « Les grandes structures sont impossibles à toucher, regrette Jacqueline Ngbe, médiatrice qui travaille auprès de nombreuses femmes agricultrices en Côte d’Ivoire. Il faudrait mettre en place des structures pour que ces femmes, pour beaucoup analphabètes, pour beaucoup qui ont laissé les bans, puissent avoir accès à ces structures de financement et qu’elles soient accompagnées. »

    Jacqueline Ngbe prend l'exemple de la coopérative Zoyezlamba, de Teapleu, qu'elle connaît. « Elle est structurée, mais elle n’a pas de compte bancaire, constate-t-elle. Il faut nous rapprocher des banques, il faut mettre des petites structures dans des sous-préfectures très éloignées même si les routes ne sont pas encore très bonnes. Il faut mettre des banques à proximité de ces femmes et les accompagner. »

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    Activité centrale, mais financièrement peu attractive

    Plus de la moitié de la population en Afrique subsaharienne travaille dans le secteur agricole selon le FMI. L’agriculture est source de richesses importantes — elle représente en moyenne 15% du PIB des États. Pourtant, le secteur attire peu d’investissements publics. Une activité considérée comme trop risquée qui rebute également les banques traditionnelles. Pour compenser cela, Matthieu Brun, directeur scientifique de Farm évoque différentes pistes de réflexion.

    « Les banques agricoles ont souvent été transformées ou réduites. Donc, on a besoin de réinvestir là-dessus », introduit-il. Pour lui, un autre moyen de financer cette transformation des agricultures peut aussi passer par l’innovation. « On a un bel exemple aujourd’hui avec l’accélérateur Neisha en Afrique de l’Est, un accélérateur d’entreprise agroécologique », présente Matthieu Brun. Et ensuite, il y a des questions très pratiques, souligne-t-il. « En fait, financer c'est gérer du risque. Avec le risque climatique aujourd'hui, c'est encore plus compliqué de se projeter dans le financement de l'agriculture. Alors, il y a des fonds qui se développent, les fonds à impacts, le Fida etc », poursuit encore le chercheur. Les résultats restent malgré tout encore timides, concède-t-il : « Tout ça doit encore avoir des effets concrets sur le terrain pour vraiment accompagner les agriculteurs. »

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    Penser en écosystème

    Par ailleurs, le partenariat public-privé est actuellement mis en avant. Arise, un groupe agro-industriel très présent en Afrique, estime que la transformation passe par le financement et la création d’un écosystème général. « Notre objectif et notre rôle sont de développer une industrialisation durable, en veillant à ne pas résoudre le seul problème de l'agriculture, mais l'ensemble de l'écosystème en garantissant qu’un maximum de la valeur générée revienne en Afrique, affirme Bhavin Vyas est le responsable des questions environnementales, sociales et de gouvernances du groupe. Notre objectif est donc une approche écosystémique dans laquelle nous investissons dans des routes, nous construisons des magasins, des dépôts. Et nous veillons à assurer l’accroissement de la production de produits agricoles transformés localement. »

    Autres leviers, selon les spécialistes, pour pallier le manque de financements : augmenter l’offre de prêts à taux avantageux, développer des projets de financement mixtes ou encore créer une banque agricole publique de développement.

  • La Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (Farm) a organisé ce mois-ci, une journée consacrée à la transformation des agricultures. Dans un monde touché de plus en plus par le changement climatique, les problèmes environnementaux, le besoin d’aller vers une agriculture plus durable, mais néanmoins productive pour faire face aux défis de la faim se fait de plus en plus pressante.

    Malgré les préconçus, l’agriculture africaine est, elle aussi, touchée par l’usage de nombreux entrants, à la monoculture et donc à la dégradation des sols. Rachel Bezner Kerr est professeure associée à la Cornell University. Elle a beaucoup travaillé au Malawi. Pour elle, la réponse doit être multifactorielle.

