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C'est l'un des plus grands marchés en plein air d'Afrique de l'Ouest. Le marché international Dantokpa, qui s'étend sur une vingtaine d'hectares depuis plus d'un siècle d'existence à Cotonou, doit être fermé. Un projet annoncé en 2018 par les autorités béninoises. Ses commerçants seront déplacés vers de nouveaux marchés, dont plusieurs sont déjà en construction. Parmi les commerçants, les avis sont partagés.
Avec notre envoyée spéciale à Cotonou,
On dirait presque une ville dans la ville. Produits vivriers, électroménager, pagnes, bijoux, etc. On trouve de tout dans l'immense dédale des allées encombrées du marché de Dantokpa de Cotonou, au Bénin. Depuis 30 ans, Prisca tient la boutique de vêtements héritée de sa mère. Elle ne s’inquiète pas du futur de son activité : « Comme le gouvernement a décidé de construire d'autres marchés pour nous, c'est bien. Même si on se déplace, ce qui est sûr, on continuera à vendre ça, c'est clair et net. » D’autant que les conditions de travail actuel ne sont pas idéales, décrit-elle : « Parce qu'ici, il y a trop d'incendies, c'est trop serré. Sincèrement moi du fond du cœur, je préfère quitter ici. Et j'ai vu les autres marchés de l'est, je suis parti dans le marché de Midombo, j'ai vu qu'il y a de la place et de l'espace. C'est le côté sanitaire que j'ai vraiment aimé, c'est bien propre. »
Incendies et insalubrité font partie des arguments avancés par les autorités béninoises pour ce projet de longue date. Mais les commerçants, qui doivent être réinstallés ailleurs, ne voient pas tous le projet d'un bon œil. « On n'a pas de date fixe, on nous dit seulement tantôt un an, tantôt six mois, tantôt c’est trois mois, on est toujours là ! On est en train de supplier le président de nous réaménager le marché et non de le déloger », lance Josée. Une cliente non loin de là est venue acheter du manioc. Elle s'interroge : « Le nouveau marché là, c'est où ? Si c'est loin, moi, je ne peux pas y aller ! »
Encore beaucoup d'interrogations pour les commerçantsCette délocalisation annoncée depuis longtemps crée des inquiétudes. « Nous ne sommes pas d'accord. On ne déplace pas un marché comme ça. Si on le déplace, je suis sûr qu’il ne sera pas animé comme avant. Les gens ne dorment pas à cause de ça »,se plaint Ibrahim. Inquiétude de certains commerçants, mais également interrogations des clients qui ont leurs habitudes, comme Chantal, venue acheter du poisson et un seau. « Les rumeurs que l’on a, c'est que selon ce que chacun vend, il sera délocalisé dans un endroit différent : vendeurs de pagnes, bijoux, assiettes, peut-être ailleurs aussi. Ça va être un peu compliqué parce qu’on peut vouloir n'importe quoi et au marché, on est sûr de le trouver. Donc séparer par catégorie de produits, ça va être compliqué »,souligne-t-elle.
« Mais s'ils délocalisent et qu’ils amènent dans un endroit plus propre où il y a tout ensemble, je crois que ce n’est pas mal »,convient-elle. Certains commerçants du marché de Dantokpa veulent encore des éclaircissements. Ils se demandent s'ils auront bien une place dans les nouveaux marchés, et à quel tarif.
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Le conflit dans l’Est de la RDC et la mainmise de la rébellion pro-rwandaise du M23 sur ses richesses minières était dans toutes les conversations lors de Mining Indaba, le sommet annuel consacré au secteur minier africain, du 9 au 12 février au Cap.
Comme chaque année, la délégation congolaise était bien représentée au Cap. Le ministre des Mines, Kizito Pakabomba, présent en personne, ainsi que la Première ministre Judith Suminwa Tuluka, dans un message vidéo, ont pu dénoncer ce qu’ils qualifient de « pillage des ressources » dans l’Est de la RDC. Des accusations que rejette le président du Rwanda Paul Kagame, mais qui ont été bien documentées par les experts de l’ONU, ainsi que par Global Witness.
« Il y a toujours eu un marché international pour ces minerais et toutes les personnes qui ont successivement eu le pouvoir dans la région ont contribué à ce problème, reconnaît Emily Stewart, membre de l’ONG. Ce n’est donc pas un phénomène qui aurait émergé avec le M23. Mais la façon dont ces minerais sont de plus en plus demandés a contribué à augmenter la présence de groupes comme le M23 dans la région. Seulement 10% du coltan certifié rwandais provient vraiment du Rwanda. Le reste vient de RDC. Il passe clandestinement de l’autre côté de la frontière et est ensuite certifié comme s’il venait d’une mine rwandaise. »
Investisseurs exposésLe trafic, qui a pris de l’ampleur à partir de la mine de Rubaya, échappe donc aux outils de traçabilité mis en place jusqu’à présent. Une administration parallèle permet de vendre ce coltan, qui esquive les taxes publiques congolaises et se retrouve dans les téléphones et les ordinateurs du monde entier. Un circuit illégal qui interroge la responsabilité des investisseurs.
« À mon avis, il est complètement naïf de penser qu’en tant qu’investisseurs, nous ne sommes pas exposés à des industries et des secteurs qui utilisent des minerais venant de différentes zones de guerre dans le monde, souligne Adam Matthews, qui supervise les placements du fonds de pension de l’Église d’Angleterre. En RDC, on observe l’escalade d’un conflit ouvert à Goma, avec certains minerais de la région qui rejoignent les chaines d’approvisionnement mondiales. On doit tous se pencher là-dessus. »
« Dommageable pour l’image de la RDC »La crise dans l’Est congolais pourrait aussi avoir un impact sur l’attrait des investisseurs pour le secteur minier du pays, alors que la RDC avait déployé beaucoup d’efforts, ces dernières années, pour améliorer le climat des affaires. « Dire que ça n’a pas d’impact sur le moral des gens à Kinshasa, le moral des investisseurs, que ce n’est pas un frein aujourd’hui à l’ouverture de la RD Congo, serait faux, observe Henri Wazne, le directeur général de la SofiBanque. La vérité c’est que, certes, l’est du Congo est loin du Katanga, mais c’est le même pays, et c’est dommageable pour l’image de la RD Congo. »
Les parlementaires européens ont, depuis, voté en faveur d’une résolution pour réclamer que l’Union européenne suspende l’accord sur les minerais, signé l’année dernière avec le Rwanda.
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Manglende episoder?
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Le « Mining Indaba », l’incontournable rendez-vous des acteurs miniers, vient de se tenir au Cap, en Afrique du Sud. Sujet de taille cette année : la nouvelle donne dans les pays de l’AES. Les États de l’Alliance du Sahel se sont lancés dans un bras de fer, parfois brutal, avec les compagnies minières, afin de tirer davantage de revenus de l’exploitation des ressources du pays. Une situation qui questionne la continuité des activités en cours, et l’avenir des investissements.
De notre envoyée spéciale au Cap,
Au Mali, après la révision du Code minier, en 2023, Assimi Goïta entend « faire briller l’or », selon son expression, en employant la méthode forte. Trois cadres de la société australienne Resolute Mining, dont le PDG, ont été détenus puis relâchés, en novembre, sur fond de désaccord fiscal. Quatre employés du groupe canadien Barrick Gold sont, eux, toujours incarcérés, et l’entreprise a suspendu ses activités au niveau de sa très grande mine de Loulo Gounkoto, après la saisie de trois tonnes d’or.
Le canadien s’est lancé dans une procédure d’arbitrage suite à l’échec de négociations. Pour son PDG, lui aussi sous le coup d’un mandat d’arrêt, Bamako prend le risque de faire fuir les investisseurs miniers. « Aucun des pays très bien dotés en minerais n’a reçu de gros investissements dans son économie sur les dix dernières années. Et pourtant ils continuent de vouloir augmenter les redevances », souligne Mark Bristow.
