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  • Depuis 2022, c’est le premier rapport du Fonds monétaire international (FMI) pour le Gabon, qui avait volontairement suspendu l’application de son accord avec l'institution pour la période 2021-2024. Le rapport a étudié l’évolution des performances économiques du Gabon des années 1970, 1980 jusqu’à aujourd’hui. Et la situation est mauvaise.

    Selon le rapport du FMI, le Gabon reste un pays à revenus intermédiaires, mais ses populations s’enfoncent dans la pauvreté. « On s'est rendu compte qu’il y a eu un recul du niveau de revenu. Pour vous donner un exemple, au Gabon, si un habitant en moyenne gagnait 100 000 francs CFA en 1990, aujourd'hui, ce même habitant gagne à peine 80 000 francs CFA, détaille Gomez Agou, représentant du FMI, ce recul du revenu s'est accompagné de deux éléments importants au Gabon : l'accroissement du chômage et l'accroissement de la pauvreté. Le chômage, aujourd'hui, est autour de 35 à 40% au sein de la population en âge de travailler. Et la pauvreté, c'est un Gabonais sur trois qui est pauvre ».

    La dette va grossir

    Autre indicateur négatif, le taux d’endettement qui dépasse le seuil de 70% du PIB fixé par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac). « Nous avons donc regardé la situation de la dette du Gabon qui, aujourd'hui, se situe en 2023 à 70,5% du PIB. Donc c'est un taux d'endettement très important. » Selon Gomez Agou, la situation pourrait empirer : « Si le rythme d'endettement avant le 30 août 2023 se poursuit dans les années à venir, la dette du Gabon pourrait atteindre, dans 4 ans ou 5 ans, 100% du PIB ».

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    Pour corriger cette situation, le FMI formule plusieurs recommandations, il demande notamment plus de transparence dans la gestion des ressources pétrolières et minières. « C'est l'heure de rétablir toute la transparence, poursuit Gomez Agou, il faut publier, par exemple, les contrats de pétrole et les contrats miniers. Il faut s'assurer qu'il y a un audit du secteur, collecter l'impôt et les droits de douane et réduire le rythme de dépenses de l'État ».

    Volonté de maitrise des déficits

    Lors d’une cérémonie conjointe avec le FMI, le ministre de l’Économie, Mays Mouissi, a fourni quelques explications : « Nous continuons notre stratégie avec la volonté de faire en sorte que notre pays maîtrise ses déficits, maîtrise l'inflation et maîtrise son endettement. » Le ministre de l’Économie poursuit : « Ce que le FMI demande, c'est d'être déjà plus transparent sur les recettes pétrolières et minières. C'est la raison pour laquelle il y a toute une réflexion sur le volet contractuel, pour voir comment nous pouvons rendre publics les contrats liés à ce domaine ».

    Le FMI félicite le gouvernement de transition pour avoir volontairement mis à sa disposition, en toute transparence, la documentation nécessaire à l'élaboration de ce rapport. Il souhaite que Libreville s'active à appliquer ses recommandations.

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  • La saison de la commercialisation de la mangue touche à sa fin en Côte d’Ivoire, pays qui produit près de 150 000 tonnes de mangues fraîches. Pour valoriser la filière et réduire les pertes des producteurs, la transformation du fruit est une opportunité. Mais malgré les potentiels, cette option est encore limitée et peu exploitée.

    De notre envoyée spéciale à Ferkessédougou,

    Dans une petite usine située dans un quartier périphérique de Ouangolodougou, 20 tonnes de mangues fraîches sont acheminées chaque jour en pleine saison sur des tricycles par des producteurs de la région. Les mangues sont triées, lavées, puis traitées afin de répondre aux exigences sanitaires des clients.

    « On enlève les déchets, tout ce qui n’est pas bien. Il y a la longueur et l’exigence du client qui demande "Je veux telle ou telle taille", explique Sita Coulibaly qui supervise la salle de calibrage. Donc, on trie par rapport à ça. Et après le tri, on met dans les sachets, on pèse et on les place dans des cartons. Et on envoie ça chez le client. »

    Cette petite usine mise sur l’exportation vers le Ghana, puis l’Europe dans un second temps. Car selon Bazoumana Ouattara, le directeur de l’Usine de séchage de mangues de Ouangolodougou, le marché intérieur n’est pas encore réceptif à ce produit. « En Côte d’Ivoire, il n’y a pas de marché, explique-t-il. Les Ivoiriens ne connaissent pas la mangue séchée. Les supermarchés non plus. Mes clients sont au Ghana, HPW. On a un client qui est fidèle et, quelle que soit la situation, c’est seulement la commande qui va varier. L’année où la production est bonne, ils ont une grande quantité. Et lorsque c’est faible, la quantité devient mince à leur niveau. »

    Industrialiser et diversifier

    Pour cet entrepreneur, l’une des difficultés est la maintenance des machines qui, pour l’essentiel, sont importées. « Lorsqu’une pièce s’abîme, il n’y a pas le remplacement ici, regrette Bazouma Ouattara. On ne peut pas l’acheter ici : on n’a pas de magasin de vente de pièces en Côte d’Ivoire. Il nous faut appeler en Afrique du Sud, et la pièce arrive par DHL. Donc, c’est compliqué. »

    La période de commercialisation est courte : elle dure trois mois. Pas évident donc d’investir dans le conditionnement des mangues. Pour contourner cet obstacle, René Yéo, le directeur de l’usine Ivoire Bio fruits, a décidé de diversifier ses activités au sein de son usine.

    « Il faut à la fois plusieurs machines qui puissent avoir une grande capacité, en moins de trois mois, pour pouvoir rentrer dans ses fonds, calcule-t-il. Au niveau d’Ivoire bio fruits, on a envisagé de diversifier notre système de transformation en l’élargissant à d’autres fruits tropicaux comme la noix de coco et l’ananas. » Ce responsable de la profession inter-mangues préconise par ailleurs un soutien de l’État aux privés afin de développer davantage l’industrialisation de cette filière.

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  • En Centrafrique, la saison des pluies rime avec saison des mangues. Cette période qui va généralement de mars à juin, est une aubaine pour les Centrafricains qui possèdent cet arbre fruitier. Le commerce de ces fruits permet d’alimenter ménages et petits commerces.

    Dans ce champ de 20 hectares à proximité de Bangui, se trouvent sept manguiers. Des mangues mûres pendent à toutes les branches. En Centrafrique, pas de grandes plantations, mais quelques arbres ici et là. « Chaque ménage possède au moins un ou deux manguiers dans sa concession, explique Armand Koulayom, propriétaire et entrepreneur. Il profite du bénéfice de ses mangues en les revendant à un grossiste. Pendant la saison, les mangues sont abondantes et les prix sont abordables », détaille-t-il.

    À quelques pas de ce champ, au bord de la route, les mangues sont vendues dans des cuvettes, des bassines, des sacs ou étalées sur des tables pour attirer les clients. Les prix varient selon les variétés et leur grosseur. « Je vends un tas de cinq mangues à 50 francs CFA, affirme Juvenal qui vend sa production. Tous les jours, les revendeuses viennent acheter mes mangues dans des sacs et des cuvettes. Il y a plusieurs modèles de sacs et chez moi, les prix par sac varient de 5 000 à 7 000 FCFA. »

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    De forts potentiels

    En Centrafrique, la cueillette se fait de manière artisanale. Certains utilisent des bâtons en bambous, d'autres préfèrent grimper directement dans l’arbre. Julienne, une commerçante, profite de cette période pour développer d'autres affaires. « Chaque jour, je gagne entre 4 000 et 4 500 FCFA. En 12 jours, je m'en sors avec 50 000 ou 55 000 FCFA. Cet argent me permet de couvrir les besoins de ma famille sur tous les plans. Je fais aussi de l'épargne qui me permettra de me lancer dans un autre commerce durable après la saison des mangues », précise la vendeuse.

