Episodios

  • Riens, le titre de leur exposition actuelle, s’impose comme un défi, un appel à la curiosité, une provocation. Parce qu’en termes de stratégies de communication, ils s’y connaissent... Lucie Eidenbenz nous emmène découvrir la proposition originale du musée.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 7 juin 2024

    Publiée le 10 juin 2024

    Crédits photo: Lucie Eidenbenz

  • Salut à toi qui a assez de puissance de joie en toi à opposer au flux acharné de démoralisation humaine qui nous parvient quotidiennement avec une intensité qui ne fait que s’accroître. Et je ne parle pas de cette joie qui ne peut se maintenir que parce qu’elle s’applique à faire l’économie d’un affrontement avec tous les désagréments géopolitiques et sociaux, industriels et climatiques, susceptibles de l’amoindrir. Que vaudrait une joie qui ne devrait son existence qu’à la condition de perdre le réel de son déni, qu’à la condition de jeter le monde tel qu’il apparaît dans une béance où la perception s’amoindrit et se dissout, à l’exception de tous les succédanés de consolation où elle peut seule se loger?



    Raisonnements fallacieux de confort, industries du divertissement, du sport spectacularisé, consommations compulsives, des marchandises et des êtres, demandes effrénées de l’attention sur soi seul, narcissismes de compétition, jeux sociaux de dupes accélérés par le développement illimité des modes d’existences numériques, promises à toujours plus de performativités conditionnées. Nous savons de plus en plus exister sous ces techno-aspects. Mais savons-nous encore voir? Ou même lire:



    Il faut toujours dire ce que l’on voit: surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit, écrivait Charles Péguy en 1910, cité par l’historien Stéphane Audoin-Rouzeau en ouverture de son bouleversant opuscule consacré au Rwanda Une initiation.



    Voir ce que l’on voit - tous domaines confondus. Comme par exemple que le rythme du réchauffement climatique est plus rapide que jamais, qu’il se traduit par des canicules extrêmes en Inde, où à New Delhi les températures sont supérieures à 49 degrés, tuant plus de 50 personnes en 3 jours. Qu’elles sont de plus de 52 degrés au Pakistan, dépassant de six à huit degrés les normales saisonnières. Qu’un nouveau record de chaleur au Mexique a provoqué la mort de 48 personnes à Mexico et que le pays s’attend à de nouveaux records de températures dans les prochaines semaines, pendant qu’ici ça cafardait sous la pluie en attendant les J.O. et l’été dans l’espoir que d’autres records plus festifs soient battus et pas seulement, mois après mois, les records des températures globales.



    Voir ce que l’on voit. Qu’en Suisse, qui se félicite d’être une patrie du droit international, le Conseil des États s’est ligué contre les avis de la Cour européenne des droits de l’Homme, après que le pays ait été condamné par elle pour inaction climatique. La Suisse l’accuse d’outrepasser ses compétences, barrant ainsi la voie à une extension de la condamnation et donc de l’action climatique cohérente à d’autres pays. Orgueil démesuré des patriotismes de catastrophe, prospérité économique du désastre. Offensés de l’action responsable, fossoyeurs patentés de l’avenir munis de mandats électoraux en bonne et due forme, comme il vous est difficile de voir ce que l’on voit.



    Egos nationalisés sur la défensive permanente, comme par exemple, de l’autre côté de l’Atlantique. La chambres des représentants des États-Unis exigeant l’instauration des sanctions contre les membres de la Cour pénale internationale après sa demande de mandats d’arrêt contre des dirigeants israéliens pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, invalidant dans le même temps les mandats d’arrêt émis par elle contre les dirigeants du Hamas.



    Voir ce que l’on voit, que l’on assiste à une volonté partagée et issue des rangs occidentaux d’affaiblissement et de discrédit de nos propres dispositifs de droit international, enfantés dans les douleurs et les effarements de l’après Seconde Guerre mondiale, lorsque l’on s’est enfin efforcé de voir ce que l’on voit. Les agonies, les exterminations, les génocides. Et que pour conjurer ces morts et dans l’espoir qu’elles n’adviennent plus a émergé, dans un long processus de jurisprudence, le droit international. Ses objectifs et ses tragiques limites, sabotage concerté de nos seules instances en humanité, un comble total.



    Nous démondialisons nos valeurs dans la fierté et l’arrogance, dans l’isolement et le discrédit généralisé, mais certainement pas dans la joie. Aucun être authentiquement tourné vers la joie ne peut ni les accomplir, ni les cautionner, ni détourner les yeux. Elles sont le fruit d’un voir de cécité et pas d’un voir ce que l’on voit. La joie qui nous constitue humainement est la force de voir le monde tel qu’il va et de lui opposer en puissance ce que nous sommes, où ni la mort, ni le déni, ne peuvent avoir leur place.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 7 juin 2024

    Publiée le 10 juin 2024

    Crédits photo: Anne Bouchard

  • ¿Faltan episodios?

    Pulsa aquí para actualizar resultados

  • Quand l'image divise



    Les Bains des Pâquis avaient annoncé leur calendrier de l’avent artistique via une image qui montre une Vierge auréolée tenant dans ses bras un paresseux à la place de l’Enfant Jésus. Certains ont crié au blasphème. La scène Ella Fitzgerald lance sa saison estivale à venir avec une affiche contenant un brocoli et une orange que d’aucuns qualifient sur les réseaux sociaux d’assez moche. Les exemples sont nombreux.



    La communication culturelle



    Pourquoi ces posters suscitent-ils tant de réactions? Certaines campagnes publicitaires pour des produits de consommation courante sont autrement plus choquantes et pourtant personne ne s’en offusque. Pourquoi ce qui est accepté à des fins commerciales ne l’est pas pour des activités culturelles? Pour remplir sa salle, un théâtre doit bien toucher son public, d’une manière ou d’une autre. Comment d’ailleurs les institutions arrivent-elles à marquer les esprits et à développer une identité visuelle qui leur est propre? Les codes utilisés seraient-ils les mêmes dans les secteurs de la vente et de la culture?



    Des métiers de l'image



    Le graphisme est une profession à la croisée des chemins entre beaux-arts et désirs capitalistes. Le fondateur et directeur de l'agence de communication Yomira Studio Hamoudi Shubber explique son attrait pour ce domaine. Yomira Studio est fondée en 2017 et se veut audacieuse, engagée et humaine. Pour son fondateur, l'agence est un pont entre le créatif et le commercial. Il faut comprendre à la fois le monde du graphisme et celui du marketing:




    Faire bouger les choses et ne pas simplement remplir un cadre.




    Le graphisme est une discipline qui a sa place dans les cursus de la Haute Ecole d’Art et de Design de Genève. Le responsable du département communication visuelle de l'école, Dimitri Broquard, revient sur le graphisme suisse, notamment sur la notoriété du style international, rigoureux et structuré, créé dans les années 1950. Sonia Dominguez est une graphiste diplômée en 2012 de la HEAD, une expérience qui lui a permis, comme à d'autres étudiant·e·s, d'effectuer des mandats professionnels en cours d'étude. Elle observe aujourd'hui les différences de pratiques selon les villes suisses:




    À Genève, on ose peut-être moins sur certaines choses.




