Episodios
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Réunis par l’idée de créer un média un peu pirate pour parler du monde de la tech, Lauren Boudard et Dan Geiselhart ont lancé en 2017 la newsletter Tech Trash. Ton ironique, visuels décalés, rubriques mordantes comme la fameuse “bulshit quote” de la semaine, ils ont rapidement trouvé une identité percutante, sans oublier le fond. Avec aujourd’hui plus de 30 000 fans de ce rendez-vous hebdomadaire.
En avançant, le duo a vu tout le potentiel du format des newsletters. Ils viennent de réussir leur campagne de financement participatif pour lancer une nouvelle newsletter, Climax, sur le climat : 2000 personnes ont souscrit un abonnement payant. Parce que l’objectif pour eux est maintenant de vivre en développant ces petits médias. Et en accompagnant d’autres projets éditoriaux, grâce à leur studio judicieusement baptisé Courriel.
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Pour aller plus loin
https://www.crrl.xyz/
https://www.climaxnewsletter.fr/
https://www.techtrash.fr/
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L’essentiel de l’épisode
04:20 Tech trash est né d’un constat mêlé d’une frustration : dans le milieu feutré de l’innovation, beaucoup de choses se disent en off et bien souvent dans les médias on trouve surtout les levées de fonds. Il y a assez peu de critiques. Quand on s’est lancé en 2017, la startup nation avait le vent en poupe.
06:45 On s’est positionné avec notre ton : on parle un peu des mêmes choses que dans les médias tech mais un peu différemment, en mettant en lumière les trucs qu’on aime pas. Les lecteurs trouvaient chez nous quelque chose qu’ils ne trouvaient pas ailleurs. L’idée était de proposer un récit alternatif au mythe entrepreneurial.
08:15 On a réfléchi Tech Trash comme un média, avec de nombreuses rubriques. Il y a une tendance aux newsletters très incarnées, avec un édito écrit à la première personne. Nous, on a surtout voulu l’incarner par le ton et pas les personnes. Le Canard Enchaîné nous a inspiré, avec ses rubriques et son ton : on se sent un peu les pirates de la tech.
09:55 Il y a une couche d’analyse et de données scientifiques, une couche de catharsis quand on pointe des propos absurdes et une touche d’humour et de poésie. Tout cela donne un ton unique. Et les rubriques permettent de créer un équilibre dans tout ce qu’on essaie d’insuffler dans la newsletter. On est assez différent des newsletters à l’américaine.
10:40 Ces rubriques créent aussi le rdv toutes les semaines, certaines touchent les gens, les font marrer, notamment la fameuse “bullshit quote”.
11:35 A la base, l’identité visuelle était à l’arrache. On l’avait dessinée seuls. On en a gardé le fait de prendre des photos et de réécrire dessus sur Paint pour le côté caricature et pirate qu’on aime bien. Plus tard, on a été accompagnés par un très bon graphique qui nous a refait notre identité visuelle plus précise qui fonctionne très bien et garde le côté dessiné à la main qu’on aime beaucoup.
16:18 Souvent les newsletters sont des aventures individuelles. Pour nous ce n’est pas totalement le cas, du coup ça nous demande un travail de coordination et de ne pas trop avoir d’ego quand l’autre repasse sur le texte. On fait un très gros travail de veille, on s’envoie des notes et des commentaires sur un Google doc. On écrit puis on repasse sur les sujets de l’autre pour obtenir un ton uniforme même si on est deux.
17:20 Tech Trash on le voit comme un collectif et beaucoup de gens nous envoient des infos.
19:50 Au début on l’a fait sans réfléchir au business model, parce qu’on avait très envie de porter cette voix différente. On avait quand même envie que ce soit un vrai média, même si à l’époque, la newsletter était vue comme un hobby et tout le monde pensait que ça s’écrivait en 2h avant de l’envoyer.
22:30 La publicité a été écartée de fait. Le payant, on a eu du mal à trancher. Du coup on s’est reporté sur le modèle du don parce qu’on avait atteint une communauté suffisamment grande et avec un engagement suffisamment fort pour pouvoir espérer financer notre journée par semaine à de travail pour chacun.
23:30 On a 30 000 abonnés et vu qu’on n’a jamais fait de pub, la croissance s’est faite par pics. Lorsqu’on avait des reprises dans un média ou que la newsletter était relayée par un influenceur, d’un coup on prenait 1000 abonnés. Maintenant, avec la taille, on gagne plusieurs centaines de nouveaux abonnés par semaine via le bouche à oreille.
25:15 Beaucoup de nos abonnés les plus engagés bossent dans le milieu de la tech ou des startups, aussi des geeks, des passionnés des nouvelles technologies.
La bonne surprise, ça a été que notre audience est assez équilibrée hommes-femmes.
26:45 La tech est un univers codé et pour comprendre certaines bullshit quotes il faut le connaître pour comprendre la saveur. Pour certains maintenant ça devient une manière de découvrir cet univers.
28:00 Une autre bonne surprise ça a été que les gens répondent assez naturellement à la newsletter, comme si c’était le mail d’un pote. On a l’image du format de l’email qui est assez vertical et froid, et en fait il permet bien l’interaction. Et d’ailleurs on essaie de répondre à chaque mail.
30:05 Au lancement de Tech Trash, on s’est posé la question du fond mais pas vraiment de la forme. C’est le fait d’avoir investi ce format durant 3 ans qui nous a convaincus qu’il est hyper intéressant à investir, notamment pour s’affranchir de contraintes d’un média traditionnel comme l’algorithme de Facebook pour diffuser les articles. Il n’y a pas d’effets extérieurs qui viennent parasiter, avec en plus une liberté de ton et de format.
31:50 Pour nous, la newsletter est avant tout un format éditorialisé. C’est un peu le nouveau journal que tu reçois dans ta boîte mail plutôt que dans la boîte aux lettres.
35:20 La newsletter existe depuis toujours, comme le podcast, et à un moment on s’est dit que c’est le renouveau du journalisme. Ce qu’on peut dire c’est que c’est un format sous utilisé et il y a plein de choses à faire.
36:05 C’est un format pas très coûteux, à part en termes de temps. C’est un média très accessible, pas coûteux et pas compliqué techniquement. Cela permet à plein de monde de se lancer sur un sujet de niche, une thématique qui les passionne. Comme à l’époque des blogs ou des radios pirates. On a bien 10 ans devant nous.
37:05 On n’est pas très loin d’en vivre assez raisonnablement. Il y a de la marge parce que c’est assez léger, pas besoin de générer un revenu trop important pour assurer une forme de pérennité.
37:50 Avec Climax, on a basculé sur le payant. La campagne de financement participatif a permis de lever 3 fois plus qu’avec Tech trash en 3 fois moins de temps. Mais c’est vrai que c’est encore balbutiant en France, il n’y a que Brief me qui y arrive.
39:55 La passion economy permet de générer des revenus qui donnent une liberté à des journalistes mais il y a aussi une vraie force dans le collectif, qu’on peut potentiellement perdre avec la solitude de la newsletter. Avec Climax, on veut recréer une dynamique de comité de rédaction. Je ne pense pas que tous les sujets seront épluchés pour ne devenir que des sous-verticales de niches. C’est plutôt un phénomène américain.
On croit beaucoup à l’intelligence collective, de faire des projets à plusieurs.
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Crédits
Interview : Jean-Baptiste Diebold
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Design graphique : Benjamin Laible
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio -
Voxe jusqu’à fin 2019, avait la forme d’un chatbot sur Facebook Messenger destiné à aider les jeunes à s’engager dans le débat public, comme nous le racontait sa présidente Léonore de Roquefeuil dans l’épisode 17 d’A Parte. Elle est revenue nous expliquer comment Voxe s’est transformée en une newsletter d’empowerment pour les jeunes femmes.
Entre-temps, l’équipe a fait un gros travail sur son audience, pour identifier les personnes les plus engagées. Est alors apparue de manière un peu inattendue l’importance des jeunes femmes de 20 à 40 ans et leur besoin de s'informer différemment sur les sujets sérieux. Le rituel de la newsletter matinale s’est ainsi imposé, avec un ton très travaillé de discussion entre copines.
Côté finances, le média veut équilibrer ses revenus entre ceux provenant de la communauté - club, programme de coaching et ces jours-ci campagne de donation - et ceux issus de marques en affinité avec les valeurs du média.
L’essentiel de l’épisode
[02:40] Voxe est un média d’actu et d’empowerment féminin qui fonctionne principalement via une newsletter qui s’appelle La Quotidienne
[03:20] Il y a une partie actu, chaude ou tiède : 4-5 brèves sur l’actu éco, sociale, politique puis une actu centrale de 5000 signes pour entrer en profondeur.
La newsletter arrive chaque matin à 6h30 et permet d’être au point sur l’actu pour la machine à café ou la réunion zoom du matin.
La deuxième partie présente 5 piliers d’empowerment, différent chaque jour : travail, écologie, vie de la cité, argent, culture.A la fin du mail, on trouve une sélection de bons plans et un exemple d’une femme qui a fait quelque chose de remarquable, parce qu’on veut montrer des rôles modèles.
[07:30] Le ton, c’est un peu la “sauce secrète” de Voxe : on l’a pensé comme une conversation. On considère que pour qu’une info soit bien assimilée, il faut se mettre à la place de la personne à laquelle on s’adresse. Le format questions-réponses est écrit vraiment avec les questions que nous nous posons.
On vise les urbaines de 20 à 40 ans : on parle et on écrit comme nous on le fait avec nos amies, d’où beaucoup de références à la pop culture. Le but étant de donner la pêche à la personne qui nous lit.
[10:30] Charlotte, qui a cofondé Voxe et est journaliste de formation, rappelle souvent les deux règles de journalisme : “est-ce que ça intéresse Mme Michu?” et la loi du mort-kilomètre. La réalité est très différente, notre audience par exemple est intéressée par des sujets très ardus, le Rwanda ou la dette publique.
On a une section dédiée à l’échange. On l’utilise pour expliciter nos réflexions éditoriales. Tous les vendredis, on propose de voter sur les sujets de la semaine suivante.