    Mais à Bangui, il se pose un problème de conditionnement. Il y a peu de chambres froides pour conserver les fruits et il n’existe pas d’entreprises de transformation. Armand Koulayom estime que ce secteur est plein de potentiels. « Pour booster ce secteur, il faut vraiment avoir une vision. C'est un secteur qui peut générer beaucoup d'argent. Si les entrepreneurs arrivent à créer des entreprises de transformation de mangues, ce serait très bénéfique et on pourrait même transformer les mangues en jus ou en confitures sur place, projette-t-il. Si les mangues sont transformées en grande quantité, on pourrait les exporter dans la sous-région pour développer notre économie et développer notre pays. »

    Ce secteur encore très informel et limité représente cependant aujourd’hui une source de revenus importante pour de nombreux ménages.

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  • L’Ituri est une province enclavée et isolée dans l’est de la République démocratique du Congo. Sa frontière avec l’Ouganda voisin lui permet depuis toujours de s’approvisionner, notamment en produits manufacturés. Mais depuis quelques années, la région congolaise, pourtant réputée pour son agriculture, importe aussi des produits maraîchers. La faute aux violences intercommunautaires qui empêchent les cultivateurs d’aller aux champs.

    De notre correspondante en RDC,

    Aux ports de Tchomia et Kasenyi, les pirogues sont déchargées directement dans des camions sur les berges du lac Albert. Direction Bunia, la capitale de l’Ituri, à une cinquantaine de kilomètres de là. Les marchandises rejoindront ensuite différentes localités aux quatre coins de la province.

    « Nous transportons du ciment, de l’huile végétale, des sacs de riz et différents biens de consommation », explique un capitaine de pirogue.

    Au total, une vingtaine de bateaux se relaient, trois ou quatre font la traversée entre les deux pays chaque jour. « Ça arrive de l’Ouganda, direct ici, au port de Tchomia, explique Olivier, qui se définit comme agent collaborateur de la douane. L’inverse, les marchandises de RDC vers l’Ouganda, ça n’existe pas. »

    « La RDC est une terre agricole, mais avec l’insécurité, il n’y a pas moyen de faire de l’agriculture »

    Voilà trois ans qu’Olivier, autrefois enseignant, travaille ici. Beaucoup d’hommes gravitent dans ces deux ports, à la recherche d’un emploi journalier. Nombreux sont des déplacés du conflit qui sévit en Ituri depuis 2017. Un conflit violent où des communautés se disputent sites miniers et terres agricoles, sur fond de rivalités ethniques et de racisme. Un conflit qui profite aux exportations agricoles de l’Ouganda.

    « Il y a déjà deux pirogues, une troisième arrive, elle va nous amener les moyens de vivre, des pommes de terre », détaille Jacob Bimbona, président des transporteurs du Lac Albert. La RDC est une terre agricole, mais avec l’insécurité, il n’y a pas moyen de faire de l’agriculture. Avant, ce n’était pas comme ça. Tous ces produits ne provenaient pas de l’Ouganda. »

    De l’or de RDC en Ouganda

    Un seul produit congolais est exporté de la RDC vers l’Ouganda : l’or. Mais ce trafic invisible est illégal. Selon l’étude d’une ONG anti-corruption, environ 95 % de l’or exporté depuis l’Ouganda est illicite.

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  • Le lac Albert, qui sépare la République démocratique du Congo (RDC) et l’Ouganda, est l’un des plus riches en poissons. Mais la surexploitation menace le renouvellement des stocks. Les autorités congolaises ont pris des mesures pour sauvegarder la ressource, mais cela accroit la concurrence avec les pêcheurs de l’Ouganda voisin. Au village congolais de Kasenyi, la pêche n'est plus ce qu'elle était.

    De notre envoyée spéciale à Kasenyi,

    Une dizaine de pêcheurs hisse la pirogue jusqu’à la berge. La pêche est maigre ce matin de mai à Kasenyi. Nombreux sont les résidents qui se sont tournés vers l’import-export : « La pêche, c’est le principal travail ici. Mais notre pêche aujourd’hui ne donne pas », se plaint un manutentionnaire, qui évoque le manque de matériel adapté.

    Règles différentes en Ouganda

    La RDC a en effet interdit l’utilisation de certains filets à petites mailles pour lutter contre la surpêche et favoriser la reproduction des poissons. Des zones de frayère ont aussi été délimitées : régulièrement, les services congolais détruisent les matériaux hors normes et arrêtent les pêcheurs illégaux.

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    Mais en face, côté ougandais, les règles sont différentes. « Les poissons viennent de l'Ouganda, explique Tina, vendeuse de poisson, car ici, au Congo, il y a beaucoup de patrouilles. Il y a des gens qui pêchent en Ouganda, d’autres qui achètent et qui nous ramènent le poisson ici. Nous, les vendeuses, nous achetons en gros. Puis, nous vendons au détail aux clients de Bunia, Mongwalu, Komanda, Mambassa, Béni, Oicha. Nous amenons les poissons de l'Ouganda jusqu'ici au Congo. »

    Pêcheurs congolais sans emploi

    Résultat, la concurrence est rude et les pêcheurs congolais se retrouvent souvent sans emploi. « Il y a une baisse de production, ça va créer du chômage, déplore Christophe Lonama, président provincial de la Fédération des entreprises du Congo (FEC). Ce n’est pas bon. Les années précédentes, on exploitait les poissons du lac Albert partout, il y avait des quantités suffisantes. Maintenant, il y a une diminution sensible des quantités de poissons et même une disparition de certaines espèces dans les lacs, suite au non-respect de zones de frayères et suite à l’usage de filets prohibés. »

    Le lac Albert est déjà considéré comme vulnérable par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en raison de la pollution liée à la présence humaine autour du lac. Le projet pétrolier de Total sur les rives du lac côté ougandais inquiète aussi les écologistes.

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  • La filière africaine du coton génère entre 5 et 50% du PIB des pays producteurs. Mais depuis deux ans, elle est confrontée à d’énormes problèmes de production. Remotiver la filière, c’était le but de l’Association cotonnière africaine à Abidjan, lors de sa 20ᵉ assemblée générale.

    De notre correspondant à Abidjan,

    Baisse de rendement due notamment au changement climatique, coût élevé des intrants ou encore émergence de cultures concurrentes telles que le maïs, l’anacarde ou l’arachide, voilà entre autres les difficultés que rencontre la filière cotonnière africaine ces dernières années.

    Jassides et pauvreté des sols

    Autre défi, l’apparition des jassides. Ces insectes ravageurs des champs de coton ont entraîné de lourdes pertes, estimées rien qu’en Côte d’Ivoire à plus de 330 000 tonnes, soit la moitié de la production. « Cela fait deux ans que nous avons des problèmes de jassides, qui ont perturbé la production », déplore Moussa Soro, président du conseil d’administration d’Intercoton, l’organisation interprofessionnelle agricole ivoirienne de la filière coton. « La crise perturbe tous les producteurs. Mais on veut relever ce défi. On a fait une sensibilisation et une remobilisation des producteurs sur le terrain pour les encourager à faire du coton et à relever le défi de la production ».