Agenda nationaliste et prix de l'or au plus hautLe Mali n’est pas le seul à mener ce combat : le Burkina Faso menace de retirer aux multinationales leurs permis, une étape déjà franchie par le Niger qui a privé, l’année dernière, le groupe français Orano de son autorisation pour exploiter le site d’Imouraren. « On peut observer beaucoup de similarités entre le Mali, le Burkina et le Niger, et la tendance va au-delà du simple rééquilibrage des relations commerciales entre un État et des entreprises, décrypte Mamadou Coulibaly, du cabinet Satis Partners sur la scène du Mining Indaba. Dans ces trois pays, on a de gros défis sécuritaires, ce qui demande beaucoup de fonds pour y répondre, dans un contexte où l’aide de donneurs occidentaux s’est tarie. Et au-delà de tout cela, il y a la place que prend l’idéologie et les ambitions nationalistes que l’on peut observer chez ces dirigeants de transition. »
D’autres sociétés parviennent, elles, à trouver un terrain d’entente avec ces régimes, à l’image de B2Gold. Grâce à un accord avec la junte malienne et un paiement de 30 millions de dollars, la compagnie canadienne continue à développer son site de Fekola, qui répond aux règles de l’ancien code minier. « Tout le monde fait face à des situations différentes, avec des projets aux passés divers, qui correspondent à différents codes miniers. Pour notre part, nous avons pu conclure cet accord très important avec le gouvernement en septembre. Donc, je dirais que les relations sont très bonnes. Le gouvernement veut la même chose que nous : soutenir une production réussie à Fekola, et permettre l’expansion de la mine », explique le PDG de B2Gold, Clive Johnson.
Il faut dire que le prix de l’or est actuellement au plus haut, ce qui encourage les entreprises minières à continuer leur exploitation. Mais face à ces nouvelles contraintes, se pose la question de l’appétit pour des projets futurs et des dépenses d’exploration.
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Le Mining Indaba, l’incontournable sommet sur les mines en Afrique, s’est déroulé au début du mois dans la ville du Cap, en Afrique du Sud. Selon les estimations, le continent détient 30 % des réserves en minerais critiques, essentiels pour la transition énergétique. Parmi les grands habitués du salon : les Américains, qui envoient habituellement une importante délégation. Cette année, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche semble modifier les dynamiques et les partenariats pourraient évoluer.
Avec notre envoyée spéciale au Cap,
La délégation américaine s’est réduite comme une peau de chagrin, cette année, tant sur la scène du Mining Indaba que dans les allées du salon. Seul représentant à prendre la parole : Scott Woodard, le secrétaire adjoint par intérim spécialisé sur les questions de transformation énergétique auprès du département d’État. Il est resté très vague sur la politique minière à venir. « Un des décrets signés par le président dès ses premiers jours au pouvoir concerne l’extraction et la transformation de minerais, surtout aux États-Unis. Mais si on le lit de plus près, il y est aussi fait mention, à de multiples reprises, des partenariats internationaux et de la coopération avec d’autres nations », a déclaré le diplomate.
La nouvelle administration ne s’est pas encore totalement installée et on attend toujours la nomination de l’équipe Afrique de Donald Trump, bien que son ancien envoyé spécial pour le Sahel et les Grands Lacs, Peter Pham, soit pressenti. Selon les experts, le corridor de Lobito devrait continuer à être développé. La modernisation de cette ligne ferroviaire, pour faciliter le transport des minerais de la RDC et de la Zambie vers l’Angola afin de les exporter depuis la côte ouest du continent, rentre dans la logique de concurrence avec la Chine.
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Poursuite des aides et garanties ?« Les compagnies continuent, mais elles ont souvent besoin de certains mécanismes d’aide de l’État américain, pour “dérisquer” certaines transactions qui pourraient être dans des pays compliqués, ou des nouveaux marchés », analyse Vincent Rouget du cabinet Control Risk. « On voyait souvent l’État américain intervenir, soit par le biais de la diplomatie, pour faciliter les échanges, les négociations, soit par le biais d’aides financières ou de garanties de prêt. Et là, on a un point d’incertitude : est-ce que ça va continuer ? Pour l’instant, c’est trop tôt pour le savoir », poursuit-il.
Côté sud-africain, le ministre des Mines, Gwede Mantashe, souhaite durcir le ton, pour répondre au gel de l’aide américaine décidée par Donald Trump. « S’ils ne veulent plus nous donner d’argent, ne leur donnons pas de minerais. Nous avons des minerais sur ce continent, donc nous possédons quelque chose, nous ne sommes pas de simples mendiants. Nous devons utiliser cette richesse à notre avantage, en tant que continent », a-t-il affirmé fermement. Les doutes planent aussi au-dessus de la volonté des États-Unis de continuer à développer les chaînes de valeur ajoutée en Afrique, comme dans le cadre de l’accord signé avec la Zambie et la RDC, pour fabriquer sur place des batteries électriques.
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À Rome, en parallèle du rendez-vous annuel du Fonds international de développement agricole (Fida), s’est tenu la semaine dernière le Forum des peuples autochtones. Si les deux évènements s’inscrivent ensemble, c’est que le Fida est persuadé du rôle à jouer de ces populations dans la lutte contre la malnutrition. Cependant, leurs connaissances et pratiques sont mises en péril. Pour les aider, l’accès à la finance internationale et notamment à la finance climatique devrait être un levier important.
Les peuples autochtones évaluent que 1 % seulement de la finance climatique leur revient directement. « Souvent, les structures multilatérales et bilatérales ne sont pas suffisamment flexibles pour donner un accès direct aux organisations des peuples autochtones », souligne Ilaria Firmian, analyste senior sur ces questions au sein du Fida. Elles préfèrent donner aux « grandes ONG internationales » sans doute, entre autres, par « manque de confiance envers les organisations des peuples autochtones ».
Un diagnostic partagé par le Congolais Albert Barume, rapporteur spécial des Nations unies sur les peuples autochtones. « Il y a toute cette discussion de financer les organisations autochtones, par intermédiaire, de penser qu’ils ne sont pas capables de gérer, de tenir des comptabilités », rappelle-t-il. « Il y a toutes ces perceptions qui font préjudices et qui sont stockées dans nos subconscients, analyse cet expert. Tous ces outils que l’on met en place finissent par discriminer certaines personnes. »
Pour lui, pas de secret, il faut permettre un accès plus direct aux financements à ces populations. « S’il n’y a pas diminution, allégement ou simplification de ces procédures, je ne pense pas que ces mécanismes de financement seront justes », estime le rapporteur spécial. Un défi qui reste quasi entièrement à relever selon lui : « On est dans ce paradigme de penser que pour accéder à un financement, il faut être en mesure de remplir tel formulaire, de tenir une certaine sorte de comptabilité, de suivre certaines règles, d’avoir un minimum de connaissances. Donc, on continue à nourrir les mêmes cibles et on ignore une grande masse qui n’a pas ces capacités. »
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L'Ipaf, un mécanisme pour financer des projets des peuples autochtones aux moyens insuffisantsPour lutter contre ce phénomène, le Fida a mis en place, il y a quelques années, le mécanisme d’assistance pour les peuples autochtones (Ipaf). C’est « un mécanisme dans lequel on donne des petits dons directement à des projets qui sont formulés et mis en œuvre par des communautés autochtones elles-mêmes, détaille Ilaria Firmian. Et on reçoit un nombre incroyable de demandes ! »
Cependant, difficile de trouver les financements qui permettent de combler les besoins. « C’est un mécanisme qui est reconnu pour bien fonctionner. Mais, par exemple, pour le dernier cycle, nous avons reçu quelque chose comme 650 propositions et on a été en mesure d’en financer 53 », regrette-t-elle. Le Fida finance, par exemple, en Éthiopie, un projet axé sur la préservation de l’Ensete, une sorte de banane locale dont les racines sont consommées, très résistante, mais menacée notamment par les nouveaux types d’agriculture.
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Les Églises évangéliques de Côte d’Ivoire ont un recours accru aux réseaux sociaux. Chaînes WhatsApp, vidéos TikTok, captations de prêches diffusés sur YouTube, ou encore live sur Facebook ; depuis la pandémie de Covid, les pasteurs usent de tous les outils pour lever des fonds et toucher une plus large audience.
De notre correspondant à Abidjan,
4h45 du matin à Abidjan… comme presque chaque matin depuis six ans, le pasteur Martial Aké M'bo réveille ses ouailles sur Facebook pour L’heure des vainqueurs depuis sa villa du quartier aisé de Riviéra Palmeraie.
Assis à sa table à manger, entouré de ses proches, de deux tablettes et d’au moins deux smartphones, le leader religieux prêche plusieurs centaines de fidèles de Côte d’Ivoire et d’une quinzaine de pays du monde entier. Au programme, louanges, prières, chants… Le pasteur et son équipe de prières tapent des mains pour souhaiter guérison, mais aussi réussite financière pendant soixante-quinze minutes de live, entrecoupées des réactions des personnes connectées.
