Episodes
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Il te venait de ton arriĂšre-grand-mĂšre. Elle, tu lâaffectionnais beaucoup. Tu lâappelais Auela. Câest par ce mot quâelle se dĂ©signait. Tu pensais que câĂ©tait son nom. Et puis un jour tu tâes souvenu, comme sâil sâagissait du genre de choses que lâon peut oublier, quâelle ne parlait pas français. Tu compris alors que la fois oĂč elle sâĂ©tait montrĂ©e du doigt, elle avait dit « Abuela ». « A », « BUE », « LA ». Mais le B ce nâĂ©tait pas vraiment ton truc, ni le R dâailleurs. Dans ta bouche, le mot « abricot » devait sans doute prendre des intonations japonaises. Ton arriĂšre-grand-mĂšre fut donc affublĂ©e du nom dâAuela. Tu ne lâas jamais changĂ©. Plus tard, lorsquâelle apprit ses premiers mots de français, elle te demanda de lâappeler « la copine ». Elle te fixait de ses yeux bruns cernĂ©s de bleu et rĂ©pĂ©tait lentement « LA CO-PINE ». Tu lâaimais beaucoup. Mais tu ne lâas jamais changĂ©, son nom. Tu ne le pouvais pas. Tu ne lâaurais plus aimĂ©e aussi fort. Bien aprĂšs sa mort, tu appris quâelle sâappelait Modesta. Tu te souviens de ses cheveux trĂšs blancs, de son poncho tricotĂ©, des parties de domino, de son chien noir, de la pendule qui sonnait des chants dâoiseau. Tu ne savais rien dâelle, mais il lui arrivait de te dĂ©fendre devant tes parents, ça, tu tâen souviens. CâĂ©tait la copine. CâĂ©tait Auela. Et il te venait dâelle.
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Tu aimes le silence. Tu aimes le bruit que ça fait. Lâespace se crĂ©ant dans lâĂ©cho de sa rĂ©sonance, la transparence des murs que perce tels des jours lâĂ©chappĂ© de quelques mots, sans que lâon sache jamais si lâon se trouve encore dans le secret, ou dĂ©jĂ dans le soupir. Combien de fenĂȘtres faut-il ouvrir pour ne plus avoir la certitude dâĂȘtre Ă lâintĂ©rieur dâune maison ? Tu lâaimes long, lent et lourd, contenant les choses graves, les paroles blessantes et les phrases irrĂ©versibles. Tu lâaimes inconscient de lui-mĂȘme, se rĂ©vĂ©lant sourd aux dĂ©tracteurs contre lesquels il devrait se dresser. Tu lâaimes blessĂ©, meurtri, sâagrippant en mordant lâintĂ©rieur des joues afin de ne cĂ©der la place aux plaintes de lâagonie. Tu lâaimes heureux, si heureux quâil redoute dâemporter avec lui le bonheur si lâon venait Ă le briser. Tu lâaimes concentrĂ©. Tu lâaimes indiffĂ©rent. Tu lâaimes rancunier. Tu lâaimes absent. Tu lâaimes comblĂ©, nâayant besoin de rien. Tu lâaimes bleu, Ă point, saignant. Mais le silence que tu prĂ©fĂšres, câest celui que font les gens quand ils parlent dans leur tĂȘte.
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Tu nâaimes pas le bleu. Câest une piĂšce vide. Le sol est une flaque de marbre vĂ©nitien, blanc, calligraphiĂ© dâĂ©paisses veines noires. Les murs et le plafond sont peints dâun azur altĂ©rĂ© de vase. Câest le bleu des Ă©cumes de Courbet, coiffĂ© dâune frise de mĂ©andres, faisant le tour de la salle comme les moindres remous dâune mer contrariĂ©e. Aucune fenĂȘtre, mais la sensation de clartĂ© dâun petit jour, permise par le dĂ©gradĂ© dâune couleur, sâĂ©tirant intensĂ©ment du pavement jusquâĂ la cime dâun cyan presque blanc. Sur la droite, le vert dâun poĂȘle prussien ornĂ© de faĂŻence Ă©maillĂ©e, et surmontĂ© dâune plaque de malachite, te fait lâeffet dâun conglomĂ©rat dâalgues, se mouvant Ă mesure que les flots sâagitent. Il y a sur ce support, parĂ©s des guirlandes de laurier dâun style empire par trop surfait, quatre petits pots de cĂ©ramique. Bleu sur craie. Au milieu, Ă©quilibrant leur symĂ©trie, une pĂąle demi-sphĂšre Ă lâĂ©trange fabrique, dont on pourrait cohĂ©remment supposer, quâil sâagit dâun nid.
