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  • C’est l’une des plus grandes collections de disques en Europe. On trouve de tout, à la Discothèque de Radio France. Des chants malgaches des années 30, des discours de Charles De Gaulle, le bruit d’un moteur de 2 CV, l’original d’Abbey Road, ou les dernières nouveautés… Un patrimoine immense et vivant, qui rythme au quotidien les antennes des radios publiques. 

    À la chasse aux trésors, dans les allées de la discothèque de Radio France, un Grand reportage de Sarah Tisseyre.


  • Il a quitté la Maison Blanche, mais reste omniprésent dans la politique américaine. Après 4 ans au pouvoir, Donald Trump laisse derrière lui un parti républicain profondément divisé entre ses partisans et ceux qui veulent rompre avec les années «America First». Depuis sa résidence de Floride, Donald Trump souffle sur ces braises et joue au faiseur de rois, il promet de se venger contre ceux qui ont voté contre lui, lors de son second procès en destitution après l’attaque du Capitole le 6 janvier 2021.

    Après Trump, la guerre civile chez les républicains, un Grand reportage dans le Wyoming, Éric de Salve.

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  • Lorsque les rebelles du Front révolutionnaire uni attaquent un village à l’est de la Sierra Leone, le 23 mars 1991, personne n’imagine l’horreur qui va suivre. Le groupe multiplie les exactions sous prétexte de vouloir libérer le pays de la corruption. L’enchaînement des violences fera 120.000 morts et de nombreux mutilés et traumatisés. Depuis, les armes se sont tues, mais les séquelles restent vives.

    La route menant au village de Bomaru à l’est de la Sierra Leone est chaotique. Quand on arrive sur place, Alhaji Jusu Kossia, un homme dans la soixantaine, rouspète contre son mauvais état. « Regardez comment elle est cabossée, elle n’a jamais été reconstruite », explique-t-il à RFI. Depuis sa maison en hauteur, il a une vue privilégiée sur le chemin. Assis dans sa véranda, il était au même endroit, il y a 30 ans, lorsque les rebelles du Front Révolutionnaire Uni, le RUF, ont envahi son village.

    « Dès les premiers bruits de coups de feu, ma famille et moi avons fui dans la forêt », se souvient-il.

    « Nous avons compris dès ce moment-là que la guerre était arrivée ».

    « C’était un samedi », rappelle de sa part Jatu Lahi, une femme en tenue traditionnelle.

    « Lorsque les rebelles sont revenus une deuxième fois, ils ont tué beaucoup de gens ».

    Germes du conflit

    Un monument aux morts dressé au cœur du village l’atteste.

     « C’est en mémoire de toutes les personnes tuées ce jour-là, lors de la première attaque des rebelles le 23 mars 1991 », explique Patrick Fatomah, coordinateur du tribunal résiduel spécial pour la Sierra Leone.

    En chemise violette et jean, portés sous un masque, Fatomah est venu ce matin à Bomaru pour sensibiliser la communauté, notamment féminine, sur les raisons pour lesquelles la guerre a éclaté. « Une guerre qui couve toujours », selon lui.

    « Lorsque la Commission vérité et réconciliation a terminé son rapport en 2004, elle a listé certaines des causes de la guerre : la corruption, l’injustice, l’absence de droits de l’homme dans les communautés, la pauvreté et un très faible niveau d’éducation, voire aucune éducation dans certains cas, mais aussi le fait qu’il n’y avait pas une bonne répartition des ressources naturelles », a-t-il dit à RFI.

    « J’ai donc demandé aux femmes ici, si, après la guerre, ces causes avaient disparu ? Elles m’ont répondu, 'non, non, non', … en fait elles sont revenues ».

    De la révolution au chaos

    « À cette époque, la Sierra Leone vivait dans les ténèbres », affirme Eldred Collins, ancien porte-parole du Front révolutionnaire uni.

    « Des ténèbres économiques, des ténèbres politiques, le pays était arriéré dans tous les domaines et avait besoin de changement. Mais, nous ne pouvions pas y parvenir par des moyens pacifiques parce que les méthodes du gouvernement de l’époque étaient la violence », a-t-il dit à RFI.

    Un ancien caporal de l’armée, Foday Sankoh, qui combattait alors dans les rangs du mouvement rebelle NPFL au Libéria, prend la tête du RUF.

    « Foday Sankoh a décidé d’entamer une guérilla contre ceux qui avaient des armes, pour apporter le changement dont on avait besoin à cette époque », poursuit Collins.

    « Nous avons voulu cette guerre parce que la situation dans notre pays était difficile. Il n’y avait pas d’espoir : pas d’argent, pas de nourriture, partout c’était la pénurie (...) Voilà pourquoi nous avons lancé cette révolution contre l’armée ».

    Le 23 mars 1991, Sankoh lance ses troupes renforcées de mercenaires recrutés au Liberia et au Burkina Faso, à l’assaut de l’est du pays. Le RUF attaque Kailahun, région frontalière du Libéria.

    « Nous n’avions jamais connu la guerre auparavant, nous avons cru que les rebelles étaient des voleurs », se souvient Ma Koné, dans la cinquantaine.

    Installée devant sa maison, elle entend encore le bruit des bottes sur la route poussiéreuse, par laquelle les rebelles sont passées.

    « Tout le monde courait dans tous les sens. C’était la confusion totale. Certains ont fui vers la Guinée, d’autres comme moi sont partis au Libéria. »

    Vandy Gbosso Kallon, chef du village de Bomaru n’a pas pu partir, pris entre deux feux : les rebelles du RUF d’un côté, les forces gouvernementales de l’autre.

    « Bomaru, du jour au lendemain, est devenu un champ de bataille aux mains des soldats et des rebelles, dont chacun cherchait à être le maître », raconte-t-il.

    « Je n’ai pas quitté le village pendant toute cette période parce que je ne pouvais pas m’enfuir. Il ne restait qu’une poignée de gens. Les deux factions nous obligeaient à travailler aux champs pour les nourrir. Nous n’avons survécu que grâce à Dieu. Toutes les maisons que vous voyez avaient été réduites en cendres ».

    La malédiction des diamants

    La descente aux enfers est aggravée par l’instabilité politique. En 1992, une junte militaire, dirigée par le capitane Valentine Strasser, prend le pouvoir. Deux coups d’État auront ensuite lieu en 1997 et 1999, et entraînent le déplacement des milliers de gens.

    « Mes proches venaient tous se réfugier chez nous à Freetown, la maison était pleine et toujours plus de réfugiés affluaient », se souvient Yasmin Jusu Sheriff, ancienne secrétaire exécutive de la Commission Vérité et Réconciliation.

    « Peu de gens à Freetown ont compris ce qui se passait. Et je crois que le gouvernement essayait de cacher la vérité, si je m’en souviens bien. Ils ne nous disaient pas vraiment la vérité sur les opérations militaires. Mais parce que nous avions des témoignages des personnes déplacées, nous avons compris que quelque chose d’anormal se passait », a-t-elle dit à RFI.

    Les signes d’inquiétude se confirment dans le village de Tombodu, à Kono, pas loin de Kailahun. Convoitée pour ses ressources minières, la région deviendra le lieu du trafic illicite de diamants, le nerf de la guerre.

    « Tombodu a été prise pour cible parce que la région de Kono avait la plus grande ressource de diamants et d’autres minerais », explique Ibrahim Bockarie, chargé de ressources naturelles à l’ONG Search For Common Ground.

    « C’est une région stratégique, en prenant Kono, les rebelles avaient un capital politique », ajoute-t-il.

    Le discours humaniste du RUF cède bientôt la place à une volonté féroce de contrôle de la rente, diamants en premier lieu, qui fait plonger les communautés minières dans un véritable enfer. Saa Gbessay Babonjo, chef du village de Tombodu, témoigne.

    « Quand Dieu nous a envoyé les diamants, c'était d’abord une bénédiction. Puis, le RUF est arrivé. Les rebelles ont tout creusé : routes, ponts, ils ont exploité tous ces endroits à l’affût des diamants, alors nous n'avons plus d'espoir et maintenant nous ne parlons plus de diamants comme une bénédiction ».

    Au cours des onze années du conflit, le Front révolutionnaire uni multiplie les exactions : mutilations, enrôlement d’enfants soldats, fosses communes. Et à la fin de la guerre, il sera rejoint par d’autres factions armées… toutes se disputent la maîtrise du territoire sierra-léonais.

    Devoir de mémoire et impunité

    Trente ans après, les armes se sont tues, pas la mémoire.

    « De 1991 à 2002, notre nation a subi l’une des guerres les plus atroces, une guerre que nous nous sommes infligée à nous-mêmes », affirme Patrick Fatomah, coordinateur du Tribunal résiduel spécial pour la Sierra Leone, que nous retrouvons à Freetown.

