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  • Pour la marine russe, ce devait être un exercice naval taille XXL. Son nom Okéan 24, il s’est déroulé du 25 août au 16 septembre, du jamais vu depuis la guerre froide, sur le papier seulement. Car les marines occidentales ont suivi de près la manœuvre et elles restent circonspectes quant aux réelles capacités de la flotte russe.

    Okéan 24 a été annoncé à grand renfort de publicité avec des chiffres vertigineux : 400 navires, 90 000 soldats et marins mobilisés et 17 pays invités pour un exercice qui s’est joué sur les océans Arctique, Pacifique, ainsi que sur les mers Baltique, Caspienne et Méditerranée.

    Mais dans les faits, quelques dizaines de navires seulement ont pris la mer, avec beaucoup de petites unités comme des canonnières. « Il y a une véritable distorsion entre les annonces et ce que l’on a observé », notent des marins de haut rang. Les observateurs indiquent qu’il n’y a eu aucun entrainement en Atlantique et aucune manœuvre terrestre, contrairement à ce qui était annoncé.

    « C’est un exercice en trompe-l'œil, abonde le spécialiste de la pensée stratégique russe Dimitri Minic chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri) : « C'est vrai que c'était une annonce faite par Moscou qui était inédite, depuis la guerre froide. On se rend bien compte que les effectifs d'entraînement ne sont pas du tout ceux qui avaient été annoncés par le ministre de la Défense Andreï Belousov. Au fond, qu'est-ce que cela nous dit ? Cela nous dit que c'est une manière pour la Russie d'impressionner évidemment ses adversaires déclarés ou non. Ils veulent montrer que leurs ambitions sont totales, que la Russie n’est pas seulement une armée de terre, une armée de l'air, mais que c'est aussi une marine puissante, et qu’elle est capable d’être active sur toutes les frontières de la Russie et même au-delà. On a vu que la Méditerranée orientale a également été concernée par ces entraînements. »

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    En Méditerranée, la frégate française Languedoc a observé l'exercice russe

    En Méditerranée Orientale, Moscou dispose d’une base navale à Tartous en Syrie. Depuis ce point d’ancrage, la marine russe a engagé dans Okéan 24, trois navires et un sous-marin (l’Oufa). Une manœuvre qui a été observée par la frégate française Languedoc, nous avons joint le Capitaine de Vaisseau Loïc Boyer son commandant lorsqu’il était en mer, voici son appréciation : « Nous avons pu l'observer parce que l'objectif de déployer une frégate en Méditerranée orientale, c'est de faire de l'appréciation autonome de situation. Pour autant, ça n'a absolument pas fait l’objet d'une attention particulière. Oui, effectivement, les unités russes qui sont stationnées en Méditerranée orientale ont participé à cet exercice. Mais je dirais, comme pour tout exercice routinier d'entraînement habituel d'une marine, c'était une manœuvre habituelle pour la région. »

    La flotte russe du Pacifique impressionne toujours

    Exercice routinier donc, excepté dans le Pacifique où la Chine était aux côtés des russes. Si côté occidental, personne n’a acheté le narratif d’Okéan 24, la presse japonaise, en revanche, s’en est fait l’écho : 4 navires russes et 4 navires chinois ont patrouillé en mer du Japon, une région où la flotte russe du Pacifique impressionne toujours souligne Eric Frécon enseignant à l’université de Singapour : « La Russie a quand même cette image de grande puissance et maintenant, elle est justement à la limite. Mais elle essaye d'apparaître encore comme cette grande puissance qu'elle était et qu'elle serait toujours. Je vous renvoie à un récent rapport commandé par la Marine australienne et qui ciblait la flotte du Pacifique, qu'il ne faudrait peut-être ne pas trop négliger non plus. Un des principaux enseignements, c'était que la guerre d'Ukraine n'a pas d'impact sur la flotte du Pacifique, même si effectivement, peut-être qu'il y a eu embrouille ou esbroufe sur les chiffres pour Okéan 24. »

    Plus qu'un exercice de grande ampleur, Okéan 24 fut surtout une manœuvre informationnelle

    L’illusion d’Okean 24 a aussi porté sur la participation des marines étrangères, en particulier dans l’Indo-Pacifique, où excepté la Chine, personne n’a souhaité s’associer à l’exercice, « Okéan 24 montre toutes les limites de la stratégie mondiale de la Russie, insiste Dimitri Minic de l’Ifri. On voit bien les failles, on voit bien les lacunes de cette politique, on voit bien que le sud global n’est pas trop russe. Faire des exercices navals avec la Russie, c'est aller un peu trop loin aussi. Très peu de ces pays veulent s'aliéner les Occidentaux. Et c'est là que l'on voit que la Chine a une trajectoire spécifique dans les différents États du Sud global, Pékin a plus intérêt que les autres, à faire apparaître la Russie comme une puissance forte et qui résiste à l'Occident. »

    Okéan 24 voulait être la réponse de Moscou à Steadfast defender, le gigantesque exercice de l’Otan du printemps dernier. Mais dans les faits, ce fut plus une manœuvre informationnelle qu’un véritable exercice naval.

  • Des centaines de bipeurs et de talkies-walkies utilisés par l’organisation islamique libanaise, ont explosés mardi et mercredi. Tous les regards se tournent vers Israël, dont le service de renseignements le Mossad est soupçonné d’avoir mené l’opération. Une action coup de poing, qui fera date mais qui a sidéré le monde des espions.

    Les explosions ont débuté mardi 17 septembre, dans les bastions du Hezbollah au sud Liban… Des milliers de bipeurs système de radio messagerie utilisé par l’organisation chiite libanaise ont sauté simultanément, bilan 12 morts et près de 3000 blessés.

    Une opération minutieusement planifiée

    Le lendemain, deuxième vague d’explosions visant cette fois les talkies-walkies, 25 morts, du jamais vu. Le fruit nécessairement d’une opération au long cours indique Vincent Crouzet ancien collaborateur de la DGSE, le renseignement extérieur français. « C'est une opération planifiée, de grande ampleur, qui s’est étalée sur plusieurs mois. Le Mossad et les différentes agences de renseignements israéliens ont dû à un moment donné identifier cette demande du Hezbollah en matière de communication pour répondre à un besoin de non interception par le cyber et de manière électronique de leurs communications. Peut-être même ont-ils suggéré au Hezbollah, de manière indirecte, par des proxys ou autres, d'utiliser ce type de communication. Parfois la manipulation est très en amont, c'est tout à fait possible. Et ensuite ils sont intervenus dans la chaîne de livraison certainement de ces matériels ».

    Et une question reste en suspens : comment le Mossad a-t-il pu s’immiscer dans les chaines d’approvisionnement du Hezbollah ? « On est en Orient, on est dans un monde de négoce, de marchands ». dit Vincent Crouzet,« la plupart des grandes familles chiites Hezbollah sont des familles de négociants, de banquiers, et qui font des affaires. Beaucoup de gens font des affaires avec le Hezbollah. Donc c'était relativement aisé pour le Mossad de monter une filière d'approvisionnement du Hezbollah ».

    Des appareils piégés avec des explosifs indétectables, produit en série, c’est la clé de cette opération. Bipeurs et talkies-walkies étaient programmés pour tuer, un savoir-faire dans lequel Israël excelle indique Vincent Crouzet : « Ce qui en fait un cas d'école, c'est l'échelle et c'est surtout la méthode. Ce n’est pas un exploit technologique. Ça fait longtemps que le piégeage des appareils de téléphonie est une spécialité israélienne. Mais c'est la première fois qu’ils utilisent cette technologie qui n’est pas une technologie de pointe. L'explosif a été déclenché à partir d'un message d'alerte déclenché par Radiomessagerie, tout à fait classique. Il ne faut pas surestimer la question technique de cette affaire, simplement, elle est sortie de l'imagination de maîtres espions et de mastermind assez exceptionnels, mais cruels ! »

    Un dépassement des limites morales

    Cruel et c’est bien ce qui pose problème aux services occidentaux…Cette fois insiste l’ancien espion français, le renseignement israélien coutumier des assassinats ciblés, s’est affranchi de toutes barrières morales : « Ce qui est clair, c'est que l’on se permet d'assassiner des chefs, des chefs responsables d'atrocités comme celles du 7 octobre. Le fait qu'Ismaël Haniyeh (Chef du Hamas assassiné à Téhéran le 31 juillet 2024) ait été tué en Iran par une frappe israélienne ne choque personne. Mais que le Mossad se lance dans ce type d'opération qui est non contrôlé avec plus d'un millier de cibles, c'est tout à fait préoccupant. Et là, le Mossad a transgressé énormément de règles et de codes du monde du renseignement, en vigueurs dans les opérations clandestines ».

    Avec des pratiques flirtant avec le terrorisme, une ligne rouge a été franchie, et l’ex collaborateur de la DGSE d’insister : « un pays démocratique ne fait pas ça ».

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  • En réussissant une percée dans la région de Koursk en août dernier, Kiev a obtenu un demi-succès qui pourrait être sans lendemain, faute notamment de chars de combat pour poursuivre la manœuvre. En l’espace d’une année, les forces armées ukrainiennes ont perdu un grand nombre de leurs chars modernes fournis par les occidentaux.