    Les producteurs du Burkina Faso voisin ont également été confrontés à ces insectes « mangeurs » de coton. Conséquence : plus de 25 % de la production perdue. Mais ils doivent également surmonter le fait que les sols sont de moins en moins fertiles. « Les terres sont lessivées, elles sont pauvres », observe Nikébo N'Kambi, président de l’interprofession burkinabé.« Donc, actuellement, il faut pratiquer l’assolement, il faut nourrir les terres pour relever le défi du rendement au Burkina Faso. Nous sommes en train de travailler avec les agronomes pour restaurer nos sols. Et après cette restauration-là, sensibiliser les producteurs aux meilleures techniques agricoles pour rentabiliser la production cotonnière. »

    Vulgariser les drones

    Selon les spécialistes invités par l’Association cotonnière africaine (ACA), réunie à Abidjan pour sa 20ᵉ assemblée à la mi-mai, ces difficultés, communes à l’ensemble des pays membres, peuvent être en partie surmontées par l’amélioration des mécanismes de production. « Il faut trouver des petits motoculteurs de labours », juge l’agronome Kodjané N’Diamoi,« de telle sorte que, même quand le gros tracteur commun n’est pas disponible, le producteur puisse commencer ses travaux et n’attende pas de laisser passer la période humide. Il a aussi été initié aux traitements par drone. Il faut encourager les essais et la vulgarisation de ces drones. »

    Le Bénin, le Mali, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire sont les plus gros producteurs d’Afrique, avec près de 50 % des récoltes du continent. Ces productions sont exportées principalement vers l’Asie.

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  • Ces deux derniers mois, le courant se fait rare à Brazzaville et à Pointe-Noire, les deux principales agglomérations du Congo. Et ce, malgré les investissements dans les infrastructures électriques ces vingt dernières années. Cela pénalise les entreprises, du secteur public au secteur informel.

    De notre correspondant à Brazzaville,

    Assis à l’ombre d’un arbre dans un jardin public du centre de Brazzaville, cet infographiste, qui préfère garder l’anonymat, a le regard un peu perdu. Il tient entre ses mains son ordinateur qu’il n’a pas pu allumer depuis deux jours, faute de courant. « Aujourd’hui, en tant qu’infographiste, si mon ordinateur n’est pas chargé, je ne peux pas travailler », se désole-t-il. « Si mon téléphone n’est pas chargé, je ne peux pas faire ma communication. Je ne peux pas envoyer mes dossiers à un client qui me demande de lui faire une conception en Afrique ou ailleurs. Je rappelle à nos autorités de prendre conscience de ce qu’elles ont pris comme engagements et de les respecter ».

    Manque à gagner énorme

    Les très petites entreprises du secteur informel tenues par de jeunes Congolais dans treize branches d’activités sont très pénalisées. « Le manque à gagner dû aux coupures d’électricité est énorme », a calculé Mermans Babounga, secrétaire exécutif de l’Observatoire congolais des droits des consommateurs. « Les pertes vont de 50 000 francs CFA (76 euros) à 700 000 francs CFA (plus de 1 000 euros) par mois que ces acteurs dépensent pour pallier aux coupures d’électricité, en achetant du carburant et en entretenant les groupes électrogènes ».

    La situation est paradoxale puisque le Congo a injecté des milliards de francs CFA pour construire des unités de production de courant ces vingt dernières années. C’est le cas d’une centrale de plus de 470 mégawatts alimentée par le gaz. « Quelle est la qualité de l’électricité que nous avons en lien avec tous les investissements qui ont été réalisés dans le domaine ? », s’interroge Brice Mackosso de la Coalition Publiez ce que vous payez Congo. « Il y a des questions à se poser. Qu’est-ce qu’on a fait avec tous ces investissements et quel est le résultat que nous avons aujourd’hui ? ».

    Centrale au gaz mal approvisionnée

    Les coupures actuelles seraient dues au faible niveau d’approvisionnement en gaz de cette centrale électrique alors qu’elle produit 72 % du courant consommé dans le pays, confie une source à la société nationale Énergie électrique du Congo. Le Congo, poursuit-elle, ne doit pas miser sur les centrales électriques, mais plutôt sur les barrages hydro-électriques pour avoir une électricité pérenne et propre.

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  • Deux anciens présidents du Bénin étaient en mission de bons offices au Niger mardi 25 juin. Au coeur des tensions entre les deux pays : la frontière, rouverte en février par Cotonou, mais que Niamey maintient fermée. Une situation qui dure depuis près de 11 mois et qui pèse très fortement sur la ville frontalière béninoise de Malanville. Et plus particulièrement sur son marché international.

    Par notre envoyée spéciale à Malanville,

    Casque sur la tête, Jean-Marie s'apprête à remonter sur sa moto après avoir fait péniblement quelques achats au marché. « D'habitude avec 1 000 francs CFA, je pouvais préparer la sauce. Mais aujourd'hui, avec 1 000 francs, je ne peux rien faire », déplore cet enseignant, qui deux jours plus tôt n’a pas pu trouver de tomate. « Le piment que j'achetais à 50 francs, aujourd'hui, je l'ai acheté à 100 francs. Les tomates que j'ai achetées, ça ne pourrait même pas faire une marmite de sauce. Tout est vraiment cher au marché. Ce que les gens disent, c'est que la cherté est due à la fermeture de la frontière. »

    Chercher des oignons jusqu'à Segbana

    Les produits du Niger, qu'il faut désormais acheminer par le Nigeria, arrivent plus difficilement. Et c'est aussi le cas des oignons. « Avant, l'oignon était partout et les clients étaient nombreux », se souvient un revendeur. « Mais aujourd'hui, on a perdu 50 % de nos clients. L'oignon qu'on appelle Galmi vient du Niger, mais il faut aller jusqu'à Segbana [à la frontière du Nigeria, NDLR] pour aller le chercher. Avant, avec notre frontière ouverte, ça pouvait arriver en une journée, mais maintenant par Segbana, il faut trois jours de trajet. »

    Le marché international de Malanville, qui regroupe 4 000 usagers, est le deuxième marché du Bénin. Ces dernières années, les Nigériens en étaient les principaux clients. Mais avec la frontière fermée, ils ne viennent plus. « Il n'y a que quelques clients locaux qui viennent au marché et qui paient un peu », témoigne Mohamed Ali, dans sa boutique de bazin. Membre de l'association de développement du marché de Malanville, il n’avait jamais vécu une telle situation en 30 ans d'activité. « Actuellement, beaucoup de boutiques sont fermées. Nous sommes en arriérés pour les impôts, pour les taxes du marché. Actuellement, aucun produit n'est épargné par cette crise. Si du côté des vivres ça ne marche pas, ça veut dire que le marché est carrément à terre. Ça ne va pas du tout. »

    Choc pour Malanville et ses environs

    Plus grande fierté de la commune, selon son maire Gado Guidami, le marché international de Malanville subit un choc qui se répercute, observe-t-il, sur toute sa ville. Et, par ricochet, sur l'ensemble des communes environnantes.

  • La Bourse des matières premières agricoles d’Abidjan bientôt opérationnelle ? Six ans après le lancement du projet ivoirien, en 2018, la phase pilote devrait démarrer dans les prochains mois et pour deux ans. C’est en tout cas la promesse des autorités ivoiriennes qui en ont fait la promotion en Afrique du Sud.

