Episoder

  • En nappes pleines

    Carré de vide

    La trame enfile le sens

    À l’épiderme

    éjection du terreau

    De tes mots

    Tu flottes en abysse

    Vertige

    Sens mes mains

    Phalanges agrippées

    Ton col

    Plus large

    Que ma mémoire

    Accroche moi

    Dans le recoin

    Là où je me dissous

    Lambeau d’être

    Incertain

    Mes paupières volent en éclat

    Je tourne en siphon

    Cherche le seuil

    L’habitable

    Attraction par le

    Vide

    Ton dos image

    Je colle mes paumes

    Tes cuisses

    Essore ma terreur

    Retiens moi

    Rapppelle moi

    Trouve en moi, ta place

    Indélogeable

    J’hoquette, sursaute

    De rage

    Au milieu du typhon

    Danse solitaire

    J’entends ta voix

    De l’autre côté

    Du plexiglas

    Ma peau s’écorche

    Aux brisures

    Je tournoie

    J’écrase mon enveloppe

    Trop lourde

    J’existe, par le vide

    J’arrime nos poumons à ta voix

    Être matériel

    Je palpe

    Peau. Membres - cheveux

    Je tatônne

    C’est bien toi

    Mon corps d’altérité

    Le tien en extension

    Une trame

    Nous divise

    Et je reprise

    Les déchirures

    Remonte nos peaux

    Nos ossatures

    Fragiles

    raffistole

    Leurs immensité

    Odeur de paysage

    Mondes refuges

    Chavirer

    Torpeur pleine

    Je me love dans nos épidermes

    Nos contours me rappelle

    Au monde

    J’appartiens

    Peaux vibrantes

    Clarté de nos existences

    Calfeutrés

    Aux élans caressants

    Jouissance du contact

    Joie

    Douceur de nos

    Transpirations

    Explosions

    Nos êtres

  • Je me jette dans le langage comme on se jette à l’eau

    Oripeau de corps-peau

    Accueillir l’écume au large du bois flotté

    Je danse une mère salée qui pique à mes souvenirs

    Source qui berce, mes sens naviguent

    Elle monte doucement la vague en moi

    Jambes cotonneuses

    Poitrine qui trésaille

    Ondes de choc, alvéoles gonflées

    La main s’agite

    Reflux d’instants

    La peau s’étire encore

    Trop grand, trop fort

    Quel océan accueillera nos larmes

    Derrière les draps, l’enfant rêve

    Tentures de coton serré

    Exploratrice de la maison

    Baignoire refuge aux flots menaçants

    Tissage de textures fluides

    Cape d’invisibilité

    Elle lève son ancre

    S’éloigne de la surface

    Vague, vague sur son dos

    Colonne liquide

    Elle est aqueuse, devient frisson

    Contour du monde

    Sa peau contient tous les peuples

    Accueille ses multiples silhouettes

    Je plonge

    Rides d’autres visages

    Souffle des abysses

    Plus froid que la terre sous mes ongles

    Je n’ai plus d’épaisseur, de pesanteur

    Je touche le fond au plat de mes paumes

    Le monde en haut s’estompe

    Passage vers l’indicible

    Je coule en piqué, mes jambes pleines

    Mouvements lisses m’enfoncent

    Alliées de la descente

    Ruines et reines des mers

    Scintillements protecteurs, traces dans le sable

    S’engouffrer

    Je te retrouverai

    Ta voix à mes oreilles

    Je suis brise et caverne

    Chavire l’ample nappe bleue

    Je suis remous de l’abîme

    Ridule qui gonfle

    Antre marine où sommeille l’histoire du monde

    Mémoires englouties

    Corps gonflés de sel

    Étoffe nautique, ciel des êtres d’écailles

    Plus large que nos langages

    Rideau mythique de nos lucidités

    Je plonge pour me retrouver

    Attraper dans le cratère les mots perdus

    Les ramener, ondoyer en surface

    Déferler

    Propagation d’ondes furieuses

    -

    Texte écrit lors d'un atelier proposé par Alice Legendre - le 23 juin 2022

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  • Je ne veux pas voir le visage de la haine 