    Le tribunal, désormais fermé, s’est partiellement transformé en musée pour préserver la mémoire de la guerre civile.

     « Le musée de la paix est un lieu de mémoire où on apprend à participer, et à construire une Sierra Leone où la paix sera durable ».

    Accompagner ce processus de reconstruction a été l’objectif du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, entre 2002 et 2013. Son but : mettre fin à l’impunité. 

    Le tribunal inculpe 13 personnes, issues des trois groupes armés, y compris un ancien chef de l’État, Charles Taylor du Libéria, dont le conflit a contribué à déclencher celui de la Sierra Leone.

    Mais le fait d’inculper seulement 13 personnes sur 45 000 combattants a suscité des critiques. Fatmata Binta Mansaray, greffière du tribunal, répond.

    « Le tribunal spécial a été créé pour faire répondre de leurs actes ceux qui portent la plus grande responsabilité des crimes commis contre le peuple de Sierra Leone depuis novembre 1996 ».

    Circonscrit aux évènements survenus après le 30 novembre 1996, date du premier accord de paix entre le gouvernement et le RUF, le mandat du tribunal se limite seulement à la poursuite des ‘gros poissons’. Mais cette cour spéciale laisse filer les commandants intermédiaires.

    « Il n’a eu qu’un mandat très réduit, parce que si vous regardez la nature de la guerre, il y a eu beaucoup d'enlèvements, beaucoup de combattants involontaires », temporise Mansaray.

    « Si vous dites alors que vous tenez 45 000 personnes responsables de la guerre, vous serez toujours là à compter les responsables, est-ce que cela donne au pays une chance de consolider la paix ? Il s'agit d'un mécanisme de justice transitionnelle, qui n'a pas pour but d'obliger tous les auteurs des crimes à rendre des comptes, car il faut laisser une chance à la réconciliation et à la paix ».

    Limites de la justice transitionnelle

    Le recours à la justice transitionnelle ne convainc pas tout le monde.

    De retour dans le village de Tombodu, à Kono, Ibrahim Bockarie de l’ONG Search for Common Ground, reproche au tribunal d’avoir sacrifié la justice au nom de la réconciliation.

    En guise de preuves, il nous montre l’une des plus importantes fosses communes creusées durant la guerre, le « Savage Pit », du nom du commandant qui avait dirigé le massacre contre les civils, le colonel Savage.

    « Des témoignages mentionnent ce fait marquant : 200 personnes ont été couchées par terre, un véhicule Land Rover a été utilisé pour leur écraser la tête. Et dans cette fosse, 1 000 personnes ont été enterrées », explique-t-il en indiquant l’ancienne mine de diamants qui ressemble aujourd’hui à un lac.

    « Pour ces gens-là, la justice n’a pas été rendue. Si vous regardez ce qui s'est passé, la plupart des hauts commandants militaires, ceux qui servaient dans l'armée, n'ont jamais été jugés. Savage était l'un de ces individus. Il était en fait un membre de l'armée sierra-léonaise ; il n'a jamais été jugé. Dans une large mesure, seuls les rebelles et les combattants de la défense civile ont été traduits en justice devant le tribunal international, ce qui représente une sorte d'injustice ».

    À cause de l’absence de preuves, le colonel Savage, comme d’autres militaires, n’a jamais été inquiété.

    « La plupart d'entre eux sont toujours en poste, et vivent en toute tranquillité, la pire est que, les amputés, ceux qui ont été mutilés, souffrent, et personne ne parle d'eux ».

    Les amputés, traces visibles du conflit

    Ce sentiment de frustration… Mohamed Tarawaly, le ressent.

    « Quand on marche dans les rues, on voit des centaines d'amputés et de blessés de guerre réduits à la mendicité ».

    Aujourd’hui président de l’association des amputés et des blessés de guerre, Mohamed a été amputé de ses deux bras, lors de la prise de Freetown, le 6 janvier 1999.

    Sa chemise longue a dû mal à cacher deux moignons aux poignets, signes encore visibles du conflit.

     « Ce sont plus de deux cent rebelles qui nous ont tendu une embuscade sur la route, tuant sans pitié les gens. Ils étaient environ neuf qui m'ont coupé les mains. À l'époque, ils disaient : 'Allez voir le défunt Président Kabbah, allez voir le gouvernement pour qu'il vous donne de nouvelles mains'. Ce n'est pas facile ».

    Pas facile de faire le moindre geste comme tenir son fils, sans aide. Dans le camp des amputés de Waterloo, à Freetown, les histoires comme celle de Tarawaly se répètent.

    La plupart attend une pension mensuelle promise par l’État, mais jamais versée.

    « Nous pouvons pardonner, mais nous n’oublions jamais ; parce que notre situation nous renvoie au passé, beaucoup d'amputés et de blessés de guerre souffrent encore dans ce pays », estime Mohamed. Une situation qui risque de freiner la reconstruction et la réconciliation.

    Difficile réconciliation

    Dans un autre camp des amputés, celui de Doma, à Kono à l’Est, Kumba Pessima, vêtue d’un pagne noué autour de sa taille, berce sa petite fille dans la cour de sa maison. Elle n’a qu’une main. La gauche.

     « Durant la guerre, j’habitais dans le district de Sowa avec mes deux jumeaux, un garçon et une fille. Mon fils avait 26 ans. Le jour de l’attaque, nous étions à la maison. Les rebelles sont venus soi-disant parce que mon fils était un soldat. Mon fils a tenté de les convaincre que non, mais les rebelles n’ont pas voulu l’écouter. Ils l’ont poignardé sous mes yeux. Lorsque j’ai essayé de m’interposer entre eux pour sauver mon fils, l’un des rebelles m’a coupé le bras ».

    Ses deux autres fils ont été enrôlés comme enfants soldats par le RUF, à ce jour, elle est toujours sans nouvelles d’eux.

    Depuis la fin de la guerre en 2002, plusieurs ONG ont tenté de faire dialoguer les victimes et leurs bourreaux, en s’appuyant sur une tradition sierra-léonaise : le Fambul Tok, une sorte de discussions familiale, fondée sur l’aveu et le pardon.

    Mais Kumba, les larmes aux yeux, explique que c’est extrêmement difficile.

     « On nous a dit : il faut pardonner aux auteurs des crimes pour tourner la page, et j’essaye… j’essaye... »

    La réintégration des anciens combattants, notamment des enfants soldats, a été l’une des étapes les plus complexes du processus de paix, reconnaît Yasmin Jusu Sheriff, de la Commission Vérité et Réconciliation.

     « Il y avait des endroits où ils n'étaient pas acceptés. Mais je pense qu'il y a eu beaucoup d'endroits où les gens ont fini par comprendre que les circonstances ont contraint les gens à faire des choses terribles. Et qu’ils ne le faisaient pas toujours de leur plein gré. Parfois ils étaient forcés par les circonstances. Donc je crois qu'il y a eu une certaine réconciliation ».

    Regrets et espoirs

    Aux abords de l’une des plages de Freetown, Anthony Oscar, en maillot de foot et short, joue avec sa fille de trois ans. Il a été enfant soldat.

    « J’ai été enlevé à l'âge de 9 ans par les rebelles. On m’a mis une arme dans les mains contre mon gré. Je recevais des injections de drogue par mon commandant, et je n’avais plus ma tête. Avant que je prenne l'arme, ils ont tué quatre de mes amis devant moi, j’ai eu peur et je me suis joint à eux ».

    Le vent de la plage soulève les vêtements suspendus dans la cour de la maison d’Eldred Collins, l’ancien porte-parole du RUF. Collins minimise le rôle du mouvement rebelle dans l’enrôlement des enfants soldats.

    « Toutes les factions impliquées dans la guerre doivent être tenues responsables. Toutes les factions qui avaient une arme à l’épaule dans ce pays sont responsables, même les forces de l’ECOMOG, de la Cedeao, elles ont la plus lourde responsabilité de certaines des atrocités qui se sont produites à Freetown : tuant des gens innocents, disant qu'elles étaient du RUF alors que ce n’était pas vrai », assure-t-il.

    Quel espoir nourrit-il maintenant ? « Nous espérons que de tels évènements ne se reproduiront plus en Sierra Leone et nous demandons à nos dirigeants de penser à leur peuple et non à eux-mêmes. Car, ils sont les éléments les plus corrompus. Ce sont eux qui nous ont poussés à la guerre, à faire des choses qui ne sont pas correctes ».

    Un premier aveu ? Anthony Oscar, ancien enfant soldat, lui, s’exprime avec remords.