    De notre correspondante à Johannesbourg,

    Avec cette future bourse (BMPA-CI), les échanges directs entre acheteurs et vendeurs de gré à gré seront remplacés par un marché des matières premières agricoles, où le prix sera fixé de manière transparente : selon l’offre et la demande.

    « On compte démarrer cette année, pour une phase pilote de deux ans, avec les trois spéculations qu’on a retenues : la noix de cajou, la noix de cola et le maïs, précise Edoh Kossi Aménounvé, directeur général de la Bourse régionale des valeurs mobilières d’Abidjan (BRVM), qui chapeaute le projet. Et dans deux ans, on ira plus en profondeur, avec des nouveaux acteurs qui seront installés pour pouvoir piloter cette bourse ».

    Cajou, cola et maïs dans un premier temps

    À terme, l’idée est d’élargir l’offre, avec, par exemple, le cacao. Et pourquoi pas d’étendre la bourse à toute l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

    Mais pour l’instant, il s’agit de permettre à Abidjan de mieux commercialiser ses produits phares. « L’agriculteur, il produit en Côte d’Ivoire, et on lui dit que son prix dépend des négociations, soit de la bourse de Londres en ce qui concerne le cacao, soit de la bourse de Kuala Lumpur, en ce qui concerne l’huile de palme. Donc il a du mal à comprendre ces mécanismes-là, reconnaît Koffi Rodrigue N’Guessan, directeur du développement rural au sein du ministère ivoirien de l’Agriculture. Mais aujourd’hui, grâce à la bourse, où tous ces mécanismes sont déportés au niveau d’Abidjan, et où lui-même est acteur, je pense qu’il y aura moins d’incompréhensions quant à l’acceptation des prix qui sortiront des différents mécanismes. »

    Le défi des volumes

    Le continent possède 15 bourses des matières premières, dont la plupart des plus développées sur le marché sud-africain, tourné vers les produits dérivés financiers. La BRVM est donc venue chercher de l’expertise et des investisseurs à Johannesburg. « L’un des gros défis, c’est de capter des volumes suffisants, juge Robert Matsila, spécialiste du secteur agricole pour le fonds Public Investment Corporation (PIC). Si l’on considère le coût d’installation des infrastructures, il faut des volumes importants. Donc, il faut réfléchir comment les fermiers peuvent accéder aux financements et aux connaissances techniques pour ces trois produits, afin que la productivité soit à un niveau international. »

    Les autorités ivoiriennes indiquent disposer pour l’instant d’une capacité de stockage de 430 000 tonnes, et continuent d’identifier d’autres entrepôts.

  • Conférence consacrée aux investissements africains en Tunisie, le FITA, a rassemblé 2 000 personnes venues de 65 pays à Tunis. Automobile, BTP, électronique, nouvelles technologies, textile, les secteurs représentés étaient nombreux. L’occasion pour la Tunisie de tenter de se positionner comme hub en Afrique mais aussi de tenter de faire oublier les violences contre les ressortissants d’Afrique de l’ouest et centrale qui continuent d’émailler l’actualité en Tunisie.

    Par Amira Souilem, correspondante à Tunis,

    « Akwaba de la Côte d’Ivoire !... Zélé du Cameroun ! ». L’édition 2024 du FITA s'est ouverte dans pas moins de cinq langues africaines. La Tunisie redouble d’efforts pour mettre à l’aise ses hôtes africains cette année. Redorer aussi son image après les violences qui ont pris pour cible les Subsahariens dans le pays.

    « Les Tunisiens sont de plus en plus intéressés par le continent », juge l’organisatrice de l’événement, Nadia Yaich. Expert-comptable, elle reconnaît tout de même que l’économie a pâti du contexte politique. Les partenaires africains évoquent avec elle les déportations d’immigrés subsahariens dans le désert. Mais elle reste optimiste. « Il faut que nous trouvions des solutions. Nous sommes un pays accueillant et nous travaillons avec plusieurs présidences. Nous avons des relations historiques, diplomatiques, que l’on veut aujourd’hui mixer avec l’économie. »

    Au stand de la Société nationale immobilière de Tunisie, Dora Aloui Bellagha, directrice commerciale, compte sur cette rencontre pour faire fructifier son expérience sur le reste du continent, face au concurrent égyptien. « On a construit plus de 180 000 logements sur tout le territoire tunisien. C’est pour cela qu’on envisage de commencer par l’Afrique noire parce que c’est là qu’ils envisagent de créer des logements sociaux avec des prix minimisés. »

    Engouement pour la Côte d’Ivoire

    Pays où les Tunisiens s’en sortent bien et pour lequel l’engouement ne se dément pas, la Côte d’Ivoire accueille 10 000 Tunisiens et 250 entreprises de ce pays d’Afrique du Nord. « Les Tunisiens en Côte d’Ivoire investissent dans le bâtiment, dans les grands travaux, détaille Patrick M’Bengue, le responsable de la Chambre de Commerce et d’industrie Tunisie-Côte d’Ivoire. Beaucoup de cohortes d’entreprises tunisiennes investissent dans le domaine du numérique - les nouveaux métiers - dans l’énergie… ». Cacao, noix de cajou, fruits… Les Ivoiriens comptent de leur côté sur des débouchés commerciaux en Tunisie.

    Un grand potentiel d’investissements entre pays africains malheureusement freiné, soulignent les participants du FITA, par les lourdeurs administratives et les difficultés d’accès aux prêts.

  • En Éthiopie, la production d’électricité a explosé avec la construction du méga-barrage sur le Nil. La capacité électrique du pays va passer de 2 à 10 gigawatts en cinq ans. Une aubaine pour les mineurs de bitcoins. Une vingtaine d’entreprises ont signé des contrats avec le gouvernement pour pouvoir installer leurs ordinateurs de minage.

    De notre correspondante à Addis-Abeba,

    La production électrique explose en Éthiopie, mais la moitié de la population en est encore privée, car les investissements dans le domaine manquent. Il faudrait 10 milliards de dollars pour construire les infrastructures nécessaires. En attendant, des centaines de milliers de mégawatts sont gaspillés. Des mineurs de bitcoins ont flairé l’opportunité d’une énergie à bas prix.

    Le mining est le processus informatique par lequel la cryptomonnaie est créée. Un processus qui consomme beaucoup d’énergie « Avec sa situation énergétique, l’Éthiopie est probablement le meilleur endroit pour faire du bitcoin mining aujourd’hui », se réjouit Nemo Semret, cofondateur de QRB Labs. En 2021, il est le premier à pressentir la bonne affaire.

    Il s’apprête à installer son premier conteneur, rempli de machines de minage, dans une des sous-stations électriques qui répartissent le courant dans le pays. L’idée est de rester mobile pour s’adapter à la demande en électricité. « Ce qui a du sens pour le bitcoin, c'est d'utiliser l'énergie que personne d'autre ne peut utiliser », explique Nemo Semret. « Une usine peut payer 5 cents et un bitcoin minor ne peut pas payer plus de 2 ou 3 cents », détaille-t-il encore. Quand l’énergie peut aller aux plus offrants, le marché est rationnel et prend le dessus, analyse le spécialiste, rassurant sur le fait que le mineur de bitcoin est donc le dernier fourni, ne privant pas le pays de courant. « Quand l’énergie peut aller à un autre utilisateur, ça n’a plus de sens de le donner au bitcoin », argumente-t-il.