Appels aux donsÀ cinq minutes de la fin du programme, Martial Aké M'bo sollicite les offrandes de ces dernières, pour soutenir la mission de l’Église – des dons envoyés via les applications de transfert monétaire, comme Wave, Orange Money ou MoMo. Une paille pour ce pasteur : « Sur les 800 à 1 000 personnes connectées, il n’y en a peut-être qu’une vingtaine qui me donne quelque chose ; sur un mois, ça ne représente que 1 000 euros par mois », assure celui qui arbore une montre U-Boat Chimera au poignet et possède deux SUV, un BMW X-3 et un Range Rover, dans son garage. Le plus important serait, à l’en croire, l’audience.
Pendant son direct, Martial Aké M'bo multiplie ainsi les appels au partage, une manière d’engager d’autres personnes, mais aussi de faire croître son Église. « En partageant, les gens voient forcément des parents, des amis, donc quand j’ai commencé à organiser des programmes à Paris ou à Denver par exemple, ça a été très facile, estime l’homme de Dieu. Dès que je lance sur ma plateforme qu’il y a prière tel jour, à tel endroit, il n’y a plus de place. »
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Influenceurs et bâtisseurs d’ÉglisesDes suiveurs, le chef de l’Église Mission Chrétienne Réconciliation en compte actuellement 120 000 sur Facebook uniquement. Martial Aké M'bo est plutôt un « poids moyen », du moins en comparaison avec Camille « Général » Makosso, l’un des influenceurs évangéliques les plus connus d’Afrique francophone. Ce dernier compte 5 millions de suiveurs en cumulé sur toutes ses plateformes (Facebook, Instagram, Tiktok) en janvier 2025.
Une audience qui peut s’avérer lucrative – dans l’émission Peopl’Emik sur la chaîne publique La 3, le révérend Makosso a assuré avoir reçu une « dîme » de 140 millions de francs CFA (213 000 euros) de la part d’un footballeur professionnel. Une richesse parfois exhibée, comme lors d’une croisière d’Italie jusqu’à Malte, lors de laquelle Camille Makosso dit suivre une semaine de jeûne à bord d’un paquebot de luxe.
Derrière le « bling-bling », Camille Makosso et d’autres influenceurs évangéliques, tels que Gédéon de la Tchetchouvah, ont littéralement pu bâtir leurs lieux de cultes, selon Sosthène Touré, sociologue spécialiste des religions à l’université de Bouaké. « C’est grâce à leur influence que ces religieux-là ont pu lever des fonds et avoir des personnes mécènes qui ont pu venir en aide à la construction de ces édifices », analyse-t-il. Contacté par RFI, Camille Makosso, actuellement en déplacement, n’a pas commenté dans l’immédiat.
De YouTube aux méga-rassemblementsAutre manifestation dans l’économie réelle : fin décembre 2024, deux religieux très connus des réseaux ont joint leurs forces à Abidjan, le pasteur Mohammed Sanogo et sa puissante Église Vases d’Honneur, d’un côté, et le youtubeur et podcasteur évangélique burundais Chris Ndikumana, de l’autre. Le premier a en partie facilité la venue du second à Abidjan, en compagnie de deux autres pasteurs influents, le Français Jérémy Sourdril et le Canadien Frank Poulin, deux têtes d’affiche de la chaîne de télévision chrétienne francophone EMCI TV.
Le résultat : la « croisade Kanguka », un méga-rassemblement de 300 000 personnes à Songon, dans l’ouest de la capitale économique ivoirienne, selon les estimations des organisateurs. Le tout sans campagne de publicité, mais avec la promesse de « miracles » et de « guérisons ». Selon Sosthène Touré, l’objectif poursuivi par les deux hommes était de partager leur visibilité et de renforcer mutuellement leur influence internationale.
Un coup qui a un coût : sur la base de devis obtenus par RFI auprès de sociétés d’évènementiel, la seule location des équipements pourrait avoir coûté au moins 100 millions de francs CFA (150 000 euros). Contacté par RFI, l’un des prestataires de l’évènement dit avoir offert « une remise » compte tenu du caractère religieux du rassemblement, sans confirmer les montants réels engagés. D’après Chris Ndikumana, ce sont les offrandes des croyants qui ont permis cette organisation, aucun appel aux dons n’ayant été lancé durant l’évènement.
L’influenceur burundais avait déjà rassemblé des dizaines de milliers de personnes auparavant au stade de l’Amitié de Libreville en juillet 2024 et au stade de Japoma à Douala en novembre 2023, ce qui avait paralysé la circulation dans une partie de la seconde ville du Cameroun.
TransparenceReste que les ressources des Églises évangéliques demeurent un tabou, tout comme leur poids réel dans l’économie ivoirienne. Certaines sont pourtant de véritables entreprises, à l’image de Vases d’Honneur, ou de l’Église Protestante Baptiste Œuvres et Mission Internationale, du pasteur Robert Dion. Ce dernier dit employer un peu plus de 800 personnes – la grande majorité des pasteurs rémunérés 200 000 francs CFA par mois, en plus d’avantages –, et posséderait des écoles de formation, un centre médical, ainsi qu’une radio et une télévision. Un « modèle classique », selon ses mots, mais qui demande « une bonne gestion administrative et financière » et plus de transparence dans l’usage des dons. « Beaucoup de jeunes Églises fonctionnent avec les réseaux sociaux, ça fait de la publicité, c’est à la mode, considère ce chef religieux actif depuis 1975. C’est plus facile pour attirer les gens et les inciter à donner. Souvent [sur les réseaux sociaux], on met en avant que tu vas guérir, que tu vas voyager… et dans l’euphorie, les gens donnent. Moi, à mon humble avis, je peux appeler ça de l’escroquerie ».
Ces derniers mois, plusieurs signes indiquent que les autorités ivoiriennes entendent renforcer le suivi des activités des cultes. Un recensement et une géolocalisation des associations, et notamment des Églises, sont en cours dans plusieurs régions de la Côte d’Ivoire. En 2018, près de 7 500 communautés religieuses ont ainsi été dénombrées rien que dans le district d’Abidjan, dont 4 250 Églises évangéliques.
Par ailleurs, une ordonnance adoptée en juin 2024 impose aux organisations de la société civile, dont les organisations cultuelles, de présenter chaque année un rapport d’activités, de déclarer leurs impôts et d'avoir un compte en banque dans un établissement financier ivoirien, entre autres. Le même texte prévoit en outre l’institution d’un Conseil supérieur consultatif des religions et des convictions. Contactée par RFI, la Direction générale des cultes de Côte d’Ivoire n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.
À écouter dans Religions du mondeAfrique: l’essor fulgurant des églises évangéliques et de réveil
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La Société nationale de pétrole du Congo, la SNPC, a lancé fin décembre 2024 un emprunt obligataire pour mobiliser sur le marché financier de l'Afrique centrale 100 milliards de FCFA afin de financer ses projets de forages dans trois champs pétroliers. Le dernier délai pour y souscrire est le 29 février prochain. Les patrons de la SNPC sillonnent les pays de la CEMAC. Ils étaient, le 11 février, à Libreville pour inviter les Gabonais à souscrire.
De notre correspondant à Libreville,
PowerPoint à l'appui, Maixent Raoul Ominga, directeur général de la Société national des pétroles du Congo (SNPC), explique aux hommes d'affaires du Gabon pourquoi souscrire à cet emprunt obligataire : « L'emprunt obligataire va servir à financer un projet très structurant pour la SNPC, notamment booster notre croissance et augmenter la production et servir réellement notre économie. Le taux de rentabilité est de 6,5%. Je pense que les épargnants devraient mettre l'argent sans crainte. »
Détenue à 100% par l'État congolais, la SNPC, créée en 2002 sur les cendres de l'ex-Hydro Congo, finançait ses opérations grâce aux emprunts sur le marché international. L'entreprise se tourne vers le marché régional suite à l'assèchement progressif des financements des énergies fossiles au niveau mondial. « Nous devons aussi regarder la réalité en face : les énergies fossiles sont encore nécessaires à nos économies », souligne Maixent Raoul Ominga. S'il affirme que le travail de la transition énergétique est en cours, il insiste : « On fait d'abord en sorte que nous puissions maîtriser les énergies qui sont disponibles et nous travaillons aussi sur les énergies d'avenir. »
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Une exonération d'impôt aux souscripteursLa SNPC devient le premier producteur de pétrole d'Afrique centrale à solliciter l'épargne de ressortissants de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale). Une satisfaction pour Yannick Mefane, directeur général de Premium Capital Securities, la société de bourse co-arrangeur de l'opération. « L'important ici, c'est de montrer que nous sommes capables de financer notre propre économie et que nous ne sommes plus obligés d'aller chercher des fonds à l'international. Fonds qui sont très, très coûteux », détaille l'expert.