[15:35] La newsletter est un support très intéressant. Même les jeunes ouvrent leurs mails parce qu’il y a plein de services pour lesquels on a besoin d’un mail, c’est devenu l’équivalent de l’adresse postale. Mais c’est est vrai qu’on touche des gens moins jeunes que lorsqu’on était un chatbot sur Facebook Messenger. On est passé de 18-25 ans à 20-40 ans.
La boîte mail est hyper intime : notre audience, ouvrir sa boîte mail c’est la première chose qu’elle fait dans la journée.
La newsletter un outil qui est économiquement et stratégiquement hyper utile parce qu’on contrôle sa base de mails et qu’on évite d’être dépendant d’une techno qui n’est pas la sienne.
[17:50] Jusqu’à fin 2019, on publiait l’actu sous forme d’un questionnaire via un chatbot sur Messenger. On avait environ 20 000 abonnés qui avaient entre 18 et 25 ans, avec lesquels on échangeait sous forme d’une conversation sur Messenger.
On s’est rendus compte qu’on se lassait du format, qu’on était très contraints par Facebook Messenger et qu’on commençait à voir nos taux d’ouverture baisser, parce que Facebook changeait sa politique.
On a creusé nos données et on s’est rendu compte que 70% des personnes qui cliquaient ou s’engageaient étaient des jeunes femmes alors qu’on ne s’était jamais vus comme un média féminin. Du coup, on a mené une étude auprès des 500 plus actives de cette audience durant 8 semaines, avec un questionnaire par semaine, pour comprendre leur rapport à l’info : à quel moment elles s’informent, ce dont elles ont besoin. On s’est rendu compte que pour elles l’info est très anxiogène et qu’elles aimaient notre aspect positif et décomplexant. Elles aimaient aussi le côté pratique pour consommer l’info quand elles voulaient.[21:15] Les femmes paient moins pour de l’info. On s’est dit qu’il y avait un truc particulier à faire sur la presse généraliste pour ces jeunes femmes.
[21:55] Sur la newsletter tu vois moins de choses que sur un chatbot. On pouvait savoir à quel moment de la lecture les gens s’arrêtaient. On a des données sur l’ouverture, le nombre de personnes qui cliquent et donc s’engagent. Les clics à la fin sont la seule façon de voir si les gens vont jusqu’au bout.
[23:35] Tous les 6 mois on fait une étude approfondie auprès des lectrices.
[24:20] Pour l’instant on se concentre sur la newsletter comme format auto-porteur pour avoir toute l’info sur un seul endroit et pour bien faire ça, c’est du travail. On a plein de demandes pour le podcast, notamment des mamans nous disent qu’en audio ce serait plus pratique le matin.
Le problème du podcast c’est la monétisation.
[26:40] On a conçu la newsletter comme un média communautaire. La première brique c’est le club. On l’a lancé en novembre. Il permet d’avoir plus de Voxe : d’autres contenus, notamment la “Friteletter” une fois par mois sur un sujet déployé un peu comme le fait le magazine Le 1, une conférence d’empowerment chaque mois. Actuellement, on augmente l’offre pour donner accès en permanence aux archives de la newsletter.
[30:50] On cible les jeunes marques de la transition, des vêtements, de la cosmétique, des services, qui mettent les utilisatrices au centre et pensent à la planète et à leur impact sur la société. L’idée est d’avoir 50% des revenus qui viennent de la communauté et 50% de revenus de marques. On veut laisser une place importante à l’audience.
[32:55] Le portrait-robot de notre audience, on l’appelle Chloé : elle a 28 ans, elle vit à Nantes, elle a fait 2-3 années d’études post-bac et elle est à un moment de sa vie où elle pense à s’établir.
[35:05] On peut le dire maintenant, il nous restait 6 mois de cash quand on a décidé le changement. On voulait tester la newsletter mais on n’était pas serein. On a eu une chance folle, nos actionnaires nous ont dit oui.
On a testé durant 6 mois et on a vu très vite le succès, avec plein des mails de lectrices qui nous disent qu’on a changé leur rapport à l’actu. En 7 ans d’entreprenariat, je n’avais jamais eu ce sentiment. Quand tu n’as pas trouvé ton marché tu ne le sais pas mais quand tu l'as trouvé tu le sens.
Notre chance a été de commencer à exister au moment du premier confinement et comme on ne comptait pas sur des revenus, on ne comptait pas sur des revenus. On a eu un peu de temps pour apprendre.
[37:40] Pendant le premier confinement, certaines de nos lectrices nous ont parlé de leurs questions existentielles sur leur boulot et nous ont proposé des groupes de discussion. Après analyse du besoin, on a proposé le programme d’accompagnement“Boost camp” sur 5 semaines, avec 2h30 par semaine puis une séquence de mails qui permettent de se poser les bonnes questions pour prendre les rênes de sa vie pro.
[40:20] Pour participer à la vie publique, il faut se sentir légitime, il y a un vrai sujet de confiance en soi et notamment de ne pas regarder ses chaussures quand un débat éclate et l’info est le premier outil pour ça.
Crédits
Interview : Jean-Baptiste Diebold
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Design graphique : Benjamin Laible
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio -
¿Faltan episodios?
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Il y a deux ans, dans l’épisode 1 d’A Parte, Aude Favre nous racontait comment elle démontait les fake news sur Youtube avec sa chaîne WTFake. Toujours journaliste et youtubeuse pour raconter les coulisses de ses enquêtes de fact-checking, Aude a vécu beaucoup de changements en 2020.
Le confinement l’a amenée à lancer des enquêtes collaboratives en mobilisant sa communauté de 86 000 abonnés. Peu avant, la collaboration avec France TV Slash s’était arrêtée, la conduisant à se tourner vers un modèle plus participatif pour financer sa chaîne.
Place donc à la communauté : 1400 personnes sont actuellement réunies sur le serveur Discord et travaillent avec elle sur les enquêtes. Pour Aude, ce fonctionnement ouvert est aussi une excellente manière de combattre les incompréhensions sur le travail des journalistes et tenter de restaurer la confiance entre ceux-ci et le grand public. L’objectif pour Aude maintenant, avec son camarade Sylvain Louvet, est de sortir une grande enquête collaborative qui pourra avoir un fort impact.
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Pour aller plus loin
La chaîne Youtube WTFake
Le Tipee de WTFake la rédac
L’épisode 1 d’A Parte avec Aude Favre
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L’essentiel de l’épisode
[4:45 ] Ma chaîne est à l’arrêt provisoirement. Je me suis rendu compte que c’est bien de fact-checker dans la joie et la bonne humeur mais je ne sais pas si c’est si efficace que ça. Je m'explique : on a eu de l’impact sur beaucoup de contenus complotistes qui ont fini par disparaître, notamment parce qu’ils avaient honte et qu’on les avait affichés. De ce point de vue c’est efficace. Mais en même temps l’efficacité était limitée par le côté “Aude contre le reste du monde”. J’ai mes petits moyens, j’ai besoin de trois mois pour faire des vidéos fouillées. Du coup j’ai senti que c’était peut-être la fin d’un cycle.
[6:18] Là-dessus est venue se greffer la crise covid qui fait que je me suis retrouvée démunie : je n’étais plus en contrat avec France TV et j’ai un peu échoué à la campagne où je n’avais aucun matériel. Et j’ai commencé à fact-checker avec la communauté. J’ai découvert à ce moment-là la force que ça pouvait représenter de travailler ensemble avec 100 puis 200 puis 600 et aujourd’hui 1400 personnes. On se retrouve sur le serveur Discord et on est la rédac WTFake.
[07:10] C’est hyper intéressant en termes d’impact et en termes d’ouverture du journalisme. On invite qui le souhaite, y compris des fans de certains documentaires un peu complotistes sont dans la rédac. Ensemble nous essayons de recouper des infos, d’enquêter et ça fait réfléchir tout le monde. Je crois de plus en plus en un mouvement d'alliance entre les journalistes et les citoyens pour assainir le débat public. Je travaille avec Sylvain Louvet, journaliste avec lequel je travaille sur de nombreux projets.
[8:55] Après une ou deux vidéos de fact-checking, où je donnais un peu des devoirs aux gens, très rapidement j’ai été dépassée. Des gens de la communauté m’ont dit : il faut aller sur Discord. Pour tous ceux qui s’y connaissent c’était vraiment la bonne solution car ça permet d’organiser les choses.
[10:15] Je suis pas du tout geek, ils m’ont tenu la main, certains sont devenus modérateurs et font un boulot de dingue. C’est génial. j’ai découvert la force d’une communauté, c’est comme une petite famille. Aujourd’hui on est 1440. On se retrouve régulièrement dans des lives sur Twitch et on fait progresser les enquêtes sur Discord.
[11:40] Au début il y avait des personnes qui n’étaient pas dans l’ambiance, qui est bon enfant, courtoise… Certains étaient clairement dans la mouvance complotiste. Le problème c’était la façon dont ils interagissaient, ils étaient hargneux. Cela s’est calmé rapidement
[12:45] Le Discord est ouvert à tous. Grâce au travail des modérateurs, il n'y a pas de soucis. Dans les temps qui viennent, on va s’organiser un peu plus, on va mettre des règles basiques sur le groupe : courtoisie, ne pas changer de pseudo tous les jours, ne pas contacter le ministère de l’Intérieur au nom de la rédac...
[15:00] J’ai relancé le Tipeee avec l’objectif de 9000 euros par mois, qui est en fait un objectif bas pour produire des enquêtes ambitieuses. Les enquêtes coûtent très cher mais je ne suis pas une bonne marketeuse. On doit être à 17% de l’objectif. C’est aussi de mon fait dans le sens où on n’a pas encore produit “L’enquête de la rédac” qui peut être un produit d’appel pour que les gens donnent. Avec Sylvain Louvet, on veut faire une super belle enquête et on n’avait pas encore les moyens. On avait le choix de faire une enquête artisanale soit attendre de trouver des partenaires médias intéressants, peut-être des donateurs… On a choisi la deuxième option. Depuis la rentrée, je suis partie en recherche de fonds, remplir des dossiers de 90 pages. Et donc à partir de ce moment-là le Tipee n’a plus augmenté. Là, on est en bonne voie pour produire quelque chose de vraiment chouette grâce à des donateurs, un média web.