    Un secteur très compétitif

    Les mineurs du bitcoin se livrent une compétition mondiale sans merci sur ce marché limité. Pour espérer être rentable, il leur faut trouver un équilibre entre le coût de l’énergie et celui du matériel. « Les gens ont l’impression, quand le prix de bitcoins monte surtout, que c’est un business super facile et profitable, témoigne l’entrepreneur. Mais ce n’est pas un business facile, les marges sont très minces et c’est très compétitif. »

    Résultat : sur les 21 entreprises légales qui ont signé des contrats, seules quatre sont actives aujourd’hui en Éthiopie. Nemo Semret loue les infrastructures à des entreprises étrangères qui payent en dollars. Aucune transaction en bitcoin donc, car la monnaie reste interdite en Éthiopie.

    Kal Kassa, consultant dans le domaine du Bitcoin, est très optimiste : « Si les prévisions sont bonnes, dans l'année à venir, les mineurs devraient générer un à deux milliards de dollars de revenus. Ethiopian Electric Power recevra 10% de cette somme grâce aux revenus de l'énergie. Ce qui n'est pas négligeable. »

    Besoin de cadres légaux

    Deux cents millions de dollars reviendraient donc à la société nationale d’électricité pour financer les lignes de transmission. Une décision qui reviendra au gouvernement, aucune promesse n’a été faite en ce sens pour l’instant. C’est surtout un moyen de rapporter rapidement des devises étrangères au pays qui en manque cruellement.

    Et ce nouveau business n’a toujours pas de cadre législatif, il reste flou et risqué. « Il devrait y avoir une loi spécifique, cela rendrait les choses transparentes : le coût de l'énergie, les taxes, les droits de douane, le régime d'importation. Pour pouvoir investir sur des faits et non sur des suppositions », met en avant Kal Kassa.

    Le potentiel est énorme, si le marché est protégé de la corruption et bénéficie d’une fiscalité favorable. Sinon peu de chance que ce business délicat puisse rester rentable.

  • Comment prévenir contre l’extrémisme violent et attirer les jeunes vers des projets viables ? Les autorités ivoiriennes ont mis en place, depuis deux ans, le programme de lutte contre la fragilité. Il s’adresse aux personnes âgées de 18 à 40 ans, vivant dans six régions des zones frontalières avec le Mali et le Burkina. Des régions touchées par le chômage dans lesquelles les populations deviennent de potentielles cibles du recrutement des groupes armés.

    Bakary Ouattara a 31 ans. Il a grandi et vit toujours à Kofiron, un village proche de la frontière malienne. Ce jeune a quitté les bancs en classe de troisième. Sans diplôme, mais avec les connaissances transmises par ses parents, Bakary a décidé de reprendre l’entreprise familiale : il vend du maïs et du riz. Dans son local, il peut stocker jusqu’à 100 sacs de céréales. Mais sans apport financier, difficile de tirer profit du potentiel de son local. « Je m’en sors très bien, dit-il, je parviens à être en activité 12 mois sur 12. À l’époque, je n’avais pas assez de fonds pour acheter des sacs de céréales auprès des femmes du village. J’ai bénéficié d’un prêt de million de FCFA. Cet argent m’a permis d’acheter de grandes quantités de céréales et de constituer un stock. Et je me suis mis à revendre. J’ai fait des bénéfices. »

    Commerce et agriculture

    Bakary a remboursé son prêt en moins d’un an. Depuis, il a ouvert une autre boutique, pour mener des activités de téléphonie et de transfert d’argent. « Je parle de mes activités aux autres jeunes du village pour que, eux aussi, se motivent et montent des projets, poursuit-il, je leur explique comment je m’y suis pris. Je leur dis qu’on peut gagner de l’argent en s’impliquant dans de petits projets. »

    Madou a 33 ans. Il a abandonné l’école pour se consacrer à l’agriculture. Ce jeune de Toumokro cultive le maïs, le riz, le coton et le soja. Cet agriculteur a emprunté 800 000 FCFA à l’agence Emploi Jeunes pour acheter des bœufs, des engrais et des pesticides. Malgré ce coup de pouce, Madou doit encore s’accrocher pour sentir les bénéfices de son métier : « J’ai bénéficié d’un prêt l’an dernier. Mais, la pluviométrie a été mauvaise. Mes récoltes de maïs et de coton n’ont pas bien donné. C’est difficile. J’espère qu’on aura une meilleure pluviométrie cette année afin que je puisse rembourser mon prêt. »

    Cibles du recrutement des jihadistes

    Ce programme vise à ancrer les jeunes dans des activités professionnelles. « Si ces jeunes qui sont à la frontière ne sont pas occupés, s’ils ne sont pas sensibilisés, ils deviennent une cible facile, un appât, pour ces jihadistes, explique Anselme Gauze, est le chef de l’Agence Emploi Jeunes de Korhogo, donc il faut les occuper. Lorsque nous sommes allés à Kafolo –Kafolo a été une zone prioritaire du projet, parce qu’il y a eu des attaques jihadistes dans ces zones-là – il y a des jeunes qui ont pu bénéficier de ces subventions, et il y en a qui ont pu bénéficier de formation en apprentissage : électricité, mécanique-auto et à la soudure. »

    Pour l’heure, dans cette zone frontalière, près de 52 000 jeunes ont bénéficié de ce programme d’aide.

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  • La Libye parie plus que jamais sur le pétrole. Après une décennie de chaos, toujours divisé entre l'est et l'ouest où deux gouvernements se disputent le pouvoir, le pays a pour objectif d'augmenter sa production pour atteindre à terme les 2 millions de barils par jour. Les compagnies étrangères se précipitent de nouveau pour investir en Libye, « poule aux œufs d'or noir », puisque le pays dispose des plus importantes réserves d'Afrique.

    TotalEnergies, Shell, ConocoPhillips, toutes ces multinationales des hydrocarbures ont récemment investi en Libye. Il y a eu des évolutions ces trois dernières années. Une Banque centrale réunifiée, du changement à la direction de la NOC, la compagnie nationale pétrolière, et la reprise de différents gisements, comme celui d'al-Charara, disputé par les milices encore récemment. Un environnement plus propice aux investissements, selon Zakaria Al Barouni, directeur général de la société d'assurance libyenne Al Baraka : « Il y a maintenant beaucoup d’opérations de la part des entreprises chinoises, turques et européennes. Le gouvernement a garanti à ces entreprises qu’elle a des institutions financières stables, explique-t-il, Les transferts des fonds vers l’extérieur de la Libye sont maintenant possibles et simples, c'est plus flexible pour les entreprises étrangères de venir opérer en Libye ».

    Confiance retrouvée

    Les troubles politiques, suite au « printemps arabe » de 2011 suivi du renversement du régime de Mouammar Kadhafi ont fait fondre les investissements directs étrangers dans le pays. Trop de violences, des attaques à répétition sur des terminaux pétroliers ; les compagnies étrangères avaient rapatrié leurs salariés.

    La confiance des investisseurs semble être retrouvée. « Nous couvrons l’assurance de guerre, une première en Libye. Nous couvrons les émeutes, les troubles civils, la construction, les risques et l’énergie, détaille l’assureur Zakaria Al Barouni, ces types d’assurances donnent de la sécurité, une tranquillité d’esprit pour les entreprises au cas où de mauvais événements arriveraient à leurs opérations et les infrastructures. Leur argent ne sera pas dépensé en vain ».

    Explosion de la contrebande

    Les pratiques internes de la NOC sont toutefois jugées encore moins solides aujourd'hui. La contrebande de carburant explose. Un indicateur inquiétant pour les investissements, estiment de nombreux observateurs.

