Episódios

  • Au début du mois de mars, l’Otan a donné le coup d’envoi de Steadfast Defender 2024. Le plus grand exercice jamais organisé depuis la Guerre froide, une manœuvre qui se décline des plaines de Pologne jusqu’à l’arctique Norvégien avec l’exercice Nordic Response qui s’achève ce dimanche. Dans l'arctique l'Alliance veut se réapproprier l'environnement "Grand Froid". Reportage.

  • La Suède est devenue le 32e membre de l'Alliance atlantique. Stockholm, désireuse de rejoindre l'Alliance atlantique depuis l'invasion russe de l'Ukraine il y a deux ans, a rompu, tout comme la Finlande, avec une politique de neutralité et de non-alignement militaire depuis la fin de la Guerre froide. L’entrée de ces deux pays nordiques dans l’Otan risque de bouleverser les équilibres en Arctique. Entretien avec Mikaa Mered, spécialiste des enjeux géoéconomiques et stratégiques de l'Arctique et de l'Antarctique.

    RFI : Mikaa Mered, est-ce que l'entrée dans l’Otan de la Finlande et de la Suède change complètement la donne, face à la Russie et comment la Russie peut-elle réagir ?

    Ça change la donne de plusieurs manières. La première, c'est tout simplement déjà dire que parmi les huit pays de l'Arctique, les huit pays riverains, donc, du Grand Nord, avant, on avait cinq pays qui étaient effectivement dans l'Otan. On avait la Russie de l'autre côté. Et puis, on avait entre les deux, la Finlande et la Suède, qui jouaient un peu ce rôle de tampon, qui menaient un certain nombre d'exercices avec l'Otan, mais plus comme observateur ou autre.

    Évidemment, on avait quand même des correspondances et des relations. Mais là, on va passer dans un cadre inédit en Arctique, à sept contre un. Très clairement, tous les pays de l'Arctique sont coalisés contre la Russie dans une certaine mesure, ou en tout cas sont coalisés au sein de l'Alliance atlantique. Ça, c'est le premier point. Et c'est un environnement complètement nouveau puisque, même du temps de la guerre froide – ou même avant – on n'avait pas ce genre de configuration en Arctique.

    Le deuxième sujet, c'est que, après des siècles de tentatives de construction eurasienne et européenne avec la Russie, Moscou s’est tourné, à la faveur des récents événements, vers la Chine. Or, la Chine s’est déclarée être un pays dit « du Proche Arctique ». Ils ont inventé ce concept dès 2018, bien avant la nouvelle guerre en Ukraine. La Chine cherche évidemment à prendre de plus en plus pied en Arctique. Donc la question qui va se poser par rapport à ça, maintenant que la Russie et la Chine ont cette alliance, qui, de fait, se renforce à la faveur de ce qui se passe sur le front européen, et de savoir quelle place les Russes vont laisser à la Chine en Arctique. C'est là pour moi que va se situer le cœur du sujet dans les dix années qui viennent.

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    Les Russes ont-ils les moyens, justement, de repositionner des forces militaires dans le Grand Nord, alors qu'ils sont occupés ailleurs, en Ukraine ?

    C'est l'un des sujets, c'est-à-dire qu'on attend évidemment toute déclaration de Moscou. Comme si ce qui se passait sur le front européen d'un point de vue militaire, ou ce qui se passait d'un point de vue économique également, n'impactait pas du tout l'Arctique, au sens où la Russie indique qu’elle va continuer à investir sur sa flotte en Arctique, sur ses moyens militaires au sens, cette fois-ci, des infrastructures, des bases, des équipements aériens et d'observation. Continuer à investir comme si de rien n'était. Comme s'il n’y avait pas un gouffre financier qui attirait beaucoup de capitaux d'État vers le front ukrainien et au-delà.

    Et puis, le deuxième sujet, c'est le volet économique. C'est-à-dire qu'on entend la Russie dire que la route maritime du Nord, cette route maritime qui pourrait connecter l'océan Pacifique à l'océan Atlantique par l'Arctique – des alternatives potentielles à d'éventuels blocages du canal de Suez ou de la mer Rouge. On entend le gouvernement russe continuer à dire : « bien sûr que le modèle économique de cette route du Nord est tout à fait valide. Il va continuer à se développer. Nous allons continuer à investir ». Bref, c'est comme s’il ne se passait rien.

    La réalité, c'est qu’aujourd'hui, si la Russie peut tenir ces discours-là, ce n'est pas qu'elle en a les moyens, mais c'est qu'elle a réussi à coaliser un certain nombre de partenaires qui aujourd'hui lui disent : « tu veux continuer à préserver ton pré carré en Arctique ? Tu vas avoir besoin de nous ». Et évidemment, le principal allié, c'est la Chine.

    La Chine, est-ce le loup dans la bergerie russe ?

    C'est la crainte à Moscou, et c'est une crainte de longue date. On se souvient par exemple en 2011, quand le gouvernement russe avait expliqué qu'il fallait créer une « route de la soie » par l'Arctique. À l'époque, ce concept-là venait d'eux, et pas de la Chine. Ils avaient justement émis un certain nombre de réserves quant à la possibilité de donner une trop grande place à Pékin, sur le volet économique, mais aussi sur le volet militaire, dans cette zone Arctique. Il ne voulait pas laisser le loup, ou plutôt le panda dirons-nous, entrer dans cette bergerie. Et c’est pourtant ce qui s’est passé après la première Guerre en Ukraine en 2014. Il y a eu toute une dynamique de coopération, y compris militaire, en zone Arctique qui existait entre la Russie et les États-Unis et ses alliés, qui a été relativement abîmée.

    Puis, vous avez cette deuxième guerre en Ukraine qui arrive en 2022. Et là, évidemment, c'est le coup de grâce car, au moment où les Russes attaquent l'Ukraine, Moscou assure la présidence tournante du Conseil de l'Arctique, chargée de faire vivre cette diplomatie arctique. Tout cela vole en éclat et se retrouve à terre et donc, le seul partenaire véritable qui est capable de s'engager militairement dans cette zone pour aider la Russie, c'est la Chine. Or, depuis plus de dix ans, c’était justement la crainte des Russes. La crainte de devenir un partenaire junior dans la relation bilatérale avec la Chine. Or, si Vladimir Poutine en personne incarne cette remilitarisation partielle de l'Arctique, fondamentalement, cela ne veut pas dire que la Russie entend laisser la Chine devenir le senior partenaire. Dans cette relation aujourd'hui, je ne vois pas comment à l'horizon 2025, à l'horizon 2030, la Russie pourra empêcher la Chine de devenir un partenaire au moins d'égal à égal avec la Russie dans sa zone Arctique. Et ça, il va falloir le gérer, car les Américains et l'Otan ne laisseront évidemment pas faire. Mais il faudra gérer ça aussi vis-à-vis de la population russe, qui ne comprendra pas pourquoi on a laissé la Chine entrer dans l'Arctique russe, dans le jardin, dans le joyau de la couronne.

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    Ces déséquilibres en Arctique ont-ils des répercussions de l'autre côté du globe, en Antarctique ?

    Oui, on commence à observer de nouvelles rivalités. En plus de l'émergence de la Chine qui, dans les années 2010, faisait déjà un petit peu office d'épouvantail pour beaucoup de pays occidentaux dans ce jeu antarctique, ce qu'on observe dès 2020, indépendamment de la deuxième guerre en Ukraine, on a vu la Russie reprendre pied en Antarctique en menant à nouveau des campagnes d'exploration à la recherche d’hydrocarbures.

    Dans le sillage russe, la Chine, l'Iran, la Turquie, se sont montrés intéressés par l’Antarctique. Développant des narratifs de plus en plus agressifs, disant « nous allons prendre pied en Antarctique. L'Antarctique est une zone stratégique. L'Antarctique ne peut pas être un syndic de copropriété géré par les puissances historiques de de cette zone ». Et effectivement, on a vu la Chine construire une cinquième base en Antarctique. Et ce, sans respecter les us et coutumes traditionnels de la diplomatie Antarctique. Aujourd'hui, l'Australie et la Nouvelle-Zélande manifestent une inquiétude et ces deux pays s’interrogent : « est-ce que la Chine n'est pas au Sud en train d'essayer de créer un nouveau front ? Alors pas un front militaire, mais en tout cas un front de renseignement et de captation de signaux électroniques ? ».

    On a vu l'Iran, très récemment, parler de militarisation ou d'activités militaires en Antarctique. Là, on est dans le même type de logique. On a vu la Turquie parler de présence en Antarctique comme étant un vecteur de prestige national important. Et oui, on peut faire une connexion avec ce qui se passe en Arctique, car de fait, si vous arrivez à maîtriser un environnement aussi difficile que l'Arctique, les correspondances sont tout à fait imaginables. Et la légitimité arctique de certains États est effectivement renforcée par une présence antarctique. C'est le cas par exemple de la France, où exister en Arctique permet d'exister en Antarctique. Et, il y a surtout des États qui sont prêts à jouer ces deux cartes, la carte arctique et la carte antarctique. Parce que les deux se répondent, d'un point de vue maîtrise de l'environnement, connaissance de l'environnement opératif, la mise en œuvre de brise-glace lourds. Au-delà de la maîtrise de l'environnement, il y a aussi la maîtrise de l'information. C'est-à-dire que, si vous voulez développer des constellations satellitaires qui permettent d'observer ce qui se passe en Arctique, vous allez mettre en œuvre des constellations de satellites d'observation en orbite polaire Nord-Sud. Et, à ce moment-là, évidemment, ce que vous pouvez faire en Arctique vous donne des capacités d'observation en Antarctique.

    À quelle échéance des frictions, peut-être même des affrontements sont-ils envisageables dans ces régions jusque-là désertiques ?

    Ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est que personne, ni dans la communauté diplomatique, ni dans la communauté académique universitaire, n'envisage une guerre en Arctique pour l'Arctique. Personne encore moins n'envisage de conflits en Antarctique pour l'Antarctique. En fait, ce qu'on est en train d'observer, c'est la fin de l’exceptionnalisme arctique. Ce que j'entends par exceptionnalisme, c'est un concept simple qui veut dire que, jusqu'à maintenant, l'Arctique et l'Antarctique ont été relativement éloignés des grandes logiques de conflits. Jusqu’en 2022, l'Arctique a su maintenir une forme de coopération. Depuis la deuxième guerre en Ukraine, la situation est différente. La Russie a été de facto exclue du Conseil de l'Arctique. En Arctique, aujourd'hui, le dialogue de gouvernement à gouvernement n'est pas possible. Depuis 2022, on a vu les États-Unis redévelopper des infrastructures militaires fortes en Arctique. Pour, justement, essayer de dissuader la Russie et peut-être la Chine, de militariser ces régions polaires.