[18:40] Il y a des gens, notamment dans la communauté, qui trouvent que ça ne va pas assez vite, qu’on pourrait produire des enquêtes. Mais dans l’exercice de rédaction collaborative, il y a aussi cette idée que les enquêtes c’est long et ça prend du temps. Personne ne se doute qu’il faut faire des notes de centaines de pages pour intéresser les financeurs. Peut-être certaines personnes se demandent ce que je fais alors que j’ai des journées de 29 heures… Peut-être que je devrais communiquer sur les réseaux sociaux. Pour moi, c’est pas grave si je disparais quelque temps parce que je sais que ça avance.
[21:15] A la base je cherchais plutôt à aider quelqu’un sur Youtube, je ne voulais pas me mettre en avant. C’est une expérience vraiment à part. J’ai beaucoup de collègues à la télé qui me regardent et se disent : qu’est-ce qu’elle fait ?
[22:15] Comme expérience c’est très riche. J’en retire que c’est payant d'être soi et d’y aller. L’information est trop formatée. Ce que j’ai fait sur ma chaîne pendant trois ans, je serais encore en train d'essayer si j’avais essayé de le vendre à un gros média. Peu de gens parient sur des choses nouvelles.
[23: 10 ]Là où ça me pose question c’est les effets de foule, le trolling, la haine qui est assez forte.
Au début, je regardais les notifications. Au début, 80% des commentaires les gens aimaient bien. Après quand j’ai commencé à avoir un peu d’impact, ça a fait moins rire un certain nombre de gens. Là j’ai commencé à avoir des trolls. Et ça a explosé avec une vague en particulier (Lama Fâché).
[24:50 ]En fait, ça a été les montagnes russes : des vagues de “c’est top” et des vagues encore plus grandes de haine pure. J’ai passé pas mal de temps très mal où je ne dormais pas. Si tu lis trop ces commentaires, tu finis par penser que tu es la pire des créatures qui a existé sur terre… En fait, il faut pas les regarder.
[26:00] Je me suis pris des torrents de haine par certaines périodes. J’ai appris à le gérer. Je n’ai pas pris de cours, mais finalement j’ai arrêté de regarder mes notifications et puis en fait je lis beaucoup et la littérature me fait un bien de dingue. Je n'ai jamais autant aimé la littérature que depuis que je suis sur YouTube. Tu te poses, tu prends du recul, tu es dans le silence. Dans les réseaux sociaux, l y a un côté intoxication, ça t'attaque ton mental, tu ne fais plus que penser à ça. Je me suis réfugiée dans les bouquins, le silence, mes enfants. La vie est courte. Parfois il y a un seul mec sous 40 pseudos. De quel droit il peut me pourrir la vie?
Cela m’a pris du temps de relativiser ça. C’est important d’être droit avec soi-même. Je pense souvent aux jeunes qui se mettent sur ce truc-là. A 38 ans c’est bon, à 19 ans je n’aurais pas tenu…
[30:10] La solution sur le financement, je la cherche. Je n'ai pas cette compétence de faire une stratégie économique. Je suis une petite journaliste qui aime faire ses sujets. Sur Youtube il faut être entrepreneur, c’est une autre paire de manches. J’ai juste créé un Tipee. Je compte sur le fait que nos enquêtes vont nous permettre d’asseoire une communauté plus large. Je pense que l’avenir c'est de se faire financer par sa communauté. C'est un défi : créer une communauté prend du temps mais c'est l'avenir.
[33:30] J’ai la chance d'avoir une société de production qui me suit dans mes différents projets, qui s’appelle Babel. On est à la frontière entre l’ancien monde et le nouveau monde. Tout le monde dans les médias se posent des questions. J’avoue, je n’ai pas de réflexion très pointue là-dessus, c’est peut-être un peu handicap. L’argent, le financement, le marketing ne sont pas des choses qui me parlent. Mais je suis accompagnée, de la rédac, de Sylvain, de Babel.
[35:50 ]Le fact-checking n’est pas le graal. Cela ne marche pas toujours de faire comprendre à quelqu’un qu’il a tort. Cela ne suffit pas et ça ne marche pas toujours de montrer qu’on a vérifié. A mon grand regret
Sur un live, on a eu un échange hyper intéressant sur Hold up avec une femme qui en était fan. Les faits vérifiés, elle s’en fichait . C’est perçu comme l’élite qui cherche à contrôler l’information. Alors que non !
C’est ce qui me fait penser qu’en créant une sorte de mouvement collectif, où chacun agrège ses compétences, qu’on va s’en sortir. En ouvrant la façon dont on travaille au plus grand nombre. Le problème de fond, c'est la confiance. On est dans une société où plus personne n’a confiance dans les journalistes alors qu’ils posent les questionnements de monsieur et madame tout le monde et se faire leur porte-voix. C'est dramatique à l’échelle d’une société. C’est l’essence de mon travail : réconcilier journalistes et grand public, dialoguer ensemble, pour exiger un débat public qui reposent sur des faits et non des fantasmes.
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Crédits
Interview : Jean-Baptiste Diebold
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Design graphique : Benjamin Laible
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio -
La tech n’est pas un monde réservé à des ingénieurs blancs : elle infuse dans toute notre société. C’est sur ce postulat que le média Numerama a lancé, en mars 2020, la newsletter #Règle 30, allusion ironique à cette “règle des internets” qui prétend qu’ “il n’y a pas de femme sur internet”.
Preuve du contraire, l’autrice de #Règle30, Lucie Ronfaut, navigue dans la tech et le web depuis longtemps maintenant : après 6 ans à travailler sur ces sujets au Figaro, elle a décidé, fin 2019, de devenir journaliste indépendante. Avec cette newsletter, elle a trouvé l’endroit où partager un regard plus “chaud” sur ce monde très froid en apparence de la tech.
Bilan au bout de presqu’un an : 2000 abonnés et un taux d’ouverture de 57% en moyenne. Une belle performance. L’objectif pour cette année est de développer l’interactivité avec l’audience, via un live Twitch par exemple et - dès que possible - des rendez-vous en vrai.
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Pour aller plus loin :
La newsletter #Règle30
https://www.numerama.com/newsletter-regle30-il-ny-a-pas-de-femmes-sur-internet/
Les podcasts réalisés par Lucie pour Binge Audio :
https://www.binge.audio/podcast/programme-b/les-skyblogs-ladolescence-du-web
https://www.binge.audio/podcast/programme-b/mort-a-la-ligne?uri=mort-a-la-ligne%2F
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L’essentiel de l’épisode :
[02:30] Numerama voulait une newsletter qui mêle les sujets d’inclusivité, de féminisme et de tech parce que ce sont des sujets qu’ils abordent beaucoup. Pour eux, dans un monde où tout est numérique, traiter du numérique, c’est parler de la société.
Marie Turcan qui est rédactrice en chef et Julien Cadot qui est COO sont venus me voir. On a discuté plusieurs mois et on est tombé sur cette idée.
[03:30] Règle 30 c’est une inside joke. Nous ne sommes pas tombés dessus tout dessus. Un titre c’est toujours difficile… C’est une référence à “rule 30”. Au début des internets il y avait une blague comme quoi il y avait des “règles”. La plus connue est la 34 selon laquelle, quand il existe quelque chose, il en existe du porno. On connaît moins la règle 30 : “il n’y a pas de femme sur internet”. Comme les filles aiment pas aller sur internet, si tu parles à une femme, c’est sans doute en fait un mec.
Cette blague un peu stupide collait en fait assez bien à ce qu’on voulait faire : se concentrer sur tout ce qui n’est pas le cliché du geek, un homme, blanc, jeune, peut-êrre avec des lunettes… On parle de femmes, de personnes LGBT, racisées, handicapées. On essaie de sortir un peu de ce cliché.
[05:30] C’est une newsletter d’actu car hebdo. Elle est divisée en 3 parties : un édito sur une actu qui a accrochée notre attention.
[07:00] L’éco et les produits ce sont souvent les angles privilégiés de la tech. Les angles sociétaux ont longtemps été les parents pauvres de la tech et c’est que Numerama veut mettre en avant.
[07:50] Je ne suis pas toute seule. Je travaille toutes les semaines avec Marie Turcan, redchef de Numerama. Le lundi entre 10 et 16 heures, je vais voir Marie. Elle me fait ses retours, on débat et ensuite je mets à écrire. J’y consacre environ une journée. Le plus gros c’est l’intro, qui fait entre 3 et 5 000 signes. Ensuite il y a la revue de presse. C’ets un travail qui se fait tout au long de la semaine pour ma curiosité et mon travail, je “pockete” mes articles. Le lundi j’en choisis quatre, avec au moins un article en français. J’essaie aussi de trouver des articles qui n’ont pas trop tourné.
La 3e partie, c’est la reco culture : j’essaie d’élargir, d’ouvrir le point de vue. Si ça touche aux nouvelles technologies, de près ou de loin, et à l’inclusivité, je vais en parler. Le but ce n’est pas forcément de parler des nouveautés. Cela peut être un livre de science fiction d’il y a 10 ans, une vidéo de la semaine dernière...
[11:38] Au Figaro, on n’utilise pas le “je”. Je pense que c’est avec Numerama qu’on s’est dit que cet usage était approprié. Je viens en tant que femme dans la tech, qui en a aussi subi les mauvais aspects, comme le sexisme. Je ne fais pas du journalisme gonzo mais j’essaie de personnifier l’information, de la même manière que sur Twitter. Cela me permet de faire des blagues ou des coups de gueule, d’avoir une écriture “plus chaude” vis à vis d’une actu tech plutôt froide, un peu désincarnée. J’essaie de la réincarner.
[14:15] On voulait une newsletter courte, qui puisse être lu en 5 minutes dans le métro.
On utilise le logiciel Mailchimp qui donne 2 stats principales : le taux d’ouverture qui laisse pense que le format plait et le taux de clics
On vient de passer la barre des 2000 abonnés, avec un taux d'ouverture de 57%. Cela nous rend fiers.
[13:40] Fin 2020, j’ai demandé aux lecteurs ce qu’ils voulaient changer : on a beaucoup de compliments, le format a l’air de plaire.
