Episodi
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Mon frĂšre est un sacrĂ© travailleur. En plus de son travail Ă plein temps, il a une passion pour le jardinage. Je ne parle pas de quelques marguerites plantĂ©es dans une jardiniĂšre, non. Quand il sây met, il dĂ©place dâĂ©normes rochers, et creuse des trous larges et profonds pour y planter toutes sortes dâarbres : des bananiers, des manguiers, des ramboutans, des citronniers, des pamplemoussiers, âŠ
Souvent, le samedi ou le dimanche aprĂšs le dĂ©jeuner, il disparait avec ses outils pendant plusieurs heures, pour aller amĂ©nager des terrasses dans la montagne, transporter des brouettes pleines de terre, Ă©difier des murets en pierre⊠Il revient Ă la nuit tombante, sa pelle sur une Ă©paule et sa pioche sur lâautre, couvert de terre et de sueur.
Parfois, il mâemmĂšne faire un tour sur son lopin de terre ; je regarde en silence tous les arbres plantĂ©s et lui lance : « dis-donc, regarde tous les arbres fruitiers qui ont surgi de terre depuis la derniĂšre fois ; ça pousse comme de la mauvaise herbe ! »
Il sourit. Entre frĂšres, on aime se taquiner.
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Episodi mancanti?
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Demain, dĂšs lâaube, Ă lâheure oĂč blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu mâattends.
Jâirai par la forĂȘt, jâirai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.Je ne regarderai ni lâor du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand jâarriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyÚre en fleur.Victor Hugo, extrait du recueil «Les Contemplations» (1856)
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Quand je me prépare pour un voyage, que ce soit pour quelques jours seulement ou pour plusieurs semaines, je fais toujours mes valises à la derniÚre minute.
La veille du dĂ©part, mon sac est vide, car je suis toujours persuadĂ© dâĂȘtre suffisamment rapide et efficace pour empaqueter tout ce dont jâaurai besoin en quelques minutes avant de partir. La nuit, je dors peu car lâexcitation du voyage me tient Ă©veillĂ© jusque tard, et me tire du sommeil bien tĂŽt, aux aurores. Le matin venu, je ne mange pratiquement pas car jâaime voyager lâestomac lĂ©ger.
Enfin, il arrive un moment oĂč je rĂ©alise que le temps presse, et quâil faut que je me dĂ©pĂȘche. Alors je deviens une espĂšce de feu follet, je me mets Ă courir un peu partout, Ă jeter des vĂȘtements dans mon sac, Ă faire des listes que je perds dans mon agitation, Ă charger mon tĂ©lĂ©phone, Ă choisir un livre dans ma bibliothĂšqueâŠ
Bien Ă©videmment, jâai systĂ©matiquement lâimpression dâoublier quelque chose. Pourtant, aujourdâhui je pense mâĂȘtre bien prĂ©parĂ© : je suis sur une petite Ăźle dans lâocĂ©an Pacifique, loin de tout, mais jâai bien pensĂ© Ă emporter un cahier et un stylo pour Ă©crire cet Ă©pisode.
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Chère Nanna-Émilie,
C’est aujourd’hui ton dix-huitième anniversaire, je voulais donc faire quelque chose d’extra-spécial pour toi, et te dire tout ce que j’aime dans notre amitié, mais en
français !
J’aime chanter à tue-tête les chansons de Taylor Swift avec toi, et j’aime quand tu t’entraînes à mémoriser les paroles avec moi, pour que je ne me trompe pas pendant le concert.
J’aime quand tu me recommandes des livres géniaux à lire, et la façon dont tu t’enflammes quand tu en parles, parce que tu connais tous les personnages par cœur.
J’aime quand nous rentrons ensemble à la maison à vélo presque tous les jours, bien que ça te fasse faire un petit détour.
J’aime quand tu apportes ton aide en maths, à moi ou à quiconque en a besoin.