    José Lillo propose une ode à la joie, la vraie, tandis que Lucie Eidenbenz nous emmène à l’exposition RIENS, au Musée de la communication, à Berne. Le titre de cette exposition, s’impose comme un défi, un appel à la curiosité, une provocation.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 7 juin 2024

    Publiée le 7 juin 2024

    Crédits photo: Affiche du calendrier de l'avent des Bains des Pâquis 2023 © Cédric Marendaz


  • Salut à toi qui, comme moi, devant l’incapacité des mots à restituer un univers de sens et d’émotions à la hauteur de l’horreur des faits et des images qui nous parviennent à flux continu depuis l’actualité de notre monde, réfrènes à grand peine l’expression de plus en plus pressante d’un simple cri pour tout résultat de pensée. Misère du chroniqueur qui articule du langage là où la dignité exigerait que la chronique de notre temps dans son présent immédiat soit l’exacte réplique de l’épouvante et du dégoût qu’il inspire. Un cri assidu, ininterrompu, inéluctable. Mais, comme toi qui m’écoutes, je suis le produit d’un processus de civilisation qui a institué le Logos en tant qu’instance de médiation de soi à l’autre, et même de soi à soi pour tout ce qui relève du sens.



    Le sens, c’est ce qui vient à manquer désormais et c’est exactement là que vient se loger le cri, dans la révélation de ce qui n’a pas de nom, qui ne peut relever par les mots que des catégories conceptuelles, que la rationalité n’épuise pas, ni n’impose. D’où ces perpétuelles querelles philologico-juridico-sémantiques où tout et son contraire peut être prouvé, argué, contesté, démoli, sans que les faits hors les mots en soient inchangés.



    Néanmoins, il arrive que dans les milliers de milliers de phrases, de commentaires, d’analyses, d’informations, de contre-informations, par lesquels nous cherchons à nous orienter et renouer avec un minimum de cohérence commune, partageable, universalisable, surgisse soudain un segment de sens indestructible.



    Assassiner des enfants, causer leur mort, cela ne fait pas sens, il n’y a aucun sens dans des opérations qui incluent le meurtre d’enfants, leur mise à mort.



    Je cite la phrase de mémoire, entendue dans l’une des nombreuses conférences disponibles sur le net de son auteur. Elle est issue de l’un des plus grands historiens contemporains français du nazisme, j’ai nommé Johann Chapoutot. Il faut prendre la mesure d’une telle affirmation et il n’y a aucun doute qu’elle ait été pensée par lui comme paradigmatique. Reconnu comme l’un des experts mondiaux du nazisme, la singularité de Johann Chapoutot dans son apport majeur à notre connaissance de la période consiste à avoir travaillé à reconstituer l’univers culturel et mental du nazisme et à nous donner à percevoir sa répugnante logique interne, en se plongeant dans les archives, les documents, lettres, textes et discours qui en reconstituaient les processus de causalités, les adhésions à un univers de sens dévoyé, l’élaboration progressive de la déshumanisation de l’ennemi et les instrumentalisations forcenées de la rationalité ayant abouti à une normalisation collective et donc à une application désinhibée de ce que nous nommons désormais crimes contre l’humanité.



    Car c’est bien un faisceau de sens qui rend les crimes de guerre possibles, qui les légitime pour les assassins, là où cela ne devrait précisément pas faire sens, en aucun cas. C’est bien un univers culturel, aussi douloureux cela soit-il à admettre, une vision du monde dans l’entrelacements de récits élaborés à cette fin qui permet de persuader leurs auteurs et contempteurs que, par leur signification, leurs actes inhumains sont nécessaires et dignes et que les indignations qu’on leur oppose sont relatives et incompréhensibles, malintentionnées.



    Rien ne légitime la tuerie d’enfants.



    Il n’y a pas de sens à ça. La présence de la construction d’un sens pour la légitimer est en elle-même un élément de non-sens, un élément de nihilisme. La marque d’un dévoiement hors de l’humanité. Et il faut tenir ferme le mot humanité dressé comme un rempart contre l’horreur en cours et à venir, contre toutes les forces insidieuses agissantes en nous et hors de nous qui nous mèneraient, par désespoir, à en abolir la notion, car notre perte alors serait totale.



    Il faut parvenir à penser qu’il n’y a pas de sens au massacre d’enfants. Des opérations de guerre incluant la mort inévitable et intensive d’enfants, leur mise en famine, l’assassinat indirect d’enfants par bombardements incessants, le démembrement de leurs membres, cela n’a pas de sens. Il faut comprendre que le sens justificatif par lequel il est tenté d’effacer l’abomination de ce crime n’en est pas un.



    Il n’y a là qu’un nihilisme forcené où gît un cri.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 31 mai 2024

    Publiée le 3 juin 2024

    Crédits photo: Anne Bouchard

  • Lutter contre le cri



    Il existe des défouloirs reconnus: les stades, les concerts, les manifestations. Mais attention, celle ou celui qui se permet de brailler hors de ces espaces sera mal vu. Il s’agit de lutter contre une nature animale portée vers les sens et l’excès. Que faire alors lorsque le cri est salvateur? Lorsqu’il prévoit un danger ou libère d’un chagrin? Certaines personnes ont tellement appris à retenir ce son qu’elles deviennent incapables de le produire lorsque cela serait bénéfique pour elles.



    Comprendre le cri



    Amélie Charcosset est la créatrice du podcast Histoires de cris, qui a remporté l’appel à projets Radio Bascule 2023. Dans sa création sonore, l'autrice et animatrice d’ateliers d’écriture explore les cris que l’on porte en nous, ceux qui nous hantent, ceux qui sortent ou pas, ceux qui heurtent. Elle a recueilli plus d’une trentaine de récits pour tenter de comprendre d’où ils viennent et pourquoi il est parfois difficile de les expulser.




    Quels cris est-ce qu’on porte en soi? Qu’est-ce qu’ils racontent de nous? Comment fait-on pour les laisser sortir? Et pourquoi est-ce que c’est si difficile? Comment est-ce qu’on vit avec nos cris, et est-ce qu’on peut se réconcilier avec eux?




    Comme une tentative de réconciliation avec nos beuglements, elle entremêle les témoignages, accompagnée de Jeanne Thomas au mixage et à la conception sonore. Parfois joyeux, d’autres fois colériques ou tristes, ils se répondent et forment à eux tous, une seule et même voix.



    De son côté, José Lillo réprime lui aussi un cri face à l'actualité glaçante.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 31 mai 2024

    Publiée le 31 mai 2024

    Crédits photo: Histoires de cris

  • Renouer avec le corps



    Viviana Aliberti est comédienne, elle a débuté sa carrière dans les années 1970 et a joué sans bénéficier de l'appui de coordinateurices d'intimité. Enseignante de théâtre à l'Ecole de Culture Générale durant plusieurs années, elle a pu observer le rapport au corps, envahi par la gêne, des jeunes de 15 à 21 ans. Avant même de se lancer dans l'improvisation, l'échauffement est une épreuve difficile: marcher dans la salle et croiser le regard des camarades, respirer sans dissimuler le bruit produit, ce n'est pas chose facile pour les élèves, comme pour la plupart des gens.




    Le corps, c'est tout.




    L'intimité au théâtre



    Malgré la gêne, les jeunes l'ont à plusieurs reprises questionnée sur son métier: est-ce qu'elle embrassait sur scène? Si ça lui est arrivé, ce n'était pas sans un certain malaise, qui pouvait être brisé par la discussion et des jeux exorcisant l'embarras.




    L'intime c'est extrêmement simple mais c'est complexe.