On est à la recherche de pas mal d’interactivité. Autoriser une newsletter à venir dans sa boîte mail, c’est une marque de confiance. Mais on a moins d’interactions qu’un article, on n’a pas les commentaires. En fin de semaine je vais faire un premier live Twitch.Quand on répond au mail je peux consulter. J’essaie d’encourager cette interactivité.
[18:10] L’enjeu c’est de tomber du premier coup dans l’onglet boîte principale et pas promotions. L’ennemi n°1 c’est Gmail et ses onglets. On a remarqué que les mots lesbiennes, pénis, vagin sont utilisés, la newsletter est moins ouverte, sans doute parce qu’elle a été envoyée dans les promotions et donc moins vue.
[21:45] On a deux leviers : ceux de Numerama, sur Twitter et Facebook, un peu moins Instagram. Et après moi de mon côté, je vais utiliser mes réseaux. J’ai 18 000 followers sur Twitter. A un moment dans la semaine, je rappelle que j’ai une newsletter. Et le jour où on envoie la newsletter, je fais une capture d’écran, je le relaie sur Twitter et Instagram.
De plus en plus, on a aussi des lectrices et des lecteurs qui en parlent directement sur Twitter. Cela nous permet de toucher une audience qui n’est pas la nôtre et c’est une démarche super valorisante.
On a remarqué aussi que dès que j’ai de la visibilité, même sans rapport avec la newsletter, cela crée des nouveaux abonnés.
[25:05] Le succès actuel des newsletters montre un vrai intérêt pour une info qui va un peu moins vite, une info plus éditorialisée. Il y a un charme un peu rétro d’attendre le numéro suivant.
Cela dit aussi des choses sur les jeunes journalistes et leur place dans les rédactions. Peut-être un retour à quelque chose de plus petit, reprendre un peu le contrôle sur la manière dont on veut traiter l’info.
Enfin, on retrouve un rapport plus direct avec le lecteur ou la lectrice. Je ne reçois jamais d’insultes, contrairement aux espaces de commentaire dans les médias, où c’est la guerre. C’est un rapport beaucoup plus sain
[28:45] La newsletter est un vieux format. Elle a été longtemps quelque chose de féminin. Est-ce que c’est une bulle ? Les meilleures et celles qui sont amenées à durer sont celles qui rémunèrent la personne qui les produit et encadre cette personne.C’est du travail. Avoir un éditeur, un redchef qui relit, c’est essentiel à sa pérennité et aussi un gage de qualité sur le long terme. C’est un format assez enthousiasmant. Convaincre une personne de payer, c’est retrouver ce rapport direct. Il y aura forcément un écrémage. Je suis assez optimiste. Je suis très cliente, je suis abonnée à au moins 40 newsletters et je les lis toutes!
[31:50] Je suis journaliste indépendante depuis plus d’un an : je suis partie du Figaro juste avant la pandémie… Le Figaro était ma première expérience professionnelle qui a été super. J’approchais de la fin de ma vingtaine. J’ai eu envie de prendre un peu de risques, de travailler avec d'autres rédactions et de creuser ces sujets de société et d’inclusivité.
J’ai eu la chance de travailler avec Numerama dès mars 2020. Avoir des piges régulières c’est le graal. Je travaille avec Libération, Le Monde…
J’avais aussi envie d’aborder des formats différents, la newsletter, le podcast. Binge audio m’a donné ma chance alors que je ne venais pas de l’audio.
Je sors un roman en avril : “Les règles du jeu”, sur les startups et le féminisme, aux éditions La ville brûle.
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Crédits
Interview : Jean-Baptiste Diebold
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Design graphique : Benjamin Laible
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio -
Mi-mars, en plein confinement en Normandie, Laetitia Vitaud et son conjoint Nicolas Colin se posent beaucoup de questions existentielles. “Nous avions envie de prendre la parole et de travailler ensemble.” Ainsi naît “Nouveau Départ, le média de la crise et de la transition” avec la volonté pour eux d’en tirer un revenu dans ce monde incertain pour des indépendants.
Laetitia Vitaud est autrice : elle a publié en 2019 le livre Du Labeur à l’ouvrage, elle anime la newsletter gratuite Laetitia@work sur le futur du travail et le féminisme, et elle est aussi rédactrice en en chef pour la startup Welcome to the jungle. Quant à Nicolas Colin, cofondateur de l’accélérateur de startups The Family, il est spécialiste du monde numérique et édite la newsletter “European Straits”.
“Nouveau Média” a démarré en vidéo mais les tests sur ce format ne sont pas révélés concluants : format trop complexe à produire. La newsletter inclut finalement des contenus écrits - éditos ou notes de lecture - ainsi que les épisodes du podcast “A Deux Voix”, réservés aux abonnés. Tout l’enjeu est en effet de convaincre l’audience de soutenir le projet à hauteur de 150 euros par an. Résultat au bout de 6 mois : environ 5% des inscrits - 3000 en tout - sautent le pas du payant.
La suite est déjà en construction : “Building Bridges”, sorte de version européenne de “Nouveau Départ”, propose des interviews sous forme de podcast en anglais, déclinées en français, allemand et bientôt espagnol.
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Pour aller plus loin (liens à mentionner)
Laëtitia Vitaud est présente sur LinkedIn et sur Twitter.
“Nouveau Départ” a sa page LinkedIn, sa chaîne YouTube, son compte Twitter.
Les conseils newsletter de Laetitia...
...sur le futur du travail...
Zevillage (Xavier de Mazenod)
Billet du futur (Samuel Durand)
La Mutante (Noémie Aubron)
Remotive (Rodolphe Dutel)
Fwd: Economy (MIT)
The Professional Freelancer (Anna Codrea-Rado)
O'Reilly Next Economy (Tim O'Reilly)
… sur d’autres sujets...
European Straits (la newsletter de Nicolas Colin)
Idée fixe (Toni Cowan-Brown)
The Uncertainty Mindset (Vaughn Tan)
Behavioral Scientist
Maker Mind (Anne-Laure Le Cunff)
Les Glorieuses (Rebecca Amsellem)
Culture Study (Anne Helen Petersen)
Plumes with Attitude (Benjamin Perrin)
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L’essentiel de l’épisode (avec time code)
[06:25] Les usages du podcast ont évolué. Les gens avaient l’habitude de les écouter sur le chemin du travail, un demi-épisode le matin et l’autre le soir. Le confinement a créé de nouveaux usages : en faisant la cuisine ou en faisant son sport. On y revient d’autant plus qu’on en a marre d’avoir les yeux rivés sur l’écran, le fameux tunnel zoom.
[06:43] Une fois qu’on a levé le verrou technique, sur les outils et la qualité du son, il y a quand même un petit coût d’entrée. Après, il n’y a plus de limite. Les gens sont plus disponibles.
[08:00] Nouveau Départ est une newsletter : les abonnés qui paient un abonnement reçoivent des contenus exclusifs, le podcast “A deux voix”, qui est une conversation avec nos deux approches différentes qui est différent de ce qu’on entend à la radio. On en fait deux fois par semaine.
Le chapeau, c’est “le média de la crise et de la transition”. On a compris que la crise actuelle accélère un certain nombre de phénomènes en germe et qui nous font passer d’un paradigme à un autre. Le prisme de Nicolas c’est l’économie numérique et l'entrepreneuriat. Mon angle de travail est le futur du travail, les transformations des organisations.[13:43] La newsletter permet d’envoyer des formats différents. Le lundi par exemple on envoie un édito écrit avec une version audio et à tous nos inscrits.
[15:39] La newsletter est du coup plutôt un canal mais cela a ceci de particulier que ça crée un lien différent avec les abonnés : il suffit de répondre pour interagir directement avec la personne qui crée le média et de manière beaucoup plus intime, plus direct. Pas du tout comme de laisser un commentaire au bas d’un article ou d’un blog de manière anonyme. Là c’est toujours plus constructif.
[17:20] On a largement dépassé les 100 abonnés. C’est intéressant de regarder la courbe. Au début ce temps qu’on passe pour très peu d’abonnés , ça semble pas du tout rentable. Et arrive un moment quand ça progresse, on voit que ça commence à valoir la peine, et puis on commence à envisager d’acheter du matériel, d’avoir des personnes qui nous aident.
[19:02] Un média comme ça finalement c’est une startup : toucher le plus de gens possible, tu attires un maximum de gens avec du contenu gratuit, tu les habitues et puis un jour certains passent le pas du payant. Donc le défi c’est de savoir ce qui va leur faire franchir le cap, en faisant découvrir par exemple notre podcast, ou avec des opérations spéciales.
[21:05] Environ 5 et 10% inscrits sont abonnés et on doit être à un peu moins de 3000 inscrits, avec à peu près 5-6% abonnés.
[23:05] Il y a quelque chose de très personnel, c’est une relation qui s’établit. Soit ils aiment cette manière de voir le monde, en particulier pour l’un de nous deux. C’est nous qu’on vient suivre. Souvent des gens avec lesquels on a déjà interagi, par exemple lors d’une conférence.
[28:45] Dans un monde qui se polarise, où on cherche des choses tranchées, singulières, le côté “média fourre-tout”, qui ne se mouille pas, sans identité, c’est pas forcément ce que les gens viennent chercher. Pour un accès à l’information brute, oui, mais seules quelques institutions pourront jouer ce rôle.
[29:27] On voit émerger des modèles singuliers, d’individus, souvent des anciens journalistes, qui décident de faire disparaître cet intermédiaire qu’est le média traditionnel et vont s’adresser directement à une communauté, parfois ils ont même déjà construit une audience.
[32:24] Est-ce qu’il y a de la place pour tout le monde ? Dans cette phase de conquête, il y a des gens qui vont prendre des places. Mais à un moment il va y avoir saturation.
[33:10] Pour arriver à 100 abonnés prêts à payer, il faut en avoir touché 10-20 000. C’est pas un hasard si beaucoup de ceux qui réussissent à en vivre sont des journalistes car il vaut mieux avoir une audience au départ.