J’aime aussi ta tortue, quelle championne, même si elle ne sait pas faire la différence entre le bien et le mal.
J’aime que tu sois, pas seulement de temps en temps mais en permanence, un être humain bien étrange. Tu es affectueuse et fofolle, mais la plupart du temps tu es tout simplement chaotique.
Les derniers exemples en date sont la fois où as mangé une grosse tomate avec les doigts au restaurant, et le fait que tu traînes toujours ta veste par terre.
Mon amie chérie, c’est tout en toi que j’aime.
- Sofie -
Il y a quelque temps, jâai reçu un trĂšs gentil message de Janette, qui vit dans le nord-ouest de lâAngleterre et qui me propose de semer des indices sur lâendroit oĂč je visâŠ
Eh bien laissez-moi vous raconter ce que jâai vu lâautre jour, alors que je faisais des courses en ville, Ă vĂ©lo. La ville nâest pas spĂ©cialement jolie ni intĂ©ressante, et il y fait chaud : il y a peu de jardins et beaucoup de bĂ©ton, peu dâarbres et beaucoup de panneaux de signalisation.
PĂ©daler dans la ville sous une chaleur Ă©crasante nâest pas une activitĂ© trĂšs rĂ©jouissante, et pourtant, alors que je tournai dans une petite ruelle, je levai la tĂȘte et je vis un panneau qui me fit sourire : Ces mots y Ă©taient inscrits : « Attention chute de mangues ».
Je me suis dit : « Quel avertissement étrange ; ils auraient tout aussi bien pu écrire Attention, de délicieux fruits tombent du ciel ».
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Mon neveu, cet adorable petit garçon, est dans une phase très amusante.
A deux ans et demi, il commence quasiment toutes ses phrases par « pourquoi ». Cela nous mène parfois à des discussions comiques. L’autre jour, alors que je mettais un pansement sur mon doigt, que j’avais égratigné en écaillant un poisson, il m’a demandé :
« Tu t’es fait mal ?
_ Oui, je me suis blessé
_ Pourquoi tu t’es blessé ?
_ Parce que je suis maladroit
_ Pourquoi tu es maladroit ?
_ Parce que je n’ai pas réfléchi.
_ Pourquoi tu n’as pas réfléchi ?
_ Parfois, je suis idiot
_ Pourquoi tu es idiot ? »
Là, je n’ai pas su quoi répondre, et je lui ai dit d’aller mettre un tricot pour ne pas qu’il attrape froid.
Ce matin encore, il m’a fait beaucoup rire. J’étais assis sur la terrasse, je mangeais une tartine de fromage en le regardant jouer dans le sable. Il a couru vers moi et m’a demandé :
Qu’est-ce que c’est ?
- Du pain
- Je veux du pain
- Non
- Pourquoi je veux pas de pain ?
J’ai souri. Décidément, cet enfant a l’esprit bien vif. -
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Je vous souhaite un joyeux Noël.
Il y a plusieurs mois, en aoĂ»t, Daria mâavait demandĂ© de lire Le Petit Prince. Alors jâai lu et enregistrĂ© les deux premiers chapitres.
Et puis je me suis arrĂȘtĂ©. Vous lâavez remarquĂ©, ça mâarrive parfois.
Aujourdâhui pour NoĂ«l, je voudrais vous offrir ce prĂ©sent : le premier chapitre du Petit Prince. JâespĂšre que les autres suivrontâŠ
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Hier, jâĂ©tais invitĂ© au mariage dâun couple dâamis. La fĂȘte avait lieu sur un beau terrain en bord de mer, suffisamment prĂšs du rivage pour quâon entende les vagues sây briser.
La mariée avait préparé un spectacle de danse traditionnelle avec les femmes de sa famille ; un petit groupe de musiciens les accompagnaient en chantant et en jouant du ukulele.