    « Oui, j'ai des regrets, parce qu'à cette époque, j’ignorais ce que je faisais, mais avec le temps, je peux dire que oui, j'ai perdu beaucoup de membres de ma famille. Nous n’avions pas conscience de la gravité de nos actes : on nous disait de tuer. Aujourd’hui, certains d'entre nous vont à l'église, nous demandons à Dieu de nous pardonner et nous savons que Dieu nous pardonnera parce que nous n’étions pas nous-mêmes ».

    Anthony a pu intégrer une maison d’accueil, fondée par un prêtre italien, et désire tourner la page. Il est métis, né d’un père allemand et d’une mère sierra-léonaise. Il veut maintenant partir à la recherche de ses origines.

    « Désormais, je veux retrouver mon père. Je suis allé à l'ambassade d'Allemagne pour chercher des informations sur lui, je porte son nom, il s’appelle René Oscar. La guerre est terminée, je veux avoir de ses nouvelles. Ce n’est pas que pour moi. J'ai deux enfants. Ils veulent connaître leur grand-père ».

     

    La vidéo

    À écouter aussi: Sierra Leone: au camp des amputés de Freetown, les traces encore visibles du conflit.

     


  • À partir de 1821, sur le territoire de la future Grèce, une lutte d’indépendance de plusieurs années démarre contre l’occupant ottoman. Deux siècles plus tard, ce 25 mars 2021, la Grèce moderne célèbre le bicentenaire d’une révolution, qui a donné naissance à un pays qui puise les racines de son identité jusque dans la Grèce antique. Mais en raison de la pandémie mondiale de coronavirus, cette commémoration symbolique n’a pas pu prendre l’ampleur qu’Athènes aurait idéalement souhaité lui donner.

     

    Les 200 ans de la Grèce : une célébration entravée, un Grand Reportage de Joël Bronner, à Athènhes.  


  • Son nom incarne à lui seul les violences policières aux États-Unis. Le procès de Derek Chauvin s’est ouvert à Minneapolis avec la sélection des jurés. L’ex-policier comparaîtra, à partir du 29 mars jusqu’à fin avril 2021, pour le meurtre de l’Afro-Américain George Floyd. La vidéo de sa mort, George Floyd étouffé sous le genou de ce policier blanc, avait déclenché des semaines de protestations dans tous les États-Unis. À Minneapolis, fin mai 2020, les manifestants avaient même incendié et détruit un commissariat de la ville.

    Ce drame a aussi déclenché un vaste débat sur l’avenir de la police. La jugeant trop raciste, certains veulent lui couper les fonds, d’autres demandent même son abolition. Activistes, habitants et élus de la ville réfléchissent en tout cas à des nouvelles formes de sécurité publique moins violentes et moins meurtrières. Alors que la criminalité ne cesse d’augmenter.

    Après la mort de George Floyd, une autre police est-elle possible ? Grand Reportage, Éric de Salve.


  • Partons aujourd’hui au Mexique. Pour redémarrer une économie moribonde, et malgré un très lourd bilan de victimes du coronavirus, c’est l’un des derniers pays au monde à ne pas avoir fermé ses frontières au tourisme, durant la pandémie. Ses plages et son laisser-faire ont attiré de nombreux touristes occidentaux fuyant l’hiver et les restrictions sanitaires. Des touristes qui considèrent trop souvent le Mexique comme un refuge où ils peuvent faire abstraction du virus. Les autorités se disent dépassées par la désinvolture de ces voyageurs imprudents.

    «Le Mexique, un paradis pour les touristes fuyant les restrictions sanitaires», c’est un Grand reportage d’Alix Hardy à Puerto Vallarta et Mexico. 


  • Israël champion du monde de l’instabilité politique. Ce 23 mars, les Israéliens votent pour la quatrième fois en moins de deux ans. Le Premier ministre actuel Benyamin Netanyahu arrive en tête à chacun de ces scrutins législatifs. Mais celui que l’on surnomme « Bibi », ne parvient plus à trouver une majorité pour gouverner. Il enchaine les alliances fragiles, la société est divisée, et finalement tout tourne autour d’un unique enjeu : « Pour ou contre Bibi ». C’est un grand reportage de Sami Boukhelifa.


  • Direction l'Amazonie, au Brésil. Par son aspect et sa couleur, on pourrait confondre la baie d’açaí avec une myrtille. Mais en Amazonie, dans la région du Pará, l’açaí est bien plus qu’un simple fruit. Ses incroyables vertus nutritives, son goût intense et sa valeur commerciale font de la baie amazonienne un véritable «or noir» pour les communautés traditionnelles ribeirinhas qui vivent au bord des rivières et cultivent le fruit.

    L’açaí, «l’or noir» d’Amazonie, un Grand reportage de Sarah Cozzolino.

    Diaporama


  • Vu de l’étranger, le Québec ressemble à un immense terrain de jeux neigeux, où ses habitants s’amusent comme des fous durant la saison froide qui dure un bon 5 mois. Pourtant, une bonne partie des habitants de cette région francophone du Canada s’ingénient à nier l’hiver. Ils subissent les températures de -10 ou -20 degrés, les nombreuses chutes de neige, les épisodes de verglas en pestant après l’hiver au volant de leur voiture. Et s’enfuient le plus possible vers la Floride ou Cuba. Sauf cette année, bien sûr.

    La fermeture des restaurants, des cinémas, des bars, des salles de sport les condamne à prendre d’assaut les patinoires, les sentiers de ski de fond, les pistes de luges, au cœur de la ville. Est-ce que l’hiver 2021 sera l’année où les Québécois urbains vont se réconcilier avec l’hiver ?

    En 2021, les Québécois de la ville redécouvrent l'hiver, un Grand reportage de Pascale Guéricolas.





  • Des chèvres sauvages sur une place de village en Espagne. Un puma qui se promène dans les rues de Santiago au Chili… il y a un an, lors des confinements, on avait pu observer les effets de ces restrictions sur la biodiversité. Elles permettent aux animaux de retrouver des espaces de vie. Un constat particulièrement visible, en ce moment, dans les Alpes où les remontées mécaniques des nombreux domaines skiables sont à l’arrêt. Aujourd’hui, nous partons donc à la recherche du lagopède alpin autrement appelé «perdrix des neiges» qui s’épanouit dans les montagnes enneigées. Pour trouver cet oiseau rare, il faut prendre de l’altitude…

    «À la recherche du lagopède alpin», un Grand reportage d’Alexis Bédu.

    ► À écouter aussi: Tour des Alpes: à la recherche du lagopède alpin









  • Ils ont d’abord été accueillis à bras ouverts, aidés, entourés et protégés. Puis la société a lentement réalisé qu’ils devenaient de plus en plus nombreux, et surtout qu’ils allaient rester. Avec la crise économique amplifiée par la pandémie, la société turque a aujourd’hui bien du mal à accepter la présence de 3 600 000 Syriens sur son sol. Objets de violentes attaques de la classe politique, parfois otages de la politique extérieure d’Ankara, ils ont aussi parfois beaucoup de mal à s’imaginer un avenir.

    «Réfugiés syriens en Turquie : quand les invités deviennent indésirables», un Grand reportage d’Anissa El Jabri.

     


  • Il y a dix ans, jour pour jour, les premières manifestations éclataient à Deraa, dans le sud de la Syrie. Le mouvement de révolte inspiré par d'autres pays arabes gagne rapidement tout le pays. Face à la violence de la répression, la révolution syrienne devient petit à petit un conflit armé et étouffé par l'entrée en scène de l'organisation État islamique. Aujourd'hui, le pays semble être un champ de ruines. Pourtant, les révolutionnaires d'il y a dix ans refusent d'abandonner.

    «Révolution syrienne, l'espoir malgré tout», un Grand reportage d'Oriane Verdier.


  • Le tourisme est le principal moteur économique de la Nouvelle-Orléans, mais la vague de contamination qui a suivi les festivités de Mardi gras, en 2020, a entraîné une politique très restrictive : les bars et restaurants ont été totalement fermés de mars à octobre, et ne rouvrent que très progressivement. Les hordes de visiteurs qui arpentent habituellement le vieux quartier français ont disparu, et leur absence entraîne une crise économique de grande ampleur. 