À tous les souscripteurs, la SNPC a décidé d'exonérer de tout impôt leur rémunération. François Binet, expert financier de la sous-région, explique : « Sur toutes les opérations de type privé qui ont été faites sur le marché, l'investisseur a toujours supporté l'impôt. Or là, nous avons une société qui nous dit ''Venez investir votre argent, moi, j'assure derrière votre impôt''. C'est une opération très intéressante et très forte. »
Après la première phase de 100 milliards de francs CFA (152,4 millions d'euros), la SNPC reviendra sur le marché pour solliciter 200 autres milliards de francs CFA (304,8 millions d'euros) à une date encore non communiquée.
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Le 24 janvier, les États-Unis annonçaient le gel de l'aide au développement, à la stupéfaction des acteurs de terrain. Mardi 11 février, plusieurs agences onusiennes ont alerté contre « les effets néfastes » des coupes opérées et ont appelé Washington à conserver sa position de « leader » de l’aide internationale. La République démocratique du Congo (RDC) est l'un des premiers pays bénéficiaires d'Afrique subsaharienne, avec près d'un milliard de dollars injecté par l'USAID en 2023. Si les programmes des ONG internationales sont impactés, c'est sans doute l'économie des ONG nationales qui est la plus durement touchée par ces coupes temporaires qui pourraient durer.
« Il y a le respect qu'on peut avoir avec des partenaires. Ce n'étaient pas des esclaves de l'USAID, et avec un partenaire, on a des égards », souligne avec colère Augustin Karume. Il est à la tête de la représentation d'une association à Bukavu, en RDC, et il témoigne des difficultés face à la suspension des contrats d'un grand nombre de son personnel.
« Ils viennent au bureau et demandent ''comment ça va se passer ? Vous arrêtez les contrats brusquement, qu'est-ce que nous allons faire par exemple avec les banques pour lesquelles on a pris des crédits ? Nous faisons quoi ? », rapporte-t-il.
Lui-même est consultant pour d'autres organisations. « Moi aussi, je reçois des notifications pour dire que les contrats de consultance sont immédiatement arrêtés, les jours qui n'ont pas été prestés. Et puis voilà, on ne vous paiera plus. Moi, je vis comment ? », questionne encore Augustin Karume.
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Contrats suspendus et fournisseurs non payésUne mise au chômage des personnels en train d'être évaluée par le Forum des ONG nationales, le CONAFOHD. Le phénomène dans les organisations nationales risque d'être d'ampleur, indique Joseph Kakisingi, le coordinateur du Forum :
« Souvent, les agences nationales n'ont pas beaucoup de fonds de réserve. On a donc des engagements sur des projets. Quand vous avez un projet d'une année, de deux ans, de trois ans, que vous contractez sur base de ces projets-là et que l'on en plein milieu... C'est sûr qu'il y a déjà des gens qui voient leurs contrats suspendus parce qu'ils ne peuvent pas être payés, puisqu'ils dépendaient entièrement de ces financements-là. »
Ces aides américaines alimentaient toute une économie : loyers des ONG, véhicules, carburants et matériels pour les programmes de tous types engrais, semences ou outillages pour les déplacés... En conséquence, des ONG locales se retrouvent dans le rouge et dans l'incapacité de payer leurs fournisseurs. « Il arrive que certains aient déjà livré des choses. Il devrait être payé, mais il n'y a plus d'argent. J'ai une dizaine d'organisations qui m'ont déjà dit qu'elles sont dans ces situations-là, mais je sais qu'ils sont plus de dix », souligne Joseph Kakisingi. Les trésoreries sont à flux tendus.
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Trouver des solutions« Souvent, les agences nationales n'ont pas beaucoup de fonds de réserve, parce qu'elles les constituent au fur et à mesure. Souvent, les financements reçus ne donnent pas de frais de siège, ou de coûts indirects – comme cela peut être le cas pour les ONG internationales – qui constitueraient des fonds de réserve », détaille le spécialiste. « Face à des situations comme ça, les organisations pouvaient y recourir pour combler les gaps. Ils ont donc très peu de marge de manœuvre, et quand il y a une situation comme celle-là, ils sont dans une situation inconfortable. Parce qu'ils ne savent pas où est-ce qu'ils vont tirer l'argent », complète Joseph Kakisingi.
Les organisations locales tentent de rediriger leurs lignes budgétaires vers le plus urgent. Elles cherchent également de nouveaux financements via d'autres bailleurs internationaux, mais également via les dons de partenaires privés. L'administration américaine demande la discrétion sur les suspensions en cours. Plusieurs acteurs ont refusé de parler au micro, de peur de se voir sanctionner.
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L'intelligence artificielle (IA) est elle une menace pour l'emploi ? Les entreprises ont déjà commencé à s'en servir pour améliorer leur productivité. C'est particulièrement le cas dans le secteur des centres d'appels. Au Maroc, ce monde, en pleine expansion depuis une vingtaine d'années, emploie environ 110 000 personnes.
Les vastes bureaux d'Intelcia ont un petit air de fourmilière. Sur ce site, plus de 1 800 salariés sont à la tâche. Assistance technique, télévente, modération de contenu... Les demandes des clients sont nombreuses et variées. Pour améliorer sa productivité, la multinationale marocaine, rachetée par Altice en 2016 et déjà présente dans 18 pays, compte sur les apports de l'intelligence artificielle. « L'IA est arrivée dans les centres de contact il y a quelques années déjà, explique le directeur général d'Intelcia, Youssef el Aoufir. Ça s'est accéléré avec l'intelligence artificielle générative il y a deux ans. Beaucoup de choses impactent le métier au niveau de la performance et de la productivité. »
Analyse d'enregistrements par IAEn plus des chatbot – une IA qui répond aux questions des clients – qui existent déjà depuis plusieurs années, l'entreprise compte également sur l'intelligence artificielle pour scanner les CV et accélérer le recrutement dans un secteur où le turn-over est important, ou encore pour faire de l'analyse détaillée des milliers d'heures d'enregistrements de conversations téléphoniques entre les agents et les clients, afin de pointer les principales défaillances d'un collaborateur. « Ces technologies nous permettent d'aller très rapidement aux causes de cette déficience, qu'elle soit humaine, technologique ou liée à des process, poursuit Youssef el Aoufir. Ça permet d'aller directement à la cause. »
Dans son grand bureau du sixième étage, le directeur général d'Intelcia rappelle la croissance de l'entreprise. Le nombre d'employés est passé de 500 en 2006 à 40 000 aujourd'hui. Il assure que le recours à l'intelligence artificielle n'enraye pas la politique de recrutement.
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Moins d'interactions, moins de conseillers ?« Le secteur dans sa globalité ne l'observe pas. Quand vous prenez les chiffres, année après année, depuis l'arrivée de l'intelligence artificielle générative, il y a de la croissance. Et ça n'est pas un phénomène régional », insiste Youssef el Aoufir.
La crainte demeure chez les syndicats. « Un bon nombre d'interactions qui étaient traitées par le conseiller sont désormais réalisées via l'IA, explique Ayoub Saaoud, secrétaire général de la Fédération des centres d'appels. Qui dit diminution d'interactions et de flux dit diminution de conseillers. C'est une évidence. »
Un rapport récent a montré que la « durée moyenne de traitement », une donnée capitale dans le secteur des centres d'appels, a été diminuée de 14% grâce à l'utilisation d'outils liés à l'IA.
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Des pays comme le Maroc, le Kenya ou le Sénégal avancent à grandes enjambées sur la structuration des écosystèmes d'intelligence artificielle (IA) en misant sur les talents locaux. Les principaux défis du continent restent les financements d'infrastructures et de moyens pour collecter les données qui feront l'IA africaine.