[34:10] En théorie les grands médias ont une opportunité extraordinaire de recruter des talents et de redevenir plus glamour auprès d’une audience qui évolue, comme à l’époque des blogueurs. C’est ce qu’avait fait New York Times avec le blog FiveThirtyEight de Nate Silver pour les élections de 2012.
[35:25] Ces stars de la passion economy deviennent des médias eux-mêmes et ils perdraient en liberté, indépendance, autonomie sans gagner forcément en notoriété. Il faudrait pouvoir les détecter au bon moment, avant qu’ils soient des superstars et ça nécessiterait de prendre des risques, d’être très curieux des petites pousses. J’ai pas l’impression que les grands médias fassent ça. Et j’ai l’impression que les grands médias font cela avec beaucoup de retard.
[38:11]Pour exister dans la passion economy il faut pouvoir dire “je”, exister comme une personne singulière, avoir une identité éditoriale très claire, une niche.
[38:51] Il faut se lancer ! Créer un média c’est un véhicule pour créer son identité dans un contexte où il faut construire une réputation, un réseau. Beaucoup de podcasts que j’aime bien sont partis comme ça. Ils l’ont fait au début sur une volonté d’apprendre, pas immédiatement avec l’idée d’en faire quelque chose de rentable. Et finalement ils en ont fait quelque chose d’unique, et se sont créé un revenu.
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Crédits
Interviews : Jean-Baptiste Diebold
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Design graphique : Benjamin Laible
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio -
La défiance vis-à-vis des grands médias tient en partie à l’actionnariat de ces entreprises, avec la présence de nombreux milliardaires, et au doute sur l’indépendance des rédactions qui en découle. Ce constat constitue le point de départ d’Un Bout du Monde qui propose, via un financement participatif, à tout un chacun de devenir membre de cette association qui a vocation à peser sur la gouvernance du Monde et d’autres médias.
Les deux animateurs de la campagne, Assen Lekarski, fondateur de l'agence Kokoshka (ex-Newspayper), et Cécile Calmon, chargée d'opérations au sein d'Un Bout du Monde, nous racontent ce projet porté par l’économiste Julia Cagé, autrice de Sauver les médias et présidente de la société des lecteurs du Monde.
Cette association souhaite devenir une sorte d’ «ONG» pour les médias français, permettant à la fois de mobiliser une communauté impliquée dans l’indépendance des rédactions et de fournir un support logistique, juridique… aux médias ayant des problématiques d’actionnariat.
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Pour suivre Un Bout du Monde
Site Un Bout du Monde : https://unboutdumonde.org/ Campagne KisskissBankbank : https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/unboutdumonde?utm_source=unboutdumonde&utm_campaign=aparte&utm_medium=podcast------
L’essentiel de l’épisode
[06:07] L’idée de Julia Cagé est de concrétiser pour le Monde et les grands médias la capacité à fédérer de manière citoyenne et démocratique les journalistes, les salariés et les lecteurs afin de leur permettre d’entrer dans le capital de ces médias
[07:14] Pourquoi c’est intéressant de faire appel au grand public ? En France la question de la production de l’information est éminemment politique, c’est très présent dans le débat. Tout le monde a un avis sur les médias, notamment mainstream. Il suffit de regarder l’arrivée de Daniel Kretinski au capital du Monde.
[08:37] Il y a un besoin de fiabilité, un besoin de comprendre, avec beaucoup de sujets complexes à appréhender (climat, 5G…). L’association fait aussi le constat d’un manque de confiance dans l’information proposée avec, parmi les facteurs évoqués, la question de l’actionnariat. Il y a une volonté de s’investir à l’échelle individuelle et pas forcément la structure qui permet de s’organiser collectivement pour peser dans le débat public et participer au financement des médias.
Donc l’idée du financement participatif, c’est de remettre les citoyens au centre du jeu. Les médias sont un pilier de la démocratie : aujourd’hui on fait le constat d’un doute grandissant vis-à-vis des médias dits mainstream. Le financement participatif permet de parler à chacun et de peser collectivement. Il y a vraiment cet effet de bascule.
[11:21] Quand Daniel Kretinski a racheté la participation de Mathieu Pigasse dans Le Monde, c’est uniquement grâce à la mobilisation des journalistes, des salariés et des lecteurs mobilisés par le journal contre cet actionnaire non désiré qu’un droit d’agrément a pu être obtenu par les journalistes et le pôle d’indépendance.
L’association Un Bout du Monde vise à consolider ce soutien dans le temps et de se doter de fonds pour mener des actions d’entrée au capital là où ce sera possible, avec une présence au conseil d’administration. Et tout simplement aussi avoir cette foule prête à se battre pour l’indépendance des journalistes, des gens identifiés, prêts à se battre et facilement mobilisables.
[12:58] C’est une sorte d’ONG des médias qu’on est en train de créer avec Au Bout du Monde, comme dans l’environnement, avec des gens prêts à se mobiliser pour des causes et des initiatives.
[14:12] Julia Cagé, en tant que présidente de la Société des Lecteurs du Monde, participe aux réunions avec les actionnaires et a évoqué l’association. La direction du Monde soutient l’initiative, ainsi que le po^le d’indépendance, membre de l’association, et la Société des Rédacteurs du Monde.
[15:42] Un point lié au financement participatif : quel que soit le montant de la participation, 5 ou 30 euros, chaque personne a une voix en assemblée générale. Une personne, une voix.
[17:11] Dans l’action d’Un Bout du Monde vis-à-vis des autres médias, il y a bien sûr les situations de crise, avec des actionnaires non désirés, pour mobiliser l’opinion mais il existe aussi des situations où des rédactions ont envie d’une nouvelle gouvernance et ont besoin d’un accompagnement. Par exemple de petits médias indépendants qui ont fait des choix courageux et ont des questionnements juridiques pour évoluer vers un schéma de fondation comme on le pousse.
[19:30] On peut aussi soutenir l’action des journalistes s’ils sont en grève, s’ils veulent défendre leur indépendance à cause de décisions qui touchent leur éthique ou leurs conditions de travail, on sera là pour les défendre, nous et la communauté.
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Crédits
Interviews : Jean-Baptiste Diebold
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Design graphique : Benjamin Laible
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio -
Après des années passées en Suisse au journal Le Temps et au sein du jeune site Heidi.news, médias où il a développé de nombreuses newsletters, Jean Abbiateci a lancé Bulletin.fr en juin 2020. Un média à taille humaine qui va pouvoir grandir avec le nombre de ses abonnés.
Le point de départ de son aventure entrepreneuriale ? Franchir le mur du temps ! Les formats courts des bulletins sont en effet pensés pour s’adapter aux vies très denses des 30-45 ans. Concrètement, Bulletin utilise le canal de la newsletter pour proposer de mini-magazines à haute valeur ajoutée en terme de confort visuel et avec la promesse d’être lisibles en 5 minutes.Jean Abbiateci mise sur la curiosité, une vertu selon lui délaissée par les médias, en mélangeant infos concernantes et découvertes. Son modèle économique est “freemium” : on s’abonne gratuitement à un bulletin et, si on en veut plus, il faut s’abonner. Prochaines thématiques à venir : parentalité, écrans, psycho-sciences...
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Pour aller plus loin
Le site de Bulletin Les coups de coeur de Jean Abbiateci : la revue Pays actuellement en campagne de financement participatif, le collectif Argos sur les questions climatiques et le collectif Youpress qui travaille beaucoup sur les questions de harcèlement au travail. Un petit coup de coeur personnel : le magazine Sphères.-----
L’essentiel de l’épisode (avec time code)
[05:53] : Le sentiment que j’ai, qui est peut-être iconoclaste, est qu’il faut aller vers le format court. Je ne voulais pas faire un média qui soit mis dans une bibliothèque de manière un peu cérémonielle mais un média qui soit lu.
[08:25] J’ai l’impression aujourd’hui qu’un média doit devenir un média compagnon, qui nous accompagne au long de la journée, de la semaine, du mois. On ne peut plus juste dire : venez chez nous, on a du contenu.
[08:59] : La newsletter, par son format simple, régulier, qui crée un rendez-vous, ouvre sur d’autres sources, permet de réaliser ce média compagnon. La newsletter du New York Times est très incarnée. Un média doit être comme un guide de musée qui indique ce qui est intéressant à regarder aujourd’hui sur un sujet. C’est un mélange de recommandations, de conseils de lectures...
[10:24] Une bonne newsletter c’est de l’info et de l’esprit. Dans cet ordre-là.
[11:05] Une des promesses initiales de la newsletter c’est : moi lecteur, je vous donne mon adresse email et vous, éditeur,vous engagez à m’envoyer du contenu ma ma boîte mail, sinon je vous supprime. Cela crée un lien très fort.
[11:25] Le modèle des pages vues ne permet plus de créer ce lien entre le lectorat et une rédaction
[12:03] L’idée est de créer de mini-magazines pour le mobile. On a vraiment travaillé sur le design, avec un découpage court, de petites formats, on a créé des cartes de textes, d’images, de quizz… Faire l’expérience la plus simple, la plus agréable possible. Qu’on puisse lire un Bulletin avec un café le matin
[15:03] Mon obsession était d’éviter de faire un média de journaliste pour des journalistes. C’est un des biais quand on crée des médias, on s’écoute beaucoup et on a envie d’être reconnus par nos pairs. Il faut beaucoup plus écouter les gens qui seront vos lecteurs : bouchers, fonctionnaires… Quand je travaille sur mes audiences, je chasse ceux que j’ai identifiés comme journalistes pour ne pas être biaisé dans l’analyse.
[16:38] La cible de Bulletin, ce sont les CSP+ - parce que ce sont eux qui lisent de l’information - dans les villes de province. En fait j’ai pensé à ma femme qui est institutrice. Comment faire un média pour elle ? Comment est-ce qu’elle consulte l’info, qu’est-ce qu’elle lit, qu’est-ce qui l’intéresse ? Réponse, un mélange entre des infos pratiques et des infos inspirantes. Pour moi cette façon de faire est moins intimidante que d’imaginer un média pour une audience large.
[18:10] Aujourd’hui on a 500 pré-abonnés payants via un crowdfunding. Et puis 9000 abonnés gratuits. Grosso modo ils ont entre 30 et 45 ans, c’est un public en légère majorité féminin, plutôt CSP+.