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  • Estão a faltar episódios?

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  • Emmanuel Macron a affirmé, ce 29 février, que chacun de ses mots sur l’Ukraine était « pesé » et « mesuré » après ses propos sur l’envoi potentiel de troupes au sol dans le pays et qui lui ont valu une fin de non-recevoir de la part des principaux alliés. En n’excluant pas l’envoi de soldats en Ukraine, le président français a brisé un tabou et il a envoyé un message très clair à Moscou.

    Les propos du président français sont intervenus le 26 février, à l’issue d’une conférence internationale de soutien à l’Ukraine organisée en urgence, alors que les forces ukrainiennes sont en grande difficulté sur le front.

    « En dynamique, rien ne doit être exclu », a dit le président français, disant assumer une ambiguïté stratégique. Aucune décision sur l’envoi de troupes n’est prise, mais le simple fait de l’évoquer ouvre des possibilités, c’est un signalement envoyé à Moscou. Pour gagner la guerre avant la guerre, il faut instiller le doute chez l’adversaire, c’est l’ambiguïté stratégique. C’est aussi une affaire de timing, alors que le soutien américain s’étiole, juge Thibaut Fouillet de la fondation pour la recherche stratégique : « On a la volonté, avec les polémiques autour de la campagne présidentielle américaine et donc une remise en cause potentielle du soutien à l'Ukraine, de montrer l'Europe unie, l'Europe comme alternative crédible, une Europe forte. C’est un signalement à la fois externe et interne. Pour montrer que la position de la France n'est pas celle de la lassitude de la guerre. Donc, on ne va pas laisser Moscou gagner parce que la guerre s'enlise et que les Ukrainiens n'ont pas réussi leur dernière contre-offensive. »

    Une ambiguïté stratégique mal comprise

    Reste que la communication de l’Élysée a été mal comprise par les alliés et les opinions publiques. Les mots sont malheureux car ils prêtent à interprétation, note Thibault Fouillet : « La forme laisse à désirer parce qu'elle laisse à penser qu'on est prêt à entrer en guerre et à risquer l'escalade directe avec la Russie. Mais le fond, lui, est cohérent. C'est de dire qu'il y a deux ans, on avait peut-être une position, on pensait que la guerre était impossible. Maintenant, on sait qu'elle est possible, donc on ne s'interdit plus rien. On ne va surtout plus dire jamais et on est prêt si un jour c'est vraiment nécessaire, à prendre les mesures qui s'imposent, y compris de se battre. Donc sur le fond, y a une certaine cohérence. Malheureusement, la forme a gâché ça, parce qu'elle laisse la place à trop d'interprétations. »

    C’est pourtant un secret de polichinelle, un certain nombre de pays occidentaux ont déjà des hommes en Ukraine.

    Des soldats occidentaux potentiellement déjà présents en Ukraine

    Sans le dire, mais la Pologne a par exemple envoyé des policiers pour surveiller la frontière entre la Biélorussie et l’Ukraine. Les Britanniques ont une grande tradition de forces spéciales, et à demi-mots laissent entendre qu’a minima, ils ont pu former sur place leurs homologues ukrainiens. Les Français, eux, restent discrets. Mais il y a forcément des soldats occidentaux déjà déployés en Ukraine.

    C’est aussi ce qu’il fallait comprendre de l’intervention d’Emmanuel Macron, pointe Vincent Tourret de l’université de Montréal : « À la déclaration du président, tout le monde imagine des unités constituées sabre au clair fonçant sur les troupes russes. La réalité, c'est surtout du personnel pour assurer la maintenance, vérifier que l'aide occidentale soit bien acheminée. Ça peut être aussi également de l'aide beaucoup plus directe, pour l'utilisation de certaines armes. C'est plutôt des postes de soutien et d’appui qu’autre chose. Et peut-être même, que la déclaration du président est liée à une question de sécurité de ce personnel. Il y a probablement des menaces qui pèsent sur celui-ci. Il doit y avoir un message très clair pour les Russes, que nos troupes et notre personnel déployé ne sont pas une cible acceptable. »

    Le signalement stratégique de l’Élysée est aussi une ligne rouge pour dire à Moscou, pas de frappes contre les soldats occidentaux potentiellement déployés en Ukraine.

  • La guerre en Ukraine entre dans sa troisième année et pour Kiev le contexte n’est pas favorable. Fragilisée par le blocage de l’aide américaine, l’échec de sa contre-offensive l’été dernier et un manque croissante de munitions, l’armée ukrainienne, de l’aveu même du président Zelensky, fait face à une situation « extrêmement difficile » sur le front. Face à Moscou qui fait tourner à plein son industrie militaire et qui mobilise massivement, l’Ukraine a dû se retirer de la ville forteresse d’Avdiivka, un symbole et plaide pour un soutien accru de l’Occident. Quels sont les enjeux pour cette troisième année de guerre qui commence ?

    Premier enjeu : les munitions, en particulier les plus gros obus d’artillerie, ceux de 155 mm, qui permettent de contenir la poussée de l’infanterie russe. Kiev en consomme 3000 par jour, quand les Russes en tirent 10000 : face à un tel déséquilibre Kiev joue la montre, souligne le général d’armée Grégoire de Saint Quentin (le général de Saint-Quentin a été sous-chef de l'état-major des armées chargé des opérations) : « Aujourd'hui, dans le rapport de force sur le terrain et entre les équipements, les munitions, l'Ukraine n'a pas l'avantage. Donc l'enjeu, c'est de tenir le temps que ce rapport de force puisse s'inverser. Aujourd'hui, on sait que la Russie dispose de plus de munitions, plus d'équipements. Et on voit que d'ailleurs sur le terrain son armée avance, pas beaucoup, peut-être, mais malgré tout c’est elle qui a l'initiative. L'enjeu pour les Ukrainiens, c'est donc de tenir sans consommer trop de ressources, notamment les ressources humaines.

    L’arrivée des F16

    Kiev attend de nouveaux canons, des obus, et des avions… Les avions de chasse F16 longtemps espérés, pourraient, avant l’été, être opérationnels et devraient permettre de desserrer l’étau russe. « Les fameux F 16 permettraient de rééquilibrer le rapport de force dans les airs, et notamment permettre aux Ukrainiens d'avoir une meilleure maîtrise de leur espace aérien et éventuellement de frapper plus dans la profondeur, même au-delà des frontières de l'Ukraine ; mais déjà à l'intérieur des frontières de l'Ukraine ce serait déjà beaucoup. Ces avions permettront d'empêcher l'aviation russe d'appuyer ses troupes au sol, là où il n'y a pas les moyens sol-air. Car il y a des endroits où l'aviation russe arrive à passer et arrive à appuyer les troupes au sol, ce qui donne un avantage considérable côté russe. L’arrivée des F16 rééquilibrera le rapport de force. »

    Après deux années de guerre de haute intensité, les pertes dans les deux camps sont effroyables, la question des effectifs devrait aussi se poser en 2024.

    Des pertes effroyables

    Selon des sources occidentales, 120.000 soldats russes auraient été tués, deux fois plus que du côté ukrainien. Dans ce conflit, l’équation humaine devient compliquée estime le général de Saint-Quentin: « J'ai le sentiment que les choses ne se posent pas de la même façon des deux côtés. D'abord parce qu'il y a une asymétrie. Le rapport de population c'est un Ukrainien pour trois Russes, donc on peut penser que le leur réservoir humain russe est trois fois plus important. Après, il y a une façon de se battre. Il est quand même beaucoup plus économe de la vie humaine côté ukrainien, même s'ils ont perdu du monde, c'est indéniable. Et de l'autre côté, côté russe, pour des gains qui finalement sont assez mineurs, ils consomment énormément de ressources matérielles mais aussi humaines. Je pense que, à un moment, ça finit par corroder le moral, le soutien de la population à la guerre. J'ai le sentiment que le président Zelenski fait très attention à ça. Du côté russe, on a un peu le sentiment que c'est un peu 'même pas mal' ! Mais je pense qu'à terme ça peut avoir des effets assez délétères. On parle quand même aujourd'hui de 350 000 soldats hors de combats (tués et blessés) côté russe. Est-ce qu'ils peuvent continuer longtemps à ce rythme-là ? Je n’en suis pas sûr. »

    2024 sera donc une année d’attente, attente pour l’Ukraine d’une aide massive occidentale, 2024 sera aussi assurément une année d’âpres combats où tout peut arriver.

  • Alexandre Syrsky a été nommé le 8 février dernier à la tête des forces ukrainiennes. Il remplace le très populaire général Valéry Zaloujny après deux ans de guerre et alors que le front est gelé. Mais ce changement au sommet pourrait se révéler délicat à gérer pour le président Zelensky.

    Depuis plusieurs semaines, l'éviction du général Zaloujny, héros de la résistance ukrainienne, était évoqué avec insistance. Il aura donc fallu un peu de temps et pas mal d'hésitations semble-t-il pointe le géopolitologue Cyrille Bret, pour remplacer celui que les ukrainiens surnomment « Saint Zaloujny » : « Il faut envoyer à la fois un signal à la population ukrainienne, un signal aux alliés de l'Ukraine et un signal à l'ennemi à la Russie. Donc le casting n'était pas facile à faire. En tout cas le couple Zelensky- Zaloujny était arrivé au bout du chemin. Et ce qu’a essayé de faire le président Zelensky, c'est de prendre un nouveau départ, aussi bien politique que militaire. »

    2024, une zone de turbulences

    Le président Zelensky a immédiatement réclamé au général Syrsky un plan de bataille réaliste pour 2024, désormais reste à faire accepter ce changement à la tête des armées et pour l'historien Michel Goya, c'est une équation difficile : « D'autant plus difficile qu’il n’y avait pas de défaite visible sur le terrain qui permettait de justifier ce renvoi, il n’y avait rien de très concret. Donc c'est toujours difficile de changer de chef alors que l’on n’a pas grand-chose de très visible à lui reprocher et qu'il est très populaire. Néanmoins, on peut changer de commandant en chef pour différentes raisons. Le général en chef, a à la fois la charge des opérations militaires mais aussi de l'organisation. Donc, on peut avoir des désaccords politiques avec l’exécutif, on peut avoir tout un tas de choses. Voilà. Mais l'histoire des guerres en est pleine. »

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    En quittant son poste, le général Zaloujny retrouve donc sa liberté de parole et pour le président Zelensky, avoir un rival qui ne soit plus soumis à un devoir de réserve, analyse Cyrille Bret, c'est un potentiel danger.« Si on prend un scénario favorable au président Zelensky, très bien, il aura de nouvelles idées, un nouveau commandement plus soumis nécessairement puisque la nomination est récente. Il aura éloigné son principal rival, le général Zaloujny et il pourra bénéficier d'un effet de surprise, voir également un capital de sympathie parmi les alliés. Il peut y avoir un autre scénario qui serait : une désorganisation provisoire des chaînes de commandement ukrainiennes. Cela pourrait aussi affaiblir son image en le montrant si peu sûr de son autorité qu'il ait besoin de se débarrasser d'un rival et ça peut le faire entrer dans une zone d'incertitude. Dans une période où les élections présidentielles auraient dû avoir lieu à l'automne dernier et où le président Zelensky fait face à des contraintes budgétaires, militaires, politiques également et de popularité qui peuvent s'aggraver dans l'année 2024 ».