AprÚs ce régal pour les yeux, notre appétit a été réveillé par de ravissants plateaux de fruits tropicaux, et par des pùtisseries faites maison.
Soudain lâun des invitĂ©s, qui Ă©tait parti manger sa part de gĂąteau prĂšs de la mer, nous a fait de grands signes de la main : il voulait nous montrer quelque chose. Nous nous sommes ruĂ©s sur la plage ; et lĂ , me croirez-vous ?
Une baleine et son baleineau nageaient non loin, Ă environ 200 mĂštres de la plage, juste derriĂšre le rĂ©cif. Avec leurs grandes nageoires qui battaient la surface des flots, ils semblaient donner leur bĂ©nĂ©diction aux mariĂ©s. Nous sommes restĂ©s de longues minutes Ă guetter leurs apparitions furtives entre les vagues. Puis ils se sont Ă©loignĂ©s, et il nây eut plus rien que la mer.
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https://www.youtube.com/watch?v=zuISJycFBo8
La place Rouge était vide
Devant moi marchait Nathalie
Il avait un joli nom, mon guide
Nathalie
La place Rouge était blanche
La neige faisait un tapis
Et je suivais par ce froid dimanche
Nathalie
Elle parlait en phrases sobres
De la révolution d'Octobre
Je pensais dĂ©jĂ
Qu'aprÚs le tombeau de Lénine
On irait au café Pouchkine
Boire un chocolat
La place Rouge était vide
J'ai pris son bras, elle a souri
Il avait des cheveux blonds, mon guide
Nathalie, Nathalie...
Dans sa chambre à l'université
Une bande d'étudiants
L'attendait impatiemment
On a ri, on a beaucoup parlé
Ils voulaient tout savoir
Nathalie traduisait
Moscou, les plaines d'Ukraine
Et les Champs-ĂlysĂ©es
On a tout mélangé
Et l'on a chanté
Et puis ils ont débouché
En riant Ă l'avance
Du champagne de France
Et l'on a dansé
Et quand la chambre fut vide
Tous les amis étaient partis
Je suis resté seul avec mon guide
Nathalie
Plus question de phrases sobres
Ni de révolution d'octobre
On n'en Ă©tait plus lĂ
Fini le tombeau de Lénine
Le chocolat de chez Pouchkine
C'est, c'Ă©tait loin dĂ©jĂ
Que ma vie me semble vide
Mais je sais qu'un jour Ă Paris
C'est moi qui lui servirai de guide
Nathalie, NathalieNathalie, Gilbert Bécaud et Pierre Delanoë, 1964
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Fredrik et son vélo sont deux amis inséparables. Avec prÚs de six mille kilomÚtres au compteur, ils ont déjà fait une longue route ensemble, dans la région de Stockholm et sur les routes de SuÚde.
DĂšs lâaube, vers six heures, il se rĂ©veille, jette un bref coup dâĆil par la fenĂȘtre, puis sâhabille. Quâil vente ou quâil pleuve, câest en pĂ©dalant quâil ira travailler. Rares sont ceux qui font de mĂȘme ! Les courageux cyclistes, dans le blizzard, se comptent sur les doigts de la main. La neige, le vent glacial, le verglas ne sont pas des obstacles anodins !
Quand il y pense, il se dit quâil est un peu tĂ©mĂ©raire dâaller affronter des conditions mĂ©tĂ©orologiques pareilles. Il pourrait prendre le bus, câest vrai. Mais le trajet prendrait beaucoup plus de temps, et puis⊠Fredrik a le sens de lâaventure. Sâil fait deux fois plus froid, qu'Ă cela ne tienne ! Il mettra deux manteaux, enfilera deux paires de gants et deux paires de chaussettes !
En ce moment, câest lâĂ©tĂ©, le temps est clĂ©ment. Fredrik en profite, car il sait que lâhiver qui sâapproche sera rudeâŠ
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Jâai de la chance dâavoir un cocotier dans mon jardin, car la noix de coco est un fruit formidable, un fruit incroyablement gĂ©nĂ©reux.