    L'important lorsque des scènes intimes sont présentes, c'est qu'elles soient justifiées par le scénario. Viviana Aliberti se souvient avoir refusé certains rôles, même principaux, pour cette raison.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 24 mai 2024

    Publiée le 27 mai 2024

  • Un métier émergent



    Déborah Helle est, pour le moment, la seule coordinatrice d'intimité à exercer cette fonction en Suisse romande. Après un bachelor en réalisation à la HEAD et un master de coaching de jeu à Londres, elle se dirige vers une nouvelle formation, celle de la coordination d'intimité. Déjà intéressée par les questions éthiques sur les tournages, notamment lorsqu'il s'agit de filmer des scènes violentes et émouvantes, elle rencontre Ita O'Brien, pionnière du métier en Angleterre. Déborah Helle décide de se former au sein d'un organisme américain et découvre les facettes variées de la profession. Il ne s'agit pas seulement de chorégraphier, mais également de maîtriser la communication non violente, la gestion de conflits et d'être informé·e sur les questions de genres et de représentation.



    Un cahier des charges diversifié



    L'un des problèmes majeurs qui rendent sa présence nécessaire réside dans l'écriture. Dans un scénario, lorsqu'une scène intime est uniquement décrite par deux personnes font l'amour passionnément, un travail conséquent de dialogue avec les différents corps de métier et de préparation de la scène est nécessaire. Déborah Helle s'adresse d'abord à la réalisation, pour comprendre la vision artistique, qu'elle traduit ensuite en chorégraphie technique. Elle discute avec les actrices et acteurs, ainsi que leurs agents, pour s'assurer des limites de chacun·e. Enfin, le département des costumes est impliqué, si du matériel est nécessaire à la réalisation d'une scène intime, et une répétition de cette dernière est organisée. Ce moment permet aux comédiens et comédiennes d'autoriser et de prévoir quelle partie du corps est touchée et de quelle manière, de trouver les angles qui permettent de rendre la vision artistique de la séquence sans mettre les artistes dans l'inconfort et ainsi de mieux se consacrer au jeu. 




    Si l'on est détendu·e, on est plus ouvert·e au jeu et au moment présent.




    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 24 mai 2024

    Publiée le 27 mai 2024

    Crédits photo: © Neige Sanchez


  • Marie-Eve: Olivier, tu n’es pas le dernier à glisser des blagues graveleuses dans tes chroniques, quitte à bousculer la pudeur des invités et des auditeurs. Pourtant, on sait qu’il y a un cœur d’artichaut qui bat dans cette poitrine de matamore, que tu as un tempérament délicat et sensible. J’imagine donc que tu regardes avec une certaine bienveillance l’émergence des coordinateurs d’intimité, n’est-ce pas?



    Avec une énorme bienveillance, tu veux dire! Savoir que grâce à cette profession, les actrices seront moins harcelées ou paluchées par des Gégés la Poutre et autres butors prédateurs, ça me remplit de contentement. Si je n'ai rien contre la gauloiserie, j’ai toujours eu une sainte horreur des mufles à qui la richesse, la célébrité ou les hormones commandent de traiter les femmes comme des gonzo girls. Eh les mecs, vous qui plaidez souvent pour séparer l’homme de l’artiste –un argument que je peux entendre d’ailleurs–, il faudrait que vous appreniez aussi à séparer le cinoche, l’art, la fiction, le bouillonnement de vos fantasmes des interactions que vous pouvez avoir avec des femmes réelles dans le monde réel, bandes de phacochères! Donc les coordinateurs d’intimité, j’applaudis. Maintenant, cela dit, on aurait tort de s’arrêter en si bon chemin. Il est urgent d’inventer un nouveau métier en miroir du premier.



    M.-E.: Un nouveau métier? En miroir? Qu’est-ce que tu as en tête, petit canaillou?



    Eh bien disons qu’aujourd’hui, des vertus telles que la sociabilité ou l’urbanité auraient sacrément besoin d’un peu de réclame. Les malotrus sont partout! L’invasion des profanateurs de tranquillité est un raz-de-marée. Et là, à ce niveau de bourrinage, navré d’avoir à le préciser, hommes et femmes sont à égalité parfaite: aussi débiles les uns que les autres. C’est pourquoi je milite pour la création d’un job d’utilité publique, celui de coordinateur d’extimité.



    M.-E.: Ben voyons. Et quelle serait leur fonction, à ces champions?



    Ce seraient en quelque sorte des diplomates énervés. Un peu comme des parents de l’ancien temps, avec permis de sévices corporels. Tenez, un exemple. Vous connaissez le Bain Bleu à Genève? Oui, ce hammam et spa chichiteux, avec décor orientalisant et bassin en rooftop, histoire de contempler le lac en sirotant un spritz si le cœur vous en dit. Sachez que la direction de l’endroit, un peu molle du bulbe, n’a pas jugé utile d’interdire expressément l’usage du smartphone dans ses installations. Résultat: alors que vous passez un moment de douce quiétude dans les bulles, vous devez endurer le spectacle d’une cohorte de beaufs et de pouffes qui barbotent téléphone à la main, le bras crispé en l’air pour maintenir leur bidule hors de l’eau. On jurerait Gollum tripotant l’anneau de pouvoir! Et que ça se filmouille, et que ça se selfie parmi, comme s’il était vital de partager avec le monde entier ses tatouages à gerber ou ses faux cils qui pourraient servir de tremplin à Simon Amnann, le sauteur à ski. En plus les gens, vous me semblez en général particulièrement chatouilleux, et à juste titre, sur la notion de consentement. Or à quel moment ai-je consenti, moi, à me retrouver en arrière-plan de votre story Instagram ou de votre live à la con balancé sur TikTok? Hein? Je vous le demande! Jamais, oui, c’est bien ça. Voilà donc un moment parfait où le coordinateur d’extimité pourrait sévir. Intervenant en loucedé, armé d’un katana et se coulant tel un ninja dans le sillage du cuistre à smartphone, il lui couperait le bras fautif d’un coup d’un seul. Tchack! Ah je vous garantis que ça filerait aux autres de sacrées envies de déconnexion le temps de la baignade. Ensuite d’accord, dans les rues on croiserait un peu plus de manchots, mais bon on vit dans un monde inclusif, où les personnes en situation d’estropiement ont droit à toute notre compassion et tout notre amour, non?



    M.-E.: Oulah tu n’y vas pas avec le dos de la cuillère… ou avec le manche du katana, Olivier. Et à quoi d’autre pourrait-il s’employer, ton coordinateur d’extimité?



    Oh rien qu’avec le cas du smartphone, il aurait fort à faire. Menacer de son sabre ceux qui matent des vidéos sans écouteurs dans les transports publics. Scarifier votre ado incapable de dialoguer deux minutes avec vous sans être fasciné par les foutues notifications qui font vibrer son iMachin en permanence. Fesser du plat de la lame les parents qui collent une tablette dans les mains de leur mouflet encore dans les langes. J’en passe et des meilleurs. Les autres champs d’intervention seraient nombreux d’ailleurs. Je pense aux automobilistes qui se garent comme des ploucs, occupant deux places alors que bon sang, pour se croire seuls au monde, ils pourraient au moins attendre que l’apocalypse ait eut lieu. Ou à ceux pour qui le clignotant est un accessoire en option. Ou aux cyclistes pour qui les feux de circulation sont des accessoires décoratifs. En fait, j’y pense, les coordinateurs d’extimité pourraient même remplacer de temps à autre les coordinateurs d’intimité sur les plateaux de tournage.



    M.-E.: Ah oui? Et pourquoi ça?