    Un trompettiste joue seul sur le trottoir, sous les néons d’une enseigne de Bourbon Street. La rue la plus célèbre du vieux quartier français est normalement submergée, chaque soir, par des milliers de visiteurs venus goûter l’esprit festif de la Nouvelle-Orléans. Mais les notes du musicien résonnent dans un quasi-silence : la foule disparate, ivre, grouillante sous les balcons en fer forgé des maisons colorées, n’est plus au rendez-vous. «Je n’aurais jamais cru au fil des années que voir cette rue aussi propre me rendrait triste», lâche Isabelle Cossard, guide touristique depuis plus de quarante ans dans la ville de naissance du jazz. Pour se conformer aux mesures de précautions sanitaires, elle a fixé deux rideaux douche avec du velcro dans son minibus blanc, qui séparent la conductrice de ses clients trop rares. «Cette année, j’ai fait 14% de mon chiffre d’affaires habituel. J’ai dû vendre cinq minibus sur sept, et j’ai mis mes quinze employés au chômage», regrette-t-elle. Le véhicule circule sans encombre dans les ruelles habituellement bondées de la vieille ville, et débouche sur la place Jackson où se situe la cathédrale. «Regardez ces tables vides à la terrasse du Café du Monde, c’est du jamais vu ! On doit normalement faire la queue pendant une heure pour déguster leurs fameux beignets et boire un café au lait», se désole Isabelle, avant de dépasser la statue dorée de Jeanne d’Arc, inaugurée par le Général De Gaulle, et les étals du marché français. Plusieurs boutiques de souvenirs ont leur rideau baissé.  «C’est dur, mais on va survivre. On est par terre mais on a le nez levé. À plat ventre mais quand même vivants», conclut la guide désoeuvrée.

     

     

    « C’est un cercle vicieux, tout le monde souffre » 

    Partout à la Nouvelle-Orléans, le même refrain remplace les airs de jazz qui rythment normalement le quotidien : «C’est dur, on ne s’en sort pas». Devant son échoppe qui propose des excursions dans les plantations des environs, des balades en aéroglisseur sur les bayous infestés d’alligators, ou la visite de maisons hantées, Groovie tente d’alpaguer les rares passants qui déambulent. «Je parviens à peine à payer mon loyer. Je gagne deux mille dollars par mois au lieu de deux mille dollars par semaine, c’est presque impossible. Si mon propriétaire n’avait pas accepté de baisser ses prix, je serais sans doute à la rue», soupire le quinquagénaire. Trixie Minsk, une artiste burlesque qui se produit habituellement sur la scène des clubs de la ville, fermés depuis près d’un an, raconte avoir tenté de proposer des spectacles sur internet «mais cela ne paye pas aussi bien qu’en vrai, et c’est difficile de jouer devant un écran», explique-t-elle, «j’ai dû réduire mes dépenses au minimum pour ne pas perdre mon logement». Dans la salle de son restaurant, sur la place Jackson, Joseph Campos montre les tables espacées des deux mètres réglementaires devant les baies vitrées grand ouvertes. Près de la moitié sont inoccupées. «Tout le monde souffre en ce moment. Dans le coin, au moins six ou sept restaurants ont définitivement fermé, alors que ce sont les emplacements les plus prospères de la ville. Les gens à qui nous achetons notre épicerie, nos poissons, l’alcool, souffrent aussi. C’est un cercle vicieux, tout le monde souffre».

    Dans son petit hôtel du centre-ville, ouvert par ses parents, il y a cinquante ans, dans une demeure historique, Bobby Dunner discute avec son comptable au téléphone : il a fait 30% de son chiffre d’affaires habituel en 2020. La faillite a pour l’instant été évitée, mais il s’inquiète. Et voir autant d’établissements mettre la clé sous la porte lui donne le cafard. C’est, selon lui, l’identité même de la Nouvelle-Orléans qui risque de disparaître. «Les petites entreprises familiales ou indépendantes affrontent les plus grandes difficultés, ce sont elles qui ferment en premier. Les banques et les institutions financières sont plus enclines à protéger les établissements qui dépendent de multinationales ou de grosses compagnies, parce qu’il y a plus d’argent en jeu. Aux États-Unis, les chaînes franchisées sont omniprésentes. La Nouvelle-Orléans a toujours été une exception à cette règle, et c’est notamment à cela qu’elle doit son caractère unique. Si nos petits commerces sont remplacés par ces mastodontes, on deviendra une ville comme les autres, et cela me paraÏt très ennuyeux», explique l’hôtelier.  

    Un énorme manque à gagner

    Kelly Shulz travaille à l’office du tourisme, qui lui aussi a dû licencier, et les chiffres qu’elle déroule confirment l’impact terrible que la pandémie a eu sur l’économie de la ville : le tourisme est à l’origine de cent mille emplois à la Nouvelle-Orléans. En 2019, la ville a accueilli plus de dix-neuf millions de visiteurs qui ont dépensé environ dix milliards de dollars. «En 2020 quand la pandémie est arrivée, tout s’est arrêté. Nous avons enregistré une baisse d’au moins 70% des activités du secteur. Cela a été une perte économique énorme», détaille-t-elle avant de préciser, «l’argent des touristes bénéficie à l’ensemble de la population. Les taxes sur les chambres d’hôtel, par exemple, nous aident à financer nos rues, nos infrastructures, notre système scolaire. Cela a été dévastateur.» Quentin Messer préside la New Orleans Business alliance, qui regroupe les principaux acteurs économiques de la ville. Il n’organise plus que des réunions virtuelles et n’accorde des interviews que via internet. Et ce nouveau mode de communication imposé par la pandémie pourrait, selon lui, d’avoir un impact durable sur l’économie de la Nouvelle-Orléans, qui vit du tourisme, mais aussi de l’organisation de grands congrès professionnels. «Certains emplois disparaîtront définitivement», tranche-t-il, «car certaines entreprises vont continuer à travailler en virtuel à l’avenir. Les voyages d’affaires ne reprendront peut-être pas avant début 2023 et sans doute au ralenti. Les entreprises se préoccupent maintenant de leur empreinte carbone, car en plus de la pandémie, nous avons connu des épisodes climatiques extrêmes qui ont accéléré la prise de conscience sur l’environnement. Je pense que les gens vont ajuster leur comportement, et hésiteront à sauter dans un avion pour assister à une convention ou participer à une réunion de travail qu’ils peuvent organiser sur internet. Et ce tourisme d'affaires constitue une part importante de notre industrie».

     

     

    Toute la Nouvelle-Orléans est ainsi affectée par la crise : le vieux quartier français, temple du tourisme, celui des affaires avec son immense centre de convention désert, et les quartiers périphériques, où vit une population appauvrie par le manque de ressources. Seal Dalton a dû fermer son établissement, un modeste café-concert situé à l’écart du centre-ville. Sa clientèle locale, afro américaine, âgée, n’a plus les moyens de venir s’offrir un verre ou reste chez elle par peur de la pandémie. «Nous sommes fermés depuis le 15 mars. Ouvrir avec le droit d’accueillir seulement 25% de ma clientèle me ferait perdre de l’argent. J’ai un emprunt à payer, mon assurance, mes impôts, ma licence, donc oui j’ai beaucoup de difficultés. Je suis en retard sur toutes mes factures, j’avais un peu d’économies pour ma retraite, mais je n’ai plus rien, je n’ai plus d’argent de côté», se lamente la sexagénaire. Et d’une voix brisée par l’émotion elle ajoute : «Le programme du gouvernement fédéral pour aider les petits commerces a refusé mon dossier en mai. J’ai fait tout ce qu’ils m’ont dit, je leur ai envoyé tous les papiers, mais ensuite ils m’ont dit que mon entreprise était invérifiable !  J’ai pourtant ouvert mon café, il y a vingt-trois ans. Mais je n’ai rien obtenu, rien, rien. Je me sens abandonnée…».

     

     

    Aider les musiciens pour protéger la culture, une ressource essentielle

    Les musiciens, ceux qui font l’âme et l’histoire de la Nouvelle-Orléans sont eux aussi tous très durement frappés. Il leur est interdit de jouer en intérieur. Certains s’installent donc dehors, et font la manche pour survivre. Les plus jeunes seulement, car les plus âgés, des Afro-Américains pour la plupart, se savent fragiles face au danger du coronavirus. Inquiet de voir certaines grandes figures de la culture locale sombrer dans la misère, voire quitter la ville, Devin De Wulf a pris les choses en main. Son association Krew the red beans, uniquement financée par des dons, emploie de jeunes musiciens pour aller faire les courses et livrer de la nourriture aux plus anciens via un programme appelé «nourrir la deuxième ligne» : une entraide intergénérationnelle qu’il estime indispensable pour la survie de ceux qui font battre le cœur de la Nouvelle-Orléans. «Au cours de cette première année, on a acheté pour cent trente mille dollars de nourriture et financé l’emploi de quatre-vingt-dix-sept personnes pour un coût de trois cent mille dollars», se félicite Devin, qui explique : «il s’agit de protéger notre culture, une ressource essentielle de notre ville. Beaucoup de musiciens sont des travailleurs indépendants, certains travaillent de manière informelle, ils ont du mal à toucher les allocations chômage du gouvernement fédéral. Donc ils sont particulièrement vulnérables et nous faisons de notre mieux pour embaucher le plus de musiciens possible».