Quand la noix de coco est verte, elle est remplie dâune eau dĂ©licieuse, trĂšs lĂ©gĂšrement pĂ©tillante, et merveilleusement rafraĂźchissante. Ă lâintĂ©rieur de la noix, la chair est fine, translucide et sa consistance est un peu gĂ©latineuse.
Puis la noix de coco sĂšche, elle devient brune et tombe du cocotier. Elle contient toujours de lâeau, dont le goĂ»t a subtilement changĂ© : elle est plus douce, et elle a perdu le pĂ©tillant de sa jeunesse, pour ainsi dire. La chair en revanche, est beaucoup plus Ă©paisse et plus ferme ; presque dure. Câest cette chair que lâon rĂąpe puis que lâon presse pour faire du lait de coco, qui ajoute une saveur exotique Ă nâimporte quel plat. Jâaime en mettre un peu dans mon cafĂ©, parfois, par gourmandise. Mais ne me parlez pas de lait de coco en boite de conserve, jâai horreur de ça !
Enfin, il y a encore une chose⊠Si on laisse la noix de coco par terre, des racines vont pousser, et de minuscules palmes vont commencer Ă sortir. Alors, câest le signe quâil y a un germe, un embryon de cocotier Ă lâintĂ©rieur. Une petite boule qui ressemble Ă une Ă©ponge cotonneuse. Son goĂ»t est sublime ; câest ce que je prĂ©fĂšre dans la noix de coco.
Malheureusement, on ne peut pas avoir Ă la fois le germe du cocotier, et le cocotier !
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Mes dauphins nagent depuis plus de deux heures autour de Joshua. Les dauphins que j'ai rencontrés ont rarement joué plus d'une quinzaine de minutes avant de continuer leur chemin. Ceux-là resteront plus de deux heures, au complet.
Quand ils sont partis, tous ensemble, deux d'entre eux sont restés prÚs de moi jusqu'au crépuscule, cinq heures pleines au total. Ils nagent avec l'air de s'ennuyer un peu, l'un à droite, l'autre à gauche.
Pendant trois heures ils nagent, comme ça, chacun sur son bord, sans jouer, en réglant leur vitesse sur celle de Joshua, à deux ou trois mÚtres du bateau. Jamais je n'avais vu ça. Jamais je n'ai été accompagné si longtemps par des dauphins. Je suis sûr qu'ils avaient reçu l'ordre de rester prÚs de moi jusqu'à ce que Joshua soit absolument hors de danger.
Je ne les regarde pas tout le temps, parce que je suis un peu épuisé par cette journée, cette tension énorme qu'on ne sent pas sur le moment, quand on doit mettre toutes ses tripes pour passer dans un nouvel océan.
Je descends m'Ă©tendre un peu, je remonte, je relĂšve l'indication du loch. Mes deux dauphins sont toujours lĂ , Ă la mĂȘme place. Je descends porter la derniĂšre distance parcourue sur la carte, je me recouche un moment. Quand je reviens sur le pont et grimpe au mĂąt pour la dixiĂšme fois afin de voir plus loin, mes deux dauphins sont encore lĂ , semblables Ă deux fĂ©es dans la lumiĂšre qui baisse. Alors je redescends m'allonger un moment.
C'est la premiĂšre fois qu'il y a une telle paix en moi, car cette paix est devenue une certitude, une chose qu'on ne peut pas expliquer, comme la foi. Je sais que je rĂ©ussirai, et je trouve ça absolument naturel, cette certitude absolue oĂč il n'y a ni crainte, ni orgueil, ni Ă©tonnement. Toute la mer chante, simplement, sur une octave que je ne connaissais pas encore, et cela me remplit de ce qui est Ă la fois la question et la rĂ©ponse.