    Le nouvel attelage Syrsky-Zelensky a pour objectif immédiat de résoudre l'un des problèmes majeurs de Kiev : conserver le soutien de l'Occident et trouver des munitions pour alimenter le front.

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  • Le navire amiral de la flotte française a appareillé de Toulon il y a quelques jours après avoir passé près de neuf mois en réparation. Le porte-avions remonte en puissance avant un déploiement opérationnel, dans un contexte international tendu où les conflits se règlent désormais aussi au large. Embarquement à bord du navire en Méditerranée.

  • Pour l'Otan, 2024 sera l'année de Steadfast Defender. Soit le plus important exercice militaire jamais organisé sur le sol européen depuis quarante ans. L'Ukraine est brutalement venue rappeler aux Européens qu'un conflit avec la Russie est possible, et qu'il s'agit même d'un scénario crédible d'ici cinq à huit ans, a déclaré il y a quelques jours Boris Pistorius, ministre allemand de la Défense. L'Otan montre donc ses muscles, avec cet exercice militaire XXL.

    Le scénario retenu : faire face à un adversaire de taille équivalente. L'état-major de l'Otan l'énonce sans détours : « Nous nous tenons prêts à une attaque russe... ». La manœuvre : les troupes de l'Otan vont s'entraîner à rejoindre au plus vite le flanc est-européen, la Pologne et notamment les pays baltes. L'exercice se déroulera d'ailleurs autour de la mer Baltique, en Lituanie, Lettonie et Estonie.

    Un exercice qui a tout du « signalement stratégique » dit Guillaume Garnier, spécialiste de l'Otan à l'Institut français des relations internationales. « Tout exercice de cette ampleur implique nécessairement une dimension de signalement stratégique. C'est-à-dire qu'on dit quelque chose à l'adversaire potentiel. Steadfast Defender, c'est quand même 90 000 hommes qui vont être concernés par cet exercice. Exercice qui s'étale de février au mois de mai. Donc c'est une masse assez considérable. Pour vous donner un ordre de grandeur, l'édition précédente, en 2021, avait rassemblé 9 000 hommes. On est sur un exercice tout de même de grande ampleur et nécessairement, il y a du signalement stratégique, ce qui veut dire concrètement que l’on démontre à la Russie que nous sommes déterminés à défendre le continent européen le cas échéant », explique-t-il.

    Une logistique hors normes

    Avec Steadfast Defender, l'Otan va donc réviser ses gammes et sa capacité de projection, en déployant 90 000 soldats, cinquante navires de guerre et plus de 1 000 blindés. L'entrée des troupes américaines sur le sol européen se fera via les ports belges. De la logistique à grande échelle dans laquelle excelle l'US Army, indique Guillaume Garnier : « C'est aussi le point fort des armées américaines, cette compétence de projection stratégique, c’est-à-dire de mouvoir un grand ensemble de forces, d'unités aux quatre coins de la planète et avec la célérité requise. Ça permet aussi aux États-Unis de rappeler ce point-là, si besoin en était. À ce niveau-là de matériel, de compétences, de savoir-faire, il n’y a que les Américains, évidemment, qui peuvent se le permettre ».

    Une guerre de communication

    En réalité, cet exercice géant va chapeauter l'ensemble des entraînements prévus cette année par l'Otan, mais cette fois l'Alliance renoue avec les grandes manœuvres de la guerre froide. Le dernier d'une telle importance pour l'Otan était en 1988, soit un an seulement avant la chute du mur de Berlin. Moscou ne pourra donc pas rester inerte face à tel déploiement de forces à ses frontières, souligne Guillaume Garnier : « Ils répondront, au moins en termes de stratégie de communication, des messages qui sont délivrés par médias interposés. C'est quelque chose qui se planifie et qui est soigneusement calibré. Donc il y aura un narratif, un discours russe en réponse et au vu de l'ampleur de cet exercice, probablement qu'ils utiliseront la thématique de la provocation. Et nous, de notre côté, les alliés, il y aura également une stratégie de communication pour expliquer les buts de l'exercice, les attendus ».

    L'armée russe est aussi coutumière de ces exercices à grande échelle, désignés sous le nom de Zapad, ils ont lieu tous les quatre ans et le dernier en 2021 avait rassemblé 200 000 soldats. Mais une question reste en suspens, l'état-major russe a-t-il encore les moyens d'organiser de telles manœuvres, alors que l’essentiel de ses troupes fait la guerre en Ukraine ?

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  • Après l’échec de l’offensive terrestre à l’été dernier, l’Ukraine change de stratégie et fait preuve d’imagination pour desserrer l’étau russe. Ce mercredi, un missile Patriot ukrainien a abattu un Iliouchine 76 russe, et les forces ukrainiennes sont parvenues, en janvier, à détruire un nombre significatif d'avions à haute valeur ajoutée, réduisant ainsi la capacité de l'armée russe à lire le champ de bataille. C'est la stratégie d'usure de Kiev.

    La ligne de front étant figée, l'Ukraine cherche à mettre la Russie dans une position de déséquilibre. Après avoir écarté la menace de la flotte russe en mer Noire, l'objectif est désormais la maîtrise du ciel... Et elle passe par la Crimée... Ainsi ces quatre dernières semaines, des frappes massives ont éliminé, les radars au sol et les systèmes de défense sol air de la péninsule. Puis le 15 janvier, les forces ukrainiennes ont utilisé un système Patriot pour cibler deux appareils stratégiques russes qui pensaient voler en sécurité au-dessus de la mer d'Azov.

    Dans le collimateur : un illiouchine 22 de renseignement électronique ; il a été endommagé et un A50 Beriev de guet aérien, lui, a fini au fond de l'eau.

    L'A 50, c'est l'équivalent de l'AWACS pour l'Otan, souligne Philippe Gros de la Fondation pour la recherche stratégique : « Pourquoi un AWACS c'est important… car les Russes sont confrontés aux mêmes problèmes que tous les systèmes intégrés de défense anti-aériennes mondiaux, c'est-à-dire la difficulté à détecter les objets qui volent à très basse altitude, comme les missiles de croisière et les drones d'attaque. Ça signifie qu'il faut pouvoir avoir un surplomb et voir la ligne d’horizon. Et c'est à ça que servent les AWACS : à déjà gérer la bataille aérienne et à détecter les engins qui volent bas. Les Russes, devant les pertes qu'ils ont eues avec leurs radars au sol, ont peut être redéployés leur A 50 Beriev pour pouvoir combler ces gaps de détection.

    Certains envisagent le fait que les Ukrainiens aient presque mené une embuscade contre l’ A50. C'est en anticipant le fait que les Russes redéploient leurs AWACS plus à l'Ouest pour mieux couvrir la Crimée et donc de ce fait les Ukrainiens auraient quelque part fait une embuscade aérienne, anticipant ce redéploiement-là. »

    Les Ukrainiens appuient là où ça fait mal

    Surtout l'A50 Beriev, avion rare et cher, a disparu avec tout son équipage hautement qualifié... Il y avait aussi à bord le général Oleg Pchela commandant de l'aviation à long rayon d'action.

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    Un rude coup porté à la Russie, dit Vincent Tourret, chercheur à l'Université de Montréal: « Les Ukrainiens appuient sur le point faible du dispositif russe. Les Russes ont toujours manqué d'ISR (renseignement, surveillance et reconnaissance), de moyens de reconnaissance, d'intelligence. Les Russes ont toujours eu beaucoup de vecteurs, beaucoup de missiles, de moyens de frappe de précision, mais ils ont toujours manqué de jumelles, d'une vision assez précise pour pouvoir les utiliser à leur pleine efficacité. Les Ukrainiens appuient donc là où ça fait vraiment mal. Ils les rendent aveugles en fait. Et c'est vraiment ça l'objectif recherché par les Ukrainiens en visant des avions de reconnaissance électronique et de commandements aériens. C'est tout le dispositif russe pour (frapper) L'Ukraine en profondeur qui est amputé de sa vision et de ses capacités de coordination. »

    L’aveuglement des forces russes et l'insécurité dans les airs permettent aux Ukrainiens de frapper loin... Le 21 janvier dernier des drones chargés d'explosifs ont ainsi bombardé le terminal d'Oust Louga sur la Baltique, où se trouvent les plus importantes infrastructures de gaz naturel liquéfié de Russie.

    Un missile Patriot à l’origine du crash de l’Il 76

    Le Conseil de sécurité de l'ONU s’est réuni jeudi 25 janvier en urgence à la demande de Moscou, qui accuse l'Ukraine d'avoir abattu mercredi un avion de transport militaire russe et tué tous ses passagers. La Russie affirme que les forces ukrainiennes ont lancé « deux missiles » issus « d'un système de défense antiaérien ». De source militaire française, c'est bien un missile Patriot qui a abattu l'Iliouchine 76... Pourtant dans la doctrine, le système Patriot est fixe et destiné à la protection des villes.

    Mais les Ukrainiens l'ont rendu mobile. En tout cas un système, qu'ils déplacent au plus près de la ligne de front... pour tendre des embuscades. Et pour rester discrets les experts estiment que pour ne pas dévoiler la position du Patriot les Ukrainiens n'allument pas son radar, bien trop signant.

    Ils utilisent probablement celui d'un système de facture russe S300, placé à distance : ce dernier illumine la cible qui est ensuite détruite par un missile d'interception Patriot.

    La méthode n'est pas orthodoxe mais elle se révèle redoutable. Fin décembre les Ukrainiens ont ainsi, en quelques minutes, envoyé au tapis cinq avions de chasse SU34 et SU30, et le 15 janvier l’A50 Beriev, avion de guet aérien stratégique, fut à son tour foudroyé.

    À chaque fois des cibles à haute valeur ajoutée, c'est la stratégie d'usure ukrainienne contre la Russie.

  • Jeudi 18 janvier à Paris, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a donné le coup d’envoi d’une coalition artillerie pour l’Ukraine. L’objectif de cette entreprise, pilotée par Paris, est de parvenir cette année à fournir plus de 70 canons Caesar à Kiev, soit la totalité de la production de l’industriel français Nexter-KNDS.