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Tu jettes en arrivant un Ćil au panneau dâaffichage. Tu sais quâil va te falloir attendre onze minutes. Tu traines les pieds en tâavançant sur le quai. Tu es patient, lĂ nâest pas le problĂšme. Tu sais attendre. Tu redoutes seulement la nature des souvenirs, sâapprĂȘtant Ă profiter de cette latence, afin de se rappeler Ă toi. Tu nâes pas dans le dĂ©ni, lĂ nâest pas le souci. Tu sais qui tu es. Tu ne lâoublies pas. Tu nâas seulement pas envie de te le remĂ©morer. Tu tentes dâoccuper ton esprit pendant onze minutes. Tu progresses le long dâun couloir ouvert. La paroi le fermant Ă gauche sâattife dâĂ©troits rectangles de carrelage posĂ©s Ă la verticale, dĂ©clinant le spectre joignant le jaune Ă lâorangĂ©, et se juxtaposant en simulant les remous ondulĂ©s du soleil. Le mur porteur sâembrase, maintenu Ă lâĂ©querre par une dalle de bĂ©ton sale sur laquelle tu rĂ©flĂ©chis avant de poser le pied. Dans lâangle droit, lâĂ©paisseur dâun banc de mĂ©tal sâĂ©levant trop peu au-dessus du sol se laisse transpercer par des fauteuils dĂ©pourvus dâaccotoir, en un plastique dont le bleu tâĂ©voque lâĂ©cho des piscines municipales. PiquĂ©s tels des parasols en papier dans des verres vides, ils dĂ©tonnent. Entre une façade flamboyante et le bĂ©ton aride, ils ont lâabsurditĂ© dâune oasis fantasmĂ©e en plein dĂ©sert. Un mirage. Quâest-ce pourtant quâun mirage ? Si ce nâest un souvenir profitant dâune latence afin de se rappeler Ă soi.
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Tu avais un super pouvoir. Tu ne le comprends quâaujourdâhui. Oui, câĂ©tait un super pouvoir. Câest dur de se reconnaitre dotĂ© si les autres ne le voient pas. Si lâon ne peut lĂ©viter dans les airs, dĂ©placer en le fixant un objet, faire crĂ©piter le feu et la glace au bout de ses doigts. Si personne ne constate le flĂ©chissement de lâimpossible sous notre action, ne sâen extasie, ni nâen tĂ©moigne, comment diable comprendre, si petit, que lâon possĂšde un super pouvoir ? Et puis, si ce nâest pas spectaculaire, si ça ne dĂ©chaine le ciel ni ne dĂ©chire le temps, si ça ne mĂ©rite pas une photographie, si ça ne se raconte sur le ton de lâeuphorie, est-ce vraiment un super pouvoir ? Oui. Ce nâĂ©tait pas une disposition dâalchimiste. Une aptitude te permettant de changer en chair le papier comme une certaine pierre le ferait du plomb et de lâargent. CâĂ©tait une facultĂ© de philosophe, exultant des concepts de matiĂšre rĂ©formĂ©s et transcendĂ©s dâimagination. Tu dessinais. Mais pas seulement. Tu dessinais ce que tu nâavais pas, et cela tâen octroyait la possession.
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Tu restes longtemps assis par terre, en tailleur au milieu de cette piĂšce, Ă regarder le papier peint panoramique ouvrant en le couvrant, le cyclorama dâune petite scĂšne de thĂ©Ăątre occupant le mur du fond. DĂ©limitĂ©e par la surĂ©lĂ©vation dâune estrade couleur menthe Ă lâeau ornĂ©e Ă la ceinture dâune frise de rinceaux, et le ciel amandĂ© dâun rideau Ă deux Ă©volutions jumelĂ©es, montĂ© sur patience et manĆuvrĂ© Ă la française, elle enserre comme un secret lâhĂ©tĂ©rotopie dâune ĂźlĂ©itĂ© aux crĂ©puscules bleus. On pĂ©nĂštre dans cette salle comme on le ferait de la CitĂ© dâĂmeraude, en passant sous une arche de mĂȘme coloris, en accolade plat dont lâascension sâaccompagne dâornements stuquĂ©s Ă la forme vĂ©gĂ©tale, simulant la luxuriance dâun jardin oĂč ne nous dĂ©passerions pas la hauteur du brin dâherbe. Un rideau de velours opalin maintenu Ă lâitalienne de part et dâautre de lâarche, autorise lâentrevue dâune piĂšce bordĂ©e de fenĂȘtres hautes sur la gauche, et de miroirs Ă lâĂ©gale envergure sur la droite. Un parquet Versailles de bois blond, un plafond blanc parĂ© de frises de vĂ©gĂ©tations peintes, et mis en gravitĂ© par la suspension dâun imposant lustre de cristal jouant de la lumiĂšre, parfont le faste de cette alcĂŽve fantasmĂ©e de la BaviĂšre. AlignĂ©es le long des fenĂȘtres, des barres de danse tracent comme une ligne de fuite au paysage exotique dont la contemplation tâabsorbe. Il y a, dans lâazur de sa perspective atmosphĂ©rique, comme la houle dâun murmure dans lequel lâangoisse se rĂ©sorbe.