    Sous les poignées acier 

    Sous la colère froide de la domination contrariée  

    Je ne veux pas voir leur visage déformé 

    La haine dans les dents carnassières 

    Posséder l’autre 

    Jusqu’à sa vie 

    Celle ou celui que l’on a soumis 

    Sous son pied, écrasé  

    Je veux voir son visage arraché 

    à ce fascisme montant, 

    vomir de voir la vie réduite à leur croyance 

    d’être supérieurs  

    Ils n’ont pas de visage 

    La nuit les a dévorés 

    Ils sont vides 

    Banalement, infiniment vides  

    Je ne veux rien savoir de leur visage 

    Qui me fait hurler de rage 

    Que leur mains puissent encore saisir 

    le monde, bout de réel  

    Vomir ma colère à leur visage 

    Le recouvrir  

    La colère ne suffira pas 

    les emmurer dans la colle, l’acier, le ciment brut 

    Les ficeler dans leur propre haine 

    Cette puissance noire qui les possède 

    Qui détruit tout 

    Qui a détruit déjà toute parcelle d’humanité 

    Recouverte de cette banale inhumanité  

    Je ne veux rien comprendre de ce visage 

    Le briser en mille fragments 

    Impossible à recoller, reconstituer 

    La mort sur leurs jambes 

    Qui ne supporte pas de voir la moindre vie en dehors d’eux 

    De leur pouvoir  

    Je vomis votre visage 

    Je l’extirpe de ma propre chair 

    Je vous le crache 

    Cette part sombre qui veut ma mort 

    Je vous la rends

  • Tenter d’écrire dans les interstices

    Sans savoir combien de temps

    S’ouvre ou se referme

    Tenter à la minute

    L’ancrage intérieur

    L’entretien du jardin

    Qui réclame

    Attend

    Aide

    M’offre le soutien

    De la traversée

    Passagère

    D’un monde à l’autre

    Ici pour remembrer

    Les morts

    Tisser la mémoire aux vivants

    Danser de souffle

    Dans la mer et les pieds à terre

    Lire dans l’humus

    La voix des ancêtres

    Qui nous accompagnent

    Les chaussures lacées

    Aux chevilles

    La tempe luisante

    Effort impossible

    De se hisser

    En haut

    Du sol

    Au plus profond.

    Descendre comme on s’élève

    S’alléger des peaux multiples

    Pour retrouver

    L’os dur

    Et brillant

    Qui chante son histoire

    Au creux de notre tempe.

    La sirène hurle à nouveau

    Le besoin de se relier

    Pour hisser au ciel

    La perte des espoirs

    Les retracer

    Dans les nuages

    Fumées étincelantes

    Que l’on respire

    Comme l’on court

    Sur une place en coton

    Encore l’écume, s’approche

    Rie dans nos veines

    Brise nos ancres

    Pour nous laisser explorer

    ce qui ne se laisse pas

    dévoiler

    le voilier 

    cette partie du territoire

    encore inhabitée

    colonisateurs de l'âme

    revenir sur nos pas

    pour se rendre attentives

    à tout ce que nous avons

    laissé passer

    milles vies discrètes

    présentes toujours

    à l'écoute

    minimisées 

    écartées

    le sol et la trame pourtant

    de ce qui nous tient

  • Tends tes mains

    là devant toi

    garde-les longtemps ouvertes

    Mets-y tes espoirs

    tes colères

    ta peur

    tes errements

    agacements et étonnements

    sursauts et joies

    ta tristesse

    Concentre-les entre tes mains

    dans l’espace ouvert

    et invisible

    Viens les déposer sur mon cœur, délicatement

    comme si tu recousais mon âme

    réparais la blessure au creux de l’espace qui manque

    Je me glisse au creux de tes mains

    m’y réconforte

    M’y réfugie

    le temps que l’énergie revienne

    y puiser une régénération nouvelle

    qui crée de l’air

    entremêlement d’émotions libres

    là au creux de mes mains

    où je t’accueille.