    C’est limpide: face à un coordinateur muni d’un katana, m’est avis que bien des Gégés priapiques auraient subitement envie de garder leur poutre dans leur pantalon.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 24 mai 2024

    Publiée le 27 mai 2024

  • Si les pratiques évoluent sur les tournages pour devenir plus respectueuses des individus, est-ce le cas dans tous les styles de film? Candice s’est intéressée à une partie bien particulière de la branche:



    Qui dit scènes de sexe, dit pornographie. On ne va pas se mentir, avec environ un tiers du trafic web mondial, le film X occupe plus de place que les films d’auteurs indé. Et c’est bien dommage. Plus de productions, plus de vues, et surtout beaucoup plus de gens tous nus qui font des choses avec leurs corps. Alors pourquoi il n’y a pas un méga business de la coordination d’intimité sur les tournages de films pour adultes?



    Je veux dire, c’est l’essence même du film: des personnes qui jouent des rapports sexuels de manière professionnelle devant toute une équipe. Le marché est là! Alors c’est sûr qu’on ne se pose pas la question d’avoir des protèges sexes couleur chair ou de faire passer l’érotisme par ailleurs, de manière subtile et suggérée, mais on doit quand même se poser la question du consentement et des règles à respecter pour que ça ait l’air un minimum réel.



    Ok et alors verdict? Il y a des coordinatrices d’intimité qui travaillent dans la pornographie?



    Il y en a, mais pas beaucoup. Ça reste un métier nouveau et à la marge, qui est notamment apparu avec les chartes éthiques régissant l’industrie du X. Oui je sais, ça sonne contradictoire. Mais le porno aussi évolue. En tout cas une petite partie de l’iceberg. Ça reste une profession comme une autre, avec un cadre légal, même si on est d’accord, pas souvent respecté. Raison de plus pour avoir sur les plateaux des personnes en charge du respect des quelques règles existantes.



    Et qu’est-ce qui change dans le métier de coordinatrice d’intimité par rapport au cinéma classique ?



    C’est clair qu’il ne s’agit pas des mêmes scènes d’intimité. Même si on peut simuler le plaisir, tout le reste est vrai. Donc on est sur un type particulier de coordinatrices d’intimité, formées aux spécificités de la pornographie: questions pratiques, communication, médiation, gestion des problèmes. Le plus souvent ce sont des actrices du X, qui sont passées de l’autre côté de la caméra ou qui ont juste envie d’être là pour les autres. Comme elles en auraient besoin en tant que comédiennes. Comme c’est un métier encore moins développé que dans le cinéma classique, il peut y avoir une coordinatrice d’intimité qui joue aussi dans le film. Conflit d’intérêt oblige, on se retrouve dans une position délicate. Sans mauvais jeu de mots. Elles sont aussi présentes pour l’ensemble de l’équipe technique: pas évident de tenir une perche au-dessus d’une scène de fesses quand tu débutes dans le milieu. En plus, elles gèrent toutes les questions de protection et de lubrifiants. Bref, elles font en sorte que ça glisse, à tous les niveaux.



    Et tu genres tout au féminin, pas très inclusif tout ça!



    J’adorerais que ce soit autrement mais, encore une fois, comme ça a à voir avec l’humain et le care, c’est une affaire de femmes. Coïncidence? Je ne crois pas. Comme tout ce qui est éthique dans le porno, c’est bien souvent porté par les femmes. Erika Lust, la suédoise pionnière du porno féministe et engagé, propose de créer une récompense pour la meilleure coordination d’intimité aux Oscars. Non mais c’est vrai, il y a des prix pour les personnes qui font des costumes, pourquoi pas pour celles qui s’assurent du consentement et du bon déroulement des scènes de sexe? Ce serait un bon moyen de donner de la reconnaissance au métier et à sa nécessité. Ce n’est pas un luxe, mais bien un besoin. Pas étonnant que sur le petit écran, la coordination d’intimité ait commencé en 2017 sur HBO avec The Deuce, une série sur... la pornographie.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 24 mai 2024

    Publiée le 27 mai 2024

  • Un nouveau métier



    Sur le modèle du chorégraphe de cascades, la personne en charge de l’intimité sur un film ou une série intervient pour encadrer le tournage des scènes de sexe, de nudité ou de violence. Les émotions à jouer dans ces moments sont souvent fortes et il est plus simple de les libérer pour l’acteur·rice dans un climat sain et bienveillant. Ce qui n’a pas toujours été le cas dans ce milieu comme en témoignent – entre autres – le tournage traumatisant du Dernier tango à Paris ou l’affaire Benoît Jacquot.



    Ce nouveau poste s’est développé aux États-Unis dans le sillage du mouvement MeToo pour éviter les abus. Les comédiens et comédiennes ne se retrouvent ainsi plus seul·e·s face à la réalisation et aux équipes techniques. Les blagues grossières et les remarques déplacées seraient-elles une espèce en voie d’extinction? La formation spécifique inclut des notions de psychologie, de gestion de groupes et de médiation. Moins avancée que l’Amérique, l’Europe cherche encore à professionnaliser cette pratique. Comment cette nouvelle présence est-elle accueillie par les différentes générations ?



    Une coordinatrice d'intimité romande



    Déborah Helle est, pour le moment, la seule à exercer cette fonction en Suisse romande. Après un bachelor en réalisation à la HEAD et un master de coaching de jeu à Londres, elle se dirige vers une nouvelle formation, celle de la coordination d'intimité. Déjà intéressée par les questions éthiques sur les tournages, notamment lorsqu'il s'agit de filmer des scènes violentes et émouvantes, elle rencontre Ita O'Brien, pionnière du métier en Angleterre. Déborah Helle décide de se former au sein d'un organisme américain et découvre les facettes variées de la profession. Il ne s'agit pas seulement de chorégraphier, mais également de maîtriser la communication non violente, la gestion de conflits et d'être informé·e sur les questions de genres et de représentation.



    L'un des problèmes majeurs qui rendent sa présence nécessaire réside dans l'écriture. Dans un scénario, lorsqu'une scène intime est uniquement décrite par deux personnes font l'amour passionnément, un travail conséquent de dialogue avec les différents corps de métier et de préparation de la scène est nécessaire. Déborah Helle s'adresse d'abord à la réalisation, pour comprendre la vision artistique, qu'elle traduit ensuite en chorégraphie technique. Elle discute avec les actrices et acteurs, ainsi que leurs agents, pour s'assurer des limites de chacun·e. Enfin, le département des costumes est impliqué, si du matériel est nécessaire à la réalisation d'une scène intime, et une répétition de cette dernière est organisée. Ce moment permet aux comédiens et comédiennes d'autoriser et de prévoir quelle partie du corps est touchée et de quelle manière, de trouver les angles qui permettent de rendre la vision artistique de la séquence sans mettre les artistes dans l'inconfort et ainsi de mieux se consacrer au jeu. 




    Si l'on est détendu·e, on est plus ouvert·e au jeu et au moment présent.




    Le rapport au corps



    Viviana Aliberti est comédienne, elle a débuté sa carrière dans les années 1970 et a joué sans bénéficier de l'appui de coordinateurices d'intimité. Enseignante de théâtre à l'Ecole de Culture Générale durant plusieurs années, elle a pu observer le rapport au corps, envahi par la gêne, des jeunes de 15 à 21 ans. Avant même de se lancer dans l'improvisation, l'échauffement est une épreuve difficile: marcher dans la salle et croiser le regard des camarades, respirer sans dissimuler le bruit produit, ce n'est pas chose facile pour les élèves, comme pour la plupart des gens.




    Le corps, c'est tout.




    Malgré la gêne, les jeunes l'ont à plusieurs reprises questionnée sur son métier: est-ce qu'elle embrassait sur scène? Si ça lui est arrivé, ce n'était pas sans un certain malaise, qui pouvait être brisé par la discussion et des jeux exorcisant l'embarras.




    L'intime c'est extrêmement simple mais c'est complexe.