    L’armée ukrainienne a perdu près de la moitié de ses 31 chars Abrams fournis après beaucoup de réticence par les Américains. Sur les 21 chars allemands Leopard 2A6 qu’elle a reçus, relève le site Oryx qui documente les pertes du conflit, douze ont été détruits ou endommagés et 21 Leopard dans la version 2A4 ont été mis hors de combat. Le char, c’est du consommable, rappelle le spécialiste français de l’arme blindée, Marc Chassillan : « Dans tout conflit de haute intensité, vous avez des attritions qui paraissent totalement anormales, mais qui, en fait, relèvent de la normalité. On a quand même quelques références pour ça. Je parle, par exemple, de la guerre du Kippour, 3 000 chars détruits en trois semaines. On peut parler de la guerre Iran-Irak. Donc aujourd'hui, ce qui nous paraît énorme relève en fait de la normalité pour ce type de conflit. La guerre de haute intensité, c'est une immense chaudière qu'il faut alimenter en matériel, en munitions, en rechange, en carburant, de manière quotidienne et de manière continue. C'est un énorme glouton qui absorbe absolument tout. »

    Le combat des ressources

    Et c’est bien le problème qui se pose à l’armée ukrainienne : comment remplacer ces chars alors que son offensive surprise dans la région de Koursk, lancée cet été, ne progresse plus faute de ressources et subit même depuis quelques jours une contre-attaque. « C'est un peu comme au poker, Kiev a fait tapis », estime Marc Chassillan, qui ajoute : « Il a tout misé sur cette offensive pour espérer renverser la situation d'un point de vue politique et stratégique. D'un point de vue strictement tactique, l'opération a réussi, puisque les Ukrainiens sont rentrés sur le territoire russe, mais ce qu'ils pensaient obtenir, c'est-à-dire en fait un déplacement des unités russes du Donbass vers ce front, ne s'est pas opéré ; maintenant, on le sait après ces quelques semaines d'offensive. Donc là, d'un point de vue opératif, c'est raté. Après, d'un point de vue stratégique, est-ce que ça a déstabilisé la Russie, Moscou, son gouvernement, son régime ? Évidemment que non. Aujourd'hui, toute la question est de savoir à quel moment finalement les Ukrainiens se retireront de cette région. Et c'est là qu'on retrouve les basiques de la guerre qui sont qu’une guerre, c'est deux combats, c'est le combat des ressources et le combat du moral. »

    Et le combat des ressources, c’est aussi pour l’Ukraine faire un choix aujourd’hui entre des missiles ou des chars…

    Des missiles à longue portée que Kiev réclame en nombre et surtout avec l’autorisation des Occidentaux de pouvoir les utiliser dans la profondeur du territoire adverse, pour attaquer les bases aériennes d’où partent les bombes planantes russes et autres missiles fournis par l’Iran. L’heure n’est pas au combat de chars, note Marc Chassillan : « Les chars ne sont rien s’ils ne sont pas environnés par les véhicules tactiques qui doivent les accompagner. Donc, livrer des chars sans livrer des engins du génie pour déminer, ça ne sert à rien, sans livrer des véhicules de combat d'infanterie pour les escorter, ça ne sert à rien. Et donc, le char lui-même aujourd'hui, il est une des composantes, mais il n'est pas la totalité. Il faudrait entre 500 et 700 chars modernes à l'armée ukrainienne pour obtenir quelque chose. Mais si ces chars ne sont pas capables de percer les champs de mines russes, ils ne vont pas servir à grand-chose. »

    Pour Kiev, l’urgence est de contrer les bombardements massifs, desserrer l’étau russe, le temps des chars reviendra à la condition expresse de renouer avec une guerre de mouvement.

  • Jean-Michel Jacques, député réélu de la sixième circonscription du Morbihan, est le nouveau président de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale. Ancien commando de la Marine, ce député compte sur l’esprit d’équipage de l’Assemblée pour préserver le budget de 413 milliards d’euros de la loi de programmation militaire récemment votée et dont il fut le rapporteur. Portrait d’un député au profil atypique.

    Au palais Bourbon, il est dit que c’est le plus beau bureau de l’Assemblée nationale. Au mur, une immense toile représentant une bataille navale et sur une console, un béret vert de commando Marine, matricule 7480, Jean-Michel Jacques nous y accueille.

    « En arrivant ici, c'est vraiment impressionnant, parce qu'on a un bureau avec de vieux meubles et puis aussi de vieilles moulures et c'est un des plus beaux de l'Assemblée nationale. À un moment, l'administration a été tentée, pour gagner de la place, de le couper en deux, mais le service historique en a décidé autrement. Ils ont bien fait d’ailleurs, ce qui a permis d’en conserver toute sa splendeur. Et sur une commode, j'ai mis mon béret de commando Marine. Ce béret qui me m'a jamais quitté depuis que je l'ai eu par un de mes anciens et qui me suivra partout. Donc, il m'a suivi dans mon bureau de maire. Il m'a suivi dans mon bureau de député. Pour moi, c'est beaucoup de choses et si je m'égare ou s'il y a quoi que ce soit, il suffit que je le regarde et tout se remet bien dans l'axe. »

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    La flamme de la résistance

    Rien ne le prédestinait à entrer au Palais Bourbon, Jean-Michel Jacques, 56 ans, est né en Moselle, dans la vallée de la Fensch. « C'est une vallée sidérurgique et minière et en fait, j'avais un grand-père qui était italien, qui est venu dans les mines de charbon travailler très jeune, et puis un autre grand-père qui travaillait dans les usines d'acier, un grand-père d'ailleurs qui avait été résistant et déporté en camp de concentration au Struthof et au camp de concentration de Dachau. Ce grand-père résistant et déporté, lors des repas de famille, racontait ce qu'il avait vécu. Très jeune, j’ai eu cette prise de conscience de ce que peut être l'homme, le meilleur et le pire. Et très vite, j'ai eu ce besoin de m'engager pour mon pays pour éviter, peut-être, que notre pays soit de nouveau maltraité comme je l'entendais à travers les récits de mon grand-père. Et donc cela m'amène à 18 ans, sans prévenir mes parents d'ailleurs, à franchir les portes du Bureau de recrutement de la caserne Ney à Metz, pour m'engager. »

    Pour donner du sel à sa vie, sourit-il, ce sera la Marine : « Et ce sera la Marine parce qu'à ce moment-là, j'ai une formation de menuisier et je me dis, je vais faire charpentier de Marine pour partir en mer, voyager ! Très vite, on me dit, charpentier de Marine, ce n'est pas possible, il faut choisir autre chose. Alors, je choisis de faire commando Marine parce que tout simplement, j'avais vu en rentrant dans ce bureau de recrutement un poster avec un homme qui se jetait d'un hélicoptère au-dessus du désert. Je trouvais ça extraordinaire et du coup, je me dis : je vais faire ça et donc je m'engage comme ça ! Et c'est parti pour une formation de fusiller marin commando, et je m'en vais rejoindre les commandos de Marine à Lorient. »

    L'expérience afghane

    Fusilier au sein du Commando Jaubert, puis du Groupe d’Intervention de combat en milieu clos, il intègre enfin le commando Trépel, avec l’expérience de la guerre en Afghanistan : « Effectivement, c'était un terrain difficile où la mort était continuellement et potentiellement là. En tout cas, c'est une séquence de ma vie que je n'oublierai jamais. Des moments de camaraderie, mais aussi des moments de peine quand on a le triste honneur, comme je l'ai eu de porter le cercueil de son frère d'armes dans la Cour des Invalides. »

    Une seule boussole

    Après 24 ans dans la Marine, Jean-Michel Jacques poursuit son engagement en politique cette fois : d’abord comme maire de Brandérion, petite commune près de Lorient, puis comme député du Morbihan, élu à trois reprises sous les couleurs de la majorité présidentielle. À la tête de la commission de la défense nationale et des forces armées, il plaide pour instaurer à l’Assemblée nationale l’esprit d’équipage acquis lors de ses années dans la Marine, « L'ambition, c'est déjà de s'assurer que la loi de programmation militaire soit accomplie dans sa globalité et comme elle a été votée. Et donc cela va demander de veiller à ce que le budget consacré à nos forces armées soit préservé, ceci n'est pas un luxe. Nous avons la guerre aux portes de l'Europe, nous avons le droit international qui est bafoué. On le voit à travers l'agression russe en Ukraine. Nous ne devons garder qu'une seule boussole, c'est l'intérêt supérieur de la nation. Et l'intérêt supérieur de la nation passera par une défense solide. Et là, je ne doute pas que mes collègues députés de tous bords sauront toujours garder cela en tête et faire en sorte que, malgré des débats peut-être agités au sein de la commission de la défense, nous garderons cet esprit d'équipage dans l'intérêt de notre pays et de nos militaires. »

    Cette méthode revendiquée : concertation et sens du collectif sera précieuse dans un hémicycle particulièrement fragmenté.

  • La guerre d’Ukraine a mis en lumière une caractéristique du champ de bataille contemporain, inédite par son ampleur et ses effets sur les manœuvres militaires. : la « transparence ». Tout ce qui bouge de part et d’autre de la ligne de front est détecté et détruit, réduisant à néant toute velléité d’attaque. Mais néanmoins, selon une récente étude de l’Ifri, l’Institut français des Relations internationales, la transparence n’est pas un phénomène indépassable.

    S’enterrer pour échapper au regard de l’adversaire.

    Après l’échec de l’offensive d’été ukrainienne en 2023, Valeri Zaloujny, ex-commandant en chef des armées ukrainiennes l’avait confessé, du fait de la transparence le conflit ressemble furieusement au premier conflit mondial, c’est une guerre de position, il faut s’enterrer pour échapper au regard de l’adversaire.

