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  • On le connaît pour ses pneus, mais ces derniers jours, le groupe Michelin a fait les gros titres pour une toute autre raison. L'entreprise française, présente dans 175 pays à travers le monde, généralise ce qu'elle appelle le « salaire décent ».

    Depuis plusieurs jours, Florent Menegaux, le patron de Michelin, court les plateaux de télévision. C’est lui qui, la semaine dernière, annonçait vouloir généraliser le « salaire décent » à l’ensemble des 132 000 salariés du groupe français, présent dans 175 pays à travers le monde.

    Ce « salaire décent » n’est pas à confondre avec le salaire minimum légal. Il s’agit en réalité d’un salaire qui « permet de vivre correctement », selon les mots du patron de Michelin. Pour le calculer, la marque se base sur les critères d'une ONG, Fair Wage Network. L'idée est la suivante : un salaire décent, c'est une somme qui permet de faire vivre une famille de quatre personnes, deux parents et deux enfants. Elle doit aussi aider à acheter des biens de consommation courants et constituer une épargne de précaution.

    9 000 euros en Chine, 40 000 aux États-Unis

    Concrètement, son montant varie selon les pays et même selon les villes. À Paris, par exemple, il avoisine les 40 000 euros par an, tandis qu'à Clermont-Ferrand, dans le centre de la France, il est de 25 000 euros. Dans les deux cas, ce salaire est bien plus élevé que le SMIC, le salaire minimum légal. Ce « salaire décent » est de 9 000 euros en Chine, 40 000 aux États-Unis, et est calculé de la même manière même dans des pays qui ne disposent pas de rémunération minimum légale.

    Sur les 132 000 salariés du groupe Michelin dans le monde, environ 5 % devraient donc être augmentés suite à ces annonces. Reste désormais une question : combien cela va-t-il coûter à l’entreprise ? Florianne Viala, directrice de la rémunération et des avantages sociaux du groupe, assure que Michelin n’a « pas regardé combien ça allait coûter ». « Moralement, on s’est dit que c’était une obligation et que faire du profit sur de la misère sociale n’était pas envisageable », poursuit-elle. De leur côté, les dirigeants sont certains de s’y retrouver. En augmentant les salaires, ils espèrent également une hausse de la productivité.

    « C'est l'arbre qui cache la forêt »

    L’annonce de la mise en place d’un « salaire décent » a été plutôt bien accueillie par les syndicats, qui, après les paroles, attendent désormais les actes. Les organisations syndicales alertent cependant sur un point : ce « salaire décent » comprend des primes, qui ne sont pas prises en compte dans le calcul des retraites. « Il vaudrait mieux parler de rémunération », estime Romain Baciak, délégué syndical CGT. Il s’inquiète aussi de ce qui pourrait se cacher derrière ces annonces. « C’est l’arbre qui cache la forêt, ça va annoncer quelque chose très rapidement. On sait qu’il y a des sites Michelin France menacés par des restructurations, voire peut-être des fermetures », s’inquiète-t-il.

    De son côté, la direction assure que ce nouveau « salaire décent » n’a rien à voir avec « l’adaptation de l’entreprise à l’évolution industrielle et l’évolution du marché », ce sont « deux choses différentes et pas antinomiques ». Après tout, la firme au Bibendum reste une entreprise qui pense aussi à ses actionnaires.

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  • La principale cryptomonnaie, le bitcoin, se prépare à un événement qui se produit tous les quatre ans à peu près : le halving (la « division par deux », en français). Il devrait avoir lieu ce vendredi 19 ou ce samedi 20 avril. Qu'est-ce que cette règle et quelles conséquences a-t-elle ?

    Dans le monde du bitcoin, outre les acheteurs et utilisateurs de cette monnaie, il existe des personnages clés : les mineurs. Ce sont eux qui enregistrent et garantissent les transactions. Pour cela, ils doivent recourir à de nombreux calculs informatiques, ce qui consomme beaucoup d’électricité. Les sociétés de minage les plus importantes sont de grandes entreprises cotées en Bourse (comme Marathon, Riot, ou encore Hut 8, pour ne prendre que le cas des États-Unis). Ces mineurs sont récompensés en bitcoin. « Jusqu'à aujourd’hui, cette récompense était de 6,5 bitcoins par bloc [par unité « minée »]. À partir de ce vendredi ou ce samedi, elle sera divisée par deux pour passer à 3,125 bitcoins », explique Bruno Biais, professeur d’économie et de finance à l'école de commerce HEC à Paris. Le fait que cette récompense soit divisée par deux explique pourquoi on parle de halving en anglais.

    Une règle créée pour « éviter l’inflation »

    Le bitcoin est une monnaie. Sa valeur repose donc sur la confiance, rappelle Bruno Biais. « Le risque pour une monnaie est qu’elle perde de sa valeur. Pour éviter cela, il faut s’assurer que la quantité de monnaie créée soit limitée. Le halving limite la création de nouveaux bitcoins et contribue à maintenir la valeur du bitcoin », souligne-t-il.

    Cette règle du halving a été mise en place lors des débuts du bitcoin. Elle a déjà été appliquée quatre fois et se répètera tous les quatre ans jusqu'en 2140. Ensuite, si les règles ne changent pas, plus aucun nouveau bitcoin ne sera créé. Au cours actuel, les bitcoins déjà émis représentent plus de 1 100 milliards de dollars.

    Les entreprises de minage de bitcoin seront moins payées

    Pour les personnes qui ont des bitcoins, le halving n'a aucun impact direct. En revanche, la récompense des mineurs et des entreprises dédiées à cette activité sera divisée par deux. Les entreprises de minages s’y préparent depuis longtemps, comme BigBlock, une société de minage implantée en France, en RDC, au Paraguay et bientôt en Éthiopie. « On ne peut rien faire pour contrer le halving, on sait que ça va arriver et nous ne sommes donc pas surpris. Tous les jours, bien avant le halving, nous travaillons à chercher les kilowattheures les moins chers possibles, explique Sébastien Gouspillou, son président et fondateur. Nous faisons le tour du monde pour chercher de l’électricité bon marché. Dans notre cas, nous n’achetons que des surplus d’électricité, qui ne sauraient être vendus ailleurs » et coûtent donc moins cher, affirme-t-il.

    L’industrie du bitcoin est très énergivore. Le New York Times a ainsi calculé que l’une des plus grandes usines de minage de bitcoin aux États-Unis consommait autant d’électricité que 300 000 Américains. La baisse des revenus des mineurs provoquée par le halving les pousse à chercher une énergie toujours moins chère pour que leur activité reste viable économiquement. Cela explique que le bitcoin repose beaucoup sur l’électricité de centrales à charbon, peu coûteuse, mais très polluante. Aux États-Unis, l’industrie de cette cryptomonnaie repose à 85% sur les énergies fossiles. Dans d’autres pays très importants pour le secteur, comme le Kazakhstan, le minage de bitcoin crée aussi de fortes tensions sur le réseau électrique, ce qui a poussé Astana à davantage réguler cette activité après 2022.

    Quel avenir pour les entreprises du secteur ?

    Le bitcoin a perdu plus de 10% de sa valeur depuis le début du mois. Mais la monnaie avait tellement augmenté cette année que Sébastien Gouspillou y trouve son compte. En effet, le bitcoin a presque doublé depuis trois mois, ce qui compense la division par deux du nombre de bitcoins qui seront versés aux mineurs. Les plus grosses entreprises du secteur ont tout de même miné le plus qu'elles pouvaient avant le halving. « À long terme, ce qui va déterminer les revenus des mineurs, c'est donc surtout le prix du bitcoin », avance Bruno Biais. Ces entreprises ont besoin d'une hausse des cours pour continuer d'être rentables.

    Un pari, car comme toute monnaie, le bitcoin a connu et pourra encore connaître des crises. « Ce qui déterminera la survie et le succès (ou non) du bitcoin sera l'utilité de cette monnaie » pour les utilisateurs, estime le professeur d'économie et de finance. « Le bitcoin sera utile s'il permet de continuer d'effectuer des paiements sans passer par les institutions » financières classiques, précise-t-il, notamment dans les pays touchés par l'hyperinflation ou encore les dévaluations.

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  • J-1 en Inde pour les élections législatives. Le BJP, le parti du Premier ministre Narendra Modi, est donné favori en raison de son excellent bilan économique. Un succès pourtant contesté, y compris dans les milieux d’affaires.