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Tu es sous terre. Câest une nuit blanche, oĂč tu broies du noir et tu vois rouge. Pas tout Ă fait. Corail. Tu les vois plutĂŽt couleur corail, flanquĂ©s de mains courantes laiteuses cernĂ©es de chrome, et pendant comme trois gigantesques langues hors dâune gueule bleue. Six pieds sous terre. Tu te trouves en avance, et tu nâapprĂ©cies pas les chiens. Câest Ă peine si tu les tolĂšres. Quelque chose Ă voir avec leur attention. Un chien rĂ©agit toujours, nâignore jamais. Devant lui tu te sais, si ce nâest ni espĂ©rĂ©, ni attendu, du moins vu et notifiĂ©. Jamais ton pas en sa proximitĂ© ne manquera dâun regard la gratification. Un chien sait, et semble deviner ce quâil ignore. Il est comme un parent dont tu voudrais pouvoir prendre congĂ©, sans que celui-ci te cĂšde le rĂ©pit. Car un parent nâignore jamais, toujours rĂ©agit. Quelque chose Ă voir avec lâattention. Un chien est comme un parent. Il attend de toi que tu vives. Comme un parent, le poil en plus et lâodeur de la pluie. Un chien est exigeant. Et toi, toi tu as dĂ©jĂ donnĂ©. Surtout Ă tes parents. A lâĂ©vidence, tu tâes donc trompĂ© dâitinĂ©raire. Tu veux revenir en arriĂšre et choisir une autre salle, reporter ta rencontre avec CerbĂšre et son infernale tricĂ©phalie. Il ne se trouve cependant de sortie que ces trois pistes, tombant dâun sommet jusquâau-devant de tes pieds en trois tapis rouges te laissant le choix de celui par lequel rallier une destination commune. Pas tout Ă fait. Corail. Trois tapis couleur corail, comme trois langues conduisant Ă la mĂȘme gorge, et dont tu ne pourrais te faire goĂ»ter que par une. Cela nâincite pas vraiment Ă les emprunter, ces satanĂ©s escalators.
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De cette piĂšce, tu ne te souviens de rien. Câest comme si tu ne lâavais jamais vue. Comme si tu nây avais jamais Ă©tĂ©. Tu serais incapable dâannoncer la couleur des murs, de dire si le parquet y est posĂ© Ă lâanglaise, Ă bĂątons rompus, en point de Hongrie, Ă coupe perdue ou en vannerie. Tu te souviens seulement quâil Ă©tait clair, suffisamment pour que lorsquâĂ son encontre rebondissait la lumiĂšre, on croyait dĂ©couvrir lâEldorado. Tu le voyais seulement entre tes pieds, car ta vue Ă©tait obstruĂ©e par dâautres chaussures, dâautres jambes, dâautres dos, dâautres tĂȘtes, dâautres corps que le tien. Tu ne sais si cette salle est grande, tant tu y Ă©tais serrĂ©, mais tu le supposes, Ă la façon dont la rumeur sây propageait. Tu ignores sâil sây trouve des fenĂȘtres, tellement tu y Ă©touffais. Tu doutes de son odeur en ce que ce que tu y percevais Ă©tait une confusion de transpiration, de parfums dâhommes et de femmes ne sâaccordant pas. Tu mĂ©connais sa signalĂ©tique, ses ornements, le reste de ses tableaux. De cette piĂšce tu ne te reprĂ©sentes que du mouvement, celui du pogo. Tu te souviens de zones de contact plus Ă©tendues entre ton anatomie et celles dâinconnus que tu nâen avais jusque-lĂ partagĂ©es en faisant lâamour. Tu te remĂ©mores nâavoir jamais si peu voulu enfouir ton nez dans la nuque de quelquâun. Tu te rappelles les diffĂ©rents points de pression appliquĂ©s dans ton Ă©chine pour te faire avancer, variant selon la taille de ceux qui te succĂ©daient. Tu te revois te contorsionner au grĂ© des enfants voulant se faufiler Ă travers toi. De cette salle tu te souviens des bleus, de la fatigue, de lâimpatience, de la colĂšre. Tu ne sais rien de cette piĂšce, et tu ne lâas jamais vue.