    Est-il possible de contourner cette transparence ? oui, dit Guillaume Garnier auteur de l’étude de l’Ifri, mais à condition de privilégier la dispersion et la discrétion : « Il y a des technologies qui permettent effectivement de mieux voir sur le champ de bataille notamment avec des drones de plus en plus précis. Mais il y a aussi des contre-technologies. On est dans une dialectique permanente : quand on a un avantage trop prononcé dans un domaine, on invente une parade. Ce sont des filets de camouflage intelligents qu'on appelle multispectraux. Ce sont des capacités de brouillage aussi. Ça ne sert plus à rien d'avoir un drone s'il n'a plus la liaison de données pour transmettre ses informations.

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    Vous avez également des possibilités de modification des signatures thermiques ou acoustiques des véhicules donc vous avez un char et par des procédés thermiques, quand vous l'observez avec des appareils optiques, vous voyez un véhicule civil. Tout ça, ça va mûrir, doctrinalement et ça va venir contrer, sinon toute la transparence, tout au moins une partie. »

    La vitesse d’exécution ou l’attaque brusquée pour contourner la transparence

    Second volet de l’adaptation, pointe Guillaume Garnier, la vitesse d’exécution ou l’attaque brusquée pour contourner la transparence, « Un exemple : je sais que je suis vu par l'adversaire, oui, mais j'ai appris à mes troupes à manœuvrer très rapidement et donc OK, je suis vu, mais l'adversaire n'a pas le temps de réagir. Donc le fait de me voir ne lui sert pas à grand-chose puisque je le prive d'une capacité de réaction parce que je vais plus vite que lui.

    Et puis l'art de la guerre, au vingt-et-unième siècle, comme durant l'Antiquité, c’est aussi la ruse. Ça, ça reste d'actualité et donc je peux donner à voir à l'ennemi ce que j'ai envie qu'il voie, tout en faisant un effort de dissimulation sur ce que je n'ai pas envie qu'il voie. Et donc il va se tromper dans l'interprétation de ma manœuvre parce qu'il n'a pas vu les bonnes choses. On appelle ça des opérations de déception. L'exemple le plus célèbre, c'est l'opération Fortitude, organisée par Churchill lui-même en 1944, visant à faire croire à Hitler que le débarquement allait s'opérer dans le Nord-Pas-de-Calais et non pas en Normandie »

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    Reste que le coût humain et matériel dans un environnement transparent est exorbitant. Et c’est la raison pour laquelle, estiment les chercheurs de l’Ifri, le contournement de la guerre, théorisé par les officiers russes il y a trente ans est toujours pertinent. « Nous partons du constat qu'il y a un couplage dangereux entre ce phénomène de transparence du champ de bataille et la létalité des armements modernes, de plus en plus précis, qui portent de plus en plus loin et dont le pouvoir de destruction est de plus en plus grand, reprend Guillaume Garnier. Donc vous pourriez imaginer la tentation d'effectuer des frappes préemptives pour paralyser totalement l'adversaire d'emblée. Tout ceci a un coût, un coût militaire, un coût financier, un coût politique. La guerre de haute intensité conventionnelle, finalement, son coût est exorbitant. La Russie paye bien plus cher que ce qu'elle avait imaginé dès le départ. Il est envisageable donc que l’on en revienne à des agressions sous le seuil du conflit ouvert en jouant sur la difficulté de l'attribution des attaques, c'est à dire dans le domaine cyber par exemple. Des cyber agressions ou des perturbations de satellite, très difficile de désigner quel est l'agresseur. On a parlé des technologies qui favorisent la transparence, mais il y a aussi des technologies qui favorisent ces modes d'action dits hybrides, dont l'un des volets principaux est la désinformation, la manipulation des opinions publiques ou la désinformation aussi parce qu'on en parle moins, des cercles dirigeants eux-mêmes pour les induire en erreur. Tout ceci est aussi envisageable »

    L’hybridité des combats comme solution à la Transparence du champ de bataille.

    Les agressions sous le seuil du conflit ouvert, conservent de fait, un excellent rapport coût-efficacité pour les États souhaitant remettre en question le statu quo international

  • L'Intelligence artificielle s'invite dans tous les segments du combat moderne : notamment pour une meilleure lecture du champ de bataille et désormais l'IA s'impose aussi sous l'eau... La Marine nationale les appelle les oreilles d'or, ce sont les analystes capables d'identifier les sons captés sous la surface de la mer, l'IA va bouleverser leur métier, l'objectif : aller vite pour gagner la guerre acoustique.

    Rediffusion du 19 mai 2024.

    Tac tac tac tac tac tac... Ce son régulier, c'est le bruit d'un pétrolier tel qu'on l'entend sous l'eau, un bruit caractéristique. L'oreille d'or d'un sous-marin pourrait dire que l'hélice de ce navire est composée de cinq pales et que sa ligne d'arbre tourne à 120 tours/minutes. Des informations cruciales pour la marine de guerre, en particulier pour la sous-marinade, souligne le capitaine de frégate Vincent Magnan, commandant du centre d’interprétation et de reconnaissance acoustique, le Cira à Toulon.

    « Il se passe énormément de choses sous le dioptre, comme on dit dans notre milieu. Pour vous donner des exemples très précis, un bâtiment de commerce est entendu par le sonar d'un sous-marin d'une frégate, notamment par ce qu'on appelle le bruit rayonné, qui peut être composé de plusieurs types de sons. Un des sons caractéristiques, c'est ce qu'on appelle le nombre de tours minute d'arbre, c'est-à-dire la vitesse de rotation de la ligne d'arbre qui propulse le navire auquel est aussi associé à un nombre de pales. Et lorsqu'on maîtrise cette information-là, on sait quelle est la vitesse du bateau que l'on recherche. Et en fonction de la vitesse de ce bateau, on est capable de mettre en place une idée de manœuvre. Et donc la vraie réflexion, c'est de se dire que la guerre acoustique passive permet en toute discrétion, sans élever le niveau de crise, de capter des informations techniques dont découlent des conclusions tactiques décisives pour les opérations. »

    Et c'est d'autant plus important pour un sous-marin qui par définition est aveugle, or, les capteurs acoustiques sont de plus en plus puissants et par conséquent les oreilles d'or sont confrontées à une inflation de données, souligne le commandant Magnan.

    « Au début des années 2000, un opérateur sonar disposait d'un équipement qui lui permettait d'entendre à environ 20 km et de traiter simultanément une dizaine de contacts acoustiques. Aujourd'hui, on est plutôt sur des sonars capables de détecter jusqu'à presque 200 km et permettent de traiter simultanément presque une centaine de pistes acoustiques. Ce qui fait qu'effectivement le volume de données à traiter, s'est considérablement augmenté. La conséquence directe et que pour les oreilles d'or à la mer, pour l'analyse de tous ces contacts acoustiques, il y a un engagement humain qui est beaucoup plus important qu'auparavant. »

    Les algorithmes de Preligens

    L'intelligence artificielle va permettre de discriminer les sons beaucoup plus rapidement. Et c'est là qu'intervient une pépite française, Preligens, bien connue pour ses analyses d'images spatiales, l'entreprise a mis ses algorithmes au service de la guerre acoustique. Un démonstrateur a vu le jour l'an dernier, avec une première expérience. Douze jours durant, la Marine a enregistré tous les bruits de la mer au large de Toulon.

    « Ces 12 jours-là ont nécessité d'être annoté pour pouvoir entraîner des algorithmes d'intelligence artificielle. Il nous a fallu presque une quarantaine de jours pour annoter ces 12 jours de travaux », souligne Vincent Magnan. « Désormais, avec l'algorithme et les démonstrateurs obtenus, on injecte 12 jours d'enregistrements acoustiques dans la machine, et en quatre heures à peu près, la machine nous sort les phases sur lesquelles les analystes peuvent aller apporter leurs compétences métier. Ce qui signifie que de 40 jours initiaux, on est passé plutôt à 5-6 jours. L'objectif, c'est être capable d'analyser de plus en plus de données. En 2020, le CIRA recevait annuellement environ un téraoctet de données. En 2024, on est plutôt sur 10 téraoctets de données acoustiques. On dépassera certainement les 100 Terra à l'horizon 2030. »

    Mais l'IA ne peut pas tout, les oreilles d'or seront toujours décisives, assure Vincent Magnan. « C'est bien l'objectif de dire qu'une fois qu'on a vu un bateau, on sera capable de le revoir à chaque fois qu'il rentrera dans notre volume de détection. À la nuance près, qui est quand même très importante et qui rend l'application de l'intelligence artificielle assez complexe, c''est que le même bateau, vu en Méditerranée en janvier et vu en Atlantique Nord en décembre, ne fera pas le même bruit. Parce que l'environnement acoustique aura changé, parce que peut-être que les paliers de sa ligne d'arbre auront été abîmés ou auront été corrodés, peut-être parce qu'il y aura des concrétions sur sa coque, qui modifieront sa cavitation. Et donc le bruit rayonné ne sera pas tout à fait le même. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, si l'intelligence artificielle permet de détecter globalement les grandes caractéristiques d'un bateau, il faudra aussi le savoir-faire de l'homme pour aller chercher vraiment les éléments discordants par rapport à une interception précédente par exemple. »

    Les oreilles d'or sont rares, il n'y a pas plus d'une trentaine d'analystes dans la Marine. L'IA va leur permettre de se concentrer sur les écoutes d'intérêts, quant à la machine, elle permettra d'écarter les bruits des crevettes et des cachalots.

  • Spécialiste de la détection de radiofréquence par satellite, la start-up Unseenlabs s'est imposée dans le domaine de la surveillance maritime. Basée à Rennes cette jeune pousse multiplie les levées de fonds et affiche des ambitions à la frontière du spatial civil et militaire. Zoom sur le « New Space » français.