[19:20] Le projet Bulletin, ce sont des bulletins à la carte. On s’abonne aux bulletins qui nous intéressent. Pour l’instant il y a un bulletin sur l’actualité. Et demain il y aura un bulletin sur la parentalité, sûrement un sur les écrans, un entre psycho et sciences... C’est le média à la carte.
[20:15] Ce qui me frappe c’est que dans la presse française il y a peu de choses sur la parentalité qui m’intéressent moi, père de 3 enfants. Je pense qu’il y a un créneau à prendre.
[21:09] Ce n’est pas que de l’utile, c’est un mix entre des choses concernantes et des choses qui m’ouvrent. Je crois beaucoup au “média piège” .
[22:38] Un bon média doit écouter ses lecteurs et les ouvrir à d’autres choses.
[23:15] Je fais une part importantes à des articles de chercheurs, pas que des articles de journalistes.
[24:20] En créant Bulletin, je voulais éviter une erreur. J’ai vu beaucoup de copains qui créaient des médias. Ils font une super revue. Le problème c’est que ce n’est pas tenable sur la durée, une fois passée la période du bénévolat. J’ai conçu Bulletin comme quelque chose de très modeste. Je peux gagner ma vie à côté.
[25:40] Le crowdfunding à 13 000 euros était modeste. Cette expérience a été très cool, a permis de tester des choses. Maintenant nous avons la possibilité de demander des aides à la presse. J’ai investi un peu d’argent personnel. La première année est donc à peu près assurée. Après, on verra si les gens sont prêts à mettre quelques euros par mois…
[26:55] On pourra s’abonner à un bulletin gratuitement et si on en veut plus on prend un abonnement.
[29:24] Je crois beaucoup à la fabrication à plusieurs de l’information, entre les journalistes et le public. Il faut inventer des projets sur-mesure qui permettent au lecteur d’être acteur de l’information.
[31:15] Je pense que c’est important d’avoir une mission en tant que média, de savoir à quoi on sert.
[32:08] La mission de Bulletin c’est l’éveil par la curiosité. La curiosité c’est une vertu peu oubliée par les médias je trouve. A Bulletin, on est sensible aux infos un peu plus optimistes, des choses dans les angles morts, regarder ailleurs ou dans le rétro. C’est une hygiène professionnelle d’aller explorer ça.
[34:01] L’innovation dans les médias se fait beaucoup hors des rédactions.
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Crédits
Interviews : Jean-Baptiste Diebold
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Design graphique : Benjamin Laible
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio -
Le dernier invité de la deuxième saison d’A Parte est Ludovic Blecher, le responsable de Google News Initiative Innovation (GNI), la structure mondiale créée il y a 3 ans au sein du géant du numérique pour favoriser la “collaboration et le soutien aux initiatives dans les médias”. Un poste d’observation particulièrement intéressant sur le monde de l’information.
Ludovic Blecher raconte comment, en pleine crise du covid 19, Google a lancé en quelques jours un fonds d’urgence d’aide aux médias qui a permis à plus de 5000 d’entre eux à travers le monde, surtout de petites structures locales, de recevoir quelques milliers d’euros pour faire face aux besoins matériels liés au confinement.
Cette opération s’inscrit dans une stratégie globale de Google depuis 2013 d’accompagnement de la transformation numérique des médias. La plateforme, décriée comme fossoyeuse des revenus des éditeurs mais devenue indispensable pour leur trafic, lance des appels à projets innovants, finance des études du Reuters Institute ou encore crée des produits utiles à la presse, comme Subscribe with Google, récemment adopté par Le Monde.
Dans son parcours l’amenant du site internet de Libération jusqu’à Google, en passant par une bourse d’étude à Harvard, Ludovic Blecher raconte sa passion pour le journalisme de qualité et son constat qu’à l’ère numérique il n’existe plus de recette magique. A chaque média d’inventer son modèle.
Pour aller plus loin
Le site de Google News Initiative Subscribe with Google-----
L’essentiel de l’épisode
L’urgence face à la crise du Covid
[00:07:45] C'est une lame de fond qui vient toucher, impacter absolument tout le monde. Et moi, ça fait des années, quasiment dix ans, que le cœur de mon métier, c'est de stimuler l'innovation, de pousser les médias à réfléchir, mettre en place des habitudes nouvelles, à tester des choses, à travailler aussi sur leur culture, sur des logiques d'accompagnement du changement, sur les nouveaux modes de production, des nouveaux modes de distribution. Et finalement, là, il n’était plus tellement question d'innovation dans les discussions que j'avais, ou en tout cas plus question de pousser à innover puisque l'innovation et l'adaptation étaient forcées du jour au lendemain. Il fallait réinventer des méthodes de travail. Il fallait inventer immédiatement, mettre en place du jour au lendemain d'autres méthodes de distribution, etc.
[00:08:49] En revanche, là où s'est vraiment focalisée la conversation, ça a été de dire : le choc est tel que l'on n'est pas sûr d'avoir le minimum pour pouvoir continuer à faire le boulot minimum. Comment on paie nos journalistes? Comment on fait pour s'équiper, pour travailler à la maison? Comment on fait pour s'adapter et assurer le besoin d'information dans cette période si particulière, alors même que les gens ont plus que jamais besoin d'être informés?
[00:17:18] On a reçu tout de suite, dès le premier jour, un nombre extrêmement conséquent de projets. Alors, je vous donne le chiffre, évidemment. On a reçu au final plus de 12 000 projets de 140 pays éligibles. Donc, c'est absolument énorme, gigantesque. Et 90% de ces projets venaient de salles de rédaction, d'entités, d'organisation médias, de moins de 26 journalistes. Il y en avait des beaucoup plus grosses, évidemment, mais ça dit à quel point il y avait cet impact, à quel point la crise touchait tout le monde et était dure, brutale, violente.
[00:19:54] Le nombre de médias aidés, c'est plus de 5300 médias et qui ont reçu ou sont en train de recevoir un soutien entre 5 000 dollars et 30.000 US dollars.
[00:24:59] Cet d'amortisseur a permis de mieux mettre en place toute cette mécanique indispensable pour se mettre en ordre de bataille et essayer de s'adapter à cette nouvelle réalité.
Créer une “collaboration” entre Google et les médias
[00:29:42] Moi je crois à la collaboration entre différents acteurs qui font partie d'un écosystème. Il est évident qu'on fait partie d'un écosystème. Aujourd'hui, nous Google - j'ai plus de difficulté à mettre dans un même sac toutes les plateformes parce que je crois que chacun a des différences - Google est évidemment a un modèle d’apport d'audience, de trafic, de partage de revenus.
[00:30:15] Il faut quand même avoir, là aussi, quelques chiffres intéressants en tête. En Europe, plus de 8 milliards de fois, des gens cliquent sur des contenus news depuis Google. Il y a plus de 3000 de clics par seconde et de visiteurs qui sont apportés à des sites médias. En 2018, plus de 14 milliards ont été partagés à travers le monde à travers du partage de revenus publicitaires à des éditeurs.
[00:32:39] La façon dont ont été pensées ces appels à projets, ont permis, ont vu passer là, certainement parmi, si ce n'est les principales, innovations de ces dernières années dans les médias français.
Tous les grands modèles, les changement de modèle, modèle d'abonnement, mise en place de zones premium, travail sur la relation avec les lecteurs, des nouveaux produits éditoriaux, je pense à la Matinale du Monde mais on pourrait vraiment en mentionner beaucoup, certains extrêmement réussis, d'autres qui ont permis d'apprendre des choses même si ça n'a pas été une innovation qui a permis nécessairement de générer des revenus. D'autres qui se sont vraiment installés dans le paysage. Tous ces projets sont passés par par ce fonds français, ont été financés par le fonds français, ensuite par le fonds européen.
[00:33:40] Ce qu'on voit très bien, c'est que cette collaboration, qui a ouvert un espace de discussion permanent entre les médias et Google, a permis d'avancer sur tout un tas de thématiques. Et donc de ce fonds français, de ces discussions, de cette émulation, est née une initiative, cette fois au niveau européen, qui est venue deux ans et demi ou trois ans après est venue prendre le relais, c’est qu'on a appelé le DNI, le Digital News Initiative.
[00:34:14] Cette fois, on a été plus loin. On s'est pas contenté de faire un fonds qui stimule l'innovation dans les médias dont j'ai pris la charge. Mais on a aussi ajouté deux autres piliers, autour de la formation et de la recherche, avec des rapports sur le numérique, des études super approfondies, vraiment passionnantes, qui sont faits chaque année en partenariat avec le Reuters Institute. J’incite tout le monde à aller voir, c'est certainement l'une des sources les plus les plus profondes, les plus travaillées sur l'état de la mutation, de la transformation des médias à l'heure du numérique, partout dans le monde.
[00:35:18] Et puis, une dimension plus “produit” avec des produits comme AMP, qui a permis un nouveau standard open source pour multiplier et accélérer énormément l'affichage de l’information des articles sur les mobiles, intégrant là aussi des logiques d'abonnement, des nouveaux produits qui sont venus un peu plus tard, comme Subscribe with Google, qui est maintenant mis en place par différents acteurs. Le Monde l'a récemment mis en place, ainsi que beaucoup d'autres acteurs partout ailleurs en Europe et dans le monde.
Une carrière dans la transformation digitale de l’info
[00:42:58] J'étais rédacteur en chef et directeur numérique à Libération. Et finalement, j'étais un journaliste qui était devenu un amoureux de la fabrication de nos produits. J'ai toujours estimé que le digital, c'était finalement une chance, une opportunité. Et en tant que journaliste, c'était tellement rare de voir des nouveaux médium se créer, qu’il fallait le prendre tel quel en inventant des nouvelles écritures, en inventant une nouvelle relation avec le lecteur, et que tout ça, c'était génial.