    L’Inde deviendra la troisième puissance mondiale d'ici à 2029, c'est-à-dire avant la fin de son prochain mandat, promet Narendra Modi, avec de solides arguments en sa faveur. La croissance est vigoureuse depuis plusieurs années, 6,8% pour cette année, selon les prévisions du FMI. Les grands chantiers lancés depuis son arrivée au pouvoir ont nettement amélioré le quotidien des Indiens et ont dopé l’activité économique. Et enfin, le pays bénéficie aujourd’hui des investissements des multinationales quittant la Chine depuis le Covid. Le BJP et Narendra Modi en font des tonnes sur cette trajectoire flatteuse. En réalité, dénonce un ancien gouverneur de la Banque centrale, l’Inde est encore et restera un pays pauvre.

    Un enrichissement très relatif

    Cette croissance ultra-rapide et solide est trop faible pour améliorer le niveau de vie des 1,4 milliard d’habitants. Le revenu par habitant n’est que de 2 600 dollars par an. C'est le plus bas des Brics, comme du G20, renvoyant l’Inde à la 139e place du classement mondial en termes de richesse par habitant.

    Depuis dix ans, le nombre de milliardaires a triplé, mais le revenu de l’immense majorité des Indiens stagne. Avec si peu de redistribution, on voit mal comment le marché intérieur peut entretenir la croissance. Le symptôme le plus flagrant de cette pauvreté est le chômage à 8% – le taux d’activité est très faible, les femmes sont quasiment absentes du marché du travail. La plupart des Indiens vivotent grâce au secteur informel, à des années-lumière de la prospérité de la classe moyenne employée dans les services.

    Pas de miracle chinois à l’horizon

    L’ouverture des usines à vocation exportatrice, comme celle d’Apple pour fabriquer des iPhone, est un bienfait pour l’industrie, et donc, pour l’emploi indien. Mais il ne faut pas non plus en exagérer les effets. Les investisseurs étrangers pensent diversification, ils ne veulent plus dépendre d’un seul pays, mais l’Inde ne bénéficie que d’une petite partie de ce vaste mouvement de relocalisation.

    Le soutien à la tech, affiché comme une priorité par le gouvernement, est bon en soi, explique un autre ancien gouverneur de la Banque centrale, Raghuram Rajan, lui aussi très critique envers le récit très romancé des succès économiques du Premier ministre indien. Mais, selon lui, c'est insuffisant pour donner du travail à tous. Il faut, recommande-t-il, regarder du côté des industries traditionnelles du pays et améliorer l’environnement des investissements. Un domaine où beaucoup reste à faire, estiment les entrepreneurs indiens.

    Certains préfèrent aller à Singapour pour monter une start-up, faute de confiance dans l’environnement de leur pays. L’arbitraire politique, les mesures protectionnistes encore trop nombreuses dans l’industrie, la faiblesse du marché intérieur sont parmi les repoussoirs les plus fréquemment identifiés, y compris parmi les grandes dynasties économiques totalement acquises à Narendra Damodardas Modi.

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  • Les marchés pétroliers sont restés quasiment impassibles après l’attaque menée par l’Iran contre Israël. Depuis la semaine du 8 avril, le cours du brut reste collé à la barre des 90 dollars le baril de Brent. Une inertie inhabituelle dans ce contexte hautement inflammable.

    Cette absence de réaction est contraire à tous les schémas en vigueur depuis cinquante ans. Depuis la Révolution islamique de 1979, une agression militaire menée par la République des mollahs est perçue comme une alerte rouge pour les marchés pétroliers. Parce que cette perspective est considérée comme débouchant forcément sur une guerre ; et parce que les pays consommateurs, les Occidentaux, redoutent par-dessous tout que Téhéran mette à exécution sa menace favorite : le blocage du détroit d’Ormuz, par où transite 20% du brut.

    Le détroit d’Ormuz, vraie fausse menace

    Mais cette menace ultime, une fois encore, ne s’est pas matérialisée. Hormis la saisie samedi 13 avril d’un navire accusé d'être lié à Israël dans la zone du détroit, le trafic continue, comme si de rien n’était.

    Quant à la guerre, c'est une épée de Damoclès qui n'est pas encore tombée. Les marchés sont très sensibles aux risques géopolitiques, mais ils sont d’abord orientés par les fondamentaux, c’est-à-dire par l’équilibre entre l’offre et la demande. Et de ce point de vue, les données sont rassurantes. Car il y a partout dans le monde des provisions disponibles.

    Il y a aujourd’hui un potentiel de croissance de l’offre de pétrole aux États-Unis, au Brésil, au Canada et au Guyana, autrement dit dans des pays non membres de l'Opep. En cas d’embrasement du Moyen-Orient, il y a donc une capacité disponible substantielle de l’autre côté de l’Atlantique. Et le cartel dispose, lui aussi, de grosses réserves. Car pour redresser les cours, l'Opep+, à savoir l'Opep et la Russie, a resserré les vannes.

    En cas de crise, ils peuvent donc facilement rouvrir le robinet, approvisionner le marché et faire baisser la pression sur les cours. L’Arabie saoudite, le parrain du cartel, comme son allié de circonstance, la Russie, ont tous les deux besoin d’un cours du brut élevé, la zone actuelle des 90 dollars le Brent est idéale. Mais ils n'ont pas intérêt à ce que les cours explosent, pour éviter de décourager la demande. C’est pourquoi l’Opep augmentera son offre si nécessaire.

    Des réserves stratégiques en cas de crise

    Du côté des pays consommateurs, les grands pays occidentaux disposent de réserves stratégiques. La plus importante est aux États-Unis. Étant donné l’inflation encore élevée outre-Atlantique, Joe Biden pourrait très bien envisager de libérer une partie des réserves si le marché pétrolier venait à flamber. Pour tranquilliser les Américains, à la veille des grandes transhumances estivales, mais aussi à quelques mois de l’élection présidentielle.

    Toutes ces informations sont intégrées par les marchés pétroliers, c’est pourquoi ils restent relativement confiants. Les plus audacieux se préparent au pire, avec des options posées sur 3 millions de barils à 250 dollars livrables en juin.

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  • Olaf Scholz termine sa visite en Chine ce mardi par une rencontre avec Xi Jinping. Pour parler Ukraine, Moyen-Orient, mais aussi affaires. Malgré les tensions commerciales et géopolitiques entre l’occident et l’empire du milieu, le chancelier allemand entend défendre les liens économiques qui unissent les deux pays.

    Les liens patiemment construits par les entreprises allemandes à partir des années 1980 ont pris une importance vitale pour l'économie de la première puissance européenne. La Chine est son premier partenaire commercial avec des échanges qui se montent à 250 milliards d’euros en 2023. 5 000 entreprises allemandes sont présentes dans l’empire du milieu, c’est cinq fois plus que le nombre d'entreprises françaises.

    La masse est considérable, mais elle est en train de se contracter, au détriment de l’Allemagne. Les échanges entre les deux pays ont fortement reculé entre 2022 et 2023, de 8%, à cause essentiellement de la baisse des importations de la Chine, en raison de l'essoufflement de son économie. Et aussi, parce qu'elle a dépassé le maitre à l'export.

    L’Allemagne dépassée par la Chine à l’export

    Elle est aujourd’hui en mesure de fabriquer et d'exporter ce qu’elle achetait auparavant en Allemagne. Dans une note publiée la semaine dernière, l’assureur Allianz constate que la Chine exporte désormais davantage que l’Allemagne dans ses domaines d’excellence. C’est le cas depuis longtemps dans l’équipement électrique et la machine outil, et plus récemment dans le secteur de la chimie. L’Allemagne conserve une longueur d’avance dans l’industrie automobile, mais la concurrence chinoise est de plus en plus vive. L’Europe est la première à s’inquiéter du déferlement des voitures électriques chinoises à bas prix et envisage de les taxer si l’enquête lancée par Bruxelles confirme les subventions supposées. Olaf Scholz est beaucoup plus prudent sur cette question.

    Il a peur des représailles contre les constructeurs allemands. Et il reste fidèle à la position de ses prédécesseurs contemporains. Berlin a toujours considéré que le commerce était favorable à la paix. Malgré le camouflet avec la Russie, son ancien fournisseur de gaz qui a envahi l’Ukraine, malgré l’absence totale d’avancée démocratique en Chine, ce credo reste de mise au gouvernement allemand. En 2023, Berlin a bien annoncé une révision de sa stratégie à l’égard de la Chine. Pour prendre ses distances avec ce partenaire devenu entre-temps un concurrent et même un rival systémique, selon la formulation employée à Berlin. Mais une fois le document adopté, les affaires ont repris comme si de rien n’était.