     

     

    Muni d’une liste de courses où il surligne scrupuleusement les produits qu’il entasse dans son caddie, Paul Thibodeaux, percussionniste, l’un des musiciens engagés par Devin de Wulf, arpente les allées d’un supermarché. Il fait les courses pour Benny Jones Senior, un batteur qui dirige le groupe Treme Brass Band. «C’est une figure importante, comme un grand-père pour moi. Je suis content de lui éviter d’avoir à aller au supermarché pour l’aider à protéger sa santé», commente le jeune homme en farfouillant au rayon viande à la recherche de pilons de poulet «on appelle ça des baguettes de batterie ici», rigole-t-il, «je ne suis pas étonné que Benny en raffole». Âgé de 77 ans, le batteur attend tranquillement sa livraison sous son porche. Le matin même, il a accompagné avec son groupe les funérailles d’un vieux musicien. «Avant on faisait plus de mariages que d’enterrements», commente-t-il sobrement. «Je suis vraiment reconnaissant de ce que fait l’association pour tous les musiciens. Je gagne normalement mille dollars par semaine ou parfois plus, mais avec cette pandémie, on a de la chance quand on touche deux cents dollars. On essaye de garder notre argent pour payer les taxes sur notre groupe et tout le reste. Avoir de la nourriture sur notre table est une aide essentielle» «Benny est quelqu’un d’important dans notre communauté, il m’a beaucoup appris sur l’histoire de la Nouvelle-Orléans, l’histoire afro-américaine», ajoute Paul en sortant les victuailles du coffre de sa petite voiture, «j’ai besoin de ce boulot pour survivre, mais je le ferais bénévolement vous savez. Je reçois des leçons d’histoire à chaque livraison».

    La vie plutôt que les dollars

    Les restrictions imposées par la ville commencent à faire grincer les dents à la Nouvelle-Orléans. L’annulation du carnaval de Mardi gras, annoncée une dizaine de jours seulement avant l’échéance mi-février, a suscité la colère des commerçants. Certains avaient déjà rempli leurs stocks en prévision d’une semaine festive, et misaient sur une embellie après une année cauchemardesque pour les affaires. «Nous avons dû prendre des décisions qui ont eu un impact sévère sur l’économie, mais nous devions choisir entre la valeur de la vie et celle du dollar, et nous avons choisi la vie», assène Jay Bank, conseiller municipal à la Nouvelle-Orléans. «Même si cela nous coûte cher, nous avons fait ce qu’il fallait pour la sécurité de nos citoyens. Après la catastrophe épidémiologique qui a suivi le carnaval l’année dernière, la Nouvelle-Orléans a fait un travail exceptionnel en gardant les chiffres d’infection plus bas que partout ailleurs dans l’État, et probablement que dans toute autre ville de la même taille de ce pays. C’est la poursuite de ces efforts qui garantira le retour à la normale», assure-t-il. Dans les rues du vieux quartier français de la Nouvelle-Orléans, les musiciens vivotent donc avec les quelques dollars que leur lâchent les passants. C’est peu, très peu, et pourtant, la magie opère, et la ville continue d’attirer les artistes. «J’ai quitté New-York, il y a trois mois, pour vivre de ma musique ici. Les loyers sont exorbitants là-bas. À la Nouvelle-Orléans, c’est un peu moins cher et on peut jouer dans la rue, c’est ce qui me sauve. Honnêtement c’est mieux que rien, et il fait chaud ici. Personne ne peut jouer actuellement dans les rues froides de New York», témoigne Cristina Caminis, qui chante devant un magasin de souvenirs. «Tant que je touche mes allocations chômage, je peux survivre», ajoute la jeune femme, «l’argent que je récolte dans la rue me permet de payer mon téléphone et mon abonnement à internet. Et pratiquer mon art devant quelques passants est essentiel».

     

     

    Déjà des réservations pour l’année prochaine

    Thomas Rey, un Tour Opérateur qui exerce à la Nouvelle-Orléans en est persuadé : le Covid sera bientôt un mauvais souvenir, et la ville retrouvera rapidement son visage d’antan. «Nous avons reçu deux demandes cette semaine : l’une émane d’un groupe belge de quarante-cinq personnes pour le mois de mars de l’année prochaine, et l’autre pour trente-cinq personnes du Mexique, qui tablent sur le mois de février. Je suis certain qu’avec le vaccin, nous allons avoir une explosion totale du tourisme l’année prochaine», confie-t-il avec entrain, avant d’ajouter dans un grand sourire : «Nous sommes prêts pour les accueillir, nous avons eu une année pour planifier beaucoup de choses !». Un optimisme, une confiance dans l’avenir partagé par le conseiller municipal Jay Banks. «La Nouvelle-Orléans est abîmée, mais elle n’est pas morte. On fera ce qu’il faut pour se relever. On va s’en remettre. Nous vivons dans la ville la plus résiliente de cette planète». Derrière son bureau, un costume de Superman attend, sur un cintre, le prochain carnaval.


  • Tandis que le monde a les yeux rivés sur la pandémie de Covid-19, la Guinée, située au coeur de l’Afrique de l’Ouest est actuellement en proie à une résurgence du virus Ebola. Près de 5 ans après la fin de la première épidémie, la plus meurtrière, qui avait coûté la vie à plus de 11 300 personnes en Afrique de l’Ouest. En région forestière dans le sud du pays, au moins 9 personnes ont trouvé la mort sur une vingtaine de cas détectés. Les autorités se sont donné 6 semaines pour vaincre la maladie, mais il faut pour cela surmonter les réticences de la population et la peur que suscite de toutes parts la fièvre hémorragique.

    ►À lire aussi : Résurgence de la maladie Ebola en Guinée: «Derrière elle, la violence»





  • Le vendredi 12 mars 2021, le football africain aura un nouveau patron. Patrice Motsepe va prendre la tête de la CAF, la Confédération africaine de football, il remplace le Malgache Ahmad, suspendu par la FIFA pour détournement de fonds. Des problèmes de gouvernance qui restent un frein au développement du ballon rond en Afrique. Le magazine de la rédaction s'est rendu au Cameroun, pays emblématique qui vient d'accueillir le CHAN et qui abritera la CAN en 2022, les deux grandes compétitions continentales.

    «Splendeurs et misères du football africain», un Grand reportage au Cameroun d’Hugo Moissonnier.


  • Depuis presque 20 ans, l’Armée de Libération du Soudan combat le pouvoir central soudanais. L’ALS contrôle une grande partie du Darfour, dans l’ouest du pays. La région a été ensanglantée par la guerre civile avec plus de 300 000 morts selon les experts. À la différence des autres mouvements armés, l’ALS a refusé de signer l’accord de paix d’octobre. Il n’a pas du tout l’intention de déposer les armes. Sébastien Németh a pu passer plusieurs jours dans la chaîne de montagnes du Jebel Marra, le fief de l’ALS.

    En conflit armé avec le pouvoir soudanais, l’ALS ne se laisse pas approcher si facilement. Il a fallu plusieurs jours de négociation avec des intermédiaires, pour que des responsables locaux du groupe acceptent une rencontre dans la région d’El Fasher, la grande ville du Darfour-Nord. 

    Pour plus de discrétion, l’entrevue est organisée dans un camp de déplacés réputé favorable au mouvement. Mais les rebelles veulent éviter d’être confrontés aux Istirbakhat, les services de renseignements soudanais. Leur pick-up coupe à travers le désert pour éviter les barrages.

    Abdallah Mahamat, responsable du mouvement dans le Darfour-Nord, explique que des précautions sont indispensables. « Nous faisons des étapes planifiées, parce que si les autorités savent ce que nous faisons, nous pouvons avoir des problèmes. S’ils apprennent que nous sommes avec des journalistes, nous risquons d’être arrêtés », dit-il.

    Certes, l’appareil sécuritaire mis en place sous l’ancien régime n’est plus aussi actif. Mais la méfiance reste de mise. « Depuis la révolution, le système de sécurité est un peu allégé mais nous devons toujours être sur nos gardes. Sur la route, des proches du groupe observent et nous préviennent en cas de besoin », indique Abdallah Mahamat.
    Partage du gâteau
    Dans l’un des camps de déplacés autour de la ville de Tawila, les habitants accueillent les rebelles avec bienveillance. Ces victimes de la guerre, déracinées par le conflit, voient souvent d’un bon œil la cause de l’ALS. Assis autour d’un thé, Abdallah Ousmane, membre du Bureau politique du mouvement, prend la parole. Il critique les désormais anciens rebelles qui ont déposé officiellement les armes en octobre. Pour lui, ces mouvements ont signé par simple appétit du pouvoir. « Nous voulons une paix concrète, pas un simple partage du gâteau. Cette paix ne doit pas servir une cause personnelle. L’accord de Juba ne règle pas la crise. Il ne s’intéresse pas aux racines du problème, comme le retour des déplacés sur leurs terres d’origine, les compensations individuelles, les milices qui ont attaqué, tué, brûlé et qui sont toujours là », explique Abdallah Ousmane.