    Rediffusion du 12 mai 2024.

    Attention pépite ! Unseenlabs a vu le jour il y a dix ans. Les frères Galic, Clément Benjamin et Jonathan ont saisi les opportunités offertes par les nano satellites pour détecter et localiser en mer avec une extrême précision n'importe quel navire grâce à ses émissions électromagnétiques.

    Ce fut une première révolution, nous explique Clément Galic : « Nos satellites sont des antennes dans l'espace qui peuvent capter des signaux radiofréquence. Ça, c'est un domaine qui était réservé. C'était la chasse gardée de la défense - pour la défense dure - jusqu'à ce que nous décidions en 2015 d'ouvrir ce marché au monde de la sécurité civile et du privé.

    Donc, tout part de trois frères qui ont envie de tenter l'aventure spatiale, de placer en orbite un instrument capable de localiser les sources d'émissions radio fréquence. On s'est dit : on est des ingénieurs mais on crée une boîte privée qui devra gagner de l'argent, essayons au moins dans un premier temps, de nous attaquer à un marché que l'on sait en besoin de nouveaux types de données.

    C'est comme ça qu'on s'est focalisé sur la surveillance maritime. Ca va intéresser ce qu'on appelle 'l'action de l'État en mer'. Nous, l'essentiel de nos activités, c'est la lutte contre la pêche illégale. Donc ce n'est pas de la défense dure, c'est de la police des mers en fait. Et on a le pendant privé qui vont être les armateurs, les assureurs : on va pouvoir leur apporter des données qui vont renseigner plus finement sur la réalité des trafics maritimes ».

    Avec leur technologie et leur constellation de 13 nano-satellites, les ingénieurs d'Unseenlabs peuvent cartographier la position des bateaux, y compris détecter les navires qui auraient coupé leur système d'identification automatique comme le font régulièrement des bateaux russes qui s'arrêtent au large de l'Irlande, à la verticale d'un câble sous-marin stratégique.

    Adapter le système à n'importe quel type d'émetteur

    Forte de ce savoir faire, l'entreprise rennaise souhaite élargir ses capacités de surveillance au domaine terrestre pour traquer les brouilleurs, un sujet saillant notamment en Ukraine où les brouillages antidrones sont omniprésents.

    « Un brouilleur, reprend Clément Galic, Pdg d'Unseenlabs, c'est une grosse machine, qui est un gros camion qui envoie ce qu'il faut en radiofréquence pour brouiller tout ce qui passe autour.

    Nous depuis l'espace, on sera capable de localiser ces sources de brouillage, de les caractériser et d'expliquer aux intéressés, comment contre-brouiller, pour pouvoir agir. Aujourd'hui ce qu'on fait, c'est de localiser des bateaux, et bien on fera la même chose pour les brouilleurs. Et en fait, l'idée c'est vraiment de répliquer ce marché du maritime à n'importe quel type de marché, n'importe quel type d'émetteur. Nous, on n'a pas le rôle de se substituer à l'Etat, par contre, ce qu'on apporte, c'est une capacité qui va coûter moins cher pour compléter ou soulager peut-être des services patrimoniaux, grâce à nos données. Donc c'est du complémentaire ».

    Unseenlabs, n'a qu'un concurrent américain, et pour continuer à mener la course en tête, la pépite tricolore envisage dès 2026 de lancer une flotte de satellites de 150 kilos, de nouvelle génération.

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  • Quarante-cinq artilleurs ukrainiens étaient en France en mai 2024 pour apprendre le maniement du canon français Caesar. L'armée française s'est mise en ordre de marche pour former les soldats de Kiev au cours d'une formation expresse de quinze jours seulement. [Rediffusion]

  • Il y a un an, le groupe de mercenaires russes Wagner entrait en rébellion contre le Kremlin. Une aventure militaire menée par Evgueni Prigojine après des mois de tensions entre son groupe et les autorités militaires russes sur la conduite des opérations en Ukraine. Le coup de force avait pris fin au bout de quelques jours et deux mois plus tard, Evgueni Prigojine disparaissait dans le crash de son avion. Mais que reste-t-il aujourd'hui du groupe Wagner qui avait incarné les ambitions russes, notamment en Afrique ? [Rediffusion du 30 juin 2024]

    Le 23 août 2023, le groupe Wagner est décapité. Dans les débris de l'appareil d'affaire qui s'est écrasé peu après son décollage dans la région de Moscou, outre la dépouille d'Evgueni Prigojine, sont retrouvés les corps de Dimitri Outkine, son bras droit et de Valeri Chekakov chef de la logistique du groupe. L'empire Prigojine, qui disposait d'environ 50 000 mercenaires en Ukraine n'est plus.

    Sur le front ukrainien les mercenaires passent sous la coupe de la RosGardia, la garde prétorienne de Vladimir Poutine. En Afrique les mercenaires intègrent une nouvelle firme : Africa corps, chapeautée par la GRU, le renseignement militaire russe, mais sur le continent, les ex-Wagner historiques sont encore bien présents dit Lou Osborn, analyste d'All Eyes on Wagner groupe de recherche en sources ouvertes: « Oui, il en reste plein. En fait, c'est ça qui est très intéressant. Le seul endroit où il y a une espèce de concentration de Wagners historiques, c'est plutôt en Centrafrique. Aujourd'hui, on a quelqu'un comme Dmitri Sytyi qui est encore en charge des activités du Wagner historique en Centrafrique. Et puis après on voit les anciens commandants qui réapparaissent alors soit dans Afrikakorps, soit dans d'autres organisations paramilitaires comme Redut par exemple ».

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    Le renseignement militaire russe, la GRU a la main sur les opérations en Afrique, mais contrairement à Wagner, organisation verticale, la GRU privilégie cette fois, les intermédiaires. « Au Burkina Faso, on a été capable d'identifier une unité qui s'appelle l'unité des Ours », Lou Osborne, « À la base c'est un groupe de combattants volontaires qui s'est créé en Crimée et qui, dans le cadre de la réorganisation qui avait lieu au moment de la mutinerie de Prigojine, a signé un contrat avec le ministère de la Défense. Et ce contrat est en réalité signé avec la GRU. Les services de renseignements russes semblent passer par des organisations qui ont une existence intermédiaire, de manière à organiser l'ensemble de ces unités et à les dispatcher à droite à gauche. »

    Wagner une marque toujours très populaire en Russie

    Wagner était également très présent dans les médias et l'influence numérique. En Afrique, les opérations d'influences étaient organisées par les Bureaux d'information et de communication de Wagner, les bureaux BIC et là encore, depuis un an, il y a eu du mouvement pointe Lou Osborne « Au moment de la mutinerie, toute la partie plutôt médias traditionnelle, puisque Prigogine, était à la tête d'un espèce de consortium de médias, le plus connu était Ria Fan, tout cela a a été fermé. Sur la partie plutôt ferme à Trolls, opérations d'influence, elles ont continué après une petite pause. Et puis, ça a repris et on a vu, à partir d'octobre 2023, la création d'une nouvelle structure qui s'appelle African Initiative, et qui aujourd'hui est vraiment le moteur de l'influence en Afrique. Donc ces bureaux, ils existent encore. Maintenant, qui est en charge de ces bureaux ? Ça, c'est la grosse question. »

    Reste que la marque Wagner n'a pas totalement disparu. En Russie elle sert même encore de produit d'appel, pour enrôler des mercenaires qui servent ensuite exclusivement le pouvoir russe, le Kremlin ne veut surtout plus voir émerger des aventuriers à l'instar d'Evgueni Prigojine.

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  • Le centre d'entrainement au combat ou Centac prépare les régiments de l'armée de terre aux affrontements de haute intensité. À Mailly-le-Camp, dans l'est de la France, sur 120 kilomètres carrés, le Centac dispose d'un système de simulation qui permet de suivre plusieurs centaines de combattants et leurs engins sur le terrain de manœuvre. Un outil unique pour évaluer les forces. Pour Lignes de défense, Franck Alexandre a suivi les militaires au cours de l'un de ces exercices complexes. Reportage.

    Rediffusion du 7 juillet 2024.

  • Ils sont arrivés en France au début du mois d'avril. Les 11 premiers apprentis pilotes de chasse ukrainiens ont pris leur quartier dans une base du sud-ouest de la France. Pour des raisons de sécurité, le lieu de cette formation est tenu secret, interdiction aussi de leur parler, mais pour la première fois quelques journalistes ont été autorisés à rencontrer ces pilotes ukrainiens. Le reportage de Franck Alexandre réalisé le 15 juin dernier.

    Les moteurs des Alphas Jet rugissent sur le tarmac sur lequel plane une odeur de gomme brûlée et de kérosène. L’un après l’autre les biplace Alpha Jet sortent de leur alvéole pour s’engager sur la Taxiway… Le casque d'un élève pilote émerge du cockpit. L’élève occupe la place avant, derrière lui, un instructeur français, c'est d'ailleurs ce pilote chevronné qui fait le tour avion avant le décollage : « Ça lui permet d'être plus concentré sur sa mission et je serai le commandant de bord, donc c'est moi qui prends en compte l’appareil et je vérifie que tout est conforme et aux normes pour le vol ».

    Ces 11 pilotes ukrainiens ne sont pas des novices. En Ukraine, ils avaient déjà volé une centaine d’heures sur un avion d’entrainement. Puis, ils ont suivi au Royaume-Uni une formation initiale, aux standards Otan, notamment pour se familiariser avec l’anglais, langue d’usage dans les cockpits occidentaux.