  • Je ne sais pas ce que j’écris

    Mais ma main écrit pour moi

    Sans que le cœur ne sache à l’avance

    Si je ne suis pas là,

    c’est que l’âme s’est absentée

    Un instant

    Sans savoir où elle se loge

    Ni comment pourquoi et peu importe

    Je suis là

    Ce qui compte

    Mon cœur sur l’étagère,

    Aussi loin que je me souvienne

    En état second

    Ou premier

    Retrouver la source enfin

    de mon être absent

    Aux choses

    Au monde

    À la danse infinie

    La tête dans le chêne

    Au-delà du totem

    La volonté même d’exister

    Remettre en circulation

    À l’épreuve de la vie fuyante

    Des êtres non invités

    Des anges non parvenus

    Toi dans cet entre-deux

    De la joie imaginale

    De la joie profonde

    Du fin fond de l’être qui guide

    À quel endroit du corps

    Puiser

    Plexus solaire de nos vies décousues

    Et la mort invisible

    Que l’on tue

    Ou l’autre pour qu’il revienne à la vie

    C’est ainsi

    Que je danse

    Au milieu des tombeaux

    Dans l’entre-deux du silence

    La transe

    Inconditionnelle et magique

    La possibilité d’une salutation au vivant

    Danser plus fort

    Respirer à perdre haleine

    Danser encore

    Tu sais que tu es là

    par la présence immense

    du regard de l’intérieur

    Ce regard envahissant

    Relégué au dehors

    Dans l’ailleurs où je ne suis pas

    Là tout en bas

    Dans l’obscurité brillante

    Amusante car finie

    Enfin le cycle reprend

    La danse qui traverse

    L’âme pleine de surprise

    dans l’eau

    et l’écume

    La perte de la peur

    Sa substance ensevelie

    Du fin fond du corps

    qui vise la finitude

    de ce qui ne donne plus la joie

    Dans le refuge assez profond de la gorge

    Parler par leur bouche

    Asséchée de ruines, de sève

    Et pourtant je suis si seule

    Et si entourée de ces rires lumineux

    Enveloppée, le repli

    Dépliée, développée

    Amulette cousue de mille visages éparpillés

    Qui se rassemblent pour danser

    La famille recomposée

    Les membres recousus

    La chaise qui m’assombrit

    Je m’y fond

    la dernière statue

    De glaise

    Je ne sais pas où je suis

    Mon corps de lumière

    Enveloppé d’herbes hautes

    Et le vent

    Qui s’engouffre dans l’éternité

    De son souffle

    Danse infinie

    La joie de nos âmes recomposées

    L’anéantissement à jamais

    est reparti dans les ondes ondulantes

    Du vent qui prend la chair comme voile

    La voile

    Qui m’embarque

    Je m’immerge

    Je te donne le souffle

    Qui me manquait

    Je le tisse, l’emballe dans des foulards doux

    Je me regarde à nouveau

    Être de lumière

    Je prends l’air qui me reste

    Le ballon, le cerf-volant

    Danse danse

    Et prends au temps

    Ce qui lui manque

    Pour le souffle au-delà de l’air

    Ma voix-voile

    Ma cape d’infinité

    Me porte sur le dos des goélands

    Chouettes de mer

    Qui protègent la destination inconnue

    Seuil de nos méandres infinis

    Je ne suis plus un être de chair

    Je vogue ailleurs

    Éternelle capture rendue impossible

    Par l’immensité de nos bras

    Qui tiennent nos élans

    Je ne connais plus ce que je suis

    La vague sera mon voilier

    Je ne regarderai pas l’eau

    La laisserai passer

    Entre mon cœur et mon âme

    Pour en boire toute l’étendue

    Inconnue je deviens à moi-même,

    j’embarque

    (...)

  • #ASMR #autohypnose #voixentendues #imaginal #hypnographie Nous entendons continuellement des voix mais nous ne leur prêtons jamais d'attention. Avec la conversation écologique (ou "autohypnose"), nous nous donnons enfin les moyens de les accueillir. L'ASMR - la texture narrative et sonore des objets - illustre cette traversée, l'accompagne et la provoque. Ce travail est une collaboration entre lou dimay et Marc Jahjah, chercheur.cheuse, ami.e et entendeur.seuse de voix.