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    Un pari à court terme

    Au moment où l’économie allemande chancèle, pas question de renoncer à ce précieux débouché. Indispensables pour BMW, Mercedes ou Volkswagen qui réalisent le tiers de leur chiffre d’affaires en Chine. Pas question non plus de se passer des fournisseurs chinois, devenus au fil du temps indispensables, aussi bien pour la pharmacie que les terres rares. Les industriels allemands revoient leur approvisionnement, mais cela prendra du temps, environ dix ans. À court terme, du point de vue allemand, il faut donc plutôt renforcer cette relation particulière que la négliger. Et il n’y a pas non plus d’alternative immédiate au plus grand marché du monde.

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  • Depuis deux ans le gouvernement japonais investit très lourdement pour doper la production nationale de semi-conducteurs, un secteur où l'Archipel s'est fait distancer ces dernières décennies par ses voisins taïwanais et sud-coréen. 27 milliards de dollars sur trois ans ont été prévus pour relancer cette industrie hautement stratégique.

    Le Japon est-il en train de réussir son retour dans le secteur des puces ? La rapidité avec laquelle la première fonderie du géant taïwanais des semi-conducteurs, TSMC, a été construite en un peu plus de deux ans dans l'Archipel en témoigne. Inaugurée en février dernier, codétenue avec le conglomérat électronique Sony et l'équipementier automobile Denso, l'usine de Kumamoto a coûté plus de 8 milliards de dollars, dont plus de 40 % ont été apportés par le gouvernement japonais. Objectif : produire des puces entre 12 et 28 nanomètres que l'on retrouve par exemple dans les jeux vidéo ou l'électronique embarquée utilisée notamment dans l'automobile. Une deuxième, voire une troisième usine devraient sortir de terre dans les prochaines années. La rapidité est la clé dans l'industrie des semi-conducteurs, répètent les Japonais.

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    Avantages pour Taïwan

    Côté taïwanais, le groupe TSMC a trouvé une main d'œuvre très qualifiée sur place. Ce n'est pas le cas pour ce qui est de son autre méga-usine en Arizona, aux États-Unis, dont l'ouverture a dû être repoussée à 2025. Plus globalement, Taipei veut diversifier sa base de production, actuellement très concentrée sur l'île. D'où ces projets de construction d'usines aux États-Unis et en Allemagne. Pour Taïwan, c'est une question vitale. Plus les pays se sentiront liés à lui, plus ils seront solidaires face à l'éventuelle menace de la Chine, se dit Taipei. Et puis, le Japon est tout proche. Les deux pays veulent surmonter un passé douloureux, Taïwan était occupé par le Japon jusqu'en 1945, le courant passe apparemment.

    Côté Japon

    Champion des puces dans les années 1990, le Japon veut ramener la production des semi-conducteurs sur son sol. Durant la pandémie, en manque de vaccins anti-Covid, le gouvernement japonais s'est rendu compte de sa dépendance aux approvisionnements étrangers. Tokyo ne veut pas que cette situation se reproduise. L'industrie des puces fait désormais partie des secteurs hautement stratégiques pour le pays.

    Vers une production nippone des puces de pointe

    Dans le Nord du Japon, un grand projet public-privé avance pour une construction d'une fonderie de puces de 2 nanomètres, soit les plus puissantes du monde, dédiées notamment à l'intelligence artificielle. Le consortium Rapidus, rassemblant huit entreprises japonaises, assure que son usine sera opérationnelle dès 2027. D'autres entreprises étrangères, comme Microsoft, Google ou Nvidia, investissent dans ce secteur crucial. Tous ces projets devraient propulser le Japon dans une nouvelle ère. Tout en garantissant un approvisionnement fiable, loin des tensions existantes entre les États-Unis et la Chine.

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  • En Europe, maintenant que l'inflation apparait sous contrôle, les taux d'intérêts vont-ils enfin redescendre à des niveaux plus abordables ? C'est au conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne d'en décider. À l'issue de sa réunion prévue ce jeudi à Francfort, sa présidente, Christine Lagarde, devrait faire connaitre ses intentions.

    Christine Lagarde pourrait même annoncer dès ce jeudi une première réduction de son taux directeur, parient les plus audacieux. Mais il faut reconnaître qu'ils sont ultra-minoritaires. Chacun sait que les banquiers centraux détestent les effets de surprise et préfèrent communiquer leurs intentions longtemps à l’avance, histoire d’éviter un coup de chaud sur les marchés. Mais cette option fait partie des multiples hypothèses discutées par les experts. Le sujet passionne sur les marchés obligataires où les traders font des paris sur le calendrier qui sera annoncé tout à l’heure, avec une première baisse des taux européens envisagée en juin, lors de la prochaine réunion du conseil des gouverneurs. Ils sont nombreux à penser que la BCE agira plus vite et plus fort que la Réserve Fédérale.

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    Une baisse des taux très attendue en juin

    Ils estiment qu’elle pourrait couper son taux de 1 % en 2024, contre 0,65 % seulement pour la Banque centrale des États-Unis. Pour mémoire, le taux directeur de la BCE est à 4 % et celui de la Fed à 5,5 %. Emprunter coûte beaucoup plus cher aux États-Unis. La Banque centrale européenne va sans doute devancer la Fed parce que l’inflation a vraiment reculé en Europe. Elle n'est plus qu'à 2,4 % en zone euro, elle se rapproche donc de l'objectif de la bonne inflation fixé à 2 %. Il n’y a plus lieu de maintenir la pression sur les taux d’intérêt. Tandis qu’aux États-Unis, c’est l’inverse. L’inflation est repartie à la hausse, elle était à 3,5 % en mars, a-t-on appris hier. Dans ce contexte, la Fed va prendre son temps, elle pourrait reporter sa première baisse en septembre. Les deux zones monétaires divergent aussi en termes de croissance.

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    Le grand écart États-Unis/Europe

    Aux États-Unis, l’activité est restée très dynamique. Contrairement à ce qui était redouté, la politique de hausse des taux d’intérêts n’a pas cassé la croissance. La Fed se concentre donc sur sa mission de contrôle des prix. En revanche, en Europe, l’activité est faiblarde depuis un an et demi. Les entreprises empruntent beaucoup moins parce que le crédit est devenu trop cher. Comme les particuliers qui repoussent les projets immobiliers pour les mêmes raisons. Il y a donc urgence à abaisser les taux directeurs pour réveiller la croissance. C’est d’autant plus urgent que l’effet sur l’économie ne sera pas immédiat. Cela prendra des mois avant que la baisse ne se répercute sur la demande de crédit. Donner le signal de la baisse serait déjà un signal positif. Susceptible de redonner confiance aux entrepreneurs. Les consommateurs en revanche ont besoin de concret. Ils ne ressentent pas du tout les bienfaits de la lutte anti-inflation menée par la BCE et constatent au supermarché que les factures sont toujours aussi salées.

  • Aux États-Unis, le travail des enfants est en pleine expansion, au mépris des lois fédérales interdisant l’emploi des moins de quatorze ans.

    D’après le ministère américain du Travail, l’emploi des 16-19 ans a culminé l’année dernière, à un niveau comparable au pic de 2009, c’est-à-dire l’année où les ménages américains se débattent avec les retombées de la grande crise financière. Le travail des ados américains explose, mais il est de plus en plus souvent hors la loi.

    Les infractions à la législation sur le travail des mineurs ont triplé en dix ans. C’est dans la restauration rapide et l’industrie agro-alimentaire que les excès sont les plus répandus. Sur le banc des accusés, dénoncés par la presse américaine, on retrouve très souvent les abattoirs, employant des enfants de 13 ans.

    L’envers du plein emploi

    Depuis la grande vague de démission liée au Covid, les employeurs font face à une pénurie de main d’œuvre, les plus jeunes pallient en partie le départ des anciens. L’inflation a aussi propulsé la demande. Les jeunes travaillent de plus en plus tôt et de plus en plus pour aider leur famille à joindre les deux bouts.