    Désormais, ils entrent dans le dur, sur Alpha Jet avec une formation trois fois plus rapide qu'en temps normal. C’est une première, indique Franz, Instructeur de l’Armée de l’Air : « C'est une première de former des pilotes de chasse d'un pays en guerre, oui. Former des pilotes de chasse, le travail reste exactement le même. On aura pris conscience, je pense, de la vitesse quand ils seront partis. En fait, là, on se rendra compte du travail effectué et finalement du peu de temps que cela aura duré. »

    Moins de six mois, avant de rejoindre un escadron de transformation et de basculer sur avions F-16. En attendant, il faut aller à l'essentiel, et faire l’impasse sur quelques chapitres comme les vols solos et le ravitaillement en vol.

    Il faut se concentrer sur le cœur de métier. Distance de l’objectif, coordonnées, altitude, vitesse… Un briefing est en cours en salle des opérations avec un instructeur pour chaque pilote. La mission du jour : bombardement simulé d'un stock de munitions, une mission basique indique Benjamin instructeur : « On a un stagiaire qui est arrivé presque à la moitié de sa formation, et après avoir effectué pas mal de missions en basse altitude standard, c'est-à-dire vraiment des missions de navigation par apprendre à ne pas se perdre, on bascule maintenant sur une formation plus tactique. Une situation tactique relativement simple avec une ligne matérialisée ennemie/ami, des sites de défense sol/air, des choses de ce type. Et donc on les forme, petit à petit, à des situations de plus en plus complexes pour les amener au niveau qui sera celui d'effectuer ce même type de mission, mais sur avion de type F-16 ».

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    Vingt-six pilotes au total seront formés en France

    Quarante appareils F-16 ont été cédés à l'Ukraine, ces 11 pilotes en formation seront donc le pivot de la nouvelle armée de l'air Ukrainienne.

    « Ce sont des pilotes très jeunes, souligne l’Instructeur Benjamin. Ils ont tous entre 21 et 23 ans. Ce sont de vraies éponges, particulièrement motivées en plus, alors ils sont très à l'écoute. Ils en veulent. On adapte leur formation, comme vous pouvez le voir, nous n'avons quasiment que des instructeurs très expérimentés. On a tous à peu près 20 ans d'ancienneté en tant que pilote de chasse dans nos forces armées. Mais cela reste un défi que l’on relève ensemble avec nos stagiaires Ukrainiens, que l’on assiste énormément. On les accompagne dans leur démarche de progression. Et donc on pose véritablement ce vernis aux méthodes occidentales. La base, c'est l’apprentissage de l'autonomie, c'est ce qu'on cherche à leur faire découvrir ici. Les méthodes russes, auxquelles les pilotes ukrainiens étaient habitués jusque-là, sont assez peu autonomes, ces méthodes russes sont beaucoup basées sur des informations du sol. Dans les méthodes occidentales, les pilotes dépendant moins du contrôle au sol et sont beaucoup plus autonomes ».

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    L’autonomie, le maître mot du pilotage

    L’autonomie exige de maitriser les bases du pilotage et même si la formation se déroule en mode accéléré, les fondamentaux sont enseignés avec rigueur, insiste l’instructeur Franz.

    « Ici, on va leur donner toutes les bases, à savoir appliquer des procédures, évoluer dans une situation tactique, savoir réagir quand on a une panne, savoir réagir face à de la mauvaise météo. L'idée, c'est qu'ils aient appris un maximum de choses pour avoir. Que de spécifique F-16 ou mirages quand ils seront dans un escadron de transformation. Parce que par la suite, ils iront sur un avion biplace comme ici, avec toujours un instructeur classe arrière, le temps de savoir maîtriser ce nouvel avion. Donc, ils auront ici toutes les bases et l'habitude de parler avec un instructeur qui est derrière, qui a toutes les commandes comme dans une auto-école ».

    La France va former 26 pilotes au total et cette première promotion devrait connaitre le baptême du feu dès l'automne prochain. Les stagiaires vont se succéder sur cette base. Seule base française à disposer d’un escadron d’Alpha Jet. Jusqu’en 2019, les pilotes belges et également français venaient s’y former. L’escadron devait être dissous, la guerre en Ukraine a bouleversé le calendrier.

    La base s’est révélée être l’outil le plus adapté à la formation des pilotes ukrainiens, précise l’Instructeur Benjamin : « Durant ces 20 dernières années, nous avons formé des pilotes de chasse français et belges. Pour les pilotes français, certains étaient envoyés sur Mirage 2000. Les pilotes belges étaient envoyés sur F-16. La formation était strictement la même. Finalement, le cadre otanien dans lequel nous opérons en tant que pilote de chasse et le même. Quelle que soit la nationalité que l'on vole sur une machine française, elle sera toujours typée occidentale. Si c'est sur un F-16, le fonctionnement sera sensiblement le même, c'est-à-dire que les méthodes tactiques appliquées seront exactement les mêmes. Donc notre formation est tout à fait polyvalente et couvre l'ensemble du spectre des avions sur lesquels nos stagiaires seront susceptibles de voler ».

    Après leur passage dans l’Hexagone, les pilotes stagiaires ukrainiens pourront basculer, sans difficulté, soit sur F-16, soit sur Mirage 2000-5, appareils bientôt cédés par la France. D’ici là, l’apprentissage se poursuit à un rythme d’enfer, journées à rallonge et peu de repos.

    Nécessairement des liens solides se nouent avec les instructeurs français, mais on ne parle pas de la guerre, dit Franz officier de l’Armée de l’Air : « On évoque rarement le conflit ukrainien parce que je pense qu’ils n'ont pas besoin qu'on le leur rappelle au quotidien, donc on reste dans le professionnalisme, dans l'instruction. On leur dit voilà ça, il faut savoir le faire sur F-16. Ça fonctionne comme ça, c'est bien d'apprendre tout de suite cette procédure, et cetera. Donc, on parle néanmoins de comment se battre, comment faire la guerre. On leur donne des objectifs simulés. On leur dit "alors aujourd'hui, on va prendre cet objectif, on va dire que c'est un dépôt de munitions et le but c'est d'aller le détruire", donc on a des allusions à la guerre. Mais on ne parle pas au quotidien du conflit. Cela doit être déjà assez difficile pour eux, on ne parle pas de ça avec eux ».

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  • Lundi dernier, la Chine et la Biélorussie ont débuté des exercices militaires conjoints. Ces manœuvres se déroulent à quelques kilomètres de la frontière avec l'Europe. Des exercices militaires atypiques et que l'Otan interprète comme une menace. Jeudi, dans son communiqué final, l'Alliance réunie à Washington s'est inquiétée du soutien apporté par Pékin à Minsk et son allié russe en guerre contre l'Ukraine.

    C'est le cadeau de la Chine pour les 75 ans de l'Alliance Atlantique. « Un déploiement militaire aux marches de l'Europe, pour répondre aux nouveaux défis mondiaux », indique le ministère chinois de la Défense. Officiellement, il ne s'agit que d'un exercice antiterroriste. Mais l'Otan, réuni à Washington, a immédiatement envoyé un avertissement à Pékin. Et la réaction chinoise ne s'est pas fait attendre, pointe le correspond de RFI à Pékin, Stéphane Lagarde : « Oui, officiellement, ces manœuvres antiterroristes sont des exercices de routine qui n'ont rien à voir avec le sommet de Washington ». Le porte-parole de la diplomatie chinoise a été interrogé sur ce sujet. Voici ce qu'il a répondu aux journalistes : « ces échanges entrent dans le cadre de la coopération militaire normale entre la Chine et la Biélorussie. Il ne vise aucun pays en particulier ».

    « Mais tout le monde note évidemment la concordance de calendrier. Et on note aussi que ces opérations, baptisées 'l'assaut du faucon', durent quand même 11 jours. Donc c'est long. Elles ont été accompagnées, côté biélorusse, d'une large propagande avec photo du débarquement des troupes chinoises au sol, accueillies chaleureusement selon Pékin. On parle de plus d'une centaine d'hommes côté chinois, c'est essentiellement symbolique. Mais Pékin n'a pas donné de détails en revanche concernant les matériels et les unités de l'armée populaire de libération impliquées dans ces exercices, alors qu'habituellement, les journaux nationalistes ici aiment quand la Chine bombent le torse et n'hésitent pas à le raconter. Reste que ces exercices se déroulent près de la ville de Brest, en Biélorussie, nous sommes là, à 40 km de la frontière polonaise. Cette formation conjointe vise à renforcer les capacités de coordination des troupes participantes, a aussi indiqué le ministère chinois de la Défense dans un communiqué ».

    Pékin évoque une ingérence de l'Otan

    Sauf que ces manœuvres inédites, et c'est ce qui irrite l'Otan, ont tout d'un entrainement à la guerre de haute intensité : avec des opérations de nuit, des franchissements de cours d'eau et des simulations de combat en zone urbaine. Pékin démontre ainsi, sa capacité à projeter des forces sur des théâtres extérieurs et à proximité de l'Ukraine. L'Otan accuse Pékin de jouer un rôle déterminant dans ce conflit au travers d'un soutien sans limite apporté à l'industrie de guerre russe. C'est une ingérence occidentale, rétorque la diplomatie chinoise, nous dit Stéphane Lagarde : « Oui, la diplomatie chinoise a aussitôt ressorti une rhétorique maintes fois utilisée dans ce bras de fer avec l'OTAN. Elle parle de mentalité digne de la guerre froide, d'ennemis imaginaires, de tensions provoquées par l'OTAN qui risque de mener à la confrontation. Des mots, là aussi accompagnés d'exercices conjoints. Pékin et Moscou ont annoncé vendredi le début de manœuvres navales et aériennes dans le sud de la Chine. Ça va durer un mois. Pékin tire également à boulets rouges, via ces médias et l'armée des internautes, sur ce qui est qualifié ici d'ingérence de l'OTAN de l'Asie avec le rapprochement Japon / Corée du Sud / Washington qui ne plaît pas du tout, mais alors pas du tout à la Chine ».