  • L’éclat dans ma peau lézardée
    je glisse doucement
    La peau du cercle retourné en son milieu
    me plante des pieds à la bouche
    cette voix qui manque
    plonger encore
    l’élan, le souffle
    revenir au monde
    nouvelle forme, autre langage
    peau distendue, respirante
    humus humide et collant
    sur le corps, l’âme brèche
    des vivants desséchés
    je suis partie à ta recherche
    j’ai descendu les marches
    je suis tombée souvent
    rattrapée la rampe
    pleuré de peurs, de terreur, de joie
    Mangé mes larmes
    une à une
    les cris qui sortent par mes oreilles
    je deviens seuils
    voix de traverse
    lignées recousues
    en nous l’innommable
    le trou béant
    mémoire rafistolée
    pans qui pendent
    s’envolent
    Remembrement de ficelles et de trames
    récits de peaux, de folies et d’élan
    de joie puissante
    Cet immense rire qui prend le corps
    une vague, un tremblement,
    vibration géante
    qui retourne le monde
    paillettes oubliées
    étincelles soufflées, revigorées, éclatantes
    gratitude
    d’être encore en vie
    pour avoir pu toucher cette peau-là
    La colère s’engouffre en puissance dans la joie
    refuse ce jeu de la terreur dans nos corps
    au plus profond
    dernier sursaut
    mourir
    plutôt que de laisser l’impuissance coloniser ses veines,
    notre colonne et ses pores
    lui déchirer les yeux
    ne plus la laisser nous écraser
    de honte d’exister
    La joie revient
    au creux de l’aine
    partir dans un cri infini
    nous ne sommes pas seules à puiser cette force souterraine
    La terre s’ouvre
    des milliers de volcans n’en peuvent plus
    richesses inconnues
    qu’il faudrait cacher, planquer, comme nos corps, nos âmes et nos jouissances
    nous hurlons plus fort
    dans un cri de joie immense
    Nous voilà
    du corps en bas, au plus profond
    monte une force, une détermination
    que l’on a voulu exterminer
    La vie non éthérée,
    puissance de nos vies indomptables
    impossible à confisquer
    même dans la mort.
    Cette vie
    je sais ceux qui la prenne
    je connais l’anéantissement
    le porte dans ma chair
    pétrie de femmes et de fantômes
    ma lignée habite le dedans dehors de mon monde
    et du vôtre.
    Vie de survivante, complément d’âme
    offert pour raconter
    avant qu’à mon tour je m’éteigne
    leurs voix dans la mienne je tisse, je couds, je répare
    soigne et témoigne
    raconte et raffistole
    fabule et lance au monde un récit de guérison
    des mots, briques de paille et bulles
    recouvrent le linceul
    du semis pour une terre compostée
    je me retourne le visage
    regarde en dessous le masque et le suivant
    toutes ces épaisseurs de silence
    qui ont presque éteint nos voix
    mais la brèche, la faille, le vent
    et nos cris
    nos histoires
    un feu qui reprend au cœur de nos anéantissements
    Je me relève
    mes racines dansent
    rejoignent le cœur du sol
    sur lequel personne ne marche impunément
    celui de la mémoire qui nous tient
    de la peau qui fait seuils
    espoirs, nos rêves
    danses irréelles
    qui restent dans la lymphe
    les tissus s’agencent, s’étirent et se resserrent
    mouvement immobile
    et le vent. Je pense à toi, Jeanne.
    Soigner le sol, l’aérer
    laisser les âmes partir
    raconté leur histoire
    criée leur colère
    pleurés leurs regrets
    confiées leurs dernières volontés aux vivants
    Nous les nouerons autour de notre cœur
    avec la joie de la ligne à tracer.

  • Ce que je vais vous raconter ne se chuchote pas. Ne se hurle pas. Je veux vous raconter comment en silence, nous tombons. Un liquide froid glisse entre mes mains. Je le réchauffe avec mes mots, avec ma voix. Je le réveille. Je m’y baigne pour le rendre vivant. Que la température s’ajuste. Sans choc thermique, cette fois.

    Je vais vous raconter les morts et les vivants du quotidien. Notre peau tannée au fil des jours, qui soudain se fissure. La chair qui parle avant la voix. Le bleu qui devient profond autour de soi et en soi, après la décoloration.

    Je vais vous raconter l’anesthésie, le somnambulisme, la douleur et le réveil brutal, à la vie. La vie fulgurante qui fait bouillir le sang. Tout cela en silence. Invisible. Si l’on n’y prête pas attention.

    Je vais vous raconter la chute, le sol dur et les muscles tendus à nouveau.

    Se relever, sensible. Laisser les boulons, le métal et l’indifférence à terre.

    Je prends mes fils, parfois serrés, parfois lâches, et je tisse de mes mots cette histoire qui déjà m’échappe pour rejoindre le monde.