    Depuis des mois, l’armée ukrainienne réclame une plus grande puissance de feu et plébiscite le canon français Caesar. Ils en possèdent déjà quarante-neuf. Paris bat donc le rappel pour former cette coalition Artillerie avec pour objectif, dit le général Nicolas Le Nen, chef de la Task Force Ukraine, au ministère des Armées, d’une logique de cession de matériel à une logique de production : « L'objectif, c'est bien ça, c'est de contribuer à l'effort de guerre ukrainien pour que l'Ukraine soit capable de se battre. Dans une guerre qui va durer et dont le facteur stratégique numéro un, c'est le facteur temps, celui qui gagnera, ce sera celui qui sera le plus endurant. Et les coalitions capacitaires, c'est l'organisation des pays occidentaux pour inscrire cette guerre dans la durée et permettre au facteur temps de jouer en faveur du camp ukrainien, donc de notre camp. »

    78 canons à livrer en 2024

    L’ambition est donc de livrer 78 canons Caesar, c’est-à-dire tous les canons qui, cette année, sortiront des ateliers de l’industriel Nexter.

    Kiev met la main à la poche et en a commandé six. Il reste à financer le solde. Sébastien Lecornu, ministre des Armées, a fait ses comptes : « J'ai annoncé que nous nous débloquons cinquante millions d'euros sur le Fonds de soutien d'aide à l'Ukraine, ce qui permet de financer douze canons Caesar, plus les six Ukrainiens, ça fait déjà dix-huit. Et donc évidemment, il en reste soixante désormais à financer pour une somme de 280 millions d'euros en tout. Je fais donc cette proposition à nos partenaires allemands, britanniques, américains de venir, à la mesure de leurs moyens, compléter ce plan de financement, ce qui nous permettra de lancer la production, mais surtout (la) livraison de ces canons Caesar ».

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    Partager la facture avec les alliés

    Les vingt-trois pays qui participent à la coalition vont donc devoir partager la facture… Mais Paris joue gros puisque dans le cadre de l’économie de guerre souhaitée par l’exécutif, Nexter a multiplié par trois sa production du Caesar. Si les livraisons ne suivent pas, l’équation industrielle risque d’être bien compliquée estime Léo Péria-Peigné, expert armement à l’Ifri, l'Institut français des relations internationales. « La France vient de prélever 50 millions d’euros sur le fonds d'aide à l'Ukraine ; ce sont des budgets qui étaient déjà fléchés pour acheter 12 Caesar à Nexter, après avoir demandé à Nexter d'augmenter ses capacités de production pour ensuite dire à ses partenaires de la cohésion artillerie : vous achèterez bien le reste pour le donner à l'Ukraine !

    Est-ce que cette annonce, a été concertée avec nos partenaires ? Est-ce que ce n’est pas encore une fois la France qui fait une annonce dans son coin, qui met tout le monde au pied du mur et qui attend que les autres obtempèrent ? Ça a été fait par le passé, ça nous a valu des récriminations assez importantes. Et demander à d'autres acteurs qui, potentiellement, produisent aussi des équivalents du Caesar, d'acheter du Caesar, parce que dans la coalition, j'ai peur que ce soit mal reçu. »

    La coalition Artillerie ne fait que débuter. C’est un véritable pari, mais un pari qui engage la crédibilité du camp occidental.

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  • Le 12 janvier, les États-Unis et le Royaume-Uni sont passés à l'action. Ils ont bombardé les positions houthies au Yémen après la plus importante attaque contre le trafic maritime en mer Rouge menée en début de semaine. On dénombre près de 30 attaques des Houthis contre des bâtiments de commerce depuis le 7 octobre. Pour rétablir la liberté de navigation, les États-Unis ont mis en place une coalition internationale en décembre. La France est aux côtés de Washington dans cette opération nommée Prosperity Guardian.

    L'US Centcom, le centre de commandement américain au Moyen-Orient, précise que cent munitions guidées ont été tirées contre seize positions tenues par les rebelles Houthis, le vendredi 12 janvier, tôt dans la nuit. Les cibles sont des postes de commandement, des pistes utilisées pour lancer des drones, des radars, des dépôts de munitions et des sites de fabrication d’armes.

    Des frappes ont été également menées par des avions de chasse embarqués F-18 de l'US Navy et des Eurofighter Typhoon britanniques basés à Chypre. « Des frappes ciblées qui sont un message clair indiquant que les États-Unis et leurs partenaires ne tolèreront plus d'attaques mettant en péril la liberté de navigation dans la région », a fait valoir le président américain Joe Biden.

    Reste désormais à savoir quel sera l'impact de ce raid sur l'arsenal des Houthis. Le commandant des forces françaises dans l'océan Indien, l'amiral Emmanuel Slaars, indiquait le 11 janvier aux journalistes de défense qu'il était extrêmement difficile de l'évaluer. Outre les drones kamikazes et de ciblage, les rebelles Houthis peuvent compter sur des missiles conçus et fournis en grand nombre par l'Iran, sans plus de précision quant à leur nombre précis.

    Si une grande partie de cet arsenal peut être qualifié de low cost, dont la valeur unitaire, à l’instar des drones kamikazes, n’excède pas quelques centaines d’euros, l’usage des missiles Aster-15 pour les détruire est justifié, assure l’amiral Slaars : « L'idée d'analyser les choses uniquement par le rapport de coût de ce que l'on détruit et de ce que l'on utilise pour détruire, je pense que l'analyse est un peu courte. Déjà, les chiffres qui ont été donnés sur la valeur des drones sont partiellement inexacts, car certains drones sont assez sophistiqués, notamment ceux utilisés par les Houthis pour repérer les bateaux. Ce qui est important de retenir aussi, c'est que certains de ces drones sont là pour faire du ciblage. Être capable de détruire ce drone, c'est finalement anticiper une frappe beaucoup plus létale et critique que celle d'un drone kamikaze. Et au-delà de ça, il faut aussi intégrer le fait que le coût à prendre en compte n'est pas que le coût du missile que l'on utilise, mais également le coût de ce que l'on protège. Il s'agit de protéger nos marins qui sont en mer, leur bateau. Puisque très clairement sur les attaques du 9 et du 11 décembre, il n'y a aucun doute sur le fait que la Languedoc était visée. Donc comparer uniquement les coûts à l'aune de ce que l'on dépense est un peu court. »

    Dans Prosperity Guardian sans y être

    Outre les frappes, la réponse de la communauté internationale s’articule autour d’une coalition navale, Prosperity Guardian (« Gardien de la Prospérité », en français), initiée par Washington le 18 décembre dernier. Cette coalition repose essentiellement sur un groupe aéronaval américain constitué du porte-avions Eisenhower et de plusieurs destroyers dont un britannique, le HMS Diamond. La marine nationale a engagé un bâtiment dans cette opération : la frégate de premier rang Languedoc. Présente en mer Rouge depuis le 8 décembre dernier, elle a déjà, à trois reprises, utilisé ses missiles Aster-15 pour parer des attaques houthies.

    Le bâtiment français patrouille donc avec les alliés, mais pas tout le temps, nuance l’amiral Emmanuel Slaars : « À tout moment, la Languedoc est placée sous mon commandement. Elle fait deux types d'actions : la première, c'est de faire des accompagnements de bâtiments qui sont sous pavillon français ou d'intérêt français. Lorsqu'elle ne fait pas ça, je décide de l'assigner à patrouiller dans un effort réparti avec les autres bâtiments qui sont engagés dans l'opération Prosperity Guardian. Toute la partie où l'on assure les accompagnements des bâtiments français, ça n'a rien à voir avec Prosperity Guardian. Et à d'autres moments, parce qu'il est utile de prendre position en face des zones à partir desquelles les Houthis mettent en œuvre leurs engins, on se répartit l'effort. C'est Prosperity Guardian qui distribue les zones de patrouille. Mais à tout moment, le bâtiment reste sous mon commandement et je peux lui assigner des tâches sans aucun État d'âme. » La France est donc dans l'opération Prosperity Guardian mais sans y être à temps plein.

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    Une guérilla navale bien rodée

    La menace Houthi ne faiblit pas et commence à peser lourd sur le trafic maritime mondial. Il a baissé de 22% depuis un mois en mer Rouge. Quant aux polices d’assurance des armateurs, elles flambent et accusent une augmentation de 100%. Plus que les Supertankers (les pétroliers géants) ce sont surtout les portes containers qui sont la cible des rebelles Houthis. Épaulés par l’Iran, ils sont aujourd’hui à même d’élaborer des stratégies complexes, mêlant drones d’observations et missiles.

    Ainsi, dans la nuit du 9 au 10 janvier, les forces navales britanniques et américaines ont déjoué la plus importante attaque Houthis en mer Rouge. « Dix-huit drones et trois missiles ont été abattus, dans le cadre d'une attaque complexe », indique la marine américaine. Cette 26e attaque visant le trafic maritime commercial marque une escalade des tensions dans cette zone stratégique. Jamais les rebelles Houthis n'avaient organisé une attaque combinée d'une telle ampleur, avec 18 drones kamikazes, deux missiles de croisière anti-navire et un missile balistique antinavire. Les drones et les missiles ont été abattus par des avions de combat déployés depuis le porte-avions américain Eisenhower. Mais la réponse a également impliqué trois destroyers de l'US Navy.

    Cette nuit-là, la frégate Languedoc patrouillait dans une autre zone de la mer Rouge, mais Alindien, le commandement de la marine pour cette zone, a décortiqué la stratégie mise en place par les Houthis. Emmanuel Slaars en tire le retour d’expérience suivant :« Leur mode d'action est de chercher à arrêter ces bateaux pour en prendre le contrôle plus facilement, comme le font les pirates. Ou alors plus simplement d'arrêter ces bateaux pour chercher à les couler. Comment font-ils ? D'abord, ils localisent leur proie avec des drones qui sont assez sophistiqués, des drones d'observation. Ensuite, ils émettent des injonctions par radio, et enfin ils tentent de frapper ces bateaux avec des drones suicides, mais aussi avec des missiles anti-navires qui eux sont nettement plus sophistiqués. Donc des moyens qui sont difficilement efficaces face à des cibles mobiles. D'où l'intérêt pour les Houthis de chercher dans un premier temps à arrêter ou à ralentir les bateaux. Les Houthis déclarent s'en prendre aux intérêts israéliens, mais ils commettent beaucoup d'erreurs, précise encore l'Amiral Slaars et font même preuve « d'irrationalité dans leur ciblage ».