    Et la Chine, multiplie les signalements stratégiques et défie les alliances, y compris à l'Ouest, comme pour démontrer que du Pacifique à l'Atlantique, ses intérêts et ses frontières n'ont aujourd'hui plus de limites

  • Le centre d'entrainement au combat ou Centac prépare les régiments de l'armée de terre aux affrontements de haute intensité. À Mailly- le Camp, dans l'est de la France, sur 120 kilomètres carrés, le Centac dispose d'un système de simulation qui permet de suivre plusieurs centaines de combattants et leurs engins sur le terrain de manœuvre. Un outil unique pour évaluer les forces. Pour « Lignes de défense », Franck Alexandre a suivi les militaires au cours de l'un de ces exercices complexe. Reportage.

  • Il y a un an le groupe de mercenaires russes Wagner entrait en rébellion contre le Kremlin. Une aventure militaire menée par Evgueni Prigojine après des mois de tensions entre son groupe et les autorités militaires russes sur la conduite des opérations en Ukraine. Le coup de force avait pris fin au bout de quelques jours et deux mois plus tard, Evgueni Prigojine disparaissait dans le crash de son avion. Mais que reste-t-il aujourd'hui du groupe Wagner qui avait incarné les ambitions russes notamment en Afrique ?

    Le 23 août 2023, le groupe Wagner est décapité. Dans les débris de l'appareil d'affaire qui s'est écrasé peu après son décollage dans la région de Moscou, outre la dépouille d'Evgueni Prigojine, sont retrouvés les corps de Dimitri Outkine, son bras droit et de Valeri Chekakov chef de la logistique du groupe. L'empire Prigojine, qui disposait d'environ 50 000 mercenaires en Ukraine n'est plus.

    Sur le front ukrainien les mercenaires passent sous la coupe de la RosGardia, la garde prétorienne de Vladimir Poutine. En Afrique les mercenaires intègrent une nouvelle firme : Africa corps, chapeautée par la GRU, le renseignement militaire russe, mais sur le continent, les ex-Wagner historiques sont encore bien présents dit Lou Osborn, analyste d'All Eyes on Wagner groupe de recherche en sources ouvertes: « Oui, il en reste plein. En fait, c'est ça qui est très intéressant. Le seul endroit où il y a une espèce de concentration de Wagners historiques, c'est plutôt en Centrafrique. Aujourd'hui, on a quelqu'un comme Dmitri Sytyi qui est encore en charge des activités du Wagner historique en Centrafrique. Et puis après on voit les anciens commandants qui réapparaissent alors soit dans Afrikakorps, soit dans d'autres organisations paramilitaires comme Redut par exemple ».

    Le renseignement militaire russe, la GRU a la main sur les opérations en Afrique, mais contrairement à Wagner, organisation verticale, la GRU privilégie cette fois, les intermédiaires. « Au Burkina Faso, on a été capable d'identifier une unité qui s'appelle l'unité des Ours », Lou Osborne, « À la base c'est un groupe de combattants volontaires qui s'est créé en Crimée et qui, dans le cadre de la réorganisation qui avait lieu au moment de la mutinerie de Prigojine, a signé un contrat avec le ministère de la Défense. Et ce contrat est en réalité signé avec la GRU. Les services de renseignements russes semblent passer par des organisations qui ont une existence intermédiaire, de manière à organiser l'ensemble de ces unités et à les dispatcher à droite à gauche. »

    Wagner une marque toujours très populaire en Russie

    Wagner était également très présent dans les médias et l'influence numérique. En Afrique, les opérations d'influences étaient organisées par les Bureaux d'information et de communication de Wagner, les bureaux BIC et là encore, depuis un an, il y a eu du mouvement pointe Lou Osborne « Au moment de la mutinerie, toute la partie plutôt médias traditionnelle, puisque Prigogine, était à la tête d'un espèce de consortium de médias, le plus connu était Ria Fan, tout cela a a été fermé. Sur la partie plutôt ferme à Trolls, opérations d'influence, elles ont continué après une petite pause. Et puis, ça a repris et on a vu, à partir d'octobre 2023, la création d'une nouvelle structure qui s'appelle African Initiative, et qui aujourd'hui est vraiment le moteur de l'influence en Afrique. Donc ces bureaux, ils existent encore. Maintenant, qui est en charge de ces bureaux ? Ça, c'est la grosse question. »

    Reste que la marque Wagner n'a pas totalement disparu. En Russie elle sert même encore de produit d'appel, pour enrôler des mercenaires qui servent ensuite exclusivement le pouvoir russe, le Kremlin ne veut surtout plus voir émerger des aventuriers à l'instar d'Evgueni Prigojine.

  • Il y a deux ans, plus de 6 000 soldats français étaient déployés en Afrique. Alors que Jean-Marie Bockel, l’envoyé spécial d’Emmanuel Macron pour le continent, doit rendre son rapport en juillet, la présence militaire tricolore pourrait, dans les prochains mois, se résumer à la portion congrue.

    Pour décrire l'ampleur de la décrue programmée, il faut avoir quelques chiffres en tête : au Sénégal et au Gabon, les troupes passeraient de 350 soldats actuellement à une centaine. En Côte d'Ivoire, de 600 à 100, et le Tchad, que l'on disait exclu du redéploiement, subirait le même sort : il n'y aurait plus, au Camp Kossei, que 300 soldats contre 1 000 aujourd'hui.

    Les attaques informationnelles, en particulier d’origine russe, ont rendu l'armée française « radioactive ». Pour infléchir la situation, il faut, disent des officiers de haut rang, « réduire la visibilité et l'empreinte ».

    Paris doit s’adapter à un contexte très volatil, insiste Jérôme Pigné, président du Réseau de réflexion stratégique sur la sécurité au Sahel : « La présence militaire française en Afrique de l'Ouest et du Centre, c'est encore aujourd'hui 3 000 hommes. Et là, on va parler d'une baisse drastique de ces effectifs, c'est un véritable changement de paradigme. Concernant aujourd'hui la présence française en Côte d'Ivoire, au Sénégal, au Tchad et au Gabon, il y aura véritablement un avant et un après. Seul, aujourd'hui, Djibouti est épargné par cette dynamique. »

    Et l'expert de poursuivre : « Je pense qu'il est important de rappeler le contexte dans lequel cette manœuvre s'opère, un contexte extrêmement volatil sur le plan sociopolitique et sécuritaire dans la bande sahélo-saharienne, qui s'accompagne notamment d'une hausse du sentiment anti-français, d'une recomposition aussi du paysage géopolitique et d’une montée en puissance de la présence et de l'empreinte de compétiteurs stratégiques. Je pense à la Chine historiquement, mais dernièrement, c'est vrai qu'on parle beaucoup aussi de la Russie et de la Turquie. Enfin, dernier élément, c'est le retour de la guerre de haute intensité sur le continent européen, et donc c'est à l'aune de tous ces éléments qu'il faut appréhender, analyser la redéfinition de l'empreinte française sur le continent africain. »

    L'objectif est bien de baisser le drapeau sur les camps historiques français, c'est une remise en cause de ce que les militaires appellent « le calque de la permanence » en Afrique. À l’exception des FFDJ, les Forces françaises à Djibouti - 1 500 hommes y sont stationnés. Cette force contribue à la sécurité du territoire djiboutien et participe à la sécurité en mer Rouge. Cette présence militaire est clairement orientée vers l’Indo-Pacifique.

    Pour l’Afrique de l’Ouest et centrale, un départ ou une nouvelle approche ?

    Il ne s'agit en aucun cas de couper les ponts, disent les hauts gradés français. Les objectifs restent inchangés : soutien aux pays partenaires dans la lutte contre le terrorisme et l'extension des trafics, formation des armées régionales. La stratégie d'accès et de partenariat ne disparait pas mais ne nécessite pas non plus une présence importante et dans la durée.

    « Ce sera du cas par cas, souligne Jérôme Pigné. Il y aura nécessairement une approche qui devrait être pragmatique. On parle beaucoup d'un dispositif à la carte, en fonction aussi des intérêts, de la situation, évidemment, sécuritaire, de la situation politique des pays partenaires. Je citais le Sénégal, le Tchad, le Gabon et la Côte d'Ivoire, mais il ne faut pas les prendre comme un ensemble homogène. »

    « Cette semaine, Emmanuel Macron a rencontré le président du Sénégal pour la première fois, ajoute le président du Réseau de réflexion stratégique sur la sécurité au Sahel. Sur les quatre pays que je citais, le mot « hostile » est peut-être un peu fort, mais on entend une volonté de repenser la coopération avec les partenaires tels que la France. [Cette dernière] aura besoin de penser une stratégie peut-être moins visible évidemment, mais aussi au cas par cas parce que tous les partenaires n'attendent pas la même chose. Aujourd'hui, le Tchad, le Gabon et la Côte d'Ivoire sont encore relativement très allant sur la coopération, le partenariat militaire avec la France, ça sera peut-être moins le cas demain avec le Sénégal. »

    Raison pour laquelle le Commandement pour l'Afrique, qui verra le jour en septembre prochain au sein de l’état-major des Armées, sera basé à Paris. Dans les bases d'Afrique de l'Ouest, les effectifs militaires français ne cesseront de varier au gré des besoins. Mais à l'avenir, ces points d'ancrages ne seront plus des camps français stricto sensu.