    À partir de 2021, l’arrivée massive de jeunes migrants non accompagnés, en provenance surtout du Guatemala et du Honduras, a aussi comblé les attentes des employeurs sans scrupules. Ces jeunes acceptent les jobs les plus durs et les plus risqués pour survivre et envoyer de l’argent à leurs parents. La presse américaine a multiplié les reportages sur les ruferitos, les enfants couvreurs. Un métier pourtant strictement interdit aux moins de 18 ans, où l’on déplore une centaine de morts par an, sans qu’on connaisse le nombre de mineurs concernés puisqu’ils ne sont pas déclarés.

    La lutte contre les abus en échec

    Selon la loi américaine, le travail des enfants est autorisé mais avec un certain nombre de garde-fou. Depuis 1938, le travail des moins de quatorze ans est interdit et les emplois dangereux réservés à ceux qui ont plus de 16 ans. Le travail en soirée est strictement encadré pour permettre aux enfants de suivre normalement leur scolarité.

    L’an dernier, face à l’ampleur des abus dénoncés par la presse, l’administration Biden a promis de durcir la lutte contre l'exploitation des mineurs. En reconnaissant que les amendes de 15 000 dollars maximum sont bien trop légères pour dissuader les entreprises. Et en demandant une enveloppe de 100 millions de dollars au congrès pour renforcer les contrôles.

    Une loi de plus en plus contestée

    Certains républicains veulent au contraire assouplir la réglementation fédérale. Selon le Washington Post, 19 États veulent faciliter l’emploi des enfants. En supprimant par exemple l’autorisation préalable demandée aux parents et à l’école, ou en autorisant le travail en soirée ou dans des secteurs à risque.

    Mais les entreprises soucieuses de leur réputation sont aussi en train de multiplier les contrôles internes pour éliminer les infractions. Reste le trou noir de la sous-traitance, le terrain le plus propice aux abus et le plus difficile à surveiller.

  • Atos, le fleuron français de l’informatique, a publié ce mardi matin son plan de refinancement pour échapper à la faillite. Sur cette base, le groupe a maintenant bon espoir de convaincre de nouveaux repreneurs, si possible tricolores.

    Atos dit avoir besoin de 1,2 milliard d'euros dans l'immédiat. Les banques et l'État ont donné leur accord de principe pour une première enveloppe intermédiaire de 450 millions d'euros. En échange, l'État aura un droit de regard en devenant actionnaire du groupe. Car le sort de l’entreprise est devenu un enjeu de politique nationale. Depuis que des sénateurs se sont mobilisés pour empêcher l’arrivée d’un repreneur étranger, le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. Il a fini par renoncer.

    Mais dans la foulée, Airbus, pressenti pour jouer les sauveurs, a décliné à son tour. Cette double déconvenue survenue il y a quelques semaines a aggravé la crise qui couve depuis trois ans, depuis que ses soutiens financiers ont sifflé la fin de sa course folle aux acquisitions. En 2024, la mariée n’est pas très appétissante, avec un gros passif, une dette de 4,5 milliards d’euros dont les trois quarts sont à rembourser avant 2025. Et des actifs, essentiellement les services informatiques, en perte de vitesse.

    Pépites stratégiques

    Atos dispose tout de même de quelques pépites stratégiques pour l’État français. Cela justifie l’intervention de la puissance publique. Atos fournit par exemple les supercalculateurs indispensables pour la simulation des essais nucléaires. C’est aussi Atos qui assure la cybersécurité des Jeux olympiques de Paris 2024. Il assure aussi la sécurité informatique d’une partie des services fiscaux, de la Sécurité sociale, de certains réacteurs nucléaires d’EDF.

    L’étoile de la multinationale est bien pâle sur la scène mondiale, mais en France, elle joue un rôle de premier plan. C’est pourquoi Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, s’est engagé à trouver une solution nationale pour sauver le soldat Atos. Et la solution passe peut-être par un poids plume du secteur numérique, la société de conseil Onepoint. L’entreprise française dirigée par David Layani est devenue le premier actionnaire du groupe à la fin 2023.

    Une reconfiguration encore incertaine

    Ses offres de service ont longtemps été snobées par les dirigeants d’Atos. Mais elle apparait aujourd’hui comme le meilleur des plans B. Surtout depuis qu’elle a obtenu le soutien du fonds de Walter Butler spécialisé dans la reprise des entreprises en péril. L'information annoncée pendant le week-end a revigoré les investisseurs. Ce lundi 8 avril, l’action Atos a rebondi de 20% à la Bourse de Paris.

    On parle aussi de l’arrivée éventuelle d'OVH, la licorne française du big data. Dassault aviation ou le groupe de défense Thalès pourraient être sollicités. Enfin, le Tchèque Daniel Kretinsky n'a pas dit son dernier mot. Le suspense reste donc entier sur la configuration future du groupe. Son avenir dépend aussi de la négociation avec les créanciers. Pour eux, la pilule est amère. Atos souhaite diviser sa dette par deux en échange d'une montée au capital.

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  • Trente ans après le génocide, l’essor de l’économie rwandaise suscite l’admiration du monde entier. Un succès réel qui ne profite pas encore à la majorité de la population.

    La reconstruction de l’économie est un succès indéniable. La gouvernance à la fois rigoureuse et dirigiste du Front patriotique rwandais (FPR) a permis à ce petit pays enclavé de se doter de routes, de centrales, d'hôpitaux indispensables au développement et de renouer avec une croissance robuste. De l’ordre de 7 à 8% depuis vingt ans. De quoi faire reculer la pauvreté. Elle concernait les trois quarts de la population en 2000, plus que la moitié en 2013. Mais encore la moitié aujourd'hui : c’est bien le problème, selon la Banque mondiale qui remarque que les progrès stagnent depuis dix ans.

    Des fruits de la croissance mal partagés

    Le Rwanda est encore l’un des pays les plus inégalitaires d’Afrique subsaharienne. Les fruits de sa prodigieuse croissance ont du mal à atteindre les campagnes où vit la majorité de la population. Le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités, est à 0,44. C'est le plus élevé de la Communauté d’Afrique de l’Est après le Soudan du Sud. Les services, le tourisme haut de gamme sont les nouveaux relais de croissance, mais le moteur essentiel est encore l’agriculture. C’est toujours plus d’un emploi sur deux et près de la moitié du PIB. Autre bémol qui relativise le miracle rwandais, 45% des revenus de l’État dépendent encore de l'aide internationale. Le gouvernement espère néanmoins entrer dans le club des économies à revenu intermédiaire d'ici à dix ans.

    Un secteur privé pas assez développé

    Un objectif ambitieux pour un pays encore fragilisé par ses relations orageuses avec ses voisins immédiats. Les entreprises locales se tournent de plus en plus vers les pays où elles bénéficient de la diplomatie active de Paul Kagame, comme la Centrafrique, ou plus récemment le Mozambique. En profitent surtout les sociétés contrôlées par Crystal Ventures Limited. Une holding très discrète et très puissante qui appartient au FPR. C’est le premier employeur après l’État. Un poids lourd dans les secteurs du bâtiment ou de la sécurité. Mais une société qui laisse peu de place à la concurrence, se plaignent à mots couverts les entrepreneurs privés. C’est pourtant le privé qu’il faut absolument développer, estime la Banque mondiale, pour créer de l’emploi et générer une croissance plus inclusive.

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  • À deux semaines des élections législatives en Inde, le pays annonce une croissance de 7,6% pour l’année fiscale qui se termine. La performance de l’Inde surpasse même celle de la Chine depuis 8 ans (excepté pour l’année 2020, celle du Covid) et le pays pourrait devenir à terme la troisième puissance mondiale. Décryptage.

    C’est une tendance que l’on observe depuis plusieurs années, l’Inde se rêve en nouvelle locomotive de l’économie mondiale, rôle qu’elle aimerait bien prendre à la Chine.

    Le cabinet Xerfi parle même d’un point de bascule, car l’Inde a reçu davantage d’investissements directs étrangers que son puissant voisin l’an passé. Parmi les grandes économies mondiales, le pays est non seulement le plus peuplé, mais aussi celui où la croissance sera la plus forte cette année.

    Les clés de son succès sont d’ailleurs à chercher notamment du côté de sa démographie, la demande intérieure tire le reste de l’économie et alimente le PIB indien et la main d’œuvre est abondante.