    La rencontre met les rebelles en confiance. Ils acceptent d’organiser un séjour au Jebel Marra, la zone qu’ils contrôlent. Cette chaîne de montagnes située dans l’ouest du Darfour est le fief de l’ALS.

    Le départ est fixé dès 6h du matin. Au programme, plusieurs heures de route avec des barrages tenus par les forces de sécurité à traverser. Yunus, un membre du groupe rebelle, sera le guide.

    En 2003, une attaque a tué 21 personnes dans son village, dont son frère. Sur la route, il pointe les villages désertés par leurs habitants et qui vivent désormais dans les camps de déplacés. « Si nous parvenons à franchir les contrôles, nous atteindrons la localité de Fina. Ce sera le début de la montagne. Ensuite il n’y aura plus de route, vous devrez marcher environ 5h jusqu’au quartier général de l’ALS. C’est un endroit très montagneux et accidenté », annonce Yunus.

    Les forces de sécurité ne voient pas d’un bon œil les rencontres entre journalistes et rebelles. À Kidingir, la dernière ville avant l’entrée en zone rebelle, militaires, policiers et agents des renseignements sont visibles en grand nombre. Néanmoins, les barrages sont passés sans encombre.
    Sable et poussière
    L’entrée dans le Jebel Marra fait découvrir un paysage semi-aride. Les pistes se transforment en chemins de sable et de poussière cahoteux. Le premier combattant croisé en zone rebelle est un adolescent habillé en civil. « Il aide à sécuriser les citoyens qui traversent entre Fina, le premier village sous notre contrôle, et Kidingir, côté gouvernemental. La distance entre les deux est d’environ 200 m. Il n’y a pas d’affrontements en ce moment pour maintenir la sécurité des populations qui transitent. Depuis la chute de la dictature, il y a une certaine coordination entre les deux côtés », explique Yunus.

    Après plusieurs kilomètres de secousse, voici Fina, la première localité rebelle. Le village se compose de quelques bâtiments cubiques en dur, d’un marché, d’une petite clinique ou encore d’une école. Avant de partir à l’assaut de la montagne pour rejoindre le quartier général, un grand homme mince demande un entretien. C’est Mustafa Ahmed, le conseiller sécurité de l’ALS. Installé sur une chaise, sous un arbre, il raconte la genèse du mouvement. Celui qu’on surnomme Roko présente l’Armée de Libération du Soudan comme un héritier des groupes de résistance des années 80. Suite notamment à des sécheresses, des tribus arabes sont arrivées au Darfour, entraînant des tensions avec les communautés locales notamment Four, l’ethnie la plus nombreuse, mais également les Zaghawa et les Massalit. Considérant les Arabes comme des envahisseurs, ces groupes ont commencé à former des milices d’auto-défense.
    Marginalisation
    La situation s’est aggravée après l’arrivée au pouvoir en 1989, d’Omar el-Béchir. Le président soudanais a décidé de lancer un mouvement d’arabisation du Darfour, accompagné d’une marginalisation de la région et de ses communautés. Le chef de l’État a alors armé des milices arabes, notamment les tristement célèbres Janjawid, littéralement « les cavaliers du diable ». « Ils ont semé la terreur dans la province. Les atrocités, viols, pillages, destructions, meurtres font qu’aujourd’hui Omar el-Béchir et plusieurs autres hauts responsables de l’ancien régime sont accusés notamment de crimes de guerre et génocide par la Cour Pénale Internationale », indique Mustafa Ahmed.

    Mais les groupes d’auto-défense formés après l’arrivée des tribus arabes ont décidé de résister.

    Ils ont notamment cherché à unifier et pérenniser leur résistance, avec la création, en 1998 de la Darfur Liberation Army.

    D’ethnie Four, l’avocat Abdelwahid Al Nur, qui se trouve aujourd’hui en France, est choisi comme chef. Khamis Abakar, un Massalit, devient son adjoint. Abdallah Abakar, un Zaghawa passe lui commandant en chef.
    Génocide
    Suite notamment à une volonté de donner une stature nationale au mouvement, la DLA s’est transformée en Armée de Libération du Soudan en 2002.

    « Nous avons pris les armes contre l’oppression ! s’exclame Mustafa Ahmed. Notre peuple a été la cible directe du régime qui a divisé les gens entre Arabes et non Arabes. Le gouvernement a levé contre nous des milices et nous a présentés comme des hérétiques. Ils ont attaqué des villages, brûlé des maisons, spolié les richesses. Ils ont commis des crimes de guerre, un génocide », dit-il.

    En 2003, l’ALS a lancé des attaques contre les garnisons de Tur, puis Gulu, le 10 février 2003.

    La guerre civile a alors éclaté. Elle fera plus de 300 000 morts.

    Selon Mustafa Ahmed, « près d’une cinquantaine d’accords ont été signés jusqu’à aujourd’hui avec le gouvernement, suite à des rencontres à Ndjamena, Abéché, Abuja, Asmara et même Doha, sans pour autant mettre fin au conflit », dit-il.

    Beaucoup pensaient que la chute de la dictature, l’arrivée d’un gouvernement de transition et la paix signée en octobre avec la plupart des groupes rebelles du Darfour allaient changer la donne. « Pas du tout ! » estime Mustafa Ahmed. « Nous espérions une véritable stabilité. Mais elle n’est pas venue. Les crimes continuent. Il n’y a pas de sécurité pour les citoyens du Darfour », indique le représentant rebelle.

    ► Diaporama

     

     
    Chameaux et ânes
    Puis, vient l’heure de se remettre en route. Trois hommes équipés d’AK47 sont désignés pour nous escorter jusqu’au quartier général rebelle. Parmi eux, Ezzedine Mohammad, l’officier humanitaire de l’ALS. Grand, mince, cheveux courts et fine moustache, il explique que « les habitants du Jebel Marra vivent de l’agriculture, utilisent des ânes, des chameaux et des chevaux pour se déplacer. C’est très accidenté et impraticable pour les voitures. Donc pour nous, la montagne est comme une citadelle. C’est pour cela que l’armée ne peut pas contrôler la zone. Nous avons un avantage géographique », indique Ezzedine Mohammad.

    Sur la route, la vue sur la chaîne de montagnes et ses couleurs jaune, orange et ocre est à couper le souffle. Les habitants vont et viennent, sur leurs ânes et leurs chameaux, chargés d’eau ou de nourriture. Des groupes de rebelles à pied, mitrailleuses et AK47 sur l’épaule, montent et descendent la montagne. Sur le chemin, on croise également des villages composés de maisons circulaires en pierre, avec des murs d’enceinte et des cultures sur lesquelles les Darfouris s’activent. Les terres fertiles du Jebel Marra permettent aux habitants d’y cultiver du blé, du sésame ou encore divers fruits. Les 5h de montée prévues se transforment en 8h d’une randonnée exigeante que les guides ont avalée en chaussures de ville sans aucun effort apparent.
    Quartier général
    Toran Tonga ressemble à un village comme les autres avec ses petites maisons rondes et leurs toits de chaume. Pourtant, c’est le quartier général de l’ALS. Même si les rebelles circulent librement dans la localité, le centre névralgique du mouvement se trouve en face, dans une forêt de pins plantée par l’Union européenne dans les années 60.

    Un grand terrain vague entouré de baraquements est utilisé par l’ALS comme camp d’entraînement. Ce matin, des dizaines de recrues sont réunies pour des manœuvres. Un groupe porte l’uniforme des rebelles avec leur drapeau : quatre bandes horizontales vert bleu rouge noire, avec une étoile blanche au centre. Tous crient des slogans à la gloire de l’ALS et de son chef Abdelwahid Al Nur. Ezzedine Mohammad, responsable humanitaire, explique que « le centre d’entraînement sert à les préparer à se protéger eux-mêmes, la nation et leur peuple. Même quand les civils veulent nous rejoindre, ils doivent passer par cette étape. Pour apprendre la science militaire, le maniement des armes. Cela prend 6 à 9 mois pour les former. C’est un défi », indique Ezzedine Mohammad, lui-même ancien combattant.