  • Les deux premiers prototypes sont sortis des ateliers il y a six ans... Le Fardier est depuis devenu une réalité et les premiers éléments d'une série de 300 véhicules équiperont bientôt l'armée Française. Le Fardier est un véhicule tout terrain, de petit gabarit, taillé pour les troupes parachutistes et les Forces spéciales. Il sera visible cette semaine à Eurosatory, le plus grand salon européen d'armement terrestre.

    Soixante chevaux, une vitesse de pointe de 60 km/h, sans électronique, robuste et hyper compact : voilà le Fardier ! Une mini-jeep, bien carrée, équipée d'un arceau pouvant servir de support à deux mitrailleuses, un véhicule passe partout, très rustique assure l'adjudant-chef Thierry et ce n'est pas tout, sourit le pilote, le Fardier c'est un peu comme une 2 CV, on fait l'entretien soi-même : « On peut faire avec les accessoires qui sont inclus dans le lot de bord, tout l'entretien niveau utilisateur. À l'arrière, on peut déployer les montants, ça forme un plateau qui permet de charger environ 200 kilos de fret ».

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    C'est une mule ce Fardier, un petit 4X4 increvable pour soulager les fantassins et qui peut aussi servir de tracteur pour un gros mortier, souligne le lieutenant-colonel Hervé de Barbeyrac de la section technique de l'armée de terre, la STAT, « C'est un véhicule très léger, très compact. L'objectif, c'était qu'il puisse être posé sur une palette pour l'aérolargage. D'où ces dimensions très réduites. On parle d'un 'système Fardier' puisqu'il a son attelage pour augmenter la capacité d'emport. Avec une remorque et puis le deuxième type d'attelage, c'est bien sûr le mortier de 120 mm. Le Fardier est extrêmement rustique, il y a très peu d'électronique. L'objectif, c'est que les opérations même de maintenance puissent être faites par l'utilisateur, puisqu'il faut rappeler le besoin, c'est pour des troupes aéroportées, pour des forces spéciales qui vont intervenir dans la profondeur, qui sont censés être autonomes et donc qui ont peu de moyens à disposition pour effectuer les réparations, la maintenance, etc ».

    UNAC, une PME dans le monde de l'armement terrestre

    Autre particularité du Fardier, ce véhicule n'est pas issu des ateliers d'un grand industriel de la défense. Il a été conçu par un petit fabricant d'engins de chantier : UNAC. Une entreprise familiale qui a retenu l'attention de La Direction générale de l'Armement. La DGA souhaite désormais faire travailler des PME qui, jusque-là, ne répondaient jamais aux programmes de défense. C'est un changement de philosophie, explique Luc Guillemot, de la DGA: « Le programme a été fait initialement pour justement ne pas exclure les petites entreprises. Parce que souvent, on a des gros groupes qui sont plus à même de rentrer dans les contrats du ministère des Armées. Là, on a fait en sorte de cadrer les choses pour que les petites PME puissent répondre. Et innover en fait. Et c'est le cas d'UNAC effectivement, puisque déjà l'innovation est dans la compacité du véhicule. Innovation également lors de la phase de développement, que ce soit en proposant des solutions techniques de façon très rapide, en fabriquant des pièces en une heure pour nous montrer ce que ça donnait sur le véhicule. Donc, ça a été très appréciable. Cela a permis d'augmenter l'efficacité des travaux. Il y a beaucoup de petites sociétés innovantes en France, il faut essayer de les valoriser. C'est le cas avec l'UNAC : il faut que ce petit véhicule se fasse connaître et cette société également, en espérant que cette entreprise familiale reproduise ce type de travaux ».

    UNAC, à la recherche d'autres clients que l'armée française, aura son stand cette semaine à Eurosatory, le plus grand salon européen de l'armement terrestre et il se murmure déjà que l'Ukraine se dit intéressée par le Fardier.

  • La tension est encore montée d’un cran cette semaine entre la Chine et les Philippines. Manille affirme que des bateaux chinois ont saisi illégalement des vivres et des médicaments largués par avion à un avant-poste philippin en mer de chine. Cet avant-poste, c’est un navire échoué. Voici l’histoire de ce bateau, le Sierra Madre, véritable épine dans le pied de Pékin en mer de Chine méridionale.

    Numéro de coque LT57, le Sierra Madre est un chaland de débarquement. Pour dire vrai, c'est un navire d'un autre âge sorti des chantiers navals américain en 1944. Transféré à la marine du Sud-Vietnam en 1970, il intègre les rangs de la flotte philippine six ans plus tard.

    Aujourd'hui ce bateau n'est plus qu'un amas de rouille immobile coincé sur un récif coralien, et mais même s'il ne bouge plus, il est toujours répertorié comme l'un des navires de guerre de Manille. « Pour les Chinois, le Sierra Madre, doit être retiré illico de la zone, nous explique notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde. Ça fait au moins deux ans que la diplomatie chinoise le ressasse. Le rafiot date de la seconde Guerre mondiale. Il sert de garnison au personnel de l'armée philippine et sa présence est totalement illégale, du point de vue chinois en tout cas, dans une zone que Pékin considère comme chinoise, comme l'intégralité des mers de Chine d'ailleurs.

    En même temps, il n'est pas arrivé là par hasard ce navire, ce n'est pas un accident de mer qui l'a coulé sur les hauts fonds. Car Manille revendique aussi la zone. Nous sommes dans l'archipel des Spratleys, qui se trouve à 200 km de l'île philippine de Palawan et à plus de 1000 km de l'île chinoise de Hainan, une mer pour le coup très agitée, très contestée. Et ça déjà depuis trente ans : l'élément déclencheur date de 1994, quand la Chine a pris possession du récif de Mischief, revendiqué par les Philippines mais que Pékin a aussitôt poldérisé, transformé en île artificielle avec drapeau et base militaire pour dire 'ici, c'est chez moi' ! Résultat, cinq ans plus tard, le Sierra Madre, navire cédé aux Philippines par les États-Unis, était échoué à côté, volontairement pour là aussi dire 'c'est mon coin avec drapeau et garnison' ».

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    David contre Goliath en mer de Chine

    Un navire échoué dans les abords immédiats des Philippines et des soldats chinois et philippins en faction sur les hauts fonds, ca crée des tensions et même des incidents. Manille se plaint de voir ses navires patrouillant dans la zone être régulièrement bloqués par les garde-côtes chinois. Depuis 2021, ces derniers n’hésitent pas à employer les canons à eaux.

    Et c’est un peu David contre Goliath : les Philippins sont certes soutenus par les États-Unis, mais numériquement ils ne pèsent pas grand chose face à la marine chinoise. D’où le pont aérien pour ravitailler le Sierra Madre, ravitaillement qui a quand même été partiellement intercepté, reprend Stéphane Lagarde : « Oui, on est encore monté d'un cran avec, sur les images publiées par l'armée philippine, une nuée de garde-côtes chinois en zodiac qui sont tombés comme un essaim de sauterelles sur les vivres larguées par avion, et destinées donc aux soldats philippins.

    Ce qui est inquiétant vu de Pékin, c'est qu'aucune des deux parties ne semble vouloir céder. On a toutes les semaines ici des déclarations de la diplomatie, de l'armée chinoise, des commentaires dans les journaux aussi qui disent que l'armée est prête à faire un blocus de la zone s'il le faut. Car ce bateau fantôme qui rouille, a fini par devenir le cauchemar des autorités chinoises. Parmi les arguments développés aussi, celui de la pollution. J'ai ainsi vu sur le site de la télévision centrale, des images de l'armée chinoise montrant des bouteilles en plastique portant le logo 'Fabriqué aux Philippines' pour dire que la présence des soldats philippins pollue. Saisie des vivres, ramassage des poubelles flottantes, cela pourrait être anecdotique, mais en réalité, la guerre froide entre Pékin et Manille, avec Washington en arrière plan, n'a jamais été aussi chaude que dans cette région ».

    Et la position s’est aussi durcie côté philippin. Depuis son arrivée à la présidence en juin 2022, le pro-Américain Ferdinand Marcos Jr a adapté une position plus ferme face à la Chine. Alors que de son côté Pékin, attend patiemment que le navire s’effondre pour s’emparer de l’atoll.

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  • Les lignes bougent vite en Ukraine et les dernières réticences occidentales tombent les unes après les autres. Après l'autorisation de frapper le territoire russe avec des armes occidentales, la seconde ligne rouge qui pourrait prochainement voler en éclat concerne l'envoi de soldats occidentaux sur le sol Ukrainien. Emmanuel Macron pourrait en faire l'annonce le 6 juin, à l'occasion des cérémonies du débarquement et en présence du président ukrainien Volodymyr Zelensky.

    L'idée fait son chemin et semble même très avancée. Le 20 mai, le général Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées françaises, était à Kiev. Une semaine plus tard, le commandant en chef des forces armées ukrainiennes Alexandre Syrski a possiblement vendu la mèche en annonçant avoir déjà signé les documents qui permettront aux militaires français de visiter les centres de formations ukrainiens.