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    Le gouvernement indien a aussi mis en place une taxe unifiée sur les biens et services qui lui rapporte de très bonnes recettes fiscales. Ce qui lui permet d’investir massivement dans les infrastructures, ferroviaires, aéroportuaires, routières, mais aussi numériques, ce qui favorise le développement industriel du pays.

    Selon le FMI, le PIB actuel de l’Inde est de 3730 milliards de dollars, ce qui en fait la 5ᵉ puissance économique mondiale.

    Mais l’Inde a encore de nombreux défis à surmonter avant de devenir la troisième puissance mondiale derrière les États-Unis et la Chine

    L’Inde est actuellement à la cinquième place et devrait ravir celles occupées actuellement par l’Allemagne et le Japon qui souffrent de taux de croissance assez faibles : proches de 1% pour le Japon et 0,3 % pour l’Allemagne. Elle est donc loin devant en termes de croissance.

    Mais attention à ne pas confondre croissance et taille de l’économie

    l’Inde ne représente aujourd’hui que 10 % du PIB de la région asiatique, très loin derrière la Chine, et il ne s’agit pas une force motrice comme peut l’être son puissant voisin, souligne le cabinet Xerfi. La Chine à elle seule représente 50 % du PIB régional.

    Le défi majeur de l’Inde reste de faire émerger une classe moyenne importante, mais aussi de réduire les inégalités.

    La forte démographie présente aussi des enjeux majeurs, tels que la formation et la création d’emplois pour les 13 millions de nouvelles personnes qui arrivent sur le marché du travail chaque année.

    Pour autant, l’Inde est en train de se tailler la part du lion sur certains marchés clés

    Les tensions géopolitiques se sont accrues entre la Chine et certains de ses partenaires historiques tels que le Royaume-Uni ou les États-Unis. Et l’Inde attire notamment les fabricants d’électronique avec des lourdes incitations telles que des réductions d’impôts par exemple ou l’acquisition facilitée des terrains pour implanter les usines. Le pays abrite notamment la plus grande usine de téléphones mobiles de Samsung Electronics, Apple fabrique aussi sept de ses iPhones en Inde par l’intermédiaire de son fabricant sous contrat Foxconn Technology group.

    L’objectif est de développer l’industrie manufacturière afin d’exporter davantage et de rendre l’économie plus autonome en réduisant les besoins d’importations.

  • La multiplication des phénomènes climatiques extrêmes et les dégâts considérables qu’ils entraînent menace la stabilité financière des assureurs. À tel point que certains commencent à se retirer des régions les plus exposées. En France, un rapport suggère de changer les règles du jeu pour éviter la formation de « déserts assurantiels ».

    Aux États-Unis, les phénomènes climatiques ayant entraîné plus d’un milliard de dollars de dommages se comptaient sur les doigts d’une main dans les années 1980 : 3 par an, en moyenne. Dans les années 2010, on est passé à une moyenne de 13 par an. L’an dernier, il y en a eu 28. À tel point que de nombreux assureurs se retirent carrément des Etats les plus exposés comme la Californie ou la Floride. La France n’est pas épargnée par ce phénomène. L’été, des milliers d’hectares de forêt partent en fumée tous les ans, des incendies qui désormais touchent des régions historiquement épargnées. Récemment, le nord du pays a été frappé par une série d’inondations spectaculaires à quelques semaines d’intervalles.

    La France fait partie des pays précurseurs puisqu’elle a créé dès 1982 un régime d’indemnisation des catastrophes naturelles qui garantit une forme de solidarité nationale même dans ces situations extrêmes. Mais face à des phénomènes de moins en moins exceptionnels, ce régime est aujourd’hui menacé. Rien que l’an dernier les catastrophes climatiques ont coûté 6 milliards et demi d'euros aux assureurs français. Et la facture risque de devenir très vite insoutenable. Comme aux États-Unis, certaines communes françaises ne trouvent déjà plus d’assureurs. Conscient du risque d’apparition de « déserts assurantiels », le gouvernement français avait mandaté l’an dernier trois experts chargés de proposer des solutions : Thierry Langreney, ancien assureur et président de l’ONG « les Ateliers du futur », Gonéri Le Cozannet, co-auteur du 6ᵉ rapport du GIEC, et Myriam Merad, directrice de recherche au CNRS. Leur rapport a été rendu public mardi 2 avril.

    « Changer les règles du jeu économique. »

    Face à « l’inflation climatique » pour reprendre l’expression de Thierry Langreney, il était urgent et impératif de refinancer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, en déficit structurel depuis 2016. Les rapporteurs chiffrent les besoins à 1,3 milliard d'euros par an, sans même prendre en compte « les effets futurs inéluctables du réchauffement climatique ». Le gouvernement qui a ce rapport entre les mains depuis plusieurs mois n’a pas attendu pour suivre leur première recommandation : à partir du 1ᵉʳ janvier prochain, la surprime sur les assurances habitation qui finance l’essentiel de ce régime passera de 12 à 20 %.

    Ensuite pour éviter l’apparition de « déserts assurantiels » ils suggèrent de « changer les règles du jeu économique » en transformant cette surprime en « bonus-malus fiscal » en fonction de la zone d’exposition. Si leur proposition était suivie, la part de ces 20 % qui reviendrait aux assureurs à la fois pour se rémunérer et indemniser d’éventuels dommages serait plus faible pour les biens assurés dans les zones les moins exposées et plus forte dans les zones où le risque climatique est plus important. Pour le dire encore plus clairement : les assureurs gagneraient plus d’argent en jouant pleinement le jeu de la solidarité nationale quand ils en perdent aujourd’hui.

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    La mère de toutes les batailles

    Les rapporteurs écartent l’autre solution qui consisterait à laisser les assureurs augmenter librement les primes dans les zones les plus exposées, même s’ils suggèrent deux exceptions : les propriétaires de résidence secondaire et les propriétaires de biens locatifs pour inciter ces acteurs à l’assise financière établie à investir en réalisant les travaux nécessaires à la protection de leurs biens.

    La prévention est en effet « la mère des batailles », rappelle Thierry Langreney. Les mesures qu’ils préconisent ne compteront pas si rien n’est fait pour limiter au maximum le réchauffement climatique et éviter le scénario du pire. À l’échelle locale, renforcer la résistance des bâtis coûtera toujours moins cher à la collectivité que de rembourser les dommages liés à des catastrophes de moins en moins naturelles et de moins en moins exceptionnelles.

  • En Australie, près d'un foyer sur trois est équipé de panneaux solaires. Un record mondial. Mais si le pays est en avance sur le photovoltaïque, il l'est aussi sur les déchets produits par le secteur. Ces panneaux solaires usagés commencent à s'accumuler et sont très peu recyclés. Un signal d'alerte pour toute la filière, face aux risques pour l'approvisionnement en matières premières critiques.

    Au début des années 2010, l'Australie a engagé une politique ambitieuse d'aides à l'achat de panneaux solaires. Le programme a si bien fonctionné qu'un tiers des foyers australiens ont aujourd'hui des panneaux sur le toit de leur logement. En Australie méridionale, l'un des huit États du pays, cette proportion est encore plus importante : un foyer sur deux est alimenté par des panneaux solaires à domicile.

    Les panneaux solaires peuvent fonctionner en théorie pendant 25 ou 30 ans. Cependant, en Australie, un changement des normes électriques a poussé certains habitants à remplacer plus tôt que prévu leurs panneaux solaires. Seul l'État de Victoria interdit l'enfouissement des panneaux solaires. Dans le reste du pays, des panneaux parfois encore en état de marche finissent dans des décharges et les métaux qu'ils contiennent ne sont pas récupérés pour fabriquer de nouveaux panneaux.

    1 million de tonnes de panneaux jetés en 2034

    Un panneau solaire contient du cuivre, de l'argent et du silicium. Ces matériaux sont cruciaux pour la transition énergétique, et la demande pourrait dépasser l'offre dans les prochaines années, en particulier dans le cas de l'argent. D'autant plus que lors de la COP28 en décembre dernier, engagement a été pris de tripler les capacités de production d'énergies renouvelables d'ici à 2030. D'où l'importance de recycler les panneaux. Mais en Australie, d'après une étude publiée la semaine dernière par l'université de Nouvelle-Galles du sud, la quantité de panneaux solaires en fin de vie dans le pays va être multipliée quasiment par sept en l'espace de dix ans, pour atteindre plus d'un million de tonnes par an en 2034.