    Voilà, je pose ici ma voix, au milieu des vôtres.

  • Ecrire ce qui vient à l’esprit, mettre la main et l’âme en liens.

    Se laisser parler par la main, lien aux voix vulnérables de la tête et du cœur, celles qui ont du mal à se faire entendre, et pourtant ont tant à dire.

    Une voix me dicte : que je suis faible, seule, isolée, triste. Une autre s’insurge, je suis là, je m’approche de ce qui m’importe, je laisse les émotions passer, circuler, me guider, je suis. Nous ne sommes pas seul.es. Le cœur qui bat plus fort, sentir que l’on approche, en chemin vers là où nous sommes. Sentir que ce qui nous en éloigne a de moins en moins la prise.

    Que nous ne laisserons pas d’autres parler plus fort, nous rappeler à leur ordre à eux, nous sommes bien en ordre, agencées, notre ordre, nos importances, hors enjeux de contrôle, domination, assignations.

    Rester là, bien droite, la colonne vertébrale réparée, à coups de boulons en titane, les genoux pansés, la voix enroulée de chaleur, pour ne plus devenir aphone, la peau tendue à l’air qui circule, les poumons ouverts. 

    Je suis là.

    Je ne pars pas.

    Je viens.

    Enfin.

    Je me préparai mais j’étais celle qui m’empêchait aussi, par les loyautés, les fidélités, les terreurs, le manque de reconnaissance à vif.

    Comment savoir, seulement être sûre que j’existe ?

    Tu existes. Tu m’existes.

    Tu es là.

    Et les ami.es rencontrés qui disent « sois ce que tu es ».

    C’est tout. Ce qui permet de lâcher. D’être.

    Tout est déjà là, devant soi, avec soi, en soi.

    Les voix, les forces, les attractions, guides intérieurs, la sagesse profonde, la connaissance de soi-même, par coeur et par âme, qui attend et demande que l’on écoute.

    Qui parfois hurle par le corps. Hurle, hurle et hurle encore. Nous cloue au sol pour qu’on l’entende, pour qu’enfin on s’arrête. Je m’arrête.

    Parfois on se relève et on s’éloigne à nouveau, loin d’elle, de cette voix vitale.

    Entendue un instant. Silenciée à nouveau. Parce que c’est trop.

    Trop à délier, désaliéner, supporter

    trop tôt

    trop à dire, vomir, nausée

    trop à être, hors du familier, des habitudes

    trop à perdre et on croit qu’on se perdra soi aussi. Plutôt que de se retrouver.

    Mais le monde nous interpelle. Crie à la fin de l’innocence.

    Sois ce que tu es, ici, maintenant

    car d’autres font sans cesse de toi ce que tu n’es pas – matraitance -, ils ne cesseront jamais.

    Jamais.

    Parfois je voudrais pouvoir crier, sur les toits, dans vos oreilles, dans les miennes.

    Reviens ! Ne pars pas !

    Nous sommes là. Nous pouvons être là.

    Et la vague nous emporte à nouveau. Le corps chute encore. Le souffle s’étiole.

    Il revient parfois, il suffit d’un contact étincelant qui nous rappelle à la vie. Nous revenons à nous. Après le vertige.

    Je reviens à moi quand je me lie à toi.

    Je reviens à ce que je suis.

    Je garde mon âme.

    Je lui dis, « c’est bon, tu peux revenir », j’ouvre la porte de ma poitrine en grand, je vais chercher l’enfant terrifiée derrière les tissus.

    Et je lui murmure, « viens avec moi, tu es en sécurité maintenant. Viens, ils ne te feront rien, ils ne sont rien face au monde que tu portes. »

    Remise au monde, ne te cache plus, la terreur d’hier n’est pas la tienne.

    La sidération accrochée, je la lessive, je la nettoie avec vigueur, acharnement.

    Je laisse apparaître la joie recouverte. Je reprends mes membres un par un, je les recouds, les tisse à mon corps, à ma mémoire, à mes sensations, au souffle du vent. A la rage, à la colère.

    Se remettre sur pied pour lutter et chanter. Ne plus se laisser abattre.

    Ecouter la petite voix, là, celle qui murmure. Battre les pensées tristes en retraite.

    Mon combat intérieur est celui du monde. Le monde traverse mon corps. Mon corps est un champ de lutte (...)