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Tu collais ton nez contre la paroi vitrĂ©e de lâaquarium. Tu regardais les homards, les crabes, les langoustes et les araignĂ©es de mer se mouvoir au ralenti. Tu toquais de ta phalange contre le vivier pour les interpeler. Quelquâun tâavait dit que ton signe astrologique Ă©tait un crabe. Tu voulais sympathiser. Comprendre ce que vous aviez de commun. Tu te moqueras plus tard de ce totem, supposĂ© ĂȘtre dâeau tandis que bien plus agile au sol, quoi quâincapable de marcher droit, dont le symbole est un 69 aux airs dâinfini, et qui porte lâexplicite nom de « cancer ». Ton cynisme te fera dire quâun dĂ©capode tâa prĂ©dit un avenir de marginal et nymphomaniaque appelĂ© Ă sâĂ©teindre dâune longue, dĂ©gradante et douloureuse maladie. Tu nâaurais sans doute pas cherchĂ© Ă tâen faire un ami si tu avais su. Mais alors, lorsquâune pince rencontrait en retour le verre, tu pensais que le crustacĂ© voulait te serrer la main. Comme sâil te disait : « EnchantĂ© de faire ta connaissance ». Tu essayais de croiser son regard, mais tu nây as jamais rĂ©ussi. Câest comme si lâanimal nâavait pas dâyeux, ou ne voyait rien, ou ne te voyait pas. Ce moment tâhypnotisait, et câest pour lui que malgrĂ© le froid, tu aurais voulu rester des heures dans la poissonnerie.
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Tu rigoles, ça fait un pneu. On te remonte, on te relance. Tu vises la fosse. Tu veux un strike. Pas un gendarme, ni une belle-mĂšre, un strike. Et mĂȘme un jersey ! On te prend Ă trois doigts et non Ă pleine main. On te porte prĂšs du visage. Il arrive que lâon tâembrasse avant de tâenvoyer valser, plus ou moins bien, plus ou moins droit, plus ou moins fort. Tu sens que tu dĂ©vies, tu rigoles, câest encore un pneu. Tu es une boule qui cherche un trou en rĂȘvant de renverser les quilles. Tu voudrais te lancer seul sur la piste. Tu connais mieux la zone de patinage et les effets de trajectoire induits par les dĂ©fauts de ton corps. Tu estimes mieux les angles, la puissance, la rotation dâun envoi et surtout, tu ne veux faire gagner personne dâautre. Tu veux jouer et ne pas ĂȘtre jouĂ©. Tu feras un strike. Et mĂȘme un jersey !
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Tu es assis au milieu. Tous les autres siĂšges sont vides, mais peu importe, tu es assis au milieu. Au milieu du vide. Tu goĂ»tes cette idĂ©e. Tu es assis au milieu du vide. Tu nâen es pas sĂ»r en rĂ©alitĂ©. Tu nâas pas comptĂ© les fauteuils, ni les rangĂ©es. Tu as grossiĂšrement estimĂ© le centre de la salle et celui de la ligne. Peut-ĂȘtre es-tu Ă une ou deux places, Ă une ou deux files dâĂȘtre le centre du monde. Tu tournes la tĂȘte, il nây a personne. Mais sâil y avait quelquâun, plus quâun, sâil y avait foule, il y aurait ceux qui iraient tout au fond pour ne rien perdre du film, et ceux qui se mettraient tout devant pour que lâĂ©cran les avale, mais tous, seraient au milieu de leur rang. Toi, tu prĂ©fĂšres ĂȘtre au milieu de tout. Du long et du large. Tu veux que lâimage te voie en sachant que tu la domines. Tu veux que nul ne tâimportune en milieu de sĂ©ance, mais ĂȘtre celui qui pourra incommoder sa droite ou sa gauche selon sa convenance. Il nây a personne. Tu ne seras pas dĂ©rangĂ© et tu ne dĂ©rangeras pas. Car tu es seul, au milieu du vide.