    Une filière de recyclage à construire

    Le pays n'a pas les capacités de recyclage suffisantes pour valoriser ces déchets. L'enfouissement d'un panneau solaire coute 2 dollars australiens, mais le recycler coûte jusqu'à 10 fois plus cher. De plus, peu d'entreprises dans le monde ont mis en place des procédés efficaces à l'échelle industrielle pour récupérer les matériaux qui ont le plus de valeur (même s'il existe une usine de ce type en France, ouverte en 2023). Pour l'instant les compagnies qui vendent les panneaux en Australie ne sont pas incitées non plus à prendre en charge une partie du prix du recyclage, contrairement aux Pays-Bas par exemple, un des leaders européens en matière de recyclage. Les autorités néerlandaises ont récemment décidé de passer de 6,50 € la tonne à 40 € la tonne leur taxe sur le recyclage des panneaux solaires. En Australie au contraire, il n'existe pas d'incitations aussi fortes. Il y a quelques années encore, le pays envoyait ces déchets à l'étranger, ce qui a pu freiner le développement d'entreprises locales de recyclage. Il n'existe pas non plus de débouchés sur place pour réutiliser les métaux recyclés, car l'Australie importe presque tous ses panneaux solaires de Chine. Un paradoxe, selon le premier ministre lui-même : « Nous sommes le pays au monde qui compte le plus grand nombre de panneaux solaires par habitant, sur nos toits. Mais seulement 1 % de ces panneaux sont fabriqués en Australie », expliquait la semaine dernière le travailliste Anthony Albanese.

    Un milliard pour des panneaux solaires made in Australia

    Le gouvernement a annoncé jeudi dernier 1 milliard de dollars australiens (600 millions d'euros environ) d'investissements publics pour construire une usine de panneaux solaires, qui emploiera les anciens salariés d'une centrale à charbon. L'objectif est de substituer une partie des importations chinoises, c'est-à-dire d'éviter d'importer tous ses panneaux de Chine, mais il n'y a pas eu d'annonce concrète ni de calendrier pour développer une filière de recyclage.

    L'Australie a pour ambition de produire 82 % de son électricité à partir d'énergies renouvelables dès 2030. Pour l'instant, on en est encore loin : encore la moitié de cette électricité vient de centrales à charbon, extrêmement polluantes.

  • Les prix des minerais essentiels à la transition énergétique s'effondrent depuis plusieurs mois. Exemple le plus spectaculaire, le lithium, essentiel à la fabrication de la plupart des batteries de voitures électriques, a perdu près de 80% de sa valeur en l'espace d'un an. Malgré ces cours peu favorables, le Chili, deuxième producteur mondial, veut doubler sa production de lithium sur la prochaine décennie.

    Aujourd'hui, seule l'Australie produit plus de lithium que le Chili. Cependant, le pays d'Amérique du Sud a les plus importantes réserves mondiales de ce métal blanc très léger. Là-bas, il est puisé dans le salar d'Atacama, un lac salé au beau milieu du désert le plus aride du monde. La saumure, l'eau salée dans laquelle il se trouve, est déversée dans de grands bassins à ciel ouvert. Le lithium est récupéré après l'évaporation de l'eau. Avec l'essor des voitures électriques, de nombreux pays veulent augmenter leur production ou commencer à produire du lithium : l'Europe voudrait ouvrir des mines, et l'Argentine, qui extrait déjà ce métal, pourrait bientôt talonner son voisin chilien. Enfin, la Chine, troisième producteur mondial, continue d'augmenter ses capacités de production. L'effondrement des prix du lithium ralentit toutefois ses investissements.

    La moitié des lacs salés du Chili pourraient être exploités

    Malgré la baisse des cours mondiaux, le Chili appuie sur l'accélérateur : Santiago a annoncé fin décembre un accord inédit entre le géant public Codelco et le géant privé chilien du lithium Soquimich pour augmenter fortement la production dans le salar d'Atacama. Mardi dernier, le gouvernement a révélé qu'une trentaine de salars (soit près de la moitié des lacs salés du Chili) pourront être exploités, avec ou sans la participation d'entreprises publiques. L'objectif est de multiplier par deux la production de lithium d'ici à dix ans et ainsi d'alimenter les caisses de l'État, grâce aux taxes.

    Un pari sur l'avenir

    Ce pari pose plusieurs questions. D'abord celle du prix et de la demande en lithium à l'avenir : pour l'instant, la production annuelle de lithium dépasse les besoins industriels, mais la tendance pourrait s'inverser à partir de 2028. Autre interrogation : les batteries au sodium, moins chères, vont-elles remplacer celles au lithium ? Plusieurs constructeurs en ont déjà développé.

    Dépendance aux matières premières

    Le Chili risque d'exposer encore plus son économie aux fluctuations des marchés mondiaux. Aujourd'hui déjà, le pays est le premier producteur mondial de cuivre et quand les cours de ce métal baissent, la croissance du Chili s'en ressent systématiquement. Exporter encore plus de lithium risque de maintenir le Chili dans une dépendance aux matières premières. Le gouvernement de gauche au pouvoir a pour ambition de transformer davantage le lithium sur place, mais ce petit pays aura bien du mal à être compétitif dans la construction de batteries par exemple.

    Inquiétudes environnementales

    De plus, cette hausse annoncée de la production inquiète les défenseurs de l'environnement. Le gouvernement a beau annoncer qu'il va classer comme aires protégées 30% des lacs salés du pays, des dizaines de scientifiques et d'ONG locales alertent sur les risques pour l'accès à l'eau des peuples autochtones, pour l'agriculture locale. « Les salars ne sont pas des mines », ont-ils écrit dans deux tribunes (ici et là) la semaine dernière. Ce sont « des écosystèmes fragiles », qui nous aident à comprendre le passé, et peut-être le futur de notre planète.

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  • À l’échelle mondiale, le secteur du gaming se porte bien : il a généré l’an dernier plus de 184 milliards de dollars de revenus et pèse désormais plus lourd que la musique et le cinéma réunis. Pourtant, on assiste depuis l’an dernier à des dizaines de plans sociaux.

    Malgré un cru exceptionnel de jeux au succès tant critique que populaire, 2023 fut une année noire pour le secteur du jeu vidéo sur le plan de l’emploi : plus de 10 000 suppressions de postes à travers le monde et des dizaines de studios poussés à la fermeture. L’engouement lié au Covid-19 s’est estompé au fur et à mesure que les confinements se terminaient et la hausse brutale des taux d’intérêts rend désormais plus difficile de financer des jeux toujours plus coûteux et qui ne trouvent pas toujours leur public. La saignée ne s’est pas arrêtée avec le passage à la nouvelle année : rien que sur les deux premiers mois de 2024, il y a déjà eu 8 000 suppressions d’emplois dans l’industrie. Autant dire que le triste record de 2023 sera très certainement pulvérisé bien avant la fin de l’année.

    Dernière en date à annoncer un plan social : Sega vient d'annoncer 300 suppressions d'emplois dans ses branches Europe et Amérique. L’entreprise japonaise ne fabrique plus de consoles de jeux depuis plus de vingt ans mais reste un studio et un éditeur important avec des licences comme Sonic et la série des Total War. L’an dernier, SegaSammy, la maison mère de Sega, a pourtant réalisé un chiffre d’affaires de 2,6 milliards d’euros pour un bénéfice de plus de 300 millions d’euros, en hausse de 46% par rapport à l’année fiscale 2022. Mais l’horizon s’assombrit. « Notre environnement d’affaires a changé rapidement avec la fin des confinements et le ralentissement économique dû à l’inflation, particulièrement en Europe. Notre profitabilité est en recul », écrit ainsi dans un message aux actionnaires, SegaSammy, pour justifier ces suppressions d’emplois. Autrement dit : « L’entreprise est encore profitable, mais pas assez pour rassurer les actionnaires. »

    Face à cette logique mortifère, les salariés s'organisent timidement

    On retrouve cette même logique chez Phil Spencer, le puissant patron d’Xbox, la division Jeu vidéo de Microsoft. Microsoft, première entreprise de la planète en termes de capitalisation boursière après avoir finalisé l’an dernier l’une des plus grosses acquisitions de l’histoire l’an dernier en rachetant Activision Blizzard pour 75 milliards de dollars et qui a annoncé 1900 suppressions d’emplois au sein de sa branche gaming en janvier. Dans une récente interview accordée au média spécialisé Polygon, Phil Spencer explique : « Ce qui m’inquiète le plus dans l’industrie c’est l’absence de croissance. (…) Or, nous devons montrer de la croissance à nos investisseurs, sinon pourquoi les actionnaires achèteraient-ils nos actions ? » Tout est dit. Le marché a arrêté de croître indéfiniment (sans pour autant reculer), et la stabilité financière ne suffit pas pour satisfaire les actionnaires. À défaut de pouvoir séduire un nouveau public, la seule solution pour augmenter la profitabilité des entreprises devient alors de réduire les coûts en supprimant des emplois.