    Ciblages qui semblent aussi relever de leur principal soutien à l'Iran, qui dispose en permanence d'un navire de guerre en mer Rouge.

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  • Le port grec d’Alexandroúpoli situé sur la mer de Thrace est en passe de bousculer la carte géopolitique du sud de l’Europe… Ce port en eau profonde offre une alternative à la fermeture des détroits du Bosphore par la Turquie.

    Ce fut l’une des conséquences immédiates de l’invasion de l’Ukraine par la Russie : conformément à la convention de Montreux, la Turquie, le 24 février 2022 a fermé à tout trafic maritime militaire les détroits vers la mer Noire. Alexandroupoli, situé à proximité du détroit des Dardanelles, est alors apparu comme une alternative au passage du Bosphore. C"est une autre porte d’entrée vers la Bulgarie toute proche, puis la Roumanie, et enfin l’Ukraine que l’on peut atteindre en quelques jours.

    Sécuriser les flux logistiques, c’est le nerf de la guerre, et Alexandroupoli offre un accès stratégique au cœur du vieux continent, assure le géopolitologue Florent Parmentier : « Le renseignement vous dit ce qu'il faut faire, la stratégie vous dit comment on va le faire et la logistique vous dit si vous pouvez le faire ou pas. Et donc cette possibilité de rapprochement régional à travers le port d'Alexandroupoli, ça montre en fait tout l'intérêt de la logistique. Étant entendu par ailleurs qu’il y a un certain nombre de difficultés aujourd'hui que l'on observe à la frontière terrestre avec l'Ukraine… Que ce soit dans ses relations avec la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, on voit que ces différents pays de la région, plutôt au nord et à l'ouest de l'Ukraine, sont dans une situation où ils sont peut-être plus exigeants par rapport à ce qui passe par leurs frontières. Et donc l'idée, c'est de ne pas dépendre seulement de cette route terrestre, c'est tout simplement de permettre également, à travers Alexandroupoli, d'avoir quelque chose à dire en matière de transport d'armes, de troupes et donc in fine de la logistique qui s'impose comme une dimension essentielle de la guerre. »

    Atout

    Le port grec, jusque-là méconnu, fait de l’ombre à la Turquie. Il est même devenu un atout de taille dans le bras de fer que se livrent depuis des années Athènes et Ankara en Méditerranée orientale. « La Turquie est jalouse en quelque sorte de son mandat de protectrice, de garante de la sécurité des détroits, mais la Turquie ne peut pas s'opposer frontalement à la transformation d’Alexandroupoli, explique Florent Parmentier. Ce qui fait que cela donne certainement dans les relations difficiles qui ont existé pendant longtemps entre la Grèce et la Turquie, peut-être un avantage pour la Grèce. Cet atout pourrait même être un prélude à une forme de détente qu'on peut commencer à voir sur des petits arrangements régionaux qui existent aujourd'hui entre le Premier ministre grec et le président turc. »

    La France, à la tête du bataillon multinational de l’Otan déployé en Roumanie, s’intéresse de près aux installations portuaires d’Alexandroupoli, tout comme les États-Unis qui y voient un poste avancé idéal pour acheminer du matériel militaire sur les arrières ukrainiens. Alexandroupoli, chef-lieu de la province de l’Éros, jusque-là méconnu, est en passe de devenir une véritable plaque tournante occidentale et otanienne pour convoyer des armes et des hommes vers les bords de la mer Noire, sans ne plus avoir à dépendre du turbulent voisin turc.

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  • Lundi 16 octobre 2023, l’armée de terre a créé un poste de commandement « Terre Europe ». Aux ordres du général Toujouse, cette entité a pour vocation de superviser toutes les opérations aéroterrestres sur le continent. Un révélateur du recentrage de l’armée de terre française. [Rediffusion de la chronique Lignes de défense du 22 octobre 2023]

    C’est l’un des effets du conflit ukrainien. Le retour de la guerre en Europe, bouleverse les priorités et l’organisation de l’armée de terre française. Bertrand Toujouse, ancien commandant des forces spéciales, est le premier général à occuper ces nouvelles fonctions, qui doivent permettre à l’armée de terre de réagir plus vite avec les alliés, en cas de crise.

    Le commandement pour les opérations aéroterrestres en Europe (CTE) s’installe à Lille, près du commandement des forces terrestres.

    « Avec le CTE, nous changeons de modèle et d’échelle, souligne le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de terre. C’est clairement un complément que nous avons apporté, qui est apparu d'autant plus important que nous avons augmenté le nombre et le niveau des forces que nous déployons en Europe, avec notre bataillon en Roumanie, nos compagnies qui sont en Estonie et puis les forces que nous avons en Pologne et qui forment les Ukrainiens. Compte tenu de ces déploiements accrus, il nous est apparu indispensable, d'avoir un commandement qui soit capable de commander le déplacement des unités entre le moment où elles quittent leur garnison jusqu'au moment où elles se déploient sur les zones d'opération avant d'être formellement placée sous les ordres de l'Otan ou d'une coalition au sein de laquelle elles seraient engagées. Et par ailleurs, nous conservons un certain nombre de responsabilités nationales, notamment de soutien logistique. C'est vraiment pour assurer la coordination et le commandement de l'ensemble de ces responsabilités que nous avons mis sur pied ce commandement. »

    Défense collective

    Le CTE sera placé sous les ordres du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), qui dirige toutes les opérations militaires. Le CTE servira d’interface avec l’Otan, mais aussi l’Union européenne, au niveau opératif, entre le niveau stratégique et celui du champ de bataille. Un modèle d’organisation bien connu de l’armée de l’air et de la marine qui l’ont mis en place depuis longtemps.

    En revanche, l’armée de terre accusait un certain retard, dans le combat en coalition. C’est un recentrage, martèle le général Schill : « C’est avant tout un retour marqué et assumé sur les questions de la défense collective. Et la défense collective, c'est en Europe. Il est clair que la probabilité qu'un conflit dure ou qu'en tout cas une situation implique le déclenchement des mécanismes de la défense collective a cru en termes de probabilité au cours des dernières années. Donc, nous devons davantage nous préparer à ces occurrences, alors qu'il est clair également qu’au cours des dernières décennies, nous avions plutôt mis la priorité sur le profilage de l'armée de terre pour s'engager au mieux dans les opérations de gestion de crise plus loin. »

    Alors que la France a engagé son retrait du Niger, la création du commandement « Terre Europe », illustre la bascule des priorités militaires de l’Afrique vers le Vieux continent.

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  • Dans la bande Gaza, le déploiement de l'infanterie israélienne est systématiquement appuyé par les chars de combat Merkava. Les États-Unis ont d'ailleurs approuvé « d'urgence » la vente à Israël de près de 14 000 obus équipant ces blindés lourds.

    Jamais depuis la création d’Israël, les forces armées de l’État hébreu n’ont conçu une opération sans chars de combat. Le Merkava aujourd’hui de 5e génération, fabriqué à plusieurs centaines d’unités est depuis le 7 octobre dernier, le fer-de-lance de l’armée israélienne dans la bande de Gaza, souligne Marc Chassillan spécialiste des blindés.

    « Quel que soit l’ennemi, quel que soit le terrain et quelles que soient les circonstances, l’armée israélienne déploie des chars, ça fait partie de leur corpus doctrinal », explique-t-il. « Les chars sont quasiment une deuxième religion après le judaïsme en Israël. C’est un objet de vénération et c’est un objet de perfectionnement et d’investissement constant et continu, depuis 50 ans. On peut trouver curieux ou inapproprié l’engagement de chars dans les zones urbaines, mais ce n’est pas l’apanage de l’armée israélienne, toutes les armées du monde depuis le début de l’utilisation des chars ont employé les chars en zone urbaine. »

    Les chariots de feu de l’armée israélienne

    De par sa géographie, et les contraintes pesant sur l’armée d’un pays de moins de 10 millions d’habitants et seulement 22 000 km2, le développement de la cavalerie israélienne a suivi un schéma assez singulier. Quand dans les années 1970-1980, les Occidentaux penchaient pour une stratégie basée sur l’avance technologique et la rapidité d’action avec une forte intégration des moyens, terrestres, aériens, et maritimes, l’armée israélienne a eu une approche moins novatrice et très pragmatique.

    Pour bien comprendre la genèse du Merkava, il convient de rappeler deux points importants. Tout d’abord, Israël a toujours connu un état de belligérance, plus ou moins marqué, avec ces voisins arabes. Cela s’est traduit par des escarmouches régulières, une guerre d’usure, ou des conflits de haute intensité sur des durées plus ou moins longues. Deuxième point, il suffit pour s’en convaincre de regarder une carte- dans le domaine de la géographie physique, Israël n’a pas de profondeur stratégique.

    Cela ne veut pas dire que l’armée israélienne ne manœuvre pas (elle l’a prouvé dans le Sinaï, et sur les hauteurs du Golan, particulièrement en 1973 et surtout lors de la guerre éclair de 1967), mais cela a conduit à une utilisation plus « défensive » de l’armée blindée de cavalerie par rapport à ce qu’on peut connaître ailleurs. Si le char reste une arme dite de « mêlée », les stratèges israéliens ont toujours gardé en tête l’infériorité numérique – en hommes et en matériels – de leur armée vis-à-vis des forces terrestres arabes, mais aussi le fait qu’ils pourraient bénéficier assez rapidement de la maîtrise du ciel au-dessus du champ de bataille. Pour schématiser, le char n’est donc pas déterminant pour l’emporter, mais en revanche il constitue un rempart, et/ou un outil capable de repousser l’adversaire loin des frontières. C’est en partie cette philosophie qui a conduit au dessin du premier Merkava au milieu des années 1970.

    Un tank conçu dans l’urgence

    Petit rappel historique. Israël a longtemps utilisé des chars britanniques et américains, Centurion ou Patton. Après la guerre des Six Jours en 1967, la France et le Royaume-Uni ont décrété des embargos sur les armes à destination d’Israël. L’industrie israélienne en a été réduite à modifier quelques vieux tanks (remotorisation et adaptation de canons), et à passer commande de qui était alors disponible et autorisé à l’exportation par les États-Unis. Israël se lança même dans le rééquipement de vieux chars d’origine soviétique T-54 capturés à l’ennemi.

    Ceci étant, il restait encore un pas important à franchir pour concevoir un char de fabrication nationale. Afin de contourner les embargos internationaux, et prenant en compte les limites de sa propre industrie de défense, Israël se tourna alors vers l’Afrique du Sud, pour se procurer les aciers nécessaires à la fabrication du blindage (de 20 mm d’acier à 300 mm de matériaux composites selon les versions et les éléments à protéger comme la tourelle). Pour le reste, Israël se débrouilla, pour acheter, copier, ou produire des éléments et des pièces détachées déjà utilisés à l’étranger. Ce fut le cas entre autres de la motorisation, des chenilles, de la transmission ou de la suspension des premiers Merkava. Suivant le même schéma, dans le secteur aéronautique, les Mirages III et V d’origine française furent progressivement transformés en Nesher, et Kfir assemblés et produits en Israël.