Pour faire de l'intelligence artificielle, il faut des data centers (centres de données) qui permettent de stocker d'immenses masses d'informations. Il faut des supercalculateurs, sorte d'ordinateurs à très haute performance. Ce sont des infrastructures qui nécessitent des investissements lourds. Il faut également collecter de la donnée africaine, explique Paulin Melatagia, enseignant et chercheur en informatique à l'université de Yaoundé I :
« L'IA est bâtie sur la donnée. Si on a une donnée qui représente une certaine réalité, l'IA rendra compte de cette réalité-là. Il faut donc, pour rendre compte de la réalité africaine, disposer de données africaines. La collecte de données demande énormément de moyens. Il faut déjà des experts, il faut des ressources matérielles, il faut des financements pour aller sur le terrain, pour déployer les outils qui vont permettre cette collecte-là. »
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L'Afrique, pourvoyeuse de talentsPour le chercheur, les ingénieurs africains doivent être des concepteurs capables de proposer de nouveaux algorithmes, et non plus seulement des consommateurs d'interfaces créées par les grands groupes comme OpenAI. « On a une jeunesse dynamique qui apprend très vite l'intelligence artificielle. Et à travers le monde, il y a une tension énorme sur les talents de l'IA. Donc, l'Afrique peut jouer un rôle de pool de talents de l'IA pour le monde entier », s'enthousiasme Ghita Mezzour, l'ancienne ministre de la Transformation numérique du Maroc aujourd'hui consultante en intelligence artificielle.
Le Maroc compte notamment sur sa prestigieuse université Mohammed-VI-Polytechnique pour attirer de nombreux talents africains. La difficulté, pour ces ingénieurs et entrepreneurs, reste de trouver des financements pour tenir le rythme de la course effrénée à l'IA.
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Éthique et protection des données« Les jeunes sont là, les idées sont là, les technologies sont là, poursuit Ghita Mezzour. Maintenant, c'est vrai que les start-up africaines ont besoin de plus d'accompagnement, de plus de visibilité, de plus de financement pour arriver au monde entier à l'échelle globale. »
Pour encadrer cette révolution de l'IA, faut-il un cadre réglementaire strict édicté pays par pays ? « Pas nécessairement », assure Sonia Cissé, avocate spécialisée en protection des données. « La gouvernance de l'intelligence artificielle, c'est plutôt, encore une fois, un cadre éthique. Une volonté de protéger les données, une volonté de mettre en place les mesures de sécurité nécessaires, sans nécessairement que ce soit gravé dans un marbre réglementaire ou législatif », poursuit-elle. Le Nigeria a récemment franchi une étape importante en adoptant un cadre national. Des pays comme le Ghana, le Cameroun et la Côte d'Ivoire avancent aussi rapidement sur ces questions de gouvernance de l'IA.
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C’est une première, la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (Farm) a récompensé le 28 janvier dernier les travaux d’un enseignant-chercheur burkinabè, Koulibi Fidèle Zongo. L’agronome a mesuré l’impact d’un compost fabriqué localement par une quarantaine de femmes cultivatrices de la région Nord du Burkina Faso, confrontées à des sols très pauvres, mais aussi à l’insécurité.
Avec ses travaux de recherche, Koulibi Fidèle Zongo a pour la première fois donné un caractère scientifique à l’expérience menée par 42 agricultrices de Niessèga, à une cinquantaine de kilomètres de Ouahigouya. Ces cultivatrices de sorgho et de niébé fabriquent elles-mêmes un compost pour amender les sols de la région qualifiés de « squelettiques ». « D’abord, nous avons caractérisé ces composts, pour voir quels sont les substrats qu’elles utilisent, notamment les graminées de brousse, la bouse de vache, la cendre, de manière locale, détaille Koulibi Fidèle Zongo. J’ai également conduit avec ces femmes des tests d’amélioration de ces composts, en utilisant des légumineuses, qui sont produites au niveau de la zone. Ces légumineuses ont été broyées et ajoutées à ces composts-là pour voir si cela apporte une amélioration à la fertilité de ces composts. »
Rendements doublés, mais quelle charge de travail ? Au bout d’un an seulement, les taux d’azote, de phosphore et de potassium ont été nettement améliorés. Et les rendements ont grimpé de 80 %. Reste à savoir si le gain économique est réel à l’arrivée. Car cela demande plus de travail et de déplacements aux cultivatrices, reconnaît Koulibi Fidèle Zongo, dans une région où l’insécurité est très présente. « La prochaine étape, c’est de voir de manière technico-économique si cette activité de production de compost est supportable par ces femmes. Car elles ont des contraintes. Elles doivent aller chercher les graminées de brousse un peu plus éloignées de leur habitation. Il faut vraiment évaluer cette charge de travail avant de dupliquer cette expérience dans d’autres régions du Burkina Faso », met-il en avant.
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Les banques et la microfinance sont parties des zones sécuritairement compliquéesMais avec quels financements étendre ces expériences de recherche dans les régions du Burkina Faso les plus exposées à l’insécurité ? Gifty Narh, directrice de l’agence Corade, une structure de conseil pour le développement rural basée à Ouagadougou, observe que les communautés agricoles s’organisent : « Dans les zones d’insécurité, les banques sont parties, les systèmes de microfinance sont partis. Aujourd’hui, ce que l’on met en place, c’est ce qu’on appelle les associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC). Ce sont les acteurs eux-mêmes qui mettent de l’argent ensemble, qui se font du crédit entre eux, dans un mécanisme entièrement contrôlé par eux. »
Avec des taux d’intérêt de maximum 5 %, cette épargne de crédit endogène permet aux agriculteurs et agricultrices burkinabè d’être résilients sur le terrain dans les zones difficiles.
À écouter dans 8 milliards de voisins Quoi de neuf sur l’épargne villageoise?
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Au Gabon, après une très grande prise de participation dans le secteur pétrolier avec le rachat de la société Assala Energy, de la compagnie aérienne Fly Gabon, l’État a décidé de reprendre le contrôle de son secteur forestier. Libreville a récemment racheté la Société nationale des bois du Gabon (SNBG) vendu au franc symbolique par le régime d’Ali Bongo à GSEZ, membre du groupe singapourien Olam. Grâce à ce rachat, le Gabon réaffirme sa souveraineté nationale dans ce secteur vital de l’économie. La forêt est en effet le deuxième employeur du pays après la fonction publique.
De notre correspondant à Libreville,
Les autorités de la Transition ont été piquées au vif par les conclusions d’une enquête parlementaire. Le rapport des députés a conclu que la SNBG, qui faisait la fierté du Gabon dans le secteur forestier, avait été vendue à 1 million de FCFA seulement et les droits du personnel pas intégralement soldés. « La commission d’enquête parlementaire a conclu que le processus de privatisation n’a pas respecté le cadre légal, réglementaire établi », explique le député Ali Eyeghe.
Ali Eyeghe a dirigé l’enquête parlementaire. Il poursuit : « La commission a recommandé au gouvernement de dénoncer l’accord de session et aussi de tout mettre en œuvre pour que l’État revienne dans la filière bois. Pour les députés, compte tenu de l’importance de la filière bois dans l’économie gabonaise, il était anormal que l’État en soit absent. Aujourd’hui, nous sommes heureux de constater que nos conclusions ont été suivies. »
L’achat de la SNBG par GSEZ a permis de sauver l’entreprise de la faillite, se défend Igor Simard, administrateur délégué de GSEZ. « Quand GSEZ a racheté la SNBG, l’entreprise était en faillite avec des capitaux propres complètement détériorés, souligne-t-il. La dette totale s’élevait à plus de 30 milliards de FCFA et la valeur comptable de la SNBG était négative. GSEZ a donc restructuré l’entreprise et apuré plus de 25 milliards de FCFA de dettes. En 2024, après 16 années déficitaires, la SNBG a finalement retrouvé la voie de l’équilibre », assure Igor Simard.
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« Concilier la préservation de nos ressources naturelles et trouver les dividendes issus de cette préservation »La prise de contrôle de la SNBG ne vise pas à couper plus de bois, mais à mieux encadrer les politiques publiques en matière d’exploitation durable des forêts, soutient le général Maurice Ntossui, ministre des Eaux et Forêts. « Les attentes s’articulent autour de la restauration de la souveraineté économique de l’État gabonais. Et, à travers cette reprise, concilier la préservation de nos ressources naturelles et en même temps trouver les dividendes issus de cette préservation », défend-il.