La longue route, Bernard Moitessier, 1968
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« Bonjour Franzi, je souhaite te proposer mes services en tant que tuteur de français. Jâai appris que tu veux apprendre cette belle langue, et je suis convaincu dâavoir la compĂ©tence nĂ©cessaire pour ce travail.
- Merci Ămile ; câest vrai, jâai pour ambition dâapprendre Ă parler français couramment, car jâai de la famille en France. Jâai lâintention de leur rendre visite, et il me semble important dâĂȘtre capable de mâexprimer correctement dans la langue de mon pays dâaccueil.
- Tu as tout Ă fait raison. Câest essentiel de faire lâeffort de parler la langue du pays que tu visites. Dâautre part, tu seras en mesure de profiter davantage de ton sĂ©jour, tu comprendras ce que les gens te disent, tu pourras discuter avec les marchandes de lĂ©gumes, tu pourras lire les enseignes des magasins⊠tu vivras une expĂ©rience dâimmersion agrĂ©able.
- Ăa me parait fantastique ! Et toi, tu peux mâenseigner le français ?
- Bien sĂ»r, je serais ravi de travailler avec toi. On peut Ă©tudier des textes littĂ©raires, des articles de journaux, faire des exercices de grammaire, apprendre du vocabulaire, discuter des sujets qui tâintĂ©ressentâŠ
- Super ! Jâai hĂąte de commencer mes cours de français avec toi !
- Je tâen prie, je reste Ă ta disposition ! Si tu as des questions, des commentaires ou des suggestions, envoie-moi un email sur [email protected]. »
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Les villages français ont un charme particulier, avec leurs maisons en pierre jaune, leurs toits en tuiles rouges et leurs volets en bois. Souvent, une petite fontaine en pierre orne la place principale ; un clair filet dâeau y coule, et les tourterelles y trempent leur bec.
Devant la mairie, un monument aux morts est Ă©rigĂ© en hommage aux combattants de la PremiĂšre Guerre mondiale : câest la statue en bronze dâun soldat qui porte son fusil en bandouliĂšre. Quelques bouquets de fleurs sont disposĂ©s au pied de la statue.
Ă lâombre des platanes, des villageois sont assis sur des bancs vieillissants. Les enfants courent entre les arbres, sous lâĆil vigilant des vieux, qui discutent. Ils parlent de chasse et de pĂȘche, car quand ils parlent de politique, ils ne sont pas dâaccord et se sĂ©parent fĂąchĂ©s.
Heureusement, ça ne dure jamais longtemps. Le lendemain dâune dispute, les dĂ©saccords sont oubliĂ©s ; nos braves amis se retrouvent autour dâune bouteille de vin, et ils parlent du prochain championnat de pĂ©tanque.
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âŠ, Ămile. Oui, je mâappelle Ămile, comme mon arriĂšre-grand-pĂšre. Je porte ce prĂ©nom depuis bien longtemps ; je nâavais que quelques jours quand mes parents se sont penchĂ©s sur mon berceau et que je leur ai dit : « Chers parents, bonjour. Je mâappelle Ămile. »
En vĂ©ritĂ©, mes souvenirs sont flous, je nâai peut-ĂȘtre pas prononcĂ© ces mots. En gĂ©nĂ©ral, la grammaire des bĂ©bĂ©s nâest pas parfaite.
En parlant de grammaire, ouvrons une parenthĂšse. Câest amusant, de dire « je mâappelle » en français. On devrait dire : « les gens mâappellent untel, parce que câest mon nom ». Mais ainsi est la langue, pleine de curiositĂ©s et de coutumes qui se perpĂ©tuent.
Revenons Ă nos moutons. Je mâappelle Ămile, et comme câest un nom qui me va trĂšs bien, toute ma famille et mes amis mâappellent Ămile.
Enfin, si vous voulez me souhaiter bonne fĂȘte, le 22 mai est la Saint Ămile !