    Les sapeurs et leurs chars

    Le pion tactique de l’armée israélienne à l’œuvre à Gaza est composé d’un binôme infanterie-sapeurs du génie, protégés par les tanks, mais la pointe de la flèche, insiste Marc Chassillan se sont les sapeurs et leurs chars.

    « Les sapeurs du génie sont finalement quasiment quelquefois les éléments précurseurs dans certaines zones de Gaza. C’est d’abord le génie d’assaut, donc appuyé par les chars et protégé par l’infanterie qui se charge d’ouvrir ce qu’on appelle les itinéraires », indique-t-il. « Ils disposent pour ça de bulldozer Caterpillar D9 sûr blindé. Ils ont aussi des engins qu’on appelle les Pumas, qui sont en fait des châssis de chars qui ont été détourellés et qui ont été couverts de blindage et qui abritent une équipe de sapeurs d’assaut avec un certain nombre de matériels et d’outils pour en fait percer les murs, ouvrir les portes, dégager les obstacles, déminer… Le rôle des sapeurs du génie est absolument essentiel. »

    30 à 40 blindés détruits

    Mais avec leur masse de 70 tonnes, les Merkava peinent à manœuvrer dans un environnement urbain. Ils ne voient pas grand-chose non plus de leur environnement immédiat et sont par conséquent vulnérables à courte distance aux tirs de missiles antichars et les pertes s’accumulent :« Depuis le 7 octobre, ils auraient perdu entre 30 et 40 blindés, mais tous types confondus, il n’y a pas que des chars de combat », dit Marc Chassillan, « Il y a aussi des véhicules de transport de troupes, il y a des engins du génie et un peu de tout sachant que le 7 octobre ils en ont perdu beaucoup puisque quand le Hamas a attaqué le 7 octobre, ils ont en particulier pris une caserne qui se trouvait à l’entrée nord de la bande de Gaza. C’est en fait la caserne qui garde un peu les portes d’entrée vers Gaza, et ils ont saboté, détruit beaucoup de véhicules qui étaient sur les parkings. »

    Le Merkava au combat

    Si le Merkava est devenu au fil du temps, un char « iconique », il faut garder en tête que la saga du tank israélien s’est écrite au fil de temps, et que même si le nom a été conservé, le Merkava I, n’a plus grand-chose à voir en termes de performances avec le Merkava V en cours d’introduction dans l’armée israélienne.

    Dès 1982 Israël a perdu ses premiers Merkava au combat au Liban. Ce très lourd char de combat découvre les difficultés du combat en milieu urbain, mais enregistre aussi des succès contre des chars d’origine soviétiques employés par les Syriens. Ceci étant à l’époque, le fleuron de la cavalerie israélienne vient tout juste d’entrer en service et pour l’essentiel ce sont des tanks plus anciens qui sont déployés. Au fil des engagements, le Merkava va se forger une réputation de quasi-invincibilité, jusqu’à la guerre de 2006 contre le Hezbollah ou l’armée israélienne va enregistrer de lourdes pertes. Sur le plan technique : « Le Merkava était réputé être l’un des meilleurs au monde […], mais 52 d’entre eux (33 Mk2/3, 19 Mk4) ont été mis hors de combat par les tirs de missiles antichars et 3 autres détruits par des mines artisanales IED », peut-on lire dans un rapport cité par l’IFRI après la guerre.

    À l’époque on a beaucoup dit que le char était mal protégé sur la partie arrière, mais en réalité, cette faiblesse était connue depuis longtemps, et c’est surtout la tactique du mouvement armée chiite libanais combiné à l’emploi en masse, de missiles anti-char modernes qui a porté ses fruits. Les dernières vidéos, du Hamas publié à Gaza en 2023, prouvent d’ailleurs qu’à leur tour, les miliciens du Hamas tentent d’utiliser les mêmes techniques, allant jusqu’à déposer des charges « à la main » sous les tourelles des chars israéliens.

    Ceci étant, il semble que de nombreux projectiles employés par le Hamas soient d’origine artisanale, fabriqués localement dans la bande de Gaza. Ils n’auraient donc pas la même efficacité que des ATGM modernes industrialisés comme les Kornet (code OTAN : AT-14) d’origine russe, mais produits sous licence en Iran. On a pu s’étonner aussi de voir les Merkava dépourvus de blindages réactifs, remplacés en partie par le système de protection active (APS) « Trophy » destiné à barrer la route aux projectiles adverses en les détruisant avant l’impact.

    À l’épreuve dans la bande de Gaza

    Au début du conflit, on a pu s’étonner de voir très peu de fantassins israéliens « débarqués », laissant les tireurs du Hamas se rapprocher très près des blindés. De petites charges ont également été larguées par drones du Hamas, sur les tanks israéliens, sans – semble-t-il – inquiéter les équipages placés sous blindage.

    Toutefois des grilles anti-drone monté au-dessus de la tourelle ont fait leur apparition. On peut penser qu’elles servent à protéger les équipements de visée montés sur la partie haute, ou un soldat qui s’exposerait en utilisant la mitrailleuse de 7,62 montée sur le toit. Il est évident enfin qu’en milieu urbain, la vitesse de pointe n’est plus déterminante (64 km/h pour la version IV en rase-campagne), là où la protection particulièrement des tirs venant du haut (depuis les immeubles) ou des charges artisanales (IED) enfouies dans le sol le devient… Historiquement on a toujours admis que les Merkava étaient sous-motorisés (1500 chevaux pour la version IV). À ce niveau on a souvent lu que l’emplacement du moteur à l’avant, si caractéristique sur le Merkava était un élément de protection majeur. Cela est vrai en cas de combat en face à face, mais beaucoup moins contre des éléments de guérilla très mobiles qui peuvent surgir dans tous les secteurs.

    Pour conclure, on pourrait dire qu’Israël a conçu le Merkava « sur mesure ». Au départ c’était une solution par défaut qui, petit à petit, a intégré de nombreuses innovations liées à l’environnement dans lequel ces machines doivent être employées. Exemple éclairant, Israël n’hésite pas à « embosser » ses chars comme disent les militaires. C’est-à-dire les utiliser en positions statiques derrière un remblai lors de longue phase d’observation des lignes adverses. L’écoutille placée à l’arrière trouve là, son utilité. Elle permet de recharger sans s’exposer pour faire passer les obus. Contrairement à une idée communément répandue, elle ne sert pas à faire monter des fantassins à bord (à l’exception des Merkavas modifiés pour les sapeurs du génie). Un blessé en position horizontale pourrait toutefois passer par cette ouverture, à condition de lui faire de la place au milieu du chargement d’obus.

  • Les ministres français des Armées et des Affaires étrangères se sont rendus, jeudi 14 décembre, à Djibouti, pays à la position stratégique entre l'océan Indien et la mer Rouge, pour négocier le renouvellement des accords de défense entre les deux pays. Cette zone connaît ces dernières semaines une tension croissante avec la multiplication d'attaques des rebelles houthis en mer Rouge. Disposer d'un point d'ancrage dans la région est - par conséquent - essentiel pour les armées françaises.

    La Corne de l'Afrique, Djibouti point d'entrée en mer Rouge, face au détroit de Bab-el-Mandeb, là où transite une grande partie du commerce et des approvisionnements énergétiques mondiaux... Depuis son indépendance en 1977, le pays accueille la plus grande base française en Afrique : 1 500 hommes, des capacités terrestres, aériennes et bien sûr navales, un « porte-avions » naturel, un point d'appui unique, où l'amiral Alain Coldefy ancien « pacha » du groupe aéronaval français a souvent fait escale : « C’est une base totalement stratégique. Après les guerres du Golfe, les Américains sont arrivés en force au camp Lemonnier et les Chinois, bien sûr, sont arrivés derrière. Donc, actuellement, Djibouti, c'est une base américaine, chinoise et française, mais c’est une base historiquement française. Aujourd’hui, on est passé un petit peu en deuxième rideau, on n'est plus la force militaire dominante. Il y a quelques années, il y avait encore la 13e demi-brigade de la Légion étrangère, mais aussi des frégates basées en permanence. Néanmoins, il reste une capacité d'entretien des bateaux de passage, des bonnes capacités de maintenance, des ateliers spécialisés, un soutien logistique qui permet aux forces qui sont déployées, en particulier dans le golfe arabo-persique, de venir se régénérer lors de relâches opérationnelles. Donc ça reste un point d'appui avancé. »

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    Base d’Abu Dhabi

    Mais Djibouti n'est plus le seul point d'appui français dans cette région, car depuis quelques années une seconde base navale a vu le jour dans le golfe Persique. La base d’Abu Dhabi fait aujourd’hui de l'ombre à celle de Djibouti. Mais Djibouti qu'il ne faut pas négliger pour autant, pointe Vincent Groizeleau rédacteur en chef de Mer et marine : « Depuis la fin des années 2000, il y a la base navale d'Abu Dhabi et finalement, c'est plutôt de là-bas maintenant qu’opèrent les bâtiments français. L'état-major, qu'on appelait Alindien (dans la Marine nationale française, l'acronyme Alindien désigne l'amiral commandant de la zone maritime de l'océan Indien) qui longtemps est resté sur un bâtiment, qui était un état-major de la Marine itinérant et qui se chargeait donc de toute cette région maintenant, est installé à Abu Dhabi. Pour autant, effectivement, Djibouti, les escales y sont encore régulières et ça reste un point d’appui important. Ne serait-ce que parce qu'en cas de conflit avec l'Iran, le golfe sera fermé. Le détroit d'Ormuz sera très compliqué à franchir et donc il faut effectivement conserver un point d'appui extérieur au golfe Persique pour pouvoir intervenir en toute liberté, sachant que les autres possessions françaises, les autres territoires français, sont beaucoup plus au sud, c'est-à-dire à La Réunion et à Mayotte. Djibouti reste quelque chose de stratégique. »

    D'autant plus stratégique, que les rebelles houthis qui disent agir en solidarité avec les Palestiniens de Gaza, prennent pour cible tous les navires de commerces qui transitent au large du Yémen à destination d'Israël. À trois reprises cette semaine, la frégate Languedoc a fait feu contre leurs drones, et c'est justement dans la base navale de Djibouti que ce bâtiment de la Marine devrait faire relâche et y recompléter ses munitions.