Le taux de déforestation au Gabon est de 0,5 % par an. L’exploitation forestière contribue au PIB à hauteur de 4 %. L’Asie est le principal marché du bois gabonais à côté de l’Europe, devenue très exigeante en matière de traçabilité et de certification forestière.
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Au Cameroun, le marché des parfums, eaux de toilette et autres produits de beauté représente plus de 30 milliards de francs CFA. Face aux nombreuses importations, des entreprises locales se lancent dans la fabrication des parfums, pour essayer de gagner des parts de marché.
De notre correspondant à Yaoundé,
Dans sa petite unité de fabrication à Douala, Duplex Mbeleck parle de parfum avec passion. Pourtant, cet entrepreneur de 35 ans, qui a toujours détesté les mauvaises odeurs, arrive dans le domaine un peu par hasard. « J’ai lu que le Cameroun dépense plusieurs milliards pour importer les parfums et ça m’a révolté. Ça veut dire qu’il y a un très grand marché et on est en train de perdre de l’argent en important le parfum », explique-t-il.
Les effluves agréables de mandarine, citron, cannelle, ou encore vanille embaument cette petite cuisine transformée en laboratoire, dans laquelle il crée ces senteurs.
Poivre et jujubes en flaconSur l'évier, sont disposées des écorces de hiomi, un arbre cher au peuple bassa du Cameroun, et des épices de l’ouest du pays, comme le poivre et les jujubes. « On essaye d’extraire ces molécules pour avoir un parfum qui nous est familier, confie-t-il. J’ai acheté ces écorces sur les marchés locaux, mais il y a des produits que nous sommes parfois obligés d’importer, comme les huiles essentielles. Avec ça, j’ai fabriqué trois gammes de parfums pour les femmes et les hommes ».
Aujourd’hui, son entreprise, basée au quartier Makepe, à Douala, qui emploie directement et indirectement près de 40 personnes, fait son chiffre d'affaires grâce à une collaboration avec une trentaine de distributeurs, comme Marianne, une étudiante de 20 ans qui distribue ces parfums pour financer ses études : « Je prends les produits ici à 8 000 et je les revends à 10 000 francs CFA. Ça me fait une marge assez conséquente ».
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« Avec 3 000 francs, j’ai un bon parfum »Grâce à des prix plus accessibles que les parfums importés, la marque camerounaise se fait progressivement un nom. Loïc Djob fait partie des fidèles de la maison : « On trouve tout type de senteurs, boisées, fruitées… Avec 3 000 francs CFA, j’ai un parfum qui est de bonne qualité, c’est un prix gérable pour le Camerounais moyen ».
Après un an de présence sur le marché, la PME revendique un chiffre d'affaires de 10 millions de FCFA. Un chiffre qui devrait tripler, selon les prévisions de l'entreprise, qui annonce la création de 500 emplois indirects au cours de l'année 2025.
À écouter dans 8 milliards de voisinsAux sources des parfums du monde
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Lundi 27 février, la Maison Blanche a annoncé le gel de son aide publique américaine. Les Américains sont les plus gros contributeurs avec 40 milliards de dollars gérés par l’Agence américaine pour le développement (USAID), près de 70 milliards de dollars d’aide extérieure. Après l’Ukraine, le continent africain est le premier bénéficiaire de ces aides. Les pays anglophones sont les premiers récipiendaires (Éthiopie, Somalie, Nigeria…) mais les pays francophones pâtissent également de ce gel.
La République démocratique du Congo est le premier pays francophone bénéficiaire de l’aide extérieur américaine. Ceci avec une aide avoisinant le milliard de dollars dont plus de la moitié est consacrée à l’aide humanitaire. Un soutien essentiel dans le contexte actuel, « surtout dans l'est du pays, avec cette catastrophe humanitaire que le pays traverse dans l'est du pays avec les réfugiés, ce sera très important. Le pays en aura absolument besoin », estime Jacques Mukena, spécialiste gouvernance et économie à l’Institut congolais Ebuteli.
Si l’incertitude règne, pour le chercheur, les États-Unis pourraient négocier le maintien de ces aides. « Il y aura peut-être une obligation pour le pays de s'aligner un peu sur les intérêts stratégiques des États-Unis, projette-t-il. Ils pourraient exiger une réduction de l'influence chinoise, notamment sur le contrôle des minerais stratégiques comme le cobalt et le coltan. Les États-Unis pourraient demander à la RDC de tenter de réduire cette influence chinoise. »
Sur le continent, les États de l’Alliance des États du Sahel (AES) – à savoir le Mali, le Niger et le Burkina Faso – profitent également de l’aide américaine. 720 millions de dollars répartis entre les pays de l’alliance. Une somme moindre que d’autres États, mais stratégique. « C'est un gros coup dur, mais aussi un gros manque à gagner », analyse Ibrahim Adamou Louché, économiste indépendant nigérien. Ces pays rencontrent actuellement des difficultés à mobiliser des financements. Les financements internationaux se sont taris en raison des sanctions économiques et financières qui leur ont été infligées quelques mois auparavant. À cela s'ajoute des difficultés aussi à mobiliser des ressources internes, particulièrement les impôts en raison du contexte économique local qui est exsangue. Le fait qu’ils se voient priver de ces financements risque de compromettre de nombreux projets de développement. »
Dans des États qui priorisent particulièrement les budgets de défense, l’aide américaine se tourne vers des secteurs moins dotés comme la santé ou l’agriculture. Ibrahim Adamou Louché prend l’exemple du Millennium challenge au Niger qui met l'accent sur le domaine agricole et qui accompagne le pays « pour exploiter son potentiel agricole grâce à la construction d'infrastructures d'adduction d'eau et pour favoriser par ricochet l'agriculture de contre saison ». C'est donc la pérennité des réalisations qui risquent d'être impactées et à la clé « des impacts sur la population qui sont censés sortir d'une certaine manière de la pauvreté ».
En plus de ce gel, se pose la question du futur de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA). Cet accord commercial qui permet à certains produits africains de rentrer sur le marché américain sans frais de douane, expire en septembre 2025.
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Près de Pointe-Noire, les autorités ont décidé de fermer récemment la société Mettsa Congo, une entreprise à capitaux indiens, spécialisée dans le recyclage des batteries au plomb. Une décision suscitée par les plaintes des populations riveraines qui dénoncent les nombreuses pollutions.
De notre correspondant à Brazzaville,
Au nord de la capitale économique du Congo-Brazzaville, dos tourné au centre de Pointe-Noire, se situe le poste de péage de Mengo. Plusieurs mètres sur la droite se dressent les fourneaux de Mettsa Congo, une entreprise spécialisée dans la récupération et la valorisation des batteries au plomb usagées et de divers déchets en aluminium. Toutes les portes de l'usine sont fermées, les dirigeants et au moins 70 employés sont introuvables.
« Au moment où nous parlons, l’usine est en cours de démantèlement, suite à une décision qui a été prise par la ministre de l’Environnement, sommant l’usine à démanteler ses installations et à partir s’implanter ailleurs. C’est une étape de franchi », précise Cyrille Traoré Ndembi, président du collectif des riverains.
Mauvaise nouvelle pour l'économie localeEn 2013, cette société a mis en place un système de collecte auprès des vendeurs ambulants, des déchets contenant du plomb et de l’aluminium. Elle procédait ensuite à la fusion de ces composants pour les transformer en lingots qui sont ensuite exportés. Le secteur du recyclage contribue de manière limitée dans l’économie nationale, mais l’arrêt des activités de cette usine représente cependant un manque à gagner, selon Alphonse Ndongo, analyste économique : « Une société comme celle-là représente considérablement un poids économique dans la mesure où elle donne seulement des emplois aux jeunes, mais aussi en termes de contribution fiscale. Vous savez bien que notre budget est fiscal et nous sommes dans le cadre de la diversification de notre économie et cela représente quelque chose que notre pays gagne à travers cette société. »
D’après une source proche du dossier, aucun site n’a été trouvé pour réinstaller cette société suite à son démantèlement. Une situation qui questionne Alphonse Ndongo, qui craint que les batteries jadis recyclées ne soient jetées sauvagement dans la nature : « Cette décision n’aurait peut-être pas dû se prendre à la va-vite comme ça. Il fallait en tenir compte et créer un mécanisme de délocaliser le lieu d’implantation de cette société, pour que l’État et ceux qui sont aux alentours ne perdent pas tout. »
Une fermeture salvatrice pour les riverainsLa société a été fermée suite aux plaintes des riverains qui dénonçaient une pollution au plomb. Aujourd’hui, ils se sentent soulagés. « Désormais, nous n’avons plus à inhaler les fumées et les poussières de plomb. C’est vrai que c’est une société employait bon nombre de Congolais. Mais je crois que, entre la maladie et le travail, je crois qu’il faut autant mieux se préserver de la maladie que de chercher à gagner de l’argent qui vous rendra malade », disent-ils. Pour ces riverains, l’action du gouvernement est salvatrice, mais ils souhaitent également des dédommagements de la société. Ils affirment que leurs sols ont été pollués par le versement des résidus d’huile.