    « La formation sur le sol ukrainien fait partie des chantiers discutés », se contente de dire le ministère des Armées à Paris. Mais l'hypothèse d'instructeurs français en Ukraine prend corps, analyse Elie Tenenbaum, directeur de recherche à l'Institut français des relations internationales : « Il ne s'agit pas pour l'instant, dans ce qui circule, de troupes de combat. Il ne s'agit pas d'opérations de combat à mener en Ukraine. Il s'agit de personnels militaires qui prolongeraient la formation qui est donnée aux soldats ukrainiens. Et il s'agirait ici, de prolonger, du côté ukrainien de la frontière, cette formation. Sachant que ça permettrait aux Ukrainiens de gagner du temps, le temps de déplacement, de s'approprier les enjeux immédiats du terrain, et cetera. »

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    Reste à définir le cadre permettant ce déploiement, car là encore tout le monde n'est pas sur la même longueur d'onde, rappelle Elie Tenenbaum : « On imagine plus difficilement un déploiement sous un format Eumam [La mission d’assistance militaire de l’Union européenne en soutien à l’Ukraine, est une opération de l'Union européenne décidée dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, NDLR] de l'Union européenne par exemple, parce qu'on sait qu'il y a certains pays pour lesquels cette option n'est pas acceptable, dont l'Allemagne. Donc un format ad hoc avec une coalition de pays volontaires dont la France. Mais on sait qu'il en existe d'autres, la République tchèque, la Pologne, sans doute plusieurs pays baltes, au moins l'Estonie. On pourrait imaginer un cadre strictement ad hoc avec une nation cadre coordinatrice de l'effort mis en place. »

    Une coalition Instructeurs pour l'Ukraine à l'instar de la coalition Artillerie

    La France pourrait prendre la tête de cette coalition d'Instructeurs pour l'Ukraine et pourrait l'annoncer dès la semaine prochaine lors du D-day, pensent certains. Il y aurait d'abord une mission d'évaluation, disent des diplomates français cités par le journal Le Monde, avant d'envoyer plusieurs centaines d'instructeurs, essentiellement pour des missions de maintenance des matériels fournis à l'Ukraine, pointe le spécialiste de l'armement Léo Péria-Peigné, chercheur à l'Ifri : « L'intérêt d'envoyer des formateurs en Ukraine, il est limité. Déjà, on les mettra sur un pan restreint du territoire parce qu'on ne peut pas les approcher trop près du front. On ne pourra pas leur faire organiser de grandes opérations d'entraînement à ciel ouvert parce qu'il faut quand même éviter de prendre une munition russe. Donc, c'est assez contraint. Il y aura probablement du déminage, des opérations de maintenance, de l'apprentissage du commandement, autant d'éléments qui peuvent se faire en intérieur. Maintenant, ce qui va être intéressant, c'est voir ça comme un premier pas, est-ce que ça peut dériver sur autre chose, une fois qu'on aura le pied là-bas. »

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    Et une question reste en suspens, rappelle Elie Tenenbaum, quelle serait la réaction de Moscou à l'arrivée en Ukraine d'instructeurs occidentaux ? « Tout est possible. La Russie pourrait décider de laisser passer, comme elle a laissé passer, le soutien en matériel jusqu'à présent, en sachant que c'est une démonstration de la solidarité vis-à-vis de l'Ukraine. Et ça n'aurait pas forcément un impact immédiat sur le terrain et sur le rapport de force entre la Russie et l'Ukraine. La Russie pourrait finalement décider de l'accepter. Elle pourrait aussi décider de marquer le coup avec des actions hostiles et des frappes, avec des tentatives de déstabilisation. Et là, bien évidemment, il faudrait voir quelles sont les réponses qui peuvent être envisagées. Je pense qu'on y travaille d'ores et déjà avec nos alliés et avec nos partenaires ukrainiens. »

    La présence de soldats occidentaux sur le sol ukrainien pourrait-elle être interprétée comme une cobelligérance ? L'Estonie, favorable à l'initiative, assure qu'il n'y a dans cette démarche, rien d'escalatoire.

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  • Leur formation s'est terminée le week-end dernier. Quarante-cinq artilleurs ukrainiens étaient en France pour apprendre le maniement du canon français Caesar. Dans le cadre de la coalition « artillerie » pour l'Ukraine, Paris a déjà livré six canons automoteurs Caesar à Kiev depuis janvier et assure pouvoir en produire 72 autres dans l'année. L'armée française se met en ordre de marche pour former les soldats de Kiev au cours d'une formation expresse de quinze jours seulement. Reportage.

  • L'Intelligence artificielle s'invite dans tous les segments du combat moderne : notamment pour une meilleure lecture du champ de bataille et désormais l'IA s'impose aussi sous l'eau... La Marine nationale les appelle les oreilles d'or, ce sont les analystes capables d'identifier les sons captés sous la surface de la mer, l'IA va bouleverser leur métier, l'objectif : aller vite pour gagner la guerre acoustique.

    Tac tac tac tac tac tac... Ce son régulier, c'est le bruit d'un pétrolier tel qu'on l'entend sous l'eau, un bruit caractéristique. L'oreille d'or d'un sous-marin pourrait dire que l'hélice de ce navire est composée de cinq pales et que sa ligne d'arbre tourne à 120 tours/minutes. Des informations cruciales pour la Marine de guerre, en particulier pour la sous-marinade, souligne le capitaine de frégate Vincent Magnan, commandant du centre d’interprétation et de reconnaissance acoustique, le Cira à Toulon.

    « Il se passe énormément de choses sous le dioptre, comme on dit dans notre milieu. Pour vous donner des exemples très précis, un bâtiment de commerce est entendu par le sonar d'un sous-marin d'une frégate, notamment par ce qu'on appelle le bruit rayonné, qui peut être composé de plusieurs types de sons. Un des sons caractéristiques, c'est ce qu'on appelle le nombre de Tours Minute d'arbre, c'est-à-dire la vitesse de rotation de la ligne d'arbre qui propulse le navire auquel est aussi associé à un nombre de pales. Et lorsqu'on maîtrise cette information-là, on sait quelle est la vitesse du bateau que l'on recherche. Et en fonction de la vitesse de ce bateau, on est capable de mettre en place une idée de manœuvre. Et donc la vraie réflexion, c'est de se dire que la guerre acoustique passive permet en toute discrétion, sans élever le niveau de crise, de capter des informations techniques dont découlent des conclusions tactiques décisives pour les opérations. »

    Et c'est d'autant plus important pour un sous-marin qui par définition est aveugle, or les capteurs acoustiques sont de plus en plus puissants et par conséquent les oreilles d'or sont confrontées à une inflation de données, souligne le commandant Magnan.

    « Au début des années 2000, un opérateur Sonar disposait d'un équipement qui lui permettait d'entendre à environ 20 km et de traiter simultanément une dizaine de contacts acoustiques. Aujourd'hui, on est plutôt sur des sonars capables de détecter jusqu'à presque 200 km et permettent de traiter simultanément presque une centaine de pistes acoustiques. Ce qui fait qu'effectivement le volume de données à traiter, s'est considérablement augmenté. La conséquence directe et que pour les oreilles d'or à la mer, pour l'analyse de tous ces contacts acoustiques, il y a un engagement humain qui est beaucoup plus important qu'auparavant. »

    Les algorithmes de Preligens

    L'intelligence artificielle va permettre de discriminer les sons beaucoup plus rapidement. Et c'est là qu'intervient une pépite française, Preligens, bien connue pour ses analyses d'images spatiales, l'entreprise a mis ses algorithmes au service de la guerre acoustique. Un démonstrateur a vu le jour l'an dernier, avec une première expérience. Douze jours durant, la Marine a enregistré tous les bruits de la mer au large de Toulon.

    « Ces 12 jours-là ont nécessité d'être annoté pour pouvoir entraîner des algorithmes d'intelligence artificielle. Il nous a fallu presque une quarantaine de jours pour annoter ces 12 jours de travaux », souligne Vincent Magnan. « Désormais, avec l'algorithme et les démonstrateurs obtenus, on injecte 12 jours d'enregistrements acoustiques dans la machine, et en quatre heures à peu près, la machine nous sort les phases sur lesquelles les analystes peuvent aller apporter leurs compétences métier. Ce qui signifie que de 40 jours initiaux, on est passé plutôt à 5-6 jours. L'objectif, c'est être capable d'analyser de plus en plus de données. En 2020, le CIRA recevait annuellement environ un téraoctet de données. En 2024, on est plutôt sur 10 téraoctets de données acoustiques. On dépassera certainement les 100 Terra à l'horizon 2030. »

    Mais l'IA ne peut pas tout, les oreilles d'or seront toujours décisives, assure Vincent Magnan. « C'est bien l'objectif de dire qu'une fois qu'on a vu un bateau, on sera capable de le revoir à chaque fois qu'il rentrera dans notre volume de détection. À la nuance près, qui est quand même très importante et qui rend l'application de l'intelligence artificielle assez complexe, c''est que le même bateau, vu en Méditerranée en janvier et vu en Atlantique Nord en décembre, ne fera pas le même bruit. Parce que l'environnement acoustique aura changé, parce que peut-être que les paliers de sa ligne d'arbre auront été abîmés ou auront été corrodés, peut-être parce qu'il y aura des concrétions sur sa coque, qui modifieront sa cavitation. Et donc le bruit rayonné ne sera pas tout à fait le même. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, si l'intelligence artificielle permet de détecter globalement les grandes caractéristiques d'un bateau, il faudra aussi le savoir-faire de l'homme pour aller chercher vraiment les éléments discordants par rapport à une interception précédente par exemple. »

    Les oreilles d'or sont rares, il n'y a pas plus d'une trentaine d'analystes dans la Marine. L'IA va leur permettre de se concentrer sur les écoutes d'intérêts, quant à la machine, elle permettra d'écarter les bruits des crevettes et des cachalots.