    L'important lorsque des scènes intimes sont présentes, c'est qu'elles soient justifiées par le scénario. Viviana Aliberti se souvient avoir refusé certains rôles, même principaux, pour cette raison.



    Candice Savoyat s'intéresse aux coordinatrices d'intimité dans le monde de la pornographie, tandis qu'Olivier Mottaz propose de créer la fonction de coordinateur d'extimité.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 24 mai 2024

    Publiée le 24 mai 2024

    Crédits photo: Espèce menacée de Bruno Deville, tournage durant lequel Déborah Helle a été coordinatrice d'intimité © Rita Productions et RTS

  • Marie-Eve: Lorsque nous avons choisi le sujet du jour en séance de rédaction, Olivier a lâché avec cynisme: Oh ben ça alors, quelle originalité! Mais enfin mon scoubidou, tu n’es pas de la team joie?



    Vous en voulez de la joie? J’vais vous en donner moi, vous allez voir... Et je vous garantis que c’est une menace, pas une promesse! Non mais c’est vrai quoi, qu’est-ce qu’on a à battre des nageoires comme des otaries qui auraient sniffé la banquise? C’est quoi cette injonction universelle à la banane, à l’éclate, au contentement sans borne, cette épidémie de coachs en jubilation? Et puis au fond, c’est quoi la joie et où peut-on la trouver?



    M.-E.: Bonne question... À laquelle on tente de répondre dans la présente émission. Tu as quelque chose à ajouter?



    Oui, j’ai un peu de sel à verser sur la plaie. La joie, d’abord, c’est petit. C’est un bonheur diminutif, éphémère et diaphane. Je parle de ce type de plaisir qu’on va chercher dans la première gorgée de bière, le premier café du matin ou la première cigarette, ce type de plaisir dont des écrivains experts en spéléologie de leur nombril se sont fait une spécialité. La joie c’est ça: un truc fugace, un bonheur Wish glané çà et là, un ersatz. Et n’oublions pas que la joie est aussi une émotion ambivalente: elle peut être féroce, maligne, ce que l’allemand résume avec le terme de Schadenfreude, la joie de contempler les infortunes d’autrui. Bref, pas joli joli tout ça. Sans compter que la joie... Je ne sais pas... Il y a un côté satisfaction de ruminant qui digère là-dedans. La joie du veau conduit à l’abattoir ou du consommateur tondu bien comme il faut, en somme.



    M.-E.: Euh à quoi tu fais allusion au juste?



    Rappelle-toi il y a 25 ans, quand le monde de la téléphonie s’est ouvert aux joies du libéralisme. On a vu débarquer alors plein de nouveaux opérateurs dont l’un, diAx, a vomi des réclames qui me chauffent toujours les sangs, un quart de siècle après! Ces publicités montraient, dans une esthétique vintage, des clients surjouant la joie la plus sotte, plongés dans une sorte de transe de béatitude devant les offres d’abonnement. Oh bien sûr, ça se voulait très second degré, dans le sabir de la marque ça s’adressait à des clients vachement calés et en mesure de décoder l’humour so chic de la campagne... Alors que dans les faits, ces réclames décrivaient surtout le consommateur comme un imbécile heureux! C’est d’ailleurs caractéristique d’une mentalité boutiquière propre au capitalisme: faut rendre le client tout joyeux, tout foufou, histoire qu’il ouvre grand son porte-monnaie et dépense sans compter, un bon gros sourire de pigeon peint sur sa face. Eh bien à ces joies commerçantes, j’oppose le mantra de Cyrano dans une fameuse tirade: non merci!



    M.-E.: Mais il n’y a pas de joie que dans la consommation Olivier, tu es de mauvaise foi! Il y a des joies intimes, des joies esthétiques, contemplatives ou sensuelles...



    Certes, et tu poses là une question intéressante, celle des sources de la joie. Souvent, on va la chercher dans le développement personnel, la contemplation tu l’as dit, la flânerie existentielle. Or on se goure. Ou alors, réservons la joie à un public de quadras bobos qui enchaînent stages de yoga, massages aux bols chantants et cinéma d’auteur ouzbek, mais oui vous savez, ces films où vous avez un plan séquence de trois plombes sur une steppe pelée, avec au milieu un gars qui regarde son bol de lait de yack fermenté. D’abord, pourquoi la joie aurait-elle partie liée avec une temporalité façon guimauve, avec la lenteur et la calme déambulation dans la nature, hein? Allez dire à un sportif, voire à certains artistes, que la joie consiste à ralentir! À contempler! A-t-on oublié les futuristes, au début du XXe siècle? Pour Marinetti et consorts, il y avait de la beauté, de la joie dans l’action, dans la vitesse, dans la confrontation! Alors qu’aujourd’hui, les Occidentaux laminés sont contraints de chercher un peu d’allégresse en se réfugiant trois jours dans un monastère sans Wi-Fi, avec vœu de silence, repas frugaux et câlins aux arbres lors des balades en forêt... Le pire est que la finalité reste la même: diAx nous voulait joyeux dans la consommation, les firmes de maintenant nous veulent choyés, cocolés, requinqués sur notre temps libre pour retrouver la niaque et la joie dans le travail ET dans la consommation. La boucle est bouclée et le cercle vicieux.



    M.-E.: OK. On fait quoi alors? Il y a une morale à ta chronique?



    Je ne sais pas trop. Mais qu’on me laisse jouer au maître yogi au moins une fois. Mes adeptes auront droit, pour chaque cours, à un cocktail de bienvenue à base d’amphétamines, à une bande-son dédiée à Rammstein et à Black Sabbath, ainsi qu’à quelques coups de fouet pour qu’ils changent de place dans la salle, et au trot nom de Zeus, entre chaque exercice. De quoi découvrir, enfin, la joie dans la sueur et dans l’agitation.



    ---

    Émission diffusée le 17 mai 2024 sur Radio Vostok, enregistrée au Service de la culture de Meyrin le 15 mars 2024

    Publiée le 22 mai 2024

  • C’est quoi la joie?



    Qu’est-ce qu’on fait quand elle est absente? Comment on la «convoque»? Et est-ce qu’on cesse d’exister, quand on n’est plus dans la joie? Ode à la joie est une création de Léa Déchamboux, l’une des lauréat·e·s de l’appel à projets Radio Bascule 2023. La comédienne a convié, pour son premier podcast, quatre artistes à explorer les petites choses qui rendent la vie plus belle et supportable. Puisque nous avons une marge d’action sur notre bonheur, apparemment 40%, autant en profiter. Cette création sonore est susceptible d’inspirer vos actions quotidiennes. On entre dans une bulle hors du temps, pour accueillir l’instant présent.



    Une émotion propre à chacun·e



    Ce qui nous rend heureux·ses n’est pas forcément ce qui réjouit notre voisin. D'ailleurs, ce qui provoque la joie aujourd'hui n'est pas ce qui le fera demain: la joie change au cours de la vie. Si à 26 ans, on aime danser sur de l’electro en boîte, aujourd’hui on préfère peut-être l’écouter en fond sonore durant un dîner avec des ami·e·s à la maison. Léa Déchamboux, de nature plutôt mélancolique, s'est intéressée à cette émotion particulière. Elle distingue la joie du bonheur:




    Le bonheur on le recherche alors que la joie, elle survient.




    Pour elle, la joie s'invite lorsque l'on s'arrête sur certains instants de la vie, que l'on est présent dans le moment. Olivier Mottaz s'interroge également sur le sujet et se demande si la joie ne serait pas un pauvre ersatz de bonheur ou si elle réside forcément dans la lenteur et la contemplation.