    L’emploi du temps des recrues est bien rempli. La journée commence dès 6h30. Les rebelles alternent exercice physique et manœuvres et cours magistraux.

    Ils reçoivent aussi des cours sur la révolution, la sécurité ou encore le droit. Résultat : un certain formatage du discours se ressent. Même si chaque rebelle a aussi des raisons personnelles de s’engager. Abubacar Saleh Idriss, 25 ans, explique avoir « rallié le mouvement à cause de l’injustice et la tyrannie. La lutte armée était la dernière option. Mon père a été tué durant l’attaque du mon village. Ma famille a dû fuir. C’est l’État soudanais qui l’a assassiné. Alors je vais continuer la lutte jusqu’à obtenir la liberté du peuple. »
     
     

    Idéologie tribale

    Chaque soldat interrogé semble avoir connu les mêmes expériences. Village attaqué par les milices arabes de l’ancien régime, maisons détruites, proches tués. Aujourd’hui, l’idéologie de l’ALS est donc résolument tribale. Même s’il dit défendre tous les marginalisés du Soudan, le mouvement défend avant tout les communautés considérées comme originelles et africaines du Darfour, notamment Four, Zaghawa et Massalit. Abdelhakim Abdulkhair, 37 ans, membre du groupe rebelle depuis 20 ans, déclare que « l’État soudanais ne voulait pas que les Noirs soient ici. Nous avons l’impression que l’ancien régime refusait leur existence. C’est pour cette raison que nous avons commencé la résistance. Si tu es Noir, l’État va te rejeter. Alors que le Soudan appartient à tous. Nous combattons pour récupérer nos droits. »

    Les instructeurs eux sont, pour la plupart, d’anciens soldats de l’armée régulière. Le commandant Abubacar Armin tente de préparer les recrues à ce qui les attend. « Quand vous rejoignez l’ALS, vous ne pouvez plus aller en ville. Les renseignements peuvent vous arrêter. Vous devez rester ici, combattre ici, parfois nous manquons de nourriture ou de munitions. Le gouvernement lui est bien armé », dit-il.

    La zone rebelle n’a aucun confort avec ses baraquements en bois dans les montagnes où les nuits sont mordues par le froid. Maintenir la motivation est un défi pour les membres du mouvement qui subissent isolement et conditions de vie spartiates dans les montagnes. Âgée de 45 ans et membre de l’ALS depuis 2008, Sadiha Mahamat est originaire du centre du Darfour. Comme les autres, elle estime que son combat vaut bien qu’on sacrifie son confort. Elle explique vivre « au quartier général. J’ai pu faire venir mon père aveugle ici. Mais je n’ai pas assez d’argent pour aller voir ma famille qui vit dans un camp de déplacés. Donc je leur parle au téléphone. C’est dur d’être loin des siens. Je souffre ici et eux aussi souffrent au camp. »

    Pour autant, Sadiha Mahamat juge la cause de l’ALS « prioritaire. Pendant mon enfance, je me suis rendue compte que mon peuple souffrait et qu’il était sous la domination de milices qui volaient le bétail, tuaient les gens. Durant les guerres tribales à la fin des années 80, entre les Four et les Arabes, mon village a été attaqué. Un de mes oncles a été tué en sortant du marché. Il y a encore eu des attaques en 1989 et en 2003. À ce moment-là, ma famille a dû fuir. Quand la guerre civile a commencé, j’ai fait partie des milices de défense Four. Puis j’ai rejoint l’ALS dans le Jebel Marra », raconte-t-elle.
    Réconfort
    Plus tard dans la journée, femmes et hommes préparent le repas. Au menu, une bouillie de sorgho avec une sauce au poisson. La vaisselle est mise sur des branches d’arbres, la nourriture cuite dans de grandes marmites et mangée dehors. Un moment de réconfort loin de tout. Halima Suleymane, 26 ans explique que « son fils vit hors du camp. C’est compliqué d’aller le rejoindre. Mon mari sort travailler pour pouvoir le nourrir, mais moi je suis ici pour aider le mouvement. C’est très dur d’être séparés. Quand on sort de la zone libérée, on doit avoir l’air de civils normaux mais on a toujours peur d’être arrêtés ».

    La journée se termine par des moments de chants et danse entre rebelles. Il est temps d’aller rencontrer Abdelkader Abdourahman Ibrahim, le chef militaire de l’ALS en personne. Chauve et à la forte carrure, il reçoit dans son bureau aux côtés de ses généraux. « On me surnomme Ouodey. Je suis le chef militaire de l’ALS, explique-t-il en langue Four. Notre groupe a déclaré un cessez-le-feu humanitaire en 2017. Donc nous n’attaquons pas. Mais le gouvernement nous agresse tout le temps. Il envoie ses milices pour nous forcer à signer la paix. Nous nous défendons », indique-t-il.

    Ancien soldat de l’armée nationale âgé de 52 ans, Abdelkader Abdourahman Ibrahim semble plutôt réaliste sur la situation de l’ALS sur le terrain face à des forces gouvernementales mieux équipées que les rebelles. « Dans le passé, notre zone était plus grande. Mais nous avons perdu une douzaine de localités depuis 2016. Si on ne trouve pas de solution politique, on tentera d’en reprendre le contrôle. Le pouvoir a plus d’argent, plus d’armes et il est soutenu par des pays étrangers comme les Émirats, le Qatar, l’Arabie. Nous dépendons de nous-mêmes. On cultive la terre, nos combattants peuvent aussi aller travailler pour gagner leur vie », détaille-t-il.
    Mine d'or
    Il y a quelques années, de l’or a été découvert au Darfour. Au moins une mine se trouve en territoire rebelle. Pourtant, Ouodey assure que l’ALS « n’a pas de matériel pour exploiter le site. En plus, si les soldats s’enrichissent, ils pourraient être tentés de partir », dit-il.

    L’officier assure que l’ALS compte 60 à 70 000 combattants. Un chiffre impossible à vérifier.

    Concernant le manque de moyens, le chef militaire ne dit pas tout. Selon plusieurs sources internes, les rebelles exploitent bien, au moins indirectement la mine d’or. Les habitants ont le droit d’y creuser mais l’ALS prélève systématiquement 50% du minerai récupéré.

    En tout cas aujourd’hui, l’Armée de Libération du Soudan se dit prête à continuer la lutte car ses revendications sont très loin d’être satisfaites. Abdelkader Abdourahman Ibrahim estime que les groupes marginalisés par l’ancien régime, Four, Zaghawa, Massalit et  autres,« ont des droits historiques sur cette terre. Le Darfour est notre berceau, depuis l’époque du sultanat. Mais, le régime a amené de nouvelles populations étrangères pour occuper ce territoire. Des Tchadiens, des Maliens, des Nigériens. Nous ne signerons pas la paix tant que les étrangers ne nous rendent pas le Darfour », annonce-t-il.

    L’autre exigence de l’ALS, c’est le retrait des Forces de Soutien Rapide. Ce groupe paramilitaire serait composé de plusieurs dizaines de milliers de combattants bien armés et bien entraînés. Incorporées dans l’armée soudanaise en août 2013, les FSR sont probablement la force la plus puissante au Soudan, mais son image est des plus controversées. Parmi ses membres, on y trouve les anciens janjawids accusés de multiples exactions durant la guerre du Darfour. Les Forces de Soutien Rapide sont elles-mêmes soupçonnées de graves crimes sur les théâtres où elles ont été déployées. Elles seraient également à l’origine du massacre du 3 juin 2019, lors du démantèlement du sit-in, le cœur de la révolution à Khartoum, et qui a fait des dizaines de morts. « Beaucoup de leurs membres sont des étrangers, dit Abdelkader Abdourahman Ibrahim. Tout comme leur chef Hemetti, le numéro 2 du Conseil Souverain. Lui et ses complices doivent être jugés à la Cour Pénale Internationale. Rien n’est possible avec eux. Et malgré la fin de la dictature, ils ont toujours le grand projet d’arabiser le Darfour », estime le chef militaire de l’ALS.

    L’ALS reconnaît avoir perdu du terrain, mais elle a aussi perdu des hommes. Plusieurs responsables ont fait défection pour former une branche appelée Al Fuka qui s’est rapprochée du gouvernement. Au moins deux hauts responsables opérant dans l’est et le nord du Jebel Marra ont également quitté le groupe pour rejoindre une autre faction, l’ALS-Transitional Council, qui négocie de son côté avec Khartoum.
    Position stratégique
    Le lendemain de l’entretien, un groupe de rebelles, composé d’une douzaine d’hommes et femmes, partent en patrouille jusqu’à une position stratégique de l’ALS, à quelques kilomètres du quartier général. Le colonel Mahamat Saleh Row dirige le groupe. L’homme au béret et à la mâchoire prognathe explique que le groupe se rend sur la colline de Diffa. « C’est une position défensive d’où on peut voir loin. On peut observer la route principale menant au centre du Jebel Marra. Mais elle a surtout pour but de protéger le quartier général qui est proche », explique l’officier.