    Face à cette logique mortifère, les salariés du secteur commencent timidement à s’organiser et donc à se syndiquer dans un secteur dont ce n’est pas du tout la culture. Quelques mois après une première série de licenciements, Sega of America, la branche américaine de l’entreprise japonaise, est ainsi devenue la première grosse entreprise du secteur aux États-Unis à ratifier une convention collective. Les employés concernés vont être augmentés dès cette année. En cas de licenciement, puisque c’est la tendance, le nouveau contrat leur garantit aussi d’être prévenus à l’avance et d’être indemnisés.

  • La Commission européenne va imposer des tarifs douaniers « prohibitifs » aux produits agricoles russes et biélorusses. Les céréales russes, qualifiées par l'UE de « source de revenus » pour Moscou, sont particulièrement visés.

    Cela peut surprendre alors que l’Union européenne, la France en tête, est l’un des plus grands producteurs de céréales au monde : les importations de céréales russes – blé, maïs, orge – ont quasiment doublé en un an. En 2023, 1,5 million de tonnes de céréales russes ont été importées dans l’Union européenne, contre 960 000 tonnes l’année précédente.

    Les céréales russes arrivent d’abord des ports du sud de la Russie vers les pays de la Méditerranée. L’Italie est le premier client européen (423 000 tonnes, essentiellement du blé dur), devant la Grèce (237 000 tonnes) et l’Espagne (166 000 tonnes). Quelques milliers de tonnes passent ensuite par la route, via les pays baltes, Lettonie en tête (263 000 tonnes).

    « Politique commerciale agressive de la Russie »

    Plusieurs facteurs expliquent ces chiffres. D’abord, parce que, contrairement au pétrole, à l’acier ou au diamant visés par les sanctions depuis l’invasion russe de l’Ukraine, les céréales russes entrent librement sur le territoire européen, et ne paient quasiment pas, voire aucuns droits de douane.

    Ensuite, parce que les dernières moissons en Russie ont été très bonnes. Les stocks de blé sont pleins et Moscou peut mener une offensive sur les prix. « Il y a une politique commerciale très agressive de la Russie qui force, d'une certaine façon, la main des acheteurs, en proposant des prix toujours plus bas, en dessous des cotations de référence », analyse Philippe Heusèle, porte-parole d’Intercéréales qui représente les professionnels de la filière en France.

    « On sait que les intérêts portuaires et céréaliers russes sont très proches du pouvoir et donc on a là la traduction d'une volonté politique du Kremlin de faire des céréales une arme alimentaire pour venir plomber le marché européen d'une certaine manière », ajoute-t-il.

    Déstabilisation du marché européen

    Si les importations de céréales russes restent limitées en volumes – par rapport aux 272 millions de tonnes produites dans l’Union européenne en 2023 –, la politique de Moscou sur les prix contribue à déstabiliser le marché européen, déjà mis à mal par l’importation des céréales ukrainiennes. C’est cette offre abondante qui explique, en partie, la chute des cours : le blé a atteint son niveau le plus bas depuis trois ans et demi.

    La Commission européenne, pressée par plusieurs pays à agir (République tchèque, Pologne, pays baltes) s’est décidée à taxer les céréales russes. La proposition, qui doit encore être entérinée par une majorité des États membres (quinze pays représentant 65% des États membres), prévoit d’imposer des droits de douane à 95 euros par tonne ou à 50% de la valeur des céréales, des huiles ou des produits qui en sont dérivés. La taxe ne concernera que les céréales destinées au marché européen (celles qui ne font que transiter par l’Union européenne ne seront pas taxées au nom du respect de la sécurité alimentaire).

    Bruxelles souhaite « assécher » les revenus permettant à Moscou de financer sa guerre en Ukraine et ainsi rétablir une concurrence « plus saine » sur le marché européen. Le signal est aussi politique. À moins de trois mois des élections européennes, et alors que la grogne touche encore certains pays comme la République tchèque ou la Pologne, Bruxelles entend montrer qu’elle se tient aux côtés des céréaliers.

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  • En raison du durcissement des sanctions occidentales, la Russie est à la peine pour encaisser les revenus du pétrole qui financent sa guerre contre l'Ukraine. L'étau se resserre-t-il enfin autour de la machine à cash de l'économie russe ?

    Plusieurs signaux l'indiquent : le porte-parole de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov, a reconnu que les paiements prenaient du retard à cause des sanctions dites secondaires. Il évoque les menaces de rétorsion proférées fin décembre par le Trésor américain contre les banques qui ne respecteraient pas scrupuleusement les sanctions.

    Un message reçu cinq sur cinq en Chine, aux Émirats arabes unis ou en Turquie. Dans ces pays amis de la Russie, plusieurs banques ont suspendu un certain nombre de comptes russes. Celles qui acceptent encore de travailler avec des intermédiaires russes redoublent de prudence et mettent donc plus de temps, des semaines, voire des mois, pour décaisser les paiements des transactions avec Moscou.

    Les importations indiennes de brut russe en recul

    Deuxième tour de vis en Inde : les raffineurs ont banni la plus grande société russe de transport de brut. La Sovcomflot a été interdite par Reliance, le plus grand raffineur privé, puis par l’ensemble de ses concurrents publics ou privés. La société transportait environ 15% du brut russe destiné à l’Inde. L’Inde qui est devenu le deuxième importateur de l'origine Oural, après la Chine, depuis la mise en place des sanctions, est en train de diversifier son approvisionnement. Ses importations russes ont baissé en volume depuis décembre et ont été compensées par des achats de brut irakien. Dans les prochaines semaines, l'Inde attend aussi une importante cargaison de brut américain.

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    L’étau se resserre, les revenus pétroliers de la Russie sont en baisse, mais pas assez pour remettre en cause le financement de la guerre du Kremlin. La guérilla juridico-commerciale contre le pétrole russe ayant donné des résultats jusqu’ici assez mitigés, l’Ukraine est passée en janvier à l’action militaire. Elle a sérieusement endommagé des raffineries russes avec ses tirs de drones mais en a immédiatement payé le prix. Les tirs de représailles de l’armée russe ont détruit environ 20% de ses capacités électriques.

    Le cours du pétrole déterminant dans cette guerre

    La guerre de l’énergie ne fait que des perdants, sur le champ de bataille comme dans l'économie. Au-delà des dommages et des pertes humaines endurées par l’Ukraine, et par la Russie, l’Occident craint par-dessus tout que la destruction des infrastructures pétrolières stratégiques de la Russie ne fasse flamber les cours. Ce serait une nouvelle punition pour l'économie occidentale, surtout pour l'Europe déjà affaiblie par la hausse du gaz.

    Pour mettre à genoux la Russie, il faudrait surtout favoriser la chute des cours, recommande Andriy Yermak, conseiller de Volodymyr Zelensky. Dans une tribune publiée le 27 mars par le Wall Street Journal, il rappelle que la descente aux enfers du marché pétrolier de 1986 – quand le baril ne valait plus que dix dollars – a précipité l’effondrement de l’Union soviétique. Aujourd'hui, le baril est à 85 dollars, un niveau confortable pour la machine de guerre du Kremlin.

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  • Le Sénégal de Bassirou Diomaye Faye sera-t-il le premier pays à abandonner le franc CFA ? C’est l’une des promesses phares du nouveau président. Mais qu’il entend mener en prenant son temps.