Et donc, j'ai été d'abord journaliste, reporter. C'était ma passion. Et puis, très vite, je me suis dit : moi, j'aime aussi créer des médias, ou à l'intérieur des médias, créer ce qu'on appelle, ce qui était à l'époque un gros mot à Libération, des produits, avec un marketing pour installer ce produit et attirer de nouveaux lecteurs. J'ai été confronté un peu à cette logique où on vit un peu en silos, où j'avais le sentiment que les journalistes me regardaient parfois avec des gros yeux en disant : mais pourquoi tu t'intéresses aux abonnés, au montant de l'abonnement, au prix à payer, voire à la publicité ou bien à la communication et au marketing. Cela ne doit pas être dans ton champ.
[00:49:00] Je crois qu’un des éléments du numérique, c'est qu'il n’y a plus de “silver bullet”, comme disent les Américains, c’est-à-dire de recette miracle, de recette magique. Chacun doit construire sa petite recette. Il faut s'inspirer des autres. On peut emprunter les ingrédients de ce qui se fait partout ailleurs, mais à un moment, il faut construire avec son identité, son journalisme, sa réalité et surtout ses audiences.
[00:52:15] Si on fait du journalisme, il est évident que le point de départ est l'éditorial. Mais le rapport aux outils et à la techno va être différent si on est dans un modèle 100% abonnement, si on a un modèle d'un taux de conversion avec un modèle très mixte, où avoir besoin de beaucoup d'audience et beaucoup de reach est aussi important que de monter son taux d'abonnement, ou bien si l'on est sur un modèle purement gratuit ou là, ce qui est important, c'est de générer un maximum d'audience.
[00:52:58] Je crois que réellement, la reconstitution des liens avec les lecteurs, part de là, c'est le plus fondamental. Quelle est sa promesse éditoriale? Comme on est capable de la tenir, comme on est capable de faire des choix, comment on est capable de produire un journalisme d'extrême qualité aujourd'hui. Et ça, les gens sont prêts à le payer. Ensuite, la techno va être utilisée, cette fois dans un second temps, pour des logiques de réduction par exemple du churn, de réduction de l'attrition, comment on maintient ses abonnés. Comment on se rappelle à ses abonnés? Comment on fait en sorte que quelqu'un qui s'est abonné avant tout pour soutenir la qualité soit aussi au courant de ce qui est produit à travers des newsletters, des rappels, des alertes, des choses qui sont poussées pour s'assurer qu'il consomme et qui profite de la qualité et que cela lui donne envie de se réabonner ou d’être un ambassadeur de la marque média.
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Crédits
Interviews : Sébastien Bailly, Elise Colette, Philippe Couve, Jean-Baptiste Diebold, Marianne Rigaux
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation sonore : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio et Samsa.fr -
Ce nouvel épisode d’A parte nous emmène en Côte d’Ivoire, où les jeunes journalistes se tournent de plus en plus vers la communication digitale. Formé à l’ESJ Lille, puis revenu à Abidjan, Israël Guebo innove depuis 10 ans dans les médias en Afrique de l’Ouest. Son dernier projet en date est une radio militante et bénévole qui lutte contre les fake news en diffusant des informations vérifiées sur WhatsApp, Twitter et Facebook. Depuis le début de la crise du coronavirus, WAmédias joue ainsi un rôle fondamental pour sensibiliser et éduquer la population. Son JT touche de nombreux Ivoiriens, au pays et à l’étranger, notamment grâce à la reprise des contenus par des radios communautaires, qui assurent une traduction en langues locales. Dans les prochains mois, WAmédias pourrait continuer son travail de fact-checking à l’occasion de la prochaine élection présidentielle en Côte d’Ivoire.
Avant Wamédias, Israël Guebo a mené de nombreux autres projets journalistiques, souvent participatif, toujours militant, pour que les médias gardent toute leur place dans le pays. Il a notamment créé une école de journalisme afin d'insuffler aux jeunes le même enthousiasme qui l’anime depuis 10 ans.
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L'essentiel de l'épisode
[00:04:05.460]
La Côte d'Ivoire a eu son premier cas d'infection au coronavirus le 11 mars. Et dans la foulée, il y a eu beaucoup d'informations qui circulaient, disant par exemple que le soleil tue le coronavirus. Que les Noirs ne meurent pas du coronavirus. Qu’il faut boire de l'eau chaude pour lutter contre le coronavirus. Et à côté de ça, on s'est rendu compte que l'information institutionnelle donnée par le gouvernement restait au niveau au sommet, ne descendait pas auprès des populations. On s'est dit : il faut qu'on arrive à récupérer ces informations, à vérifier et à les diffuser auprès des populations, qu'elles soient en ville ou village. Parce que finalement, ces informations trouvent le bouche à oreille et deuxièmement, faire un écho, faire un relais aux informations officielles qui permettent également de contrer les fake news.
[00:05:27.970]
Au tout début, on a lancé un appel à contribution. On a dit : que vous soyez en Chine, au Japon, au Congo-Kinshasa, à Brazzaville, au Sénégal, en Côte d'Ivoire, si vous avez envie de témoigner sur la situation du coronavirus chez vous, rejoignez ce qu'on appelle la salle de rédaction, qui est en fait un groupe Facebook. Aujourd'hui, près de 600 personnes ont adhéré. Et c'est ainsi que on reçoit des éléments un peu partout dans le monde. Ensuite, nous, on a trois, quatre journalistes qui sont ici à Abidjan et qui vérifient l'information et ensuite diffusent via WhatsApp.
[00:07:47.070]
WA médias est inspiré de situations qui existent ici en Côte d'Ivoire. Je me suis rendu compte que dans un village, une femme qui ne savait ni lire ni écrire utilisait WhatsApp pour vendre de l'huile de palme. Elle faisait des notes vocales dans la langue locale, les personnes passaient commande également via une note vocale. J’ai trouvé que c'était une façon assez innovante de communiquer et qu’on pouvait l'adapter à la diffusion de l'information. D'autant plus qu'aujourd'hui aujourd'hui, WhatsApp devient un grand diffuseur de la désinformation. Si on veut contrer les fakes news, c’est sur ce terrain là que nous devons jouer et c’est pourquoi on est arrivé sur WhatsApp.
[00:09:05.070]
C’est entièrement bénévole. Et pour être très honnête, je l’ai fait sur un coup de tête. Moi, j'adore la radio, et je me suis dit : qu'est ce qu'on peut faire avec des amis ?
[00:09:40.970]
On a eu des radios rurales, des radios communautaires qui nous ont approché. Il y en a aujourd'hui qui récupèrent le son brut du journal et le diffusent sur leurs antennes ensuite, notamment deux radios dans le centre du pays. Elles vont prendre cet élément des reportages et les traduire en langue locale. Donc, indirectement, on arrive à toucher les populations rurales via les radios communautaires.
[00:11:27.550]
Qui sont les auditeurs qui vous contactent pour poser des questions aux auditeurs?
Il y en a qui qui posent des questions sur des informations et qu’ils veulent qu'on vérifie. Et pour “auditeurs à l'antenne”, ils répondent plutôt à une question. Le vendredi, nous mettons la question de la semaine dans le groupe WhatsApp et sur Facebook. Ils ont toute la journée du vendredi et du samedi pour nous envoyer leurs réponses en 60 secondes par notes vocales. Et après, on met tout cela bout en bout.
[00:12:39.660]
Comment vous gérez ça sur WhatsApp? On sait que les groupes ont une limite à 256 personnes.
Alors on crée des listes de diffusion. Donc aujourd'hui, nous sommes à sept liste de diffusion et chaque liste de diffusion peut prendre jusqu'à 256 personnes. Donc on imagine que 7 fois 256 personnes vont écouter les émissions.
Mais parallèlement, vous diffusez aussi sur Facebook et sur Twitter?
[00:13:33.150]
Oui, parce que tout le monde n'est pas sur WhatsApp. On a aussi près de 5000 personnes qui sont abonnées à notre page Facebook et à notre compte Twitter. Le fait déjà qu'on ait près de 2000 personnes qui entendent la bonne information, c'est déjà un pas. Petite anecdote : chaque soir avant le journal, nous envoyons les chiffres officiels du coronavirus en Côte d'Ivoire. Et quand, à 20 heures, on n'a pas envoyé les chiffres du jour, même si le ministère de la Santé a publié officiellement les informations, les auditeurs attendent WAmédias avant de se dire : OK, c'est vrai. Donc, cette crédibilité là, elle est assise. Et puis derrière, on se dit que c'est un projet qui est duplicable partout, par exemple sur les élections.
[00:14:52.490]
On l'a entendu dans l'extrait il y a quelques minutes, la Côte d'Ivoire va avoir des élections à l'automne. Quel rôle pourrait jouer WAmédias à ce moment là et dans quel avenir?
Au regard de ce petit succès, je me dis qu’on peut être utile dans cette période pré électorale parce qu'on sait très bien qu'à l'approche des élections en Côte d'Ivoire ou ailleurs d'ailleurs, il y a beaucoup de fausses informations qui circulent. Et aujourd'hui, cette radio peut servir à donner de la bonne information. Donner la bonne information, c'est aussi garantir un climat de stabilité et de paix. On a aussi un rôle d'éducation. D'ailleurs, notre slogan, c'est informer, éduquer, sensibiliser.
[00:19:38.830]
Tu es passé par l’ESJ Lille avant de revenir en Côte d'Ivoire pour lancer de nouveaux médias comme Avenue 225, qui était un site participatif à l'époque, dans la veine de ce que proposait Rue89. Tu as aussi donné beaucoup de formations en Afrique de l'Ouest. Quel est le regard que tu portes, toi, sur l'innovation média en Afrique de l'Ouest?
[00:20:00.220]
Je pense que on a eu un gros retard au niveau justement des médias et du développement des médias en Afrique de l'Ouest, notamment francophones. Et puis, sur les 4, 5 dernières années, on a vraiment une sorte de révolution qui se met en place en utilisant les réseaux sociaux. De plus en plus de journalistes sont sur les réseaux sociaux, de plus en plus de journalistes créent leurs blogs, des médias intègrent l'interaction. Dans le site internet, on amène du multimédia, donc on a vraiment cette ébullition.
Ça, c'est le côté technique, mais après, on a toujours de gros défis au niveau éditorial et au niveau de l'éthique, parce que les habitudes journalistiques qu'on avait dans la presse papier se retrouvent aussi sur Internet. Ca veut dire qu’on va privilégier une conférence de presse plutôt qu'un reportage dans lequel on prend le temps de vérifier une information avant de la diffuser.