    En haut de la colline, Jackson Back recharge sa mitrailleuse Douchka. Il commande l’unité de 33 rebelles chargée de contrôler Diffa. « Nous avons une Doushka, des mitrailleuses BKM, des RPG et des AK47. Pour les munitions et les armes, on les prend surtout sur les troupes gouvernementales durant les combats. On vit dans des conditions difficiles, mais la population nous soutient en nous donnant de la nourriture. Nos soldats les aident aussi dans les fermes. De toutes façons quand votre peuple souffre, vous pouvez vous sacrifier et vivre sans confort », indique-t-il.

    L’ALS n’a ni arme lourde, ni blindés, ni aviation. Les rebelles combattent donc en infériorité matérielle. En cas de besoin, ils se protègent dans les grottes comme celle située en contrebas de la position. Ezzedine Yusuf, chargé des Affaires humanitaires la décrit comme « une bonne cachette ».

    « Quand les avions bombardent, vous pouvez vous abriter ici. Même les habitants viennent s’y réfugier avec leurs animaux. Le gouvernement a plus de moyens mais on se battra même avec des épées. Nous n’abandonnerons que lorsque les Darfouris seront traités à égalité. En attendant, il n’y aura pas de paix »,annonce Ezzedine Yusuf.

    Et lorsqu’on interroge les rebelles en poste sur Diffa, les souvenirs des atrocités de la guerre reviennent sans cesse pour justifier leur combat et leur détermination face à un ennemi en théorie plus fort. Abdelatif Yousef tient sa kalachnikov sur ses cuisses. Son téléphone portable dans sa poche diffuse de la musique. L’homme est membre de l’ALS depuis 13 ans et il commande une douzaine d’hommes. Il raconte l’une des plus terribles attaques qu’il ait subie, en 2016. Cette année-là, l’ancien régime avait décidé de lancer une nouvelle série d’offensives sur le Jebel Marra. « Un Antonov est arrivé. Nous nous sommes mis en alerte puis l’avion a commencé à bombarder toute la zone. Nous avons perdu 7 hommes. Ils ont été enterrés dans le village en dessous. Comme le gouvernement ne peut pas venir en véhicule, il utilise l’aérien ».
    Enfants tués
    Pour lui, ce genre d’offensive du gouvernement est inutile face à des hommes qui trouvent leur détermination dans les tragédies personnelles qu’ils ont vécues durant la guerre. « Ces attaques me renforcent dans mon combat. La dictature a détruit mon village. Un bombardement a tué mes trois enfants. Je souffre encore aujourd’hui. Mais comme j’ai perdu ma famille, il ne me reste plus que la lutte. Je n’ai pas le choix », raconte Abdelatif Yousef.

    Malgré son isolement, le Jebel Marra est loin d’être vide. 900 000 personnes y seraient installées, selon l’ALS. Une population qui vit en territoire rebelle et côtoie au quotidien des milliers d’hommes en armes. Abakar Juma est le chef de Toran Tonga, le village où l’ALS a son quartier général. Il parle d’une bonne entente entre les deux populations car selon lui, « le mouvement ne se mêle pas de nos affaires et on ne se mêle pas des siennes. Mais il existe des liens. Parce que leur objectif est de protéger la population d’ici et de nous faire regagner nos droits. Par exemple, si certains rebelles ont besoin d’un travail, comme ils vivent ici, on les aide à trouver une activité », détaille Abakar Juma.

    Plus bas dans la vallée, dans le village de Kat, c’est le temps des récoltes. Une douzaine d’hommes battent le blé avec leurs fléaux pour séparer les grains des épis. Le propriétaire, Mohamed Khamis ne cache pas sa sympathie pour l’ALS, suite aux attaques du pouvoir. « L’armée a beaucoup bombardé. On se cachait sous des arbres ou dans des grottes. Alors aujourd’hui, j’aide l’ALS en donnant une partie des récoltes et de la farine. Le mouvement nous protège. Je n’ai pas besoin de porter une arme. Je travaille normalement. »

    La plupart du temps membres d’ethnie non arabes, les habitants des montagnes ne cachent pas leur sympathie pour l’ALS. Au point que certains cherchent la protection des rebelles. Après l’attaque de son village en 2016, Abdallah Arbab est venu se placer sous leur protection. « Après notre arrivée, des gens nous ont donné des outils, de l’eau, de la nourriture. Je travaille dans les champs et on partage les récoltes avec les autres. L’ALS ne nous demande rien. Mais par bonne volonté, c’est moi qui donne spontanément aux rebelles. » Le soutien des habitants s’avère indispensable pour l’ALS qui a besoin de l’aide des Darfouris pour tenir face à la pression du pouvoir. D’autant que la guerre risque encore de durer, tant les obstacles avant la paix paraissent infranchissables.

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    - Pour les déplacés du Darfour, «les accords de paix, c'est que de l'encre sur du papier»

     


  • Tarhouna, une ville à moins de 100 km au sud de la capitale libyenne Tripoli. Pendant des années, la ville a vécu sous le règne sanglant d'une milice connue sous le nom des Kaniyat. Exécutions sommaires, massacres et disparitions forcées ont été le lot quotidien des habitants. Encore plus, lorsque la ville est devenue en 2019 une base stratégique pour le maréchal Haftar dans son offensive manquée contre Tripoli. Depuis la fuite des troupes des Kaniyat, les habitants comptent les morts, recherchent les disparus.

    «Tarhouna, les fantômes de la discorde», un Grand reportage signé Aabla Jounaïdi.

    ►À lire aussi : Libye: Tarhouna, les fantômes de la discorde


  • Pour remplacer le pétrole, certains rêvent d’en faire le carburant du futur : l’hydrogène. Une filière que plusieurs pays veulent développer, dont l’Allemagne et la France. Le gouvernement français a ainsi dévoilé une stratégie, et promet 7 milliards d’euros d'aides publiques jusqu'en 2030. Ce vecteur énergétique figure même dans le plan de relance économique. L'hydrogène pourra-t-il nous permettre de baisser drastiquement nos émissions de CO2 ? Est-ce la solution miracle ? Le débat est lancé, mais d’ores et déjà, de nombreux acteurs économiques sont dans les starting-blocks.

    «Coup d’accélérateur pour l’hydrogène», un Grand reportage de Pauline Gleize. Réalisation : Pierre Chaffanjon.

     

     

     


  • C'est une visite qui marquera l'histoire : le pape Francois se rend en Irak du 5 au 8 mars 2021. Une première pour un souverain pontife. L'occasion de revenir sur les conditions de vie des chrétiens dans ce pays. Longtemps persécutée, souvent déplacée, cette communauté s'est considérablement réduite. L'arrivée de Daech en 2014 a poussé nombre d'entre eux au départ. Les autres, toujours dans le pays, se battent pour ne pas voir leur communauté disparaître.

    «Irak : les chrétiens, après Daech», un Grand reportage signé Lucile Wassermann.

     


  • S’il faut attendre l’issue des élections législatives du 6 mars en Côte d’Ivoire pour connaître la couleur politique de la future majorité à l’Assemblée Nationale, on sait d’ores et déjà que la prochaine législature sera massivement masculine. C’est une grande déception pour tous les défenseurs et défenseuses des droits des femmes en Côte d’Ivoire. Depuis octobre 2019, une nouvelle loi impose pourtant un quota de 30% de femmes candidates pour les assemblées élues. 

    Mais à la veille de ces législatives 2021, le constat est amer : aucun des grands partis politiques n’a respecté la loi de et ce taux atteint à peine 15%. Pourquoi les femmes sont-elles encore sous-représentées au sein des instances dirigeantes ? Pourquoi la Côte d’Ivoire fait-elle office de mauvais élève dans la sous-région dans le domaine de la représentativité politique des femmes ?

    Face à ce constat d’échec, des voix s’élèvent pour que la nouvelle loi, à ce jour non coercitive, soit fondue au code électoral, et qu’une réelle volonté politique permettent aux femmes, au même titre que les hommes, de représenter le peuple ivoirien.

    Femmes politiques en Côte d’Ivoire : peut-on briser le plafond de verre ? un Grand reportage de François Hume-Ferkatadji.

    RFI consacre, lundi 8 mars 2021, une journée spéciale à la Journée internationale des droits des femmes en mettant à l'honneur les femmes scientifiques.