  • Le Rafale, emblématique avion de chasse de l'armée de l'air française, est encore là pour trente ans ou plus, assure Eric Trappier, le patron de Dassault aviation. Mardi 5 décembre dernier, devant l'Association des journalistes de défense (AJD), Éric Trappier a défendu le programme Rafale, il a aussi précisé sa vision de l'avion du futur et des craintes qui sont les siennes pour cet appareil de sixième génération, co-produit avec l'Allemagne.

    Premier message d'Eric Trappier : le Rafale demeure le cœur battant de Dassault. Avion de chasse dont il a longtemps été dit qu'il était invendable... Aujourd'hui, près de 500 avions ont été fabriqués, dont 243 vendus à l'étranger : « J'ai arrêté de compter » plaisante le patron de Dassault, car en cette fin d'année, l'avionneur a encore plusieurs fers au feu. Un contrat de 26 Rafale marine en passe d'être signé avec l'Inde, une nouvelle tranche de 18 appareils pour l'Indonésie et peut-être même un méga contrat en vue avec l'Arabie Saoudite, ce serait une première pour ce pays qui a toujours acheté des appareils américains ou britanniques. Le Rafale, c'est une success story, mais il a fallu s'accrocher, assure Eric Trappier : « Il faut être tenace quand on pense avoir raison, c'est compliqué d'avoir raison avant tout le monde. Je pense que le Rafale a été en avance sur son temps. Serge Dassault s'est battu comme un lion pour dire que cet avion était un bon avion et qu'il se vendrait un petit peu partout. Tous les ingénieurs qui ont travaillé sur le Rafale avaient vu juste. »

    Succès pour le Rafale...

    En 2024, trois avions sortiront chaque mois de l'usine de Mérignac, et le carnet de commande affiche plein pour dix ans. Sans export, pas de Rafale, car exception faite de la Grèce et de la Croatie, le chasseur ne s'est guère vendu en Europe, déplore Eric Trappier : « 80% des achats en Europe ne sont pas Européens, 80% ! Donc c'est la solution de facilité : j'achète aux Américains et en contrepartie, ils sont là et ils protègent. Vous voyez les budgets qui sont mobilisés quand même dans le domaine de la défense en Europe. Donc si la Commission européenne pouvait faire une préférence européenne, vous savez, ça fait à peu près 20 ans que je pousse l’idée, ça serait pas mal, car nous ne sommes pas encore dans la défense européenne, on en est loin. »

    Difficultés avec le Scaf

    Le Scaf, l'avion du futur, est co-produit avec l'Allemagne. Ce qui fait débat, c'est la garantie de pouvoir justement exporter l’appareil. Car l'actuel refus du Bundestag, le Parlement allemand, de vendre des Eurofighter à l'Arabie saoudite pose problème. Éric Trappier ne veut pas s'engager dans ce qui pourrait devenir une impasse commerciale : « Ça pose en fait la question de la garantie donnée par les Allemands, si un jour il y avait un avion de combat franco-allemand, qu'on puisse l'exporter dans les pays qui sont nos pays traditionnels. Car il faut avoir l'accord de ceux qui sont autour de la table pour arriver à exporter ou sinon ils bloquent. Donc il y a des mécanismes qui ont été définis pour dire si on fait une coopération, on s'engage à ne pas bloquer. Il faut juste y croire ! Est-ce que le Bundestag s'assure que ce qui a été défini aujourd'hui s'appliquera dans 20 ans ? Si aujourd’hui, ça n’a pas d’impact, ce pourrait être le sujet de demain ou d’après-demain ».

    Dans ce contexte où les européens, entre eux, ne se font pas de cadeau, Dassault semble vouloir à tout prix conserver son autonomie, ce qui, jusque-là, ne lui a pas trop mal réussi.

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  • En Ukraine, les premiers chars Abrams américains ont été observés cette semaine non loin du front. C'est la première fois que ces puissants chars de combat, conçus pendant la Guerre froide, font face à l'armée russe en Europe. Tout indique que les blindés américains sont désormais prêts à entrer en action.

    Depuis l’été 2023, l’affaire du transfert vers l’Ukraine d’une trentaine de chars M1A1 Abrams a alimenté beaucoup de discussions sur les réseaux sociaux.

    Les premières photos ont vraisemblablement fuité ces derniers jours. À ce stade, elles sont rares. L’une est partie d’un compte X ukrainien et l’autre provient d’une chaîne Telegram pro-russe. Même si, comme le fait remarquer le quotidien Le Figaro, la végétation semble concorder avec ce que l’on peut trouver dans l’est de l’Ukraine en ce moment, la photo n’a pas été géolocalisée de source indépendante. D’ailleurs, peut-être faudra-t-il attendre encore un peu pour voir des pelotons d’Abrams combattre dans les plaines ukrainiennes…

    De sources russes, le premier M1A1 aurait été vu dans la région de Koupiansk. L’administration Biden a prévu d’en livrer 31 aux forces armées ukrainiennes. « Des Abrams sont déjà en Ukraine et se préparent à renforcer nos brigades », annonçait, dès le 25 septembre, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, sur les réseaux sociaux, sans toutefois préciser le nombre d’unités déjà livrées, ou en ligne. Sur les clichés, l'Abrams, les chenilles dans la boue quelque part dans l'est de l'Ukraine, est présenté dans une livrée vert sombre et dans sa version M1A1. « Ce n'est pas la plus récente, mais il est efficace », assure Marc Chassillan, spécialiste de l'armement terrestre : « La version M1A1 du char américain, c'est en fait la première version qui a été équipée d'un canon de 120 millimètres, alors que les précédentes versions étaient équipées de 105 millimètres. C'est un canon beaucoup plus puissant évidemment, qui porte plus loin et qui perce plus. D'autre part, c'est une version qui est dotée de blindage plus épais que ceux des précédentes versions. Il a aussi un viseur optronique qui a de très grandes qualités pour voir, en particulier la nuit. Ce n'est pas la dernière version de l'Abrams qui est la version M1A2 SEP, mais c'est quand même une bonne version intermédiaire avec des qualités de mobilité, de protection et de puissance de feu tout à fait satisfaisantes pour le front ukrainien ».

    Entré en service au milieu des années 80, l'Abrams M1A1, c'est le char américain de la fin de la Guerre froide, et c'est toujours une belle bête de combat, abonde Léo Péria-Peigné (chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri où il travaille au sein de l'Observatoire des conflits futurs sur la prospective capacitaire en matière d'armement et sur l'emploi des systèmes d'armes à venir) : « C'est un véhicule qui a été produit en très grand nombre, qui a eu le temps de voir le combat et qui a donc bénéficié de retours d'expérience importants et d'amélioration. Il y a peut-être une quinzaine de versions différentes qui existent, améliorées au fur et à mesure. Donc la M1A1, ce n'est clairement pas la plus récente, mais ça reste un véhicule qui a bien vieilli et qui a été plutôt bien pensé. »

    L'apparition des chars de combat made in USA peut-elle changer la donne sur le front ukrainien ?

    Trop peu, trop tard, pointent les experts, d'autant que la maîtrise de l’engin et de ses systèmes ne se fait pas en un jour, rappelle Marc Chassillan: « L'apparition de l'Abrams près des lignes russes s'est en fait, je pense, la dernière étape de prise en main des chars par les équipages ukrainiens qui ont été entraînés d'abord aux États-Unis, puis ensuite en Europe. Et là, en fait, ils ont tout intérêt à tester les vraies capacités de leur char au plus près du front, surtout avec l'hiver qui arrive et qui modifie considérablement le terrain. Les Ukrainiens ont intérêt à savoir exactement ce que le M1A1 a dans le ventre en matière de mobilité. Pour le reste, que vous alignez des chars Abrams ou des chars Léopards allemands, en termes de capacité militaire, c'est à peu près la même chose ».

    Depuis le lancement de l’offensive d’été qui n’a pas débouché sur une percée significative, l’Ukraine réclame des centaines de chars, et particulièrement des tanks lourds. Le porte-parole de l’US Army en Europe, le Colonel Martin O’Donell affirme « que l’Abrams ne sera pas l’arme miracle qu’attend l’Ukraine » -it’s not a silver bullet- . Aussi sophistiqués soient-ils, ce ne sont pas 30 chars Abrams qui pourraient renverser la tendance sur le terrain, d’autant plus que le front pourrait se figer durant l'hiver. Les gains territoriaux qu’aurait pu apporter une percée de la part de l’infanterie mécanisée et de la cavalerie durant l’été semblent désormais être un vieux souvenir... D’ailleurs, sur les réseaux sociaux, nombreux sont les comptes qui relaient l’efficacité des missiles à longue portée ATACMS livrés par les États-Unis, capables de frappes au-delà des lignes, ce qui a conduit à une lente dégradation des capacités russes. L’exemple le plus flagrant étant la destruction récente de plusieurs hélicoptères d’attaques russes Ka-52 dont les missions anti-char avaient contribué à enrayer l’offensive estivale de l’armée ukrainienne.

    L’Ukraine aurait-elle besoin de d’avantage d’artillerie à longue portée que de chars de bataille ? Attrition ou mouvement : tout dépend des effets recherchés, des moyens disponibles et des opportunités sur le terrain.

    Une impression de déjà-vu et pourtant…

    Au-delà des réalités tactiques, le déploiement de tank Abrams en Ukraine, a une portée symbolique forte. Les observateurs font remarquer que le cheval de bataille de la cavalerie américaine est de retour sur le vieux continent sous son camouflage centre-Europe. Certes, ces dernières années, on a déjà revu le M1A1 lors des exercices périodiques de l’OTAN dans les pays baltes, en Pologne et sur le flanc Sud, mais ces premiers faits d’armes remontent aux guerres d’Irak (1991 et 2003), au Helmand en Afghanistan en 2010-11, et à la bataille de Mossoul sous les couleurs irakiennes en 2016-17. Dans l’ensemble, le char américain s’est bien comporté dans des environnements et des missions très différentes (Terrain ouvert dans le désert, appui à la contre-guérilla, guerre urbaine). Les observateurs notent toutefois une maintenance complexe, (en partie liée à l’utilisation d’une turbine pour sa propulsion) et une vulnérabilité de certaines versions à des missiles anti-char modernes dans certains secteurs.

    Conçu pour rééquilibrer les forces avec… L'URSS

    Avec l’Ukraine, le M1A1 retrouve le théâtre de confrontation, pour lequel il a été conçu : l’Europe. Dans l’ADN de l’Abrams, il y a la guerre froide ! Dans les années 70’, le Pentagone, conscient du déséquilibre entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie dans le domaine des chars de combat, va tout faire pour combler son retard. — Fill the tank Gap - On estime qu’à la fin des années 70, l’armée rouge était en mesure d’aligner 10 000 tanks de plus que les forces de l’OTAN. Le Pentagone, soucieux de prendre l’avantage dans le domaine conventionnel en Europe, va tout miser sur la technologie. Protection, conduite de tir, système de vision nocturne très moderne, partage des informations tactiques vont progressivement faire leur apparition sur les tanks de la famille Abrams.