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À Bangui, une première entreprise de transformation de jus à base de fruits naturels locaux tels que la mangue, l’ananas, le gingembre, l’orange ou encore la pastèque a vu le jour. Jus Yourice, créée il y a trois ans par une jeune entrepreneuse de manière très artisanale, est devenue une entreprise semi-industrielle à la fin de l'année dernière.
Dès les premières heures de la matinée, Naomie Persévérance et son équipe de dix personnes sont déjà au travail. Pour entrer dans cette usine de Bangui, capitale de la Centrafrique, les mesures d'hygiène s'imposent. Tout le monde a l'obligation d'enlever ses chaussures, de mettre des gants et un masque. Assise sur un banc devant une bassine, Dorcas, l'une des ouvrières, procède au triage des fruits.
« Nous travaillons avec un réseau d'agriculteurs qui nous approvisionne en fruits. Ici, le processus de fabrication de la boisson se fait en cinq grandes étapes : le traitement de l’eau, la réception des matières premières, la fabrication des jus, l’embouteillage et l’expédition des produits finis. C'est ce qui me permet de prendre en charge ma famille. J'ai un contrat de 100 000 francs CFA. »
Formation au SénégalÂgée de 32 ans, Naomie Persévérance Magalamon a suivi sa formation dans une entreprise de fabrication de jus naturels au Sénégal et sur internet. De retour à Bangui, la jeune entrepreneuse a décidé de lancer son affaire sur fonds propres : « Si on dépense au minimum 300 000 francs CFA, on peut faire une marge de 100 000 à 125 000 francs CFA de bénéfices. Par mois, nous produisons 2 000 bouteilles, l'équivalent de 100 casiers et un casier coûte 9 000 francs CFA ». Un argent réintroduit dans le fonctionnement de l'entreprise, le paiement des salaires et les investissements.
« J'en prends trois ou quatre fois dans la semaine et en un mois, je peux en consommer une vingtaine de fois. Ça fait partie de ma culture de consommer ce jus naturel fait par une centrafricaine », explique Anis Zowé, un jeune homme qui fait partie des nombreux consommateurs séduits par l'initiative de Naomie.
Recyclage des emballagesLes jus Yourice sont commercialisées sur tous les marchés de Bangui et dans quelques villes de provinces à l'exemple de Berberati, Bouar ou encore Bambari. « Les clients potentiels sont les particuliers, les services traiteurs, les bars, les stations services et les boulangeries, qui achètent et revendent nos produits, détaille l'entrepreneuse centrafricaine. Pour l'instant, en Centrafrique, on ne fabrique pas d’emballages. Nous recyclons les petits modèles de bouteilles de Heineken et de Desperado. On les lave et on les stérilise pour notre utilisation. »
Difficile encore pour l’entrepreneure de gérer les périodes creuses, entre les récoltes de fruits. Cette année, Naomie Persévérance Magalamon souhaite acquérir une grande plantation de fruits à proximité de Bangui. Son objectif à long terme : augmenter sa production afin d'exporter ses jus dans d’autres pays d’Afrique centrale.
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À Bossongo, un village situé à 50 km au sud-ouest de Bangui, la fabrication et la commercialisation de l’huile de palme est une source de revenus pour de nombreux habitants. Alors que la plupart en produit de façon artisanale et individuelle depuis plusieurs décennies. Une entreprise baptisée L'Or Rouge, créée il y a deux ans par un groupe de producteurs natifs de la localité, a décidé de se lancer dans de la production semi-industrielle.
De notre envoyé spécial à Bossongo,
Dans ce village traditionnellement réputé pour ses palmiers à huile, la récolte vient de commencer. À perte de vue, plusieurs milliers de palmiers avec des fruits mûrs se développent sur une superficie d'environ 100 m².
Pour couper les régimes, les ouvriers sillonnent les couloirs bien aménagés. Chérubin Leondamon, 35 ans, est le coordonnateur de ce projet qui a été mis en place par une vingtaine de jeunes de la localité. « Notre chantier compte une centaine de palmiers. Nous avons cotisé pour acheter cette plantation et installer la petite usine. Un palmier produit généralement cinq régimes. Pour produire un fût d'huile de palme, il nous faut au moins 200 régimes. Chaque mois, nous produisons 50 fûts », détaille-t-il.
Après récolte, les fruits sont acheminés dans l'usine semi-artisanale qui se trouve au centre de la plantation. Ils sont ensuite dépulpés, malaxés et pressés dans des machines artisanales pour avoir l'huile rouge. « On n'a pas les moyens d'acheter des machines sophistiquées, explique Noël Bissafio, le machiniste. Nous fabriquons nous-mêmes nos machines à l'aide de fûts, de bidons, de chaînes de motos et de morceaux de bois solides. Le mécanisme est simple : on verse les fruits dans le fût puis on ajoute de l'eau. On verse ensuite les fruits dans un autre fût. Il suffit de presser les fruits jusqu'à obtenir l'huile dans cette machine appelée malaxeur ».
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Développer le commerce à l'étrangerL'huile obtenue est acheminée vers les marchés à l'aide de vélos, de pousse-pousse et des motos à trois roues. Le bidon de 25 litres est vendu 15 000 francs CFA et le litre 1 500 francs CFA. « Si on les achemine dans d'autres régions, on augmente le prix à 25 000 FCFA à cause des tracasseries routières. Certains de nos clients viennent des pays voisins à l'exemple du Nigeria et du Cameroun », poursuit Chérubin Leodamon.
Des prix attractifs pour les consommateurs locaux face aux quelques litres d’huile de palme importés. La recette mensuelle est utilisée pour payer les salaires, entretenir la plantation et les machines. Mais dans cette activité, les difficultés ne manquent pas, selon Clarisse, l'une des productrices. « Maintenant, il nous faut avoir d'autres plantations et surtout des moyens roulants pour vendre nos produits partout en Centrafrique et au-delà de nos frontières », ambitionne la jeune femme.
La production d’huile de palme reste la seule activité économique pour ces jeunes, qui souhaitent, avec le temps, passer d'une production semi-artisanale à une production industrielle.
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Si la Cédéao a décidé de donner un délai de six mois au pays de l’AES, ce 29 janvier marque néanmoins la sortie officielle du Burkina Faso, du Niger et du Mali de l’organisation régionale. Un acte politique décidé il y a un an déjà. Quelles ont été les mesures économiques prises et quelles sont les perspectives économiques de l’AES ?
Privée d’accès à la Banque d’investissement et de développement de la Cédéao (BIDC) et donc de 500 millions de dollars de financements. L’Alliance des États du Sahel (AES) a annoncé vouloir créer sa propre structure ainsi qu’un fonds d’investissement. « Il y a eu une rencontre très importante à Bamako avec les ministres de l'Économie et des Finances et d'autres entités publiques des trois pays, à un très haut niveau, pour avancer la réflexion, pour mettre en place cette banque d'investissement et de développement. Je pense que la réflexion est assez poussée pour que cette banque puisse voir le jour assez rapidement », détaille Modibo Mao Makalou, économiste malien.
Le riche sous-sol de ces pays est sans nul doute un atout majeur dans ce processus, souligne encore Modibo Mao Makalou, ancien conseiller à la présidence. « Nous parlons de l'uranium et du pétrole pour le Niger, de l'or et du lithium pour le Mali et essentiellement de l’or pour le Burkina Faso. Donc, évidemment, ce sont les ressources prisées en ce moment et je pense qu'il n'y aura aucun mal à mettre en place une banque d'investissement », détaille-t-il.