    ---

    Émission diffusée le 17 mai 2024 sur Radio Vostok, enregistrée au Service de la culture de Meyrin le 15 mars 2024

    Publiée le 17 mai 2024

    Crédits photo: Ode à la joie

  • Prendre la plume



    Dans les méandres d’un genre qui en dit long sur son présent tout en affirmant parler du futur, Antoine Jaquier, spécialiste en management culturel et écrivain, enchante les amateurs de SF avec deux de ses romans, Simili-love et Tous les arbres au-dessous. Il débarque avec fracas en publiant son premier roman Ils sont tous morts en 2013, couronné l’année suivante du prix Edouard Rod. Son deuxième livre, Les chiens, paraît en 2015, et il décroche lui aussi un prix, celui des lecteurs de la Ville de Lausanne. Suivra Légère et court-vêtue en 2017. Antoine Jaquier grandit dans une configuration familiale faite de goût pour la pédagogie, pour l’acquisition des connaissances et pour les belles mécaniques horlogères finement ouvragées, ce qui a contribué à l’émergence de sa pratique littéraire. Entouré de livres depuis toujours - la lecture a façonné son quotidien - il dévore d'abord des bandes dessinées, de Spirou à Tintin avant de découvrir Bilal et Mœbius. Il rencontre l'écriture en répondant à des concours de nouvelles dans sa vingtaine, jusqu'au jour où ses amis lui lancent un défi: écrire un roman.



    Écrire de la science-fiction



    Ses premiers romans ne relèvent pas de la SF. Ainsi, Ils sont tous morts évoque les ravages de la drogue sur un groupe de jeunes issus de la campagne vaudoise. Lorsqu'il rédige Simili-love, il n'associe pas immédiatement le terme de science-fiction à l'histoire qu'il construit, bien qu'il s'inspire d'Aldous Huxley et du Meilleur des mondes, et explore les thèmes de l'I.A. et de l'androïde. Il imagine trois castes dans la société de son roman: les inutiles, qui représentent 70% de la population, les désignés, les 25% servant les 5% restants, l'élite. Si cela semble futuriste, Antoine Jaquier propose une autre explication:




    On est en fait là-dedans, mais les choses sont non dites.




    Maxime, son protagoniste, est scénariste. Il vit dans un monde qui a été complètement remodelé par La Grande Lumière, soit ce moment où Foogle, sorte de méga-GAFA tentaculaire, a décidé que toutes les traces de nos vies numériques seraient désormais en accès libre, consultables par n’importe qui. Tout le monde se retrouve à poil. S’y ajoutent cette division de la société en trois castes, l’explosion de l’I.A. et l’omniprésence des androïdes de compagnie. Après cette première expédition dans le monde de l'écriture de science-fiction, Antoine Jaquier explique que le rôle de l'auteur de SF est de faire émerger l'espoir d'un nouveau monde possible, un objectif rarement atteint:




    On ne va pas vers le beau, comme on dit chez nous.




    Dans Tous les arbres au-dessous, c’est fait, l’effondrement a eu lieu. On y suit Salvatore, un homme mûr, un Parisien pur sucre qui a troqué la rébellion de ses jeunes années contre un boulot dans la communication et un engagement dérisoire pour les énergies vertes. Mais fin nez, il s’est préparé. Il a acheté une ferme paumée dans un alpage des Vosges et stocké vivres, armes, livres et médicaments. Quand les structures étatiques s’écroulent, il file se réfugier là-bas, où il végète quelques années avant qu’une jeune sauvageonne, Mira, et un dandy androgyne et sa vache ne viennent troubler son isolement.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 3 mai 2024

    Publiée le 6 mai 2024

    Crédits photo: Antoine Jaquier

  • Rachel Maisonneuve est allée à la table ronde BD et I.A., quelles fictions? organisée par BDFIL à Lausanne le dimanche 21 avril, où Appupen et Laurent Daudet lui ont fait découvrir leur album Dream Machine dans lequel l’intelligence artificielle est capable de tout, du meilleur mais surtout du pire. Était aussi présent Pierre Schilling, auteur de BD numérique et coprésident de l’Association professionnelle des autrices et auteurs de bande dessinée suisses (SCAA). Plus tard, au stand des éditeurs suisses romands, Rachel passe le micro à Julien Delaye qui travaille chez l'éditeur Atrabile.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 3 mai 2024

    Publiée le 6 mai 2024

    Crédits photo: Rachel Maisonneuve

  • Salut à toi, intrépide audience qui t’apprête à pénétrer dans une étrange dimension où tout peut arriver, la chronique de José Lillo sur Midi Bascule, modeste reflet sur les ondes des évènements qui agitent le monde décidément très agité en ce moment. Comme l’écrivait le désormais regretté Paul Auster à qui je souhaite ici rendre hommage:




    La distance entre la pensée et les actes peut être immense, un gouffre aussi vaste que le monde lui-même.




    Je doute qu’il ait eu en tête au moment où il l’écrivait les Conventions de Genève, le droit international ou les résolutions de l’ONU, qui ont plus un statut de poupées gonflables en libre service dans un symposium de masculinistes en mal de démonstrations viriles que de réelles pensées ou expressions formelles des organes qui les adoptent rédigées en vue d’une action collective concrète et coercitive dans le vaste monde. Dit comme ça, ça sonne bien mais tout ça, au final, c’est du papier, de la feuille, du PDF. Du mail que tu n'ouvres pas et qui finit direct dans la corbeille à côté des spams et des suggestions LinkedIn. Personne ne pourra dire le contraire: jusqu’à aujourd’hui, les conventions de l’ONU, rien ne les distingue de la SF, dont il convient de rappeler ici la pertinente définition:




    Situations et évènements appartenant à un avenir plus ou moins proche.




    Oui, la SF, ça prend son temps avant que ça ne se passe. Et encore, si ça se passe... Sans oublier la variable radicale:




    Appartenant seulement au domaine de l’imaginaire.




    C’est là qu’on comprend que la science-fiction c’est large, beaucoup plus large que ce qu’on croit et qu’au sens de sa définition, ça inclut même par exemple Les 10 commandements. Et dans Les 10 commandements, en particulier le cinquième: Tu ne tueras point les civils. Ah non, pardon... Il n’est pas spécifiquement précisé dans le cinquième commandement qu’il ne faut pas tuer les civils, mais si je puis me permettre, il serait faux de laisser entendre qu’il règne un flou dans les Tables de la Loi. Parce que le cinquième commandement est même encore plus radical que ça:




    Tu ne tueras point.       




    Tout court. Le cinquième commandement est islamo-gauchiste, ce n’est pas possible autrement. Ce sont des étudiants de Paris-Sorbonne qui l’ont taggué sur le buisson ardent ou quoi? Bon, là, on était sur le cinquième commandement, mais le dixième, c’est encore plus embarrassant, je ne sais même pas si j’ose même mentionner le 10e commandement... Bon, allez, à la une, à la deux, à la trois:




    Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain.




    Oui, c’est là où tu comprends qu’en 2024, rien que de citer le 10e commandement de l’Ancien Testament, tu peux te retrouver avec une plainte pénale du CRIF pour antisémitisme et apologie du terrorisme. Je ne sais pas si on a les épaules pour ça ici, à Midi Bascule. Ah, on me fait signe depuis la régie que non... Sûr? OK OK.



    Bon poursuivons, mais bifurquons habilement, je reprends. Et donc, la SF, c’est beaucoup plus large que ce qu’on croit - allez, ni vu ni connu - la SF elle est partout. La SF, c’est des dirigeants du CAC 40 qui gagnent en moyenne 130 fois plus que leurs salariés, parler de croissance alors que six limites planétaires ont déjà été dépassées, parmi lesquelles l’érosion de la biodiversité, le changement climatique et l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère.