    « Ce problème de la contrebande de carburant existe depuis plus de 10 ans, mais sa taille en dollars ne fait que grossir. Cela veut dire qu'il y a des revenus qui sont sales, qui circulent dans l'est libyen comme à l'ouest libyen, résume Jalil Harchaoui spécialiste de la Libye au Royal United Institute à Londres. D'où vient l'argent ? On ne sait pas. Et comme il y a des tentations de blanchiment d'argent, il faut se méfier. Ces sociétés américaines, françaises ou italiennes sont en train de supplier pour des contrats dont on ne connaît pas la nature, on ne sait pas dans quoi ils se lancent ».

    Une part de l'argent du pétrole brut est consacré à des achats de carburant à l'étranger, principalement en Russie. Du carburant qui est ensuite revendu via le marché de la contrebande dans des pays voisins comme le Tchad ou le Soudan. Cela représenterait plus de 5 milliards de dollars par an, selon le bureau d'audit libyen.

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  • Une méga-ferme laitière de 30 000 vaches pour produire localement du lait frais et des yaourts : c'est l'ambition des autorités de Benghazi, en Libye. Le marché a été confié à un groupe privé azéri-turc qui a déjà fait venir un premier lot de mille génisses françaises, pour une phase test.

    Pour le premier voyage effectué en mars dernier, mille génisses de race prim’holstein, la « Rolls-Royce » des vaches laitières, ont été rassemblées dans le port de Sète, au sud de la France. « Elles viennent de toute la France, depuis le Finistère jusqu'aux Hauts-de-France en passant par l'Alsace et le centre de la France. Pour faire un volume comme celui-ci, il faut voyager beaucoup », détaille Christian Durris, un négociant en bétail et PDG de la société EuropeAgri, qui a choisi ces vaches avec son fils.

    Un voyage à 3 millions d’euros

    Une à une, les bêtes ont pris la passerelle pour embarquer sur un navire bétailler, destination la Libye. Trois jours de voyage, avec à bord, tout pour supporter l'exil en Libye comme l'explique Frédéric Casasola, directeur du développement de B3 Group, un groupe azéri-turc, qui a remporté le marché : « Avec les vaches, on apporte 52 tonnes de nourriture française, pour limiter leur stress à l'arrivée ainsi que tous les médicaments pour une année. »

    Le coût de ce premier voyage est d'un peu moins de 3 millions d'euros. Un montant qui s'ajoute au coût de la réhabilitation de la ferme de Ghot Sultan, située au sud-Est de Benghazi et presque abandonnée depuis la guerre. Un projet financé par le gouvernement de l'est libyen dont l'ambition est l'autosuffisance en produit laitier.

    « L'État de Benghazi a tourné la page de la révolution et souhaite redresser l'économie, explique Frédéric Casasola, l'ambition, à terme, c'est d'avoir 30 000 vaches laitières pour produire du lait frais, des yaourts et du fromage fabriqué en Libye. L'objectif, c'est aussi de former des libyens au travail de la ferme. »

    Des centaines de veaux déjà nés sur place

    Des prototypes de pots de yaourts ont déjà été dessinés. Mais les Libyens devront encore faire leurs preuves pour rivaliser avec les mega-fermes d'Arabie saoudite et du Qatar. L'activité laitière est très technique, rappelle Laurent Tremoulet, le directeur de la SEPAB, la société d'exploitation du parc à bestiaux de Sète : « Chaque génisse va faire un veau qu'il va falloir engraisser aussi. Et après, il y a toutes les préoccupations sanitaires relatives aux animaux, une régularité, une alimentation équilibrée. Pour qu'elle produise du lait, il faut lui donner les bonnes choses au bon moment. Sur un engraissement, on peut se louper pendant quelques semaines, sur une génisse, on ne peut pas, car sa carrière laitière va dépendre de ses premières semaines de lactation. »

    Depuis l'arrivée du premier lot de vaches en Libye, plusieurs centaines de veaux sont déjà nés. À terme, la ferme de Ghot Sultan, qui s'étend sur 17 kilomètres, a aussi l'ambition d'accueillir 6 millions de poulets. Pour le port de Sète, ce nouveau marché qui s'ouvre en Libye pourrait être une petite bouffée d'air : le premier port bétailler d'Europe a vu ses résultats financiers s'effondrer depuis le gel du marché algérien, suite à l'apparition de la MHE en septembre dernier en France, un marché qui représentait ces cinq dernières années 80 à 90% de l'activité. En février dernier, après le Maroc et la Tunisie, la Libye a rouvert ses frontières au bétail vivant français. Mais le blocage persiste avec Alger.

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  • C’est l’un des grands projets de développement de commerce maritime international en Égypte. L’extension du port de Sokhna, situé à une cinquantaine de kilomètres au sud de Suez, permettrait à l’Égypte de compter sur son sol un des ports majeurs de la côte est de l’Afrique – dans la lignée de Mombasa et Dar Es Salaam.

    Avec notre correspondante au Caire,

    Les pelleteuses s’activent sur un chantier qui s’étend à perte de vue sous un soleil harassant. Au loin, les cheminées de quelques usines exhalent leur fumée au-dessus de la mer Rouge. « Pourquoi le port de Sokhna est spécial ? Il est stratégiquement situé à l’entrée du canal de Suez, explique le général Mohamed Khalil, chef du projet de développement du port affilié au ministère égyptien des Transports, et qui fait la présentation du site. Nous sommes ici sur l’un des quais du port d’Ain Sokhna. Ici, au port de Sokhna, nous avons 18 kilomètres de quai… 18 kilomètres d’affilée, et ça n’existe dans aucun autre port dans le monde. »

    Ce quai géant a été financé par le constructeur hongkongais Hutchison. Le Chinois Cosco et le Français CMA CGM font aussi partie des investisseurs majeurs pour le développement de Sokhna. Mais le général égyptien insiste sur l’intérêt national. « Ici, sur le port, nous avons 228 entreprises nationales égyptiennes, qui créent directement 100 000 opportunités d’emplois : ingénieurs, ouvriers, chauffeurs… », met-il en avant.

    L’Égypte se rêve en pays pivot du transport maritime international, sur les routes qui relient l’Asie à l’Europe. « L’Égypte a beaucoup d’ambition pour son canal et en plus, on a les flux d'Asie. Il semblait plus logique de décharger à Sokhna pour cette partie de l'Égypte plutôt que d'amener les lignes à Alexandrie ou Damiette », analyse Paul Tourret, le directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime.

    Un intérêt des investisseurs ?

    À terme, l’extension du port s’accompagnerait du développement d’une grande zone logistique jusqu’au canal de Suez. Mais l’instabilité économique de l’Égypte, et à plus grande échelle, l’instabilité géopolitique de la région, pourrait compromettre ses ambitions. Difficile de savoir si les grands logisticiens voudront installer des structures sur le canal en Égypte. « Ça dépend du cocktail égyptien, politique et économique », estime Paul Tourret. Car la crise économique qui frappe le pays et les attaques des rebelles houthis en mer Rouge renforcent les doutes sur l’attractivité de Sokhna.

    Mais pas de quoi décourager les pays du Golfe, notamment DP World, l’administrateur émirati du port de Sokhna qui est en pleine dynamique sur le continent. « Les pays du Golfe, en même temps qu’ils développent leurs ports, développent leurs sociétés portuaires, détaille le directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime. Ce sont des possibilités demain pour faire des choses. La création non pas d’une finance arabe, mais d’une capacité d’infrastructures. » Les nouveaux quais géants de Sokhna devraient accueillir les premiers porte-conteneurs à partir de 2025.