L’AES reste cependant dans l’Union monétaire des États d’Afrique de l’Ouest, donc de la Zone franc. Mais « à terme, il est prévu qu’à l'horizon 2027, une monnaie commune soit instaurée. Ça veut dire que les trois pays, la Confédération de l’AES se retirent de tout cela », insiste-t-il.
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Des voies d'approvisionnement alternativesFrançois Giovalucchi, chercheur, ancien du Trésor français, est plus prudent. « Sur les questions monétaires, non, on n'a pas entendu parler d'avancée. Il était question de mettre en place une banque régionale qui se substituerait à la BIDC. Mais cette banque régionale, vu l'état des finances de ces pays, elle ne peut exister que pour autant que des non régionaux, c'est-à-dire d'autres pays comme la Chine, veuillent bien apporter du capital », analyse-t-il, questionnant les possibles investisseurs dans la région. « On peut aussi se poser la question avec beaucoup de doutes puisqu'on a vu que la Chine tend à réduire sa voilure en matière de financement de l'Afrique depuis déjà deux ans », souligne encore François Giovalucchi.
Cette année, les trois États ont mené des politiques de reprise en main du secteur minier, leur principale source de revenus pour les caisses publiques. Pour le commerce, il a fallu s’adapter. « Il y a des voies alternatives, notamment le fait de passer par le Togo qui est désormais beaucoup plus proche des pays de l’AES qu’il ne l’a été. Il y a des voies alternatives, il y a des détournements de trafic que l’on va pouvoir mesurer, mais le problème d'un détournement de trafic, c'est que lorsqu’on passe par des nouvelles zones, elles peuvent être soit non sécurisée, soit manqué d'infrastructures », décrit le chercheur.
« Ce qu'on a observé, c'est effectivement que le port de Lomé tendait à être privilégié par rapport au port du Bénin, puisque la frontière Bénin-Niger reste fermée », souligne encore François Giovalucchi. Conséquence de cela : des surcoûts. L’OCDE notait en décembre que le nouvel itinéraire Lomé-Niamey « engendre une augmentation de plus de 100% des coûts logistiques par rapport au trajet pré-crise ».
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Nutri’zaza commercialise une farine infantile fortifiée vendue sous forme de bouillie chaude, en porte-à-porte, dans les quartiers vulnérables des grandes villes de l’île. Chaque jour, ce sont plus de 36 000 rations qui sont distribuées et viennent ainsi remplir le ventre d’enfants malgaches.
« Koba Aina », c'est par un cri reconnaissable que la vendeuse de bouillie avertit les riverains de son passage imminent dans ce bidonville de la capitale. L’employée de Nutri’zaza déambule d’un pas vif d’une ruelle à l'autre pour vendre un maximum de rations de la bouillie qu’elle a préparée aux aurores. Comme elle, ils sont près de 200 animateurs à assurer quotidiennement la distribution de la farine fortifiée dans l’île.
L'inclusion au cœur des quartiers vulnérables« Tous les animateurs de Nutri'zaza sont des salariés, dont 75% sont des femmes issues des quartiers vulnérables ». Un modèle inclusif dont Mandresy Randriamiharisoa, directeur de l’entreprise sociale, est très fier. « Le système de rémunération d'une animatrice repose sur la fourniture de matière première par Nutri’zaza. L'animatrice se met à cuire et distribuer. En plus d'avoir un salaire fixe qui est 1,4 fois supérieur au SMIC malgache – elle touche environ 600 000 ariary mensuel, lors de chaque tournée, elle a une survente qu'elle garde pour elle et que Nutri’zaza ne comptabilise pas. Nutri’zaza, c'est une croissance chaque année. On n'a jamais cessé de croître depuis 2020, en fait. Et d’ailleurs, en 2023, on a atteint un chiffre d'affaires de plus d’1 million d'euros. Ce qui était du jamais vu. Et chaque année normalement Nutri’zaza fait une croissance d'environ 15%. Des fois, c'est 20% ».
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Une success story autonome et durableParfois, seulement 5%. L’année 2024 a en effet été rude. Un ralentissement que l’entreprise attribue à la paupérisation de la population et la baisse de son pouvoir d’achat. Toutefois, aux yeux du Gret, l’ONG à l’origine du développement de la recette de la farine fortifiée (avec l’IRD, l’Institut de recherche pour le développement) il y a 20 ans, Nutri’zaza reste une success story et Claire Kaboré, sa représentante à Madagascar, explique pourquoi : « Nutri’zaza est totalement autonome financièrement, même si elle reçoit quelques subventions, notamment de l'Agence française de développement pour lui permettre soit de tester des nouveaux produits, des nouveaux services ou d'étendre son réseau de distribution dans des nouveaux quartiers populaires. Ça demande un peu de moyens que Nutri’zaza n'a pas étant donné que ses marches sont très réduites. Mais si demain la subvention s'arrête, Nutri’zaza est rentable. Voilà, et donc c'est une success story dans le sens où Nutri’zaza arrive à vendre une bouillie totalement équilibrée et aux normes internationales en termes de qualité, à des prix abordables parce qu'ils ont été formulés dans ce but, vraiment qu'ils soient le moins cher possible pour les populations de ces quartiers-là ».
Aujourd’hui, la production de ses produits est sous-traitée à des industriels partenaires. À terme, l’entreprise sociale aimerait acquérir sa propre unité de production, afin de faciliter la recherche et le développement de nouveaux produits pour répondre au marché et aux besoins sans cesse croissants des populations vulnérables.
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Le nombre d’Africains vivant sans électricité a augmenté ces dernières années. 600 millions de personnes seraient concernées. Pour inverser la tendance, le continent a besoin d’investissements lourds. L’une des difficultés est d'attirer des intérêts privés pour financer les réseaux servant à transporter l’électricité.
En 2023, la plateforme d’investissement Africa50, crée par la Banque africaine de développement, faisait les comptes : 99,5% de ce qui venait d’être investi dans le secteur de l’énergie avait été consacré à des projets de production d'électricité. « Il y a eu un certain engouement pour le financement privé de la production d'électricité au Cameroun, la centrale de Nachtigal, en Côte d'Ivoire, la centrale d'Azito, au Sénégal, Malicounda, Tobène, détaille Alain Ebobissé, directeur général d’Africa50, mais ce que nous n'avons pas vu, c'est cet engouement du secteur privé jusqu'à présent pour le financement des lignes de transport d'électricité ».
Des efforts trop lourds pour les ÉtatsHistoriquement, la grande majorité des investissements réalisés dans les lignes de transport électriques ont été faits par les gouvernements ou grâce à des prêts souverains garantis par des banques de développement.
Ces sources de financement n’ont pas suivi l’évolution des besoins. Sylvie Mahieu, spécialiste de l’énergie au sein de la Banque africaine de développement, y voit l’un des obstacles à la création de réseaux robustes et donc à l’exploitation optimale des nouvelles centrales. « L'État ne peut pas fiscalement assumer ce genre d'infrastructure et ils ont des demandes sociales présentes dans le domaine de l'éducation et de la santé, tandis qu'il y a un modèle qui permet en fait de générer des revenus pour les investisseurs privés sur un modèle de lignes de transmission ».
Privatiser les lignes de transport, totalement, en partie, ou confier leur exploitation à une entreprise, le Brésil, le Pérou, le Chili ou l'Inde ont déjà passé le pas. L’opérateur privé peut par exemple financer la construction de lignes et ensuite les exploiter en échange d’un loyer. Puis au bout de 20 ou 30 ans, ces infrastructures sont rétrocédées aux pouvoirs publics.
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Des partenariats public-privé en progrèsEn Afrique, l’idée fait son chemin, même si certains États y voient encore une atteinte à leur souveraineté.
« J’ai le plaisir de dire que nous avons fait beaucoup de progrès dans le financement en partenariat public-privé de lignes de transport d'électricité au Kenya et nous avons eu des échanges assez fructueux pour le financement de certaines lignes de transport d'électricité au Mozambique », assure Alain Ebobissé.
Des discussions sont aussi en cours en Tanzanie, Nigeria, Ouganda... Reste à les concrétiser. Au Kenya, où Africa50, associé à l’opérateur public indien PowerGrid attend une réponse des autorités, les projets attribués au groupe du milliardaire Gautam Adani, lui aussi indien, accusé de corruption aux États-Unis, ont été annulés face à la fronde de l’opinion.
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