    Il faut pouvoir « évoluer vers des paysages plus diversifiés, incluant la culture de nombreuses variétés et la réintégration des animaux dans le système agricole s'ils ont été séparés. Mais cela signifie aussi des procédés tels que davantage d’agroforesterie, donc différentes formes de biodiversité sauvage », détaille la chercheuse. « Cela signifie travailler avec les agriculteurs pour assurer la transition, en faisant de la recherche participative afin que le système agricole développé fonctionne pour les agriculteurs et pour les communautés », poursuit-elle, rappelant qu’à la base de tout est de donner la priorité à des principes écologiques. Donc la « réduction des intrants chimiques » ou encore « travailler à la santé des sols ».

    La question de la rémunération des agriculteurs ne peut également être éludée, souligne Rachel Bezner Kerr. « Il faut aussi tenir compte des principes sociaux et économiques, comme s’assurer que le système est juste et équitable et que les agriculteurs obtiennent un prix juste pour leurs cultures », plaide-t-elle lors de la conférence de Farm.

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    Donner des impulsions politiques

    Mais pour parvenir à cela, le béninois Godfrey Nzamujo estime qu’il faut montrer qu’une agriculture raisonnée et vertueuse est possible. C’est pourquoi il a créé le centre Songhaï. « Il faut déconstruire cette mentalité qui ne veut pas bouger. Songhaï, c’est un laboratoire où les gens voient que c’est possible, explique-t-il. Parce que les discours ça ne marche pas, il faut que les gens voient que c’est plus facile, que c’est moins cher et que ça stabilise l’environnement. Comme ça on n’a plus d’excuses. »

    Un changement de pratiques et de mentalité des agriculteurs que prônent beaucoup. Gifty Narh-Guiella, la directrice du Corade au Burkina Faso est d’accord. Mais tout ne doit pas reposer sur les épaules des petits producteurs, alerte-t-elle.

    « C’est vrai que c’est l’agriculteur qui est au cœur, mais il faut des mesures incitatives. Ils sont confrontés à beaucoup de contraintes et donc s’il y a des mesures incitatives, c'est à l’État de le faire », argumente-t-elle. Gifty Narh-Guiella donne plusieurs exemples qui pourraient faire avancer les choses : « L’État distribue des intrants chimiques à coup de milliards, une partie peut être convertie en intrants organiques par exemple. L’État fait des achats pour les cantines scolaires, si des exigences sont posées pour avoir des produits qui respectent une certaine norme, ça peut aussi inciter les agriculteurs à produire des produits plus durables pour avoir accès à ces marchés. » Il est clair pour elle que les impulsions peuvent venir de l’État et des services publics.

    Les spécialistes estiment que le secteur privé doit également prendre sa part en soutenant les agriculteurs, en favorisant l’achat de produits plus durables pour contribuer à la création de filières plus vertueuses.

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  • Au Congo-Brazzaville, l’agriculture est citée comme « priorité des priorités » en vue de diversifier une économie dépendante du pétrole. Cependant, elle se pratique, depuis toujours, avec des moyens rudimentaires et les rendements sont maigres. Face à ce constat, l’Agence nationale de valorisation des résultats de la recherche et de l’innovation (Anvri) propose des solutions basées sur les nouvelles technologies à travers le projet Agritech.

    Avec notre correspondant à Brazzaville, Loïcia Martial

    À l’arrière de la cité scientifique de Brazzaville, les chercheurs ont érigé un jardin pédagogique. Sur les sillons de six mètres, bien espacés, les plants, des légumes essentiellement, sont arrosés à partir d’une application, pour réduire le travail de l’homme, comme le témoigne cet étudiant. « L’objectif du projet est de mettre en relation l’agriculture, la recherche et l’innovation technologique », explique-t-il.

    Une serre de 693 mètres carrés se dresse sur la parcelle. La culture se concentre sur des espèces légumières. « Nous avons des étudiants qui ont des connaissances théoriques sans base sur la réalité. Ici, c’est comme un centre d’appui didactique où ils vont découvrir les nouvelles technologies. Celles-ci sont arrimées à l’agriculture. Or, on n’avait pas ce cadre, voilà pourquoi nous l’avons créé », explique le Dr Edmond Sylvestre Miabangana, responsable du jardin pédagogique.