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Tu voudrais ĂȘtre ailleurs. Tu fermes les yeux. Tu nâes pas ici. Mais sous le voile essaimĂ© de tes cils, le papier peint ruse et se faufile, use tes paupiĂšres de sa clartĂ©, perce tes cornĂ©es de ses brindilles, tâaccable de sa prĂ©sence en tâenjoignant de le reconnaitre. Ce quâĂ ton insu, tu as dĂ©jĂ fait. Le rideau ne se lĂšve pas sur lâagencement fleuri, or et orangĂ©, de branches oĂč sâalignent des mĂ©sanges Ă lâĂ©trange symĂ©trie. Tu clos les yeux plus fort, assimilant dans la contraction la peau amassĂ©e de tes membranes, aux stries encoignant ses murmures, comme aux plis dâun membre vidĂ© de son essor. Tu dĂ©testes cet endroit. Tu n'es pas ici. Tu en es sĂ»r ?
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Au dĂ©but dâun espace, naĂźtre et nâĂȘtre que bruit. Douce et terrible indiscrĂ©tion que le craquement dâun vieux parquet, trahissant inĂ©lĂ©gamment votre prĂ©sence et, dans lâĂ©cho saccadĂ© de votre progression, votre corpulence, votre distinction et lâurgence de votre arrivĂ©e. Quel embarras que la rumeur portĂ©e de vos pas confesse ainsi tant de vous, et ne vous rĂ©sume dĂ©daigneusement quâĂ cela, un son confus et hĂ©sitant, perdu, un peu fou.
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Il est midi passĂ© de deux minutes. Nous lâavons manquĂ©. Closes devant nous, les portes de lâascenseur sont un miroir grattĂ© Ă la paille de fer. Nos silhouettes voulant sây reflĂ©ter ne forment que de vagues crayonnĂ©s, deux colonnes dâaplats grĂ©sillants ne disant rien de la couleur de vos yeux, du rythme de votre respiration ou de lâodeur de votre cou. Ces choses infimes que je goĂ»te dans le temps mâĂ©tant imparti avant quâil ne revienne.
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Le ciel est bas, et faux. Un plafond de dalles de plĂątres posĂ©es Ă mĂȘme le quadrillage dâune structure mĂ©tallique Ă©voquant les salles dâhĂŽpital, et sur lequel sâalignent des luminaires dont lâĂ©clat espĂšre dissiper quâil est possible de toucher les cieux en levant simplement la main, de les soulever et dây pĂ©nĂ©trer en trouvant juste de quoi se hisser. A-t-on jamais songĂ© quâil Ă©tait si facile de monter lĂ -haut ?
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Il est une percĂ©e de lumiĂšre, diffusant comme un nuage sur un camaĂŻeu de cĂ©ramique, un jour filtrant la voĂ»te dâun toit gonflĂ© comme une voile prenant le vent, il est une brĂšche blanche sâallongeant sans projeter dâombre, une main divine, poussant la porte de sa maison.
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Câest un thĂ©Ăątre effervescent dans une coque de noix, une salle ovale grandeur boĂźte Ă musique, la fastuositĂ© dâune mascarade en format de poche. Tendu de moire corail sur assises en velours nacarat, il exalte par le faux-marbre et les stucs ce que le rocaille peut avoir de comique, comme la superbe de trĂšs moche.
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Câest un monochrome, avalant le mur du fond comme un Ă©cran de cinĂ©ma, et bruissant de radiations telles que sa vision en devient Ă©pileptique. Il nâa pas la matitĂ© dâun Klein, ni la brillance dâun Soulages, mais vibre tel un Rothko, dâondes magnĂ©tiques dont lâĂ©vanescence ombrage et pulse comme un cĆur qui bat. Câest un pan de mur fushia, fluorescent au bord de lâeau.
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Câest une chambre, conçue dans le kalĂ©idoscope chromatique dâune moldavite. Lâunique ligne dâune corniche en talon moulurĂ©e de rais-de-cĆur y scinde dâun ruban bisque lâaplat Ă©tendu dâune carnation dâavocat sâalanguissant des murs jusquâau plafond. Des lambris de hauteur Ă lâamande couleur organisent les parois par la symĂ©trie dâun caisson carrĂ© respectivement flanquĂ© de deux panneaux tombant en kakĂ©monos jusquâau sol.
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Tout est froid, froid et Ă©lectrique, dans cette salle de bain oĂč lâazur de la faĂŻence dâIznik flamboie dâinflexions solaires, flattant le ventre des byzantines basiliques. LĂ , dans une alcĂŽve palatiale que ne perce aucun jour, des frises pariĂ©tales de mĂ©andres mosaĂŻquĂ©es cernent la bĂ©ance de panneaux dâĂ©maux cĂ©rulĂ©ens baillant comme des fenĂȘtres ouvertes sous la mer.
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