    La SF, par exemple, c’est l’aviation décarbonée à la Climate Impulse qui a surtout pour fonction de promener Bertrand Piccard dans l’espace médiatique, lequel est à la science et à l’écologie ce que Joël Dicker est à la littérature et à la prose. Si c’est ça la contribution romande au patrimoine culturel mondial, je préconise une mise en quarantaine de la région.



    La SF, c’est ce sentiment de déjà vu quand tu apprends dans les médias, ce jeudi seulement, qu’un rapport établit enfin que les principaux géants mondiaux du pétrole et du gaz savaient depuis "au moins" les années 1960 que les énergies fossiles allaient entraîner un réchauffement de la planète, mais ils ont persisté à le nier et même pratiqué la désinformation. Ah bon? J’ai l’impression d’avoir déjà vécu ce moment. C’était pas déjà officiel? Je suis sûr de l’avoir déjà entendu, lu, vu des reportages là-dessus.



    Une seule réponse, ça ne peut être que de la SF.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 3 mai 2024

    Publiée le 6 mai 2024

    Crédits photo: Anne Bouchard

  • L'évolution de la SF romande 



    De la science-fiction en Suisse romande? Si 42 est la réponse à la grande question sur la vie, l’Univers et tout le reste dans Le guide du voyageur galactique de Douglas Adams, c'est à travers d'autres œuvres que ce genre s'exprime par chez nous. Il y a 15 ans déjà, Campiche publiait Défricheurs d’imaginaire, une anthologie de la SF romande sous la direction de Jean-François Thomas. Cet ouvrage regroupe des textes publiés entre 1884 et 2004, ce qui permet de poser un constat introductif réjouissant: oui, la SF existe en Suisse romande, et elle se porte aujourd’hui mieux que jamais, merci pour elle. Elle a ses précurseurs, on peut même remonter jusqu’aux textes conjecturaux que le juriste Emer de Vattel publie au milieu du XVIIIe siècle, parmi lesquels le Projet pour la composition d’un élixir de livres qui vaut franchement le détour. Elle a ses auteurs et ses autrices, comme la Genevoise Noëlle Roger, qui publie plusieurs romans d’anticipation de bonne facture dans la première moitié du XXe siècle. La science-fiction prospère, tant en littérature qu’en BD ou au cinéma, avec des plumes aussi créatives que Laurence Suhner, Stéphane Bovon, Frederik Peeters, ainsi que la sortie il y a trois ans de Tides, un film signé Tim Fehlbaum où beaucoup de critiques ont vu une forme de maturité quasi hollywoodienne dans la conduite du récit et la qualité spectaculaire du résultat.



    Écrire la science-fiction



    Dans les méandres d’un genre qui en dit long sur son présent tout en affirmant parler du futur, Antoine Jaquier, spécialiste en management culturel et écrivain, enchante les amateurs de SF avec deux de ses romans, Simili-love et Tous les arbres au-dessous. Il débarque avec fracas en publiant son premier roman Ils sont tous morts en 2013, couronné l’année suivante du prix Edouard Rod. Son deuxième livre, Les chiens, paraît en 2015, et il décroche lui aussi un prix, celui des lecteurs de la Ville de Lausanne. Suivra Légère et court-vêtue en 2017. Antoine Jaquier grandit dans une configuration familiale faite de goût pour la pédagogie, pour l’acquisition des connaissances et pour les belles mécaniques horlogères finement ouvragées, ce qui a contribué à l’émergence de sa pratique littéraire. Entouré de livres depuis toujours - la lecture a façonné son quotidien - il dévore d'abord des bandes dessinées, de Spirou à Tintin avant de découvrir Bilal et Mœbius. Il rencontre l'écriture en répondant à des concours de nouvelles dans sa vingtaine, jusqu'au jour où ses amis lui lancent un défi: écrire un roman.



    Imaginer le futur pour comprendre le présent



    Ses premiers romans ne relèvent pas de la SF. Ainsi, Ils sont tous morts évoque les ravages de la drogue sur un groupe de jeunes issus de la campagne vaudoise. Lorsqu'il rédige Simili-love, il n'associe pas immédiatement le terme de science-fiction à l'histoire qu'il construit, bien qu'il s'inspire d'Aldous Huxley et du Meilleur des mondes, et explore les thèmes de l'I.A. et de l'androïde. Il imagine trois castes dans la société de son roman: les inutiles, qui représentent 70% de la population, les désignés, les 25% servant les 5% restants, l'élite. Si cela semble futuriste, Antoine Jaquier propose une autre explication:




    On est en fait là-dedans, mais les choses sont non dites.




    Pour lui, le rôle d'un écrivain de SF est de faire émerger l'espoir d'un nouveau monde possible, un objectif rarement atteint:




    On ne va pas vers le beau, comme on dit chez nous.




    Dans Tous les arbres au-dessous, c’est fait, l’effondrement a eu lieu. On y suit Salvatore, qui s’est préparé. Il a acheté une ferme paumée dans un alpage des Vosges et stocké vivres, armes, livres et médicaments. Quand les structures étatiques s’écroulent, il file se réfugier là-bas, où il végète quelques années avant qu’une jeune sauvageonne, Mira, et un dandy androgyne et sa vache ne viennent troubler son isolement.



    Rachel Maisonneuve est allée promener son micro à BDFIL pour y rencontrer d'autres plumes qui contribuent à enrichir la science-fiction. La Suisse romande n’a de loin pas à rougir de ses talents en matière de mauvais genres en général et de science-fiction en particulier. José Lillo constate que la SF est partout, y compris dans des domaines où on ne l’attend pas.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 3 mai 2024

    Publiée le 5 mai 2024

    Crédits photo: Blade Runner de Ridley Scott © Warner Bros.

  • Salut à toi agrégat de molécules et de protons de carbone, d’eau et d’azote. Alors oui, je sais, il y a façon plus guillerette de commencer une chronique que de ramener tout le monde à un tableau chimique périodique, à sa matérialité première, mais c’est que des fois, j'ai l’impression qu’il n'y a plus que ça qui nous relie, nous là, avec toutes nos différenciations clivantes. Et puis bon, si ça refroidit l’ambiance, prenez ça comme ma contribution à la lutte contre le réchauffement climatique, c’est toujours ça de pris sur la grande inaction mondialisée.



    Bon, j’ai appris, en préparant cette chronique, qu’il y a même du lithium dans le corps humain. Oh pas beaucoup, mais quand même, même très peu, c’est flippant. Je ne sais pas quelle quantité d’humains il faut pour faire une batterie électrique mais faudrait pas que le lithium vienne à manquer dans les mines, si tu vois ce que je veux dire. La clientèle Tesla est pas très regardante sur la provenance des matériaux de son joujou de deux tonnes. C’est pas parce qu’on serait contraint de prélever du lithium à même les gens que ça freinerait le marché. Quand t’as vu le marché ne pas foncer sur une opportunité? Même s’il faut pour ça marcher sur des cadavres. Quand je pense à tout ce lithium de perdu chaque fois qu’une embarcation de migrants fait naufrage et coule avec la cargaison. Dommage en plus, maintenant qu’on le sait, que ça rajoute du microplastique dans les océans avec tout ce que ça ingère de nanoparticules plastiques un corps humain globalisé, même de provenance subsaharienne.