    Contexte différent en Ukraine

    Dans les années 1980, l’armée américaine va pousser à son paroxysme la logique de l’intégration des moyens terrestres et aériens en Europe particulièrement. Pour faire face aux hordes de chars soviétiques, l’armée devait compter des hélicoptères nouveaux et très avancés comme le AH-64 Apache, ou l’avion A-10 Thunderbolt II spécialisé dans la lutte anti-char que l’air force basera en Allemagne.

    Tous seront admis au service actif, avant la chute du mur de Berlin. La combinaison de la doctrine et des nouveaux armements devait permettre de bousculer l’adversaire en exploitant ses failles, et de lui imposer une guerre de mouvement de haute intensité. Là s’arrête la comparaison, car en Ukraine l’Abrams n’aura pas toute la machine de guerre américaine derrière lui (Logistique, maintenance, transport). Les équipages d’Abrams devront faire face à de nouvelles menaces issues de la « techno-guérilla » comme les drones suicides. Au final, il n’est pas sûr que ce fleuron puisse faire la démonstration de ces capacités en termes de mobilité alors que l’adversaire fait tout pour entraver la liberté de manœuvre des chars utilisés par les Ukrainiens (Mines, obstacles, brouillage).

  • Vendredi 24 novembre 2023, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a célébré une « nouvelle ère de puissance spatiale » après la mise en orbite cette semaine d'un satellite espion. Le succès de ce lancement intervient après deux échecs, en mai et en août dernier. Il n'a pas échappé aux observateurs que ce succès arrive surtout après que Kim Jong-un et Vladimir Poutine ont, ces derniers mois, resserré leurs liens. Des liens qui, en particulier sur le plan militaire, sont anciens.

    Pendant la guerre de Corée, l'URSS avait soutenu, Kim Il-sung, le grand-père de Kim Jong-un, et dès cette époque, Moscou a noué des liens très étroits avec Pyongyang, pointe Cyril Bret, chercheur à l'institut Jacques Delors et spécialiste de la Russie : « Oui, elle remonte à l'époque soviétique et à la Guerre froide, et ça compte dans un pays comme la République démocratique populaire de Corée ou tout le pacte social est fondé sur le souvenir de cette époque et de la guerre de de Corée. L'URSS avait envoyé un fort contingent du côté Nord lors de la guerre de Corée en 1950, 25000 hommes. Puis l'URSS a reconstruit très largement la capitale Pyongyang, après les destructions de la guerre de Corée. Donc ces liens sont très forts. Ces liens sont historiques et ces liens sont à l'honneur depuis au moins deux ans maintenant à Pyongyang. »

    Le 27 juillet dernier, Sergueï Choïgou, ministre russe de la Défense, était d'ailleurs à Pyongyang pour la commémoration de l'armistice de la Guerre de Corée...

    Puis le 13 novembre, le président russe Vladimir Poutine et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un ont échangé une poignée de main au cosmodrome russe de Vostotchny, dans l’Extrême-Orient russe. Selon Washington, La Corée du Nord, à cette occasion, aurait accepté de céder un million d'obus pour soutenir l’offensive russe en Ukraine, mais aurait obtenu, une sérieuse contrepartie, précise Cyril Bret : « Ce que met Moscou dans le panier de la mariée, si j'ose dire, c'est tout leur savoir-faire en matière spatiale, en matière d'observation satellitaire et d'observation aérienne. Et enfin, en matière de vecteurs, puisque c'est là que le programme nucléaire stratégique coréen du Nord achoppe dans la mise au point de ces fameux missiles intercontinentaux. Donc c'est une espèce d'échange de bons procédés entre la Russie qui a besoin d'artillerie et de munitions d'un côté que fournit la Corée du Nord et de l'autre côté, eh bien ce qui manque à l'effort de guerre constant de la Corée du Nord : le spatial, les vecteurs et l'observation. »

    L’Alliance Russie-Corée du Nord percute les intérêts chinois

    Cette étroite collaboration militaire Corée du Nord-Russie est-elle compatible avec « l'amitié sans limites », pour reprendre les termes officiels des relations entre cette fois la Chine et la Russie ?

    « Russie et Corée du Nord doivent faire preuve de retenue », a réagi Pékin... Ça, c'est pour la forme diplomatique... Mais la Chine a laissé filtrer son agacement après le lancement du satellite espion nord-coréen, nous dit Stéphane Lagarde, correspondant de RFI à Pékin : « Oui, ça fait longtemps que la Chine est gênée par son turbulent voisin. Il faut savoir que quand il y a des essais nucléaires dans les montagnes nord-coréennes, la terre tremble jusque de l'autre côté de la frontière, ici en Chine, et la Chine n'apprécie pas du tout. Pékin tonne contre le régime des Kim. Mais depuis quelque temps, c'est vrai, il y a eu un adoucissement. C'est en tout cas ce qu'on a perçu ici de la position chinoise vis-à-vis de son allié nord-coréen. On l'a vu notamment lors du discours de l'ex-ministre de la Défense, au dernier dialogue de Shangri-La. On a eu l'impression que, dans le contexte des tensions américaines autour de Taïwan et sur d'autres sujets, la Chine avait relâché la bride. Certains analystes ici, pensent même que Pékin ne voit pas d'un mauvais œil finalement la fourniture d'armes nord-coréennes à la Russie dans le contexte encore une fois de sa rivalité régionale avec les États-Unis, sauf qu'aujourd'hui, les choses changent. On a ce changement de ton. En tout cas, on a ce réchauffement Sino-US, avec la rencontre des présidents chinois et américains en marge du sommet de l'Apec. Et on aura ici début décembre le sommet européen. Les Américains, comme les Européens, disent à Pékin que le lancement d'un satellite espion nord-coréen, avec l'aide de la Russie, est un franchissement de lignes rouges. C'est aussi ce que devrait répéter Catherine Colonna (ministre française des Affaires Étrangères), qui est en visite en Chine en ce moment. Un message que devrait comprendre le régime chinois qui n'a pas envie que des intérêts stratégiques européens ne viennent modifier la donne stratégique en Asie. »

    Et les experts militaires sont formels, la mise en orbite de ce satellite espion fournirait en cas de conflit des données cruciales à l'armée Nord-coréenne.

  • Ce mercredi 15 novembre aux écoles militaires de Draguignan, l’armée de terre a inauguré son premier stage de formation, niveau état-major, au profit de stagiaires français et africains. Une formation unique en Europe et qui marque la volonté des armées françaises d’accroitre son offre de formation mêlant officiers africains et français.

  • Engagée depuis le 4 juin dernier, la contre-offensive ukrainienne n’a pas permis de franchir le rideau défensif russe. L’armée ukrainienne avait de grandes ambitions, mais elle ne progresse plus. Est-ce un échec militaire ?

    Sans être défaitiste, dans un récent document public, sous forme de retour d’expérience, le général Valery Zaloujny, chef d’état-major des forces ukrainiennes, fait ce constat lucide : « Le conflit ressemble à une impasse et évolue vers une guerre de position. »

    Pourtant, pour tenter d’atteindre la mer d’Azov, Kiev avait regroupé douze brigades, 35 000 soldats et de nombreux blindés occidentaux modernes. Mais la manœuvre s’est fracassée sur la défense russe, la ligne Sourovikine, pointe Vincent Touret, chercheur à l’université de Montréal : « Il y a un problème à la fois d'innovation technique et d'organisation sur comment percer des zones extrêmement bien fortifiées. De plus, c’est l’une des zones les plus minées du monde, donc il faut pouvoir déminer. Il faut pouvoir passer des fortifications enterrées, il faut pouvoir faire de la contre-batterie en même temps, pour permettre aux troupes au sol de progresser. Et puis, il faut combattre l'ennemi aussi. Donc, il faut lutter contre cette combinaison d'obstacles physiques et de déluges de feu sur son avancée. Et ça, c'est très compliqué. Tout le monde fait référence aujourd'hui à la Première Guerre mondiale. Comment restaurer de la mobilité sous le feu ? C'est une problématique qui est propre à la guerre en général, et à laquelle les Ukrainiens sont confrontés. »

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    Si ces cinq derniers mois l’Ukraine n’a reconquis qu’environ 400 kilomètres carrés de son territoire, l’échec de la contre-offensive n’est que relatif, analyse Vincent Tourret. Même si Moscou lance des assauts d’envergure à Avdiivka dans le Donbass, l’armée russe a beaucoup perdu cet été : « L'effet que je trouve le plus important de la contre-offensive, c'est quand même l'effet d'usure. Ce n'est pas beau, ce n'est pas parfait, ce n'est pas une super percée qui va complètement déstabiliser le front russe, mais par contre l’attrition est réelle. Il y a un vrai problème de reconstruction pour l'armée russe. C'est encore un coup qui ralentit cette remontée en puissance. Les Russes ont des vrais problèmes de disponibilité des tubes d'artillerie et de munitions. Ils ont des problèmes de fabrication de chars, et ça les force en réaction à surenchérir, par exemple à Avdiivka, pour relâcher la pression ukrainienne. Ce qui engrange encore pour eux des pertes supplémentaires. Là où je vois un effet qui est positif de la contre-offensive, c'est que ça cristallise, ça enfonce les Russes dans une façon de faire qui leur coûte beaucoup pour des résultats qui sont moindres et là-dessus les Ukrainiens jouent très bien le jeu de l'attrition. »

    Néanmoins, avec des pertes estimées à plus de 200 000 tués et blessés, l’inquiétude porte sur la capacité de l’Ukraine à régénérer ses troupes, alors qu’avec une population de 143 millions d’habitants, la Russie dispose d’une profondeur stratégique plus importante que celle de son adversaire.

  • Depuis le mois de septembre, le porte-hélicoptères Mistral, l’un des plus grands bâtiments de la marine française, patrouille dans les eaux du golfe de Guinée. Il est immense avec 200 mètres de long, 22.000 tonnes d'acier, une capacité pouvant accueillir jusqu'à 450 militaires, 16 hélicoptères légers et 110 véhicules blindés. Il n’en fallait pas plus pour attiser les rumeurs d’une potentielle intervention française au Niger qui se sont propagées comme trainée de poudre sur les réseaux sociaux. Alors que vient faire le Mistral au large de l’Afrique de l’Ouest ? Notre correspondante Sophie Bouillon, basée à Lagos pour RFI, est montée à son bord lors de son escale au Nigeria.

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