    Le projet Agritech a été initié suite à une analyse du secteur agricole congolais. Patrick Obel Okeli est directeur général de l’Anvri. « Nous sommes partis sur un contexte général ; l’agriculture congolaise est encore de type traditionnel. Donc, l’agriculture est encore paysanne, avec des moyens de production peu performants. Aujourd’hui, au Congo, 70% des actifs agricoles ou les producteurs sont représentés par des femmes. Donc, nous assistons à une féminisation de l’agriculture », affirme-t-il.

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    Analyser les sols pour mieux les cultiver

    Face à un tableau peu reluisant et pour améliorer les rendements, l’Anvri propose des pistes. « Il faut utiliser les intrants agricoles, notamment l’engrais, les pesticides et les semences de bonne qualité. L’autre point, c'est la mécanisation ou réduction de la pénibilité. La mécanisation et l’irrigation s’imposent aujourd’hui », pointe Patrick Obel Okeli.

    Mais le projet Agritech veut aller plus loin. Et mettre à contribution les nouvelles technologies dans cette recherche de productivité. L’Anvri a développé une application — qui n’a pas encore été baptisée — et qui permet par exemple d’analyser précisément le comportement des sols.

    Une application que maîtrise Nasser Koumba, étudiant en agro-économie à l’École nationale supérieure d’agronomie et de foresterie (Ensaf). « Avec cette application, on peut facilement connaître le PH des sols, les maladies des plantes, mais aussi l’humidité. C’est une application qui nous permet de savoir si on peut arroser les plantes ou pas », explique-t-il.

    Le Congo dispose de 10 millions de terres arables. À peine 3% sont officiellement exploitées. Mais ses importations de denrées alimentaires sont estimées officiellement à 700 milliards de francs CFA par an.

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  • Un temps délaissé en raison des affres de la guerre militaro-politique de la décennie 2000, les Kroumen – autochtones de la région de San Pedro et propriétaires terriens – souhaitent réinvestir le secteur touristique, porteur et en plein développement. À Roc, près de Grand-Béréby, des projets d'écotourisme ont émergé.

    Près du campement d’Olivier Djiboro, le sable est soigneusement ratissé chaque matin. L'espace aménagé face à l'océan offre un coin de tranquillité apprécié des touristes. C’est en 2016 que les jeunes du village ont commencé à construire les cases en bambou pour accueillir les visiteurs.

    Protection des tortues

    « L'idée est venue quand une ONG a décidé de protéger les tortues, déroule-t-il. Les touristes venaient beaucoup dans le village, pour la visite des bébés tortues. Donc quand ils venaient, ils voulaient dormir sur place. Mais il n'y avait pas de toit, il n'y avait pas de logement. C'est ça qui nous a motivés à créer cet espace. »

    Huit cases ont été construites et équipées sur la plage. Point de salle de bain, mais des toilettes sèches et des seaux d'eau pour se doucher. Une approche écologique défendue par Olivier Djiboro.

    « Tout ce qu'on voit sur le littoral, ce sont des hôtels, explique-t-il. Donc nous, on s'est dit qu'il fallait faire au moins une différence de ce que les autres avaient. Au départ, on n'avait pas trop de moyens. C'est ça qui nous a amenés à créer des cases en bambou, qui permettent aussi de mieux préserver la nature. »

    Équilibre communautaire

    L’idée d’Olivier Djiboro ainsi que le succès grandissant de la destination Grand-Béréby ont donné envie à d’autres villageois de se lancer dans cette activité. Gnépa David déplace d’immenses de feuilles de palmier pour bâtir un espace cuisine. « Ici, on aura un petit bar pour pouvoir les mettre à l'aise, indique-t-il avec fierté. Le coin me plait tellement que vraiment, je me suis donné à fond. Pour que ceux qui vont venir ressentent le même sentiment que j'ai pour la place. »

    Pour respecter l’équilibre communautaire du village, les revenus issus de ces activités sont partagés. Une part des revenus revient au village, pour dédommager aussi les habitants qui n’exercent pas sur la plage. « Il y a un revenu pour le chef de village, qui met cela dans une caisse commune, pour les petites dépenses, on peut piocher là-dedans ! », expliquent les deux hommes.