    Comme si c’était pas déjà assez pollué comme ça la mer. Un camion de déchets plastiques par minute qui se déverse dedans, il paraît, 15'000 kilos. Une tonne toutes les trois secondes. Le poids des blagues dans un sketch de Bigard ou la fréquence poétique dans une chanson de Lalanne. Bon, nous, on sait qu’en moyenne générale, on se bouffe cinq grammes de plastique par semaine. Le poids d’une carte de crédit, disent les sites informés, ce qui est assez cynique comme comparaison pour une humanité qui vit à crédit sur ses ressources naturelles, en plus de laisser se noyer ses plus pauvres dans ses villes et sur les flots. Plus d’un milliard quand même à l’échelle mondiale. Les misérables. Mais les misérables, on a envie de dire, ce sont surtout ceux qui ont laissé pourrir la situation ou qui y ont contribué à un degré aussi apocalyptique.



    Cinq grammes de microplastique par semaine, ça fait du 250 grammes par an. Ce serait de l’or, ça vaudrait 17'251 balles et 60 centimes, les 250 grammes, mais rêve pas, c’est juste du microplastique. Ça vaut que dalle, à part des problèmes de santé qu’on a encore du mal à identifier. On en a même retrouvé qui circule dans le sang, du microplastique, pas juste dans le bide comme une fondue avant le digestif. Ça peut s’avaler, mais ça peut aussi s’inhaler. Par l’air donc. Putain, moi je ne baise plus en plein air, ni dans l’eau, ni sur la plage, rien. À la maison et fenêtres fermées. Et que ce soit le plus court possible pour réduire les risques. Le palpitant à basse fréquence pour ne pas pomper du plastoc par le nez pendant la cadence. Et pas question de s’hydrater après avec du Perrier, Vittel, Contrex.



    J’ai lu ce qu'il s’est passé avec l’eau, les petites magouilles signées Nestlé, avec les traitements interdits et la suspension de ses puits dans le Gard et dans les Vosges jusqu’à nouvel ordre. Déviation microbiologique ponctuelle qu'ils disent, c’est pas le genre de label qui inspire confiance ou alors autant qu’un programme de restauration des océans qui aurait été baptisé Fukushima. C’est con, mais pendant que les responsables économiques et politiques brassent de l’air en matière d’écologie, le lac Léman, lui, ne brasse plus assez ses eaux.



    Douze ans que ça dure. Résultat, les nutriments restent au fond et s’asphyxient. Et la teneur en oxygène, elle, reste en surface, alors qu’avant ça se mélangeait. C’est grave au point que maintenant, l’écosystème du lac se la clamse en direct. Si on compare à l’échelle planétaire, la température des eaux du lac Léman se réchauffe quatre à cinq fois plus vite que les océans sous l'effet du réchauffement climatique. Et plus il se réchauffe, plus ça fait de cyanobactéries, lesquelles produisent des toxines. Passé un seuil, c’est la potabilité du lac qui est compromise. Dommage pour un lac qui est le réservoir d’eau d’un million d’habitants en plus d’être le plus grand lac d’Europe occidentale. La seule bonne nouvelle, c’est que quand tout ça arrivera, on ne sera même plus assez hydraté pour pleurer.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 26 avril 2024

    Publiée le 29 avril 2024

    Crédits photo: Anne Bouchard

  • Écouter la nature



    Olivia Csiky Trnka est comédienne, danseuse, autrice et dramaturge. Elle participe à l'appel à projets Radio Bascule 2023 et sa création sonore fait partie des lauréats. L'artiste décide de s'exprimer, derrière le micro, sur les thématiques chères à son cœur de la nature et du rapport de l'être humain à celle-ci. Elle consacre en effet plusieurs de ses créations à l'écologie:




    J'aimerais que mon discours sur le sujet évolue, mais pas du tout, car le monde ne change pas assez vite.




    Le compositeur Robin Girod et le créateur sonore et monteur Rémy Rufer l'ont accompagnée dans cette aventure à la rencontre des éléments.



    Immersion et reconnexion



    Dans Promenade Élémentaire, Olivia Csiky Trnka propose trois balades relatives à l’eau, à la terre et à l’air. Elle mêle analyses scientifiques, coups de gueule, humour, méditation et poésie en s'intéressant à la matière qui compose l'univers. Elle propose même aux personnes qui l’écoutent une marche à suivre: sa création sonore ne s’écoute pas n’importe où, mais dans un lieu qui favorise la connexion aux éléments. Alors n’hésitez pas à suivre cette émission assis·e dans l’herbe ou depuis votre bain.



    De son côté, José Lillo se désole du plastique s'invitant toujours plus là où il ne devrait pas, dans les océans comme les estomacs humains: cinq grammes par semaine, le poids d’une carte de crédit. Face à ces constats désolants, Olivia Csiky Trnka en propose un autre:




    La solution, c'est la décroissance et c'est tout.




    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 26 avril 2024

    Publiée le 26 avril 2024

    Crédits photo: Promenade Élémentaire © Jana Trnka

  • Entre l'art et le sport extrême



    Le circassien et performeur Marc Oosterhoff explore le risque physique au sein de sa pratique artistique. Il a vu le cirque évoluer ces dernières années, en particulier en Suisse où une image traditionnelle et familiale s'est longtemps imposée. Le cirque se rapproche désormais d'autres arts vivants comme le théâtre ou la danse. Comme cette dernière, ses performances s'apparentent à des prouesses sportives. Marc Oosterhoff s'éloigne de l'illusion du spectacle pour se tourner vers des numéros qui ont des conséquences.



    Risque et danger



    Du lancer de couteaux, il montre son équilibre sur une chaise en ayant pris soin de placer les lames n'ayant pas atteint leur cible, pointes vers le haut, en direction de son dos. À l'image d'athlètes en quête de sensations extrêmes, Marc Oosterhoff trouve dans le risque un lien incomparable, une connivence avec le public, qui fait ainsi partie intégrante de la représentation. Il explique la différence entre le danger et le risque. Au cirque, l'artiste peut choisir de montrer ou de cacher le danger. Si ce dernier est visible, il n'est pas toujours lié au risque, qui diminue avec l'entraînement, comme c'est le cas pour les athlètes.





    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 19 avril 2024

    Publiée le 22 avril 2024

    Crédits photo: Cie Moost © Alex Brenner

  • Athlète artiste ou artiste athlète



    Pour la danseuse et chorégraphe Mena Avolio, la frontière entre sport et art n'a jamais été aussi fine, particulièrement en ce qui concerne la danse. Les prouesses physiques demandées aujourd'hui en écoles professionnelles surpassent le cursus qu'elle se souvient avoir suivi. Si l'entraînement des danseur·euse·s s'aligne sur celui des athlètes, comment réellement les différencier? Selon elle, la technique se travaille, mais pas l'émotion. Il n'y aurait donc pas toujours de frontière entre l'art et le sport:




    Un athlète peut être un artiste, ce qui tranche c'est le cœur, l'esprit.




    Danser et chorégraphier



    Si les danseur·euse·s se rapprochent des athlètes par leur entraînement, leur implication dans la création de la chorégraphie a évolué pour s'imposer comme une nouvelle méthode de travail. Cela leur permet de s'exprimer, d'apporter de la matière plutôt que d'interpréter celle d'une seule personne, le ou la chorégraphe. L'échange est au cœur de la discipline. C'est dans cet élan que Mena Avolio a créé en 2005 la compagnie Ô bains, qui réunit professionnel·le·s et amateur·rice·s. Elle en est convaincue:




    Tout le monde peut danser.




    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 19 avril 2024

    Publiée le 22 avril 2024

    Crédits photo: © Magali GIRARDIN