    Enterrer le franc CFA pour retrouver sa souveraineté monétaire, rompre l'un des derniers liens de sujétion avec l’ancienne puissance coloniale, c’est un sujet très populaire parmi la jeunesse ouest-africaine. Un geste qui serait très fort sur le plan politique, mais lourd de conséquences économiques. Une rupture brutale pourrait faire fuir les investisseurs et précipiter le pays dans une crise financière. Pas vraiment ce dont a besoin le Sénégal. Pas plus que les sept autres pays partageant cette monnaie. Même les trois pays dirigés par des juntes militaires, le Mali, le Niger et le Burkina Faso, n'ont pas osé franchir le Rubicon. Ils veulent quitter la Cédéao, la Communauté des États d'Afrique de l'Ouest qui les a sanctionnés, mais pas question pour le moment de sortir du CFA. Fort de la légitimité des urnes, Diomaye Faye devient un porte-voix régional d'un mouvement jusqu'alors très populaire dans la rue, mais pas du tout assumé au niveau des dirigeants.

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    L’approche prudente privilégiée par Diomaye Faye

    Il reste cependant très précautionneux. Il souhaite d’abord se concerter avec les pays concernés par l'éco, la future monnaie commune de l'Afrique de l'Ouest. Une approche conforme à l'esprit de la réforme du franc CFA entérinée en 2020 par Alassane Ouattara et Emmanuel Macron. Les pays membres de la zone franc ont alors prévu d'abandonner le CFA au profit de l'éco. La date butoir de la création de l'éco est fixée à 2027. Elle pourrait encore être repoussée, car les discussions durent depuis trente ans. Chacun sait que parvenir à un accord exige de gros efforts de convergence économique et budgétaire entre les quinze pays intéressés. Si les conditions ne sont pas réunies au niveau régional, « le Sénégal pourrait considérer l'option de cette monnaie nationale », nous a indiqué Cheikh Fatma Diop, qui a coordonné le programme économique du Pastef. Au préalable, nous explique l'économiste, le Sénégal devra assainir ses comptes publics en renégociant sa dette, améliorer la balance commerciale aujourd'hui déficitaire et se constituer des réserves d'or pour garantir la future monnaie. Un processus qui prendra plusieurs années.

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    Une monnaie aux avantages controversés

    Depuis la réforme, le contrôle effectué par Paris a quasiment disparu. Les pays membres de l’UEMOA ne sont plus contraints de maintenir la moitié de leurs réserves dans les livres de compte du Trésor français et il n’y a plus de représentants français au sein des instances de gouvernance de la monnaie commune aux huit pays d’Afrique occidentale. Demeure le nom, le franc CFA, un symbole encombrant qui circule tous les jours dans les mains des usagers. Et la parité garantie avec l’euro. Une assurance appréciée par les opérateurs qui utilisent cette monnaie. Mais pas très adapté à un pays souhaitant favoriser les exportations.

  • Le déficit de l’État français a atteint 5,4% en 2023, a annoncé l’Insee. Ce chiffre finalement bien supérieur aux prévisions initiales du gouvernement provoque un vaste débat sur les comptes publics. Avec un gouvernement critiqué de toutes parts pour les causes comme pour les remèdes envisagés.

    Les comptes de la France sont dans le rouge. Le ministre de l’Économie Bruno le Maire avait lui-même annoncé la couleur en février en préparant l'opinion à des coupes de 10 milliards d’euros dans les dépenses pour limiter la casse. La semaine dernière, la Cour des comptes a enfoncé le clou en soulignant que la France était sur la troisième marche du podium des pays les plus endettés de la zone euro. Depuis, l’opposition se déchaine. La France serait sur la même pente que la Grèce selon les Républicains.

    L'improbable menace d'une crise de la dette

    La dérive des comptes publics français entamée il y a trente ans parait impossible à endiguer. La France ne sera pas en mesure de revenir dans les clous d'ici la fin du mandat du président Macron, c'est-à-dire à un déficit inférieur à 3 % selon la règle de la zone euro. Mais cela ne signifie pas pour autant que la crise de la dette menace la France. Rien à voir avec la crise qui a secoué la zone euro dans les années 2010. La dette française demeure très appréciée des investisseurs. L'écart avec les taux allemands, un indicateur très suivi par les marchés, n'a pas bougé depuis un an. Pas de panique donc dans les jours qui viennent. La perspective des prochaines semaines inquiète davantage le gouvernement. Un déficit au-dessus de 5 % pour 2023 comme pour 2024, pourraient conduire les agences de notation à revoir leur note à la baisse. Et si la note baisse, les taux grimpent. L’addition du service de la dette sera alors beaucoup plus lourde à régler.

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    Quelles pistes pour redresser les comptes

    La plus agréable pour tout le monde, celle sur laquelle comptait le gouvernement, c’est la croissance, car quand le PIB augmente, le déficit est relativement plus petit. Mais ce scénario idéal s’éloigne de jour en jour. Le gouvernement a révisé à la baisse sa prévision à 1 %. Pour rééquilibrer les comptes, il faudra donc employer la manière forte : dépenser moins ou taxer davantage. On connait la religion de Bercy en la matière : il faut freiner les dépenses publiques. Bruno Le Maire se fait le chantre de la sobriété dans l’essai qu’il vient de publier. La rigueur n'est pas sans risque : elle peut casser le peu de croissance escompté. Le remède serait pire que le mal.

    La hausse des impôts en débat

    C’est une ligne rouge pour le président Macron qui se refuse à augmenter les impôts, il a même promis un allègement aux classes moyennes. Mais l’idée chemine. Y compris dans la majorité. La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet évoque une taxe exceptionnelle sur les superprofits des grandes entreprises. La balle est aujourd’hui dans le camp de Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie.

  • L’Éthiopie veut, elle aussi, profiter de la vague du bitcoin en accueillant sur son territoire les entreprises de minage. Est-ce vraiment la nouvelle terre promise du bitcoin, comme l’affirment les acteurs chinois de cette industrie ?

    L’Éthiopie interdit l'usage du bitcoin, mais autorise son minage depuis 2022. Depuis, le pays est devenu la nouvelle frontière de ce rouage essentiel de la crypto monnaie. Essentiel pour créer de nouvelles unités de monnaie et pour valider chacune des transactions. Ces opérations effectuées via des serveurs exigent beaucoup, beaucoup d’électricité. Or l’Éthiopie avec son GERD, le « Grand barrage de la renaissance éthiopienne » a un potentiel pharamineux, qu’elle entend exploiter au maximum. D’où la signature d’un protocole d’accord avec 21 sociétés de minage en février dernier, pour la plupart chinoises. Elles paieront la facture en devise, c’est ce qui motive l’État éthiopien. Il est aujourd’hui aux abois, en défaut de paiement, et cherche donc par tous les moyens à faire rentrer des dollars.

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    Une électricité à un prix garanti

    L’Éthiopie a beaucoup d’avantages à faire valoir. D’abord une source sûre de courant grâce au barrage. À un prix fixe garanti, stipule le protocole signé en février. Au Texas, la première région au monde du minage, le prix est sensiblement le même, mais il varie fortement au gré du marché. Ensuite, l’Éthiopie joue la carte du climat, ses températures modérées sont propices à une activité qui supporte mal les grosses chaleurs. L’origine hydro-électrique du courant est un plus pour une industrie accusée de polluer l’atmosphère en utilisant une électricité en grande partie d’origine fossile. L'Éthiopie a enfin un atout diplomatique avec les mineurs chinois. Car Pékin a construit et financé le grand barrage de la renaissance et c’est le premier créancier bilatéral de l’Éthiopie. Un lien qui les rassure, ils voient déjà ce pays comme un sanctuaire.

    Le minage de plus en plus rejeté

    Car le minage est aussi très controversé et souvent rejeté, à cause de ses besoins dévorants en électricité. La Chine, l'ex-empire du minage, régulièrement soumise à des coupures de courant, l’a banni en 2021. L’Iran et le Kazakhstan ont pris le relais avant de changer d’avis sous la pression de la population, excédée par les pannes à répétition. L’Islande envisage aussi de renvoyer les mineurs qui consomment autant que la population de l'île, car l'île arctique a, elle aussi, renoué l'an dernier avec les pics de consommation et les pannes, ce qui a durement affecté la pêche, la première industrie du pays. Le minage est ainsi devenu une activité de paria, précaire, susceptible d’être expulsée du jour au lendemain.

    Une menace pour la sécurité énergétique de l’Éthiopie

    La sécurité énergétique de l’Éthiopie pourrait, elle aussi, être menacée par cette industrie. C’est la grande inconnue et donc le talon d'Achille du projet. Le barrage a un potentiel indéniable, mais il a aussi des contingences, quand le niveau de l’eau baisse, la production est moindre, les délestages sont à craindre dans un pays où seulement la moitié de la population est raccordée au réseau.

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