    Ceux-ci n'ont pas reçu d’aides ou de subventions pour développer leur projet, mais les autorités tentent de promouvoir la région. La candidature du village voisin de Mani-Bereby a été présenté auprès de l’Organisation mondial du tourisme, afin de rejoindre la liste des Plus beaux villages touristique du monde.

  • En RCA, un service moderne de motos-taxi a vu le jour il y a un mois. Baptisée « Igwé Motor » (en langue locale, « allons-y »), cette entreprise met un point d'honneur à mieux respecter les critères de sécurité et les mesures d'hygiène. Pour la première fois, une application « Igwé Motor » permet aussi aux clients de réserver une course en ligne. Avec 500 abonnés, ce nouveau service gagne progressivement le cœur des usagers.

    Sous le soleil ardent de midi, une dizaine de motos sont stationnées à proximité du croisement des martyrs. Les conducteurs cherchent activement des clients. Gilet jaune et casque noir sur la tête, Joachim, l'un des conducteurs de Igwé Motor, se distingue des autres motos-taxi multicolores et sans plaque d'immatriculation. « Comme vous voyez, Igwé Motor nous a bien dotés en casques, gants, lunettes et gilets, se réjouit-il. Pour des raisons de sécurité, je transporte seulement deux personnes. Je commence le travail à 6 heures et je termine à 19h15. Je couvre tous les neuf arrondissements de la capitale. » Les usagers peuvent également contacter les conducteurs sur l'application Igwé Motor. Une première depuis 2004, l’année où les premières motos-taxi ont commencé à circuler en Centrafrique.

    « Ils sont efficaces et de surcroit, le coût du transport n'est pas cher, explique Israëlle, une usagère régulière de ce service. Les prix varient entre 1 000 et 2 000 francs CFA selon la course. Avant de monter, comme vous voyez, le chauffeur me passe un désinfectant pour la main. Ensuite, il nettoie le casque avec le gel avant de me le donner. Il y a toute une sécurité qui est là et je me sens rassurée. En plus, ils sont toujours propres contrairement aux taxis-moto ordinaires. »

    Aujourd'hui, le syndicat des motos-taxi de Bangui estime à plus de 20 000 le nombre de chauffeurs qui travaillent dans la capitale. Mais la majorité ne sont pas en règle. Non seulement la plupart de ces motos-taxi n'ont pas les équipements adéquats, mais il leur arrive aussi de transporter jusqu'à cinq personnes.

    De nombreux accidents graves

    Avec une vingtaine de motos en service dans la capitale, Igwé Motor apporte un nouveau souffle sur ce service, selon Joachim, qui a même reçu une formation spécifique : « On nous a inculqué la valeur de respecter les principes du Code de la route. J'ai reçu des formations sur la sécurité routière, le respect des panneaux de signalisation et les sens interdits. J'ai validé une formation sur le Code de la route avant de commencer. »

    À Bangui, trois Centrafricains sur dix sont victimes d'amputation, de fractures sévères ou de décès liés aux accidents provoqués par les motos-taxi. En 2023, le service de traumatologie de l'hôpital communautaire a documenté plus de 500 accidents graves et mortels impliquant ces engins.

    Au-delà de la sécurité routière, l’entrepreneur Anis Zowe Nganyade espère stimuler l’économie centrafricaine avec son projet Igwé Motors. « En Centrafrique, le taux de chômage des jeunes est très élevé, constate-t-il. Il y a des jeunes qui ont des diplômes, mais qui n'ont rien à faire. Mais nous recrutons ces jeunes, nous leur donnons du travail et ils arrivent à joindre les deux bouts. »

    Chaque moto verse chaque jour la somme fixe de 8 000 francs CFA à Igwé Motor. Cette somme permet de payer les salaires des employés et d'assurer le fonctionnement de l'entreprise, qui leur donne un statut et leur verse des primes.