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  • En RDC, le secteur minier connait un déficit en électricité qui varie entre 500 et 1000 mégawatts, selon la Chambre des mines. Ce qui rend difficile la transformation locale de certains minerais. Pour y remédier, la Sicomines, co-entreprise issue de l’accord sino-congolais, a opté pour l'autonomie. Elle s’est dotée de la centrale hydroélectrique de Busanga, le plus haut barrage du Congo.

    De notre correspondante en RDC,

    Deux montagnes taillées. Entre elles, une petite rivière a pris du volume. La centrale hydroélectrique de Busanga tire ses eaux du fleuve Congo. A la sortie des eaux du lac de retenue, un barrage long de 14,5 mètres, plus haut que celui d'Inga. « On a débuté la construction en 2017 et on a l’achevée en septembre 2021, soit quatre ans de travaux, explique Adam, administrateur de la société chinoise Sicohydro qui a construit cette infrastructure. C’est un barrage-voûte à double courbure en béton compacté au rouleau. Le plus haut barrage au Congo. »

    Barrage plus haut qu’Inga

    Au bas des collines trône une centrale imposante avec quatre turbines produisant chacune 60 mégawatts. « Aujourd’hui, la puissance installée est de 240 mégawatts, détaille Jean Zeng, consultant de la Sicohydro. On tourne avec quatre turbines, en fonction du niveau d’eau. Lorsque l’eau diminue, on peut arrêter une machine. »

    Dans la région du Katanga, la Société nationale d’électricité n’a pas la capacité de répondre à la forte demande du secteur minier, gros consommateur d’électricité. Ce qui a motivé la société minière Sicomines à construire sa propre centrale hydroélectrique. « La Sicomines a voulu avoir l’autonomie électrique, explique Germain Pungwe, président du patronat à Kolwezi. Nous sommes dans une région où se concentre la majorité des sociétés minières, qui produisent plus de 60 % du cuivre et du cobalt de notre pays et elles ont besoin de beaucoup d’énergie électrique pour faire tourner leurs machines. Malheureusement, elles font face à un déficit en énergie électrique. »

    L’autonomie pour l’activité minière

    Le projet inspire d’autres acteurs privés, notamment pour les aspects techniques. « Il vaut mieux s’inspirer des autres et, peut-être, améliorer, commente Eric Monga, directeur de l’entreprise Kipay Ennery et porteur d’un autre projet de centrale hydroélectrique à Sombwe. Par exemple le béton compacté, c’est le même style qu’on va appliquer chez moi. Donc il faut savoir comment ils ont fait le mélange, est-ce qu’il faut éviter les échauffements, etc… »

    Située à plus de 100 km de Kolwezi, cette centrale hydroélectrique est le seul nouveau projet réalisé en RDC ces quarante dernières années, pour un coût de 655 millions de dollars.

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  • La RDC détient à elle seule 8% du potentiel hydroélectrique mondial mais son taux d’électrification est le plus bas du continent, moins de 15% selon la Banque mondiale. Comment réduire l’écart entre la croissance démographique et la capacité de production d’électricité en RDC ? Quelles solutions pour les particuliers et les entreprises ?

    De notre correspondante à Lubumbashi,

    La Société nationale de l’électricité (SNEL) en RDC en est consciente, sa production ne couvre pas les besoins de la population, encore moins ceux de l’industrie. « La SNEL a une puissance installée de 2 500 mégawatts et nous ne produisons aujourd’hui qu’environ 1 900 mégawatts. Ce n'est pas suffisant car la demande avoisine déjà 4 000 mégawatts, reconnaît l’ingénieur Henry Makap Amteb, chef du département production à la SNEL. Donc nous devons nous mettre ensemble pour voir comment répondre à cette attente. »

    Manque de financement

    Ce déficit de production électrique s’explique par le manque d’investissements, estime Vika Di Panzu, président du Comité de gestion technique de la société Trade Power RDC, qui importe et revend du courant dans l’ouest de la RDC. « Si vous voulez avoir une offre qui puisse être à même de satisfaire les besoins de la population, tenant compte de la croissance démographique, vous devez développer des centrales de 400 mégawatts, par tranche de cinq ans. Or depuis 1986, on n’a rien développé. »

    Pourtant, depuis la libéralisation du secteur de l’électricité, il y a plus de dix ans, des initiatives privées de construction de mini-centrales hydro-électriques se multiplient. Mais la plupart sont encore en phase d’études. Et le système financier en RDC ne facilite pas leur réalisation. « Quand vous allez vers les banques, les taux d’intérêts sont explosifs dans notre pays », déplore l’ingénieur et entrepreneur congolais Jean-Marie Katond, qui a initié deux projets dans la région du Katanga. « Le projet que nous avons dans le Haut Lomami, de 94 mégawatts, vaut plus de 400 millions de dollars. Aucune banque dans notre pays ne peut le financer. Donc, il faut aller vers des financeurs extérieurs. »

    Compteurs intelligents

    En attendant, la réalisation des différents projets du secteur privé, la SNEL compte rationaliser la consommation de l’électricité produite actuellement en vue d’une meilleure répartition entre les entreprises et les particuliers. « On doit tout faire pour réhabiliter les infrastructures existantes, explique Donatien Ngendu, conseiller technique à la SNEL. On peut récupérer 500 mégawatts et répartir cela à tous les clients miniers. Et nous avons aussi un plan d’installation des compteurs intelligents chez tous les clients. Grâce au compteur à pré-paiement, le client sera en mesure de pouvoir gérer sa charge et sera encouragé à ne plus gaspiller comme c’est le cas présentement. »

    La SNEL entend aussi créer des lignes d’interconnexion régionale afin d’importer de l’électricité des pays voisins comme l’Angola et le Mozambique, qui ont un excédent de près de 3 000 mégawatts.

  • L’organisation Swissaid a produit une étude inédite sur la production d’or artisanal sur le continent. Dans ce rapport, les auteurs ont compilé et recoupé un grand nombre de données, ce qui n’avait jamais été fait jusqu’à présent. La production de contrebande atteindrait jusqu’à 474 tonnes chaque année en Afrique et représenterait jusqu’à 35 milliards de dollars. Une manne financière qui quitte le continent et qui est commercialisée de manière très organisée.

    L’or artisanal produit quitte les zones de production de manière illégale par deux voies. « Soit l'or passe en contrebande vers un pays voisin, auquel cas, il emprunte la plupart du temps la voie terrestre. Il faut savoir que les frontières entre de nombreux pays africains sont très poreuses, donc il y a peu de chances de contrôle. Et dans l'autre cas, l'or est exporté en contrebande directement vers les Émirats arabes unis. Et dans ce cas, c'est plutôt par la voie aérienne », détaille Yvan Schulz, co-auteur de l’étude.