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LĂ oĂč je vis en ce moment, il y a un grand jardin, des arbres fruitiers, un potager avec des salades et des herbes aromatiques, et un poulailler.
Câest un endroit merveilleux : les arbres portent des fruits, le potager donne de belles salades, le thym et le romarin parfument nos plats. Seule ombre au tableau, les neuf poules du poulailler ne donnent pas dâĆufs. Câest bien dommage, jâaimerais beaucoup manger une omelette fraiche tous les matinsâŠ
Mon amie Malvanir pense que ses poules sont devenues trop vieilles pour pondre. Moi, je trouve quâelles ont lâair jeunes, ces poules ; elles sont toujours pleine dâĂ©nergie, Ă gratter la terre toute la journĂ©e pour trouver des asticots. Peut-ĂȘtre quâelles se cachent simplement pour pondre leurs Ćufs !
Mais il y a quelques jours, je crois avoir compris le fin mot de lâhistoire. Alors que nous Ă©tions prĂšs du feu, le soir, un bruit de pas dans les branches sĂšches a brisĂ© le silence. Ăa venait de derriĂšre le poulailler. Nous avons Ă peine eu le temps de nous lever de nos chaises pour apercevoir une queue rousse et touffue disparaitre dans les buissons.
Pas de doute, notre voisin renard est plus douĂ© que nous pour la chasse aux Ćufs !
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Il y a quelques temps, Natsumi mâa envoyĂ© un trĂšs gentil message, Ă la fin duquel elle me propose dâĂ©crire un Ă©pisode avec les phrases que jâutiliserais avec un bĂ©bĂ© ou un enfant. En effet, elle a un petit bĂ©bĂ© et câest une excellente idĂ©e de lui parler en français dĂšs son plus jeune Ăąge.
Il est temps que je lui réponde enfin, avant que son enfant atteigne la majorité et quitte le foyer familial.
Les bĂ©bĂ©s observent et imitent les adultes. Ils reproduisent leurs mouvements et rĂ©pĂštent leurs paroles. Donc je leur parle toujours avec beaucoup de respect et dâaffection.
Par exemple, quand vient lâheure de dormir le soir, je lui dis :
« Petit enfant, cher ami ; jâai passĂ© une trĂšs bonne journĂ©e avec toi, jâai beaucoup aimĂ© courir dans le jardin et cueillir des fleurs, faire des avions en papier et jouer aux billes en ta compagnie. Maintenant, il faut dormir, pour passer une autre belle journĂ©e demain. »
Ensuite, je lui chante une comptine jusquâĂ ce que ses yeux se ferment.
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Pour faire le portrait dâun oiseau
Peindre dâabord une cage
avec une porte ouverte
peindre ensuite quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose dâutile
pour lâoiseau
placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forĂȘt
se cacher derriĂšre lâarbre sans rien dire
sans bougerâŠ
Parfois lâoiseau arrive vite
mais il peut aussi bien mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre
attendre sâil le faut pendant des annĂ©es
la vitesse ou la lenteur de lâarrivĂ©e
de lâoiseau nâayant aucun rapport
avec la réussite du tableau
Quand lâoiseau arrive
Sâil arrive
observer le plus profond silence
attendre que lâoiseau entre dans la cage
et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau
puis
effacer un Ă un tous les barreaux
en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de lâoiseau
Faire ensuite le portrait de lâarbre
en choisissant la plus belle de ses branches
pour lâoiseau
peindre aussi le vert feuillage et la fraĂźcheur du vent
la poussiĂšre du soleil
et le bruit des bĂȘtes de lâherbe dans la chaleur de lâĂ©tĂ©
et puis attendre que lâoiseau se dĂ©cide Ă chanter
Si lâoiseau ne chante pas
câest mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais sâil chante câest bon signe
signe que vous pouvez signer
alors vous arrachez tout doucement
une des plumes de lâoiseau
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.
Jacques Prévert, Paroles, 1945
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