    En partant par la route, l’or rejoint des pays dits « intermédiaires » comme le Mali ou l’Ouganda. Des destinations qui s’expliquent par différents facteurs. « Si on prend le cas du Mali, il y a notamment les questions fiscales, comme l'Ouganda. Quand vous avez une fiscalité avantageuse dans un pays limitrophe, vous allez forcément passer par le pays limitrophe pour exporter votre or », explique le second co-auteur Marc Ummel. Autre critère central, le prix d’achat de l’or. « Aujourd'hui, à Bamako, votre or sera acheté à un meilleur prix que si vous le vendez à un comptoir à Ouagadougou ou dans d'autres pays, que ce soit au Sénégal ou en Mauritanie, constate l’expert. Et c’est ça qui alimente tous ces réseaux. »

    Pour Marc Ummel, un troisième facteur peut encore expliquer le phénomène de contrebande transfrontalier : « Vous avez aussi tous les réseaux des bureaux d'achats très influents qui vont préfinancer toute la chaîne jusqu'à la mine. Ils vont développer tous ces réseaux, ce qui fait qu'on va arriver à avoir ces phénomènes de contrebande. »

    Des frontières faciles à passer

    Des pays intermédiaires qui jouent un rôle clé dans le « blanchiment » de l’or de contrebande, selon Yvan Schulz. « Si on prend l'exemple d'or importé de RDC en Ouganda, si cet or-là est raffiné en Ouganda et par la suite réexporté par exemple vers Dubaï – c'est ce qu'on a souvent observé – cet or va acquérir l'Ouganda comme origine et donc ne sera pas traçable jusqu'à la RDC », souligne-t-il.

    Par avion, l’or part généralement dans des mallettes essentiellement vers Dubaï très attractif. « Premièrement, il n’y a pas de taxe à l'importation sur l'or, donc vous n'avez rien à payer si vous rentrez dans le pays avec une valise d'or, met en avant Marc Ummel. Deuxièmement, c'est extrêmement facile de passer la frontière justement avec une valise pleine de lingots d'or. Il n’y a pas de questions qui vous sont posées. »

    Les Émirats arabes unis ont adopté une nouvelle réglementation en 2023. Cependant, les chercheurs ne sont pas convaincus. « Pour l'instant, nous, en tout cas dans nos échanges avec des raffineurs de ce pays et d'autres sources, on n'a pas encore de preuve de l'efficacité et ni même de la mise en œuvre de cette réglementation. Donc il faudrait observer ça plus précisément dans les années à venir », s’interroge le chercheur. Si Dubaï est l’une des principales plaques tournantes de l’or de contrebande, cette étude souligne l'émergence de nouveaux acteurs comme la Turquie.

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  • L’organisation suisse Swissaid vient de publier une étude inédite sur la quantification de la production de l’or artisanal et à petite échelle sur le continent africain. C’est la première fois qu’une étude d’une telle ampleur est menée. Et les résultats sont édifiants : une tonne d’or de contrebande quitterait chaque jour le continent africain.

    Il a fallu aux chercheurs quatre années de travail pour collecter, recouper et corriger des milliers de données. Un travail « fastidieux », soulignent les chercheurs. « On a calculé qu'en 2022, il y avait 435 tonnes [d'or] au total qui ont été exportées en contrebande du continent africain. Et évidemment, si on divise 435 par 365, on obtient plus d'une tonne par jour », détaille Yvan Schulz, chef de projet chez Swissaid et co-auteur de l’étude.

    La production d’or artisanale a explosé avec l’envolée des cours. Ce qui a également favorisé son extraction et son commerce illégal, souligne Marc Ummel, responsable du dossier matières premières chez Swissaid. « Quand on regarde au niveau de la contrebande, la majorité des pays africains sont actifs dans la contrebande de l'or, explique le co-auteur de l’étude. Il y a même plus de 12 pays africains qui sont impliqués dans une contrebande de plus de 20 tonnes par année. » Les plus importants, selon les analyses de Swissaid : le Mali, le Ghana, le Zimbabwe, le Niger, la Côte d'Ivoire ou encore le Soudan.

    Un manque de transparence volontaire

    Des phénomènes difficiles à documenter par nature. La contrebande se fait dans des mines, dans des régions isolées, par des artisans non déclarés qui commercent de manière informelle. Le manque de volonté politique de certains États est, de plus, un facteur important. « Il y a une volonté politique dans certains États de cacher les données ou de ne pas être transparent. On a eu beaucoup de difficultés à obtenir, notamment, des données du Rwanda, des données de l’Éthiopie. Il y a certains États où c’était pratiquement impossible, notamment avec l’Érythrée, avec la Libye », souligne Marc Ummel.

    « Évidemment, quand parfois le gouvernement ou certains représentants du gouvernement sont impliqués directement dans ce commerce, qu'ils y ont des intérêts, vous n’avez aucune volonté d’amener plus de transparence », décrypte encore l’expert.

    Une production informelle qui favorise violation des droits de l'Homme, financement de groupes armés ou encore problèmes environnementaux, soulignent les auteurs. Ils notent également les pertes de revenus importants pour les États africains. L’équivalent de 35 milliards de dollars d’or illicite pourrait ainsi quitter le continent chaque année.

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  • Alors que la fête de l’Aïd-el-Kébir – qui commémore l’épreuve d’Abraham auquel, dans la tradition musulmane, Dieu avait demandé de sacrifier son fils Ismaël avant de le remplacer par un bélier – est prévue pour la mi-juin prochaine, les Tunisiens se demandent s’ils vont pouvoir s'offrir une bête cette année. Les prix des moutons – animal qui a la préférence des Tunisiens pour le sacrifice – s’envolent cette année encore. Ils peuvent atteindre les 1 500 dinars – soit environ 440 euros – soit trois fois plus que le SMIC (salaire minimum) actuel en Tunisie.

    De notre envoyée spéciale à Menzel Bourguiba,

    Un brin nostalgique, Amine Ouali, associé à son grand-frère, présente les rescapés de son élevage. « On a décidé de tout arrêter. On avait deux élevages de 250 brebis chacun, mais on a décidé d’arrêter parce que ce n’était plus intéressant, regrette-t-il. Une ferme sans animaux, ça n’a pas de goût franchement, c’est un peu vide. »

    En cause, le prix des fourrages – en partie importés comme le tourteau de soja – qui a explosé, explique-t-il. « Maintenant, je pense que la plupart des éleveurs sortent pâturer dehors. Ils n’arrivent plus à acheter. C’est trop cher. La botte de foin à 20 dinars, l’année dernière, elle est arrivée à 30 dinars, c’est énorme », décrit l’éleveur.

    Trente dinars, soit près de neuf euros. De quoi grever la marge des éleveurs et les obliger, dit-il, à augmenter leurs prix. C’est ce que soutient Malek Rhaiem : alors que le gouvernement réfléchit à importer des bêtes pour avoir plus d’animaux et donc faire baisser les prix, il accuse le coup. « C’est grave, on n’a pas su améliorer, sauvegarder notre race. Nous, on choisit toujours la facilité, déplore-t-il. Vraiment, ce n’est pas une politique d’avenir. Si on fait un business plan, on le fait à sept ans, dix ans. »

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    Les Tunisiens appelés à ne pas s'endetter

    Le prix élevé des bêtes a poussé Lotfi Riahi, président d’une association de défense du consommateur tunisien, à devoir trancher. Faut-il oui ou non sacrifier une bête au vu des prix galopants ? L’association a été rencontrer des religieux, dont le Mufti de la République, et ils ont pris position. « La position de l’islam là-dessus est la suivante, rapporte-t-il. Le sacrifice ne doit être fait que par les personnes qui en ont les moyens. Il y a beaucoup de Tunisiens qui ne savent pas ça et qui s’endettent, par exemple, pour acheter leur mouton. »

    Or, selon lui, ce n’est pas une solution. « En prenant un crédit pour acheter un mouton, le Tunisien va alourdir encore plus ses charges économiques. S’il n’a pas les moyens, il n’a pas à sacrifier de bête », assure-t-il. Un appel à la sagesse difficilement audible en Tunisie où l’achat d’un mouton – au-delà de la prescription religieuse – est aussi perçu comme un moment festif.

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