[00:23:51.970]
Est ce que, selon toi, le métier de journaliste attire encore en Côte d'Ivoire?
Je peux répondre directement : le journalisme n’attire plus en Côte d'Ivoire. La plupart des jeunes formés notamment dans les écoles de journalisme ici, notamment à l'Institut supérieur des sciences de la communication STC, virent tous vers la communication, pour finir, comme attaché de presse, parce que c'est là où il y a beaucoup plus d'argent que le journalisme. Mais je pense que c'est une mauvaise approche de l'environnement. C'est vrai qu'aujourd'hui, il y a un gros désamour entre les lecteurs et les journalistes parce qu'ils ont longtemps été habitués à ce qu'on appelle la titrologie.
La titrologie, pour ceux qui ne savent pas, c'est le fait de s'informer en regardant uniquement les titres des journaux sans acheter. Pendant vingt ans on a été habitués à ça. Les populations ne savent pas pourquoi acheter un journal. Il y a quelques années, les coûts des journaux ont augmenté autour de 300 francs CFA. Environ 50 centimes. 50 centimes, c'est le prix d'un plat pour manger à midi, donc pour le lecteur le choix est tout de suite fait. Et puis, Internet est arrivé, qui est beaucoup plus dans l'instantané. Un événement qui a lieu le samedi, on va voir le même samedi. Alors que la presse écrite, on va attendre jusqu'au lundi pour avoir tout ça.
[00:26:24.560]
Donc, non, le métier du journalisme lui même n'est plus sexy aujourd'hui. Celui de la com attire, celui de la com digitale encore plus. Mais justement, notre travail avec l'Institut africain des médias, c'est de redonner le goût, de redonner une certaine beauté aux journalistes en disant aux gens : si vous vous êtes un bon journaliste, vous avez des chances de réussir parce que moi, je suis un exemple palpable.
[00:26:49.950]
Et toi, qu'est ce qui fait que tu tiens?
Je pense que ce sont mes collaborations avec des médias étrangers, notamment. J'ai été correspondant pour la rédaction web de TV5 pendant 8 ans. Pendant cinq ans, de 2008 jusqu'à 2013, j'ai collaboré avec des magazines en Europe, en France, notamment avec le magazine Altermondes. Toutes ces collaborations là m'ont amené aussi à me dire que finalement, quand tu fais ton travail de journaliste, tu peux avoir des opportunités à l'international. Et puis, finalement, je me sens investi d'une mission de transmettre tout ça à une génération qui est un peu déphasée, un peu perdue, un peu découragée, un peu déçue de masquer la médiocrité présentée les 20 dernières années.
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Crédits
Interviews : Philippe Couve, Marianne Rigaux
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation sonore : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio et Samsa.fr -
Chez les Journalistes Solidaires, on fait les conférences de rédaction sur Discord et les enquêtes en mode collaboratif sur AirTable. Ce collectif de pigistes bénévoles répartis dans plusieurs pays a vu le jour au début du confinement. Ensemble, ils traquent les fake news qui se multiplient depuis le début de la crise sanitaire.
Leur rédactrice en cheffe, Lina Fourneau, dévoile dans cet épisode le fonctionnement du collectif. Journalistes Solidaires rassemble une soixantaine de journalistes, dont certains sont des experts du fact-checking et endossent la position de mentors pour encadrer les enquêtes. Enquêtes qui sont relayées par des médias partenaires.
Le collectif travaille en open newsroom : toutes les enquêtes sont accessibles à tous en ligne dans des fiches collaboratives. Un fonctionnement qui demande beaucoup de rigueur mais qui crée une grande confiance chez les internautes.
Ceux-ci ont la possibilité d’adresser des “signalements” aux Journalistes solidaires, c’est à dire des informations à vérifier ou démonter. Peu de moyens, mais beaucoup de motivation : tel est le credo des JS, qui ne comptent pas arrêter leur travail de fact-checking avec le déconfinement.
Leur dernière trouvaille ? Un outil d’intelligence artificielle pour anticiper la viralité potentielle d’une fake news. Une innovation applicable bien au delà du seul coronavirus.
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Pour aller plus loin
https://journalistessolidaires.com/
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L’essentiel de l’épisode
[00:01:08.360]
Bonjour tout le monde. Malgré le confinement, on continue d'enregistrer à distance et on parle aujourd'hui de Journalistes Solidaires ou JS pour les intimes. Il s'agit d'un collectif de pigistes né pendant la crise du coronavirus et qui traque les fake news. Nous sommes donc en ligne avec Lina Fourneau. Bonjour Lina, tu es journaliste pigiste et rédactrice en cheffe de Journalistes solidaires. Ou es tu actuellement? Et où sont les autres membres de JS ?
[00:01:39.420]
Je suis dans un appartement à Paris et les autres sont un peu partout. Comme le virus, on s'est propagé. On est entre la Belgique et la France principalement. On a quelqu'un en Alaska, au Mexique. On a créé une espèce de d'internationale. Ce sont des journalistes qui se sont regroupés à partir du 16 mars, au moment du discours d’Emmanuel Macron, qui annonçait le confinement. On a eu un message de Julien Cazenave, qui est un journaliste monteur vidéo qui nous proposait de faire quelque chose. Il y avait déjà plein de fake news différentes, tout le monde était un peu perdu sur le flux d'information qu'il y avait face à nous. Sur les réseaux sociaux, on voyait n'importe quoi, donc on se dit qu'il y avait quelque chose à faire.
[00:05:23.080]
On est principalement des pigistes. Les pigistes se sont fait couper les commandes au début du confinement. Donc on avait du temps devant nous. On s’est dit : est ce que je décide de commencer une nouvelle série sur Netflix ou je participe à l'utilité publique? On a tous pris la deuxième option. Moi je suis un bébé de la PQR, j'ai commencé ma carrière il y a un an et demi. Je fais des piges principalement pour la presse économique. On a voulu prendre tout le monde, ouvrir la porte à des étudiants, à des jeunes journalistes comme je l'étais, mais aussi se faire aider par ce qu'on a appelé après des mentors qui étaient des experts du fact checking, qui avaient déjà leur expérience et qui pouvaient nous offrir aussi leurs ressources. Ca a hyper bien marché comme ça, parce qu'il y avait de l'entraide. Parce que, justement, ces journalistes spécialisés dans le fact checking avaient peut être moins de temps, mais beaucoup de choses à nous apprendre.
[00:08:40.180]
On a fait comme dans toutes les rédactions. On a créé un salon sur Discord : il y a vraiment le côté un peu machine à café où on discute de tout et de rien. Mais il y a aussi deux conférences de rédaction par semaine. Et c'est là on discute des sujets. On utilise aussi Telegram, qui est en fait l'outil qu'on utilise pour avancer notre sujet. Chaque groupe se retrouve sur une discussion Telegram et on a Airtable qui en fait notre base de données éditable, une sorte d’Excel collaboratif en ligne. On s'est établi en open newsroom, c’est à dire une rédaction ouverte où, justement, tout le monde peut voir l'avancée de nos enquêtes et c'est vraiment notre idée de la transparence et notre idée des médias. Au début, on a tous été réticents parce que ça veut dire qu'il faut avoir de la rigueur tout le temps. Tout est visible sur le site.
[00:12:30.390]
On fonctionne avec des signalements. Un signalement, c'est un internaute qui va dire OK, j'ai vu ce texte, j'ai vu ce tweet, j'ai vu ce post Facebook. Est ce que vous pouvez le vérifier s'il vous plait? Chaque enquête mobilise un coordinateur, deux vérificateurs et un mentor. Le coordinateur, c'est celui qui gère l'équipe et l’angle. Le mentor, c’est un expert du fact checking, des gens qui connaissent le métier, qui veulent nous aider.
[00:15:01.260]
Je pense que principalement, les gens sont quand même contents de ce qu'on fait parce qu’ils voient qu'on se décarcasse pour produire de l'information sans vraiment demander en retour des investissements. Après, bien sûr, on s'attaque à des idées conspirationnistes, donc forcément des gens peu convaincus. Donc, il y a des sujets où on a eu des réactions vraiment mauvaises.
[00:16:16.010]
On publie également des ce qu'on appelle les ripostes qui sont les articles externes, c'est à dire des articles du Monde ou de Libération faits par les cellules de fact checking. En fait, c'est comme ça qu'on a commencé à marcher. C'est en se servant de nos réseaux sociaux pour centraliser toutes les informations parce que les gens ne sont pas conscients qu'il existe autant d'outils pour faire du fact checking en France.
[00:20:17.380]
On a été assez bien reçus et ça a été assez bienveillant de la part des médias traditionnels. On a eu beaucoup de discussions avec France Info, notamment sur le mentorat. On a un partenariat avec les Observateurs et France24, avec qui on a publié notamment une enquête sur le test de la flamme sur les masques. C'est assez intéressant de travailler ensemble. Il y a d'autres discussions qui sont mises en place et on essaye d’être assez large. Ils ne peuvent pas traiter tous les sujets, donc je pense que l'entraide est dans les deux sens.
[00:21:47.680]
Pour le moment, il n'y a aucune rémunération, malheureusement. Mais on essaye de préparer l'après et ça a été l'objectif depuis la fin du confinement le 11 mai. C'est bien dans le bénévolat, mais ça va pas pouvoir durer. Et donc, oui, on essaye de trouver des solutions. On sait pas si ça va venir des médias ou si c'est à nous aussi d'aller d'aller chercher des fonds ailleurs. On a ouvert un open collective dès le mois d'avril, c’est à dire une plateforme de financement public. On a eu, je vous avoue, surtout eu de l'argent de nos proches, mais parce qu'ils avaient envie de nous soutenir, ils nous voyaient travailler 60 heures par semaine. On va voir si on continue à pérenniser le projet parce que ça serait dommage de baisser les bras à la fin du confinement. On a pris l'habitude de réfléchir à 20.000 mille choses à la fois, de faire tout de la veille pour le lendemain. Le confinement a été levé il y a deux semaines, donc c'est vrai qu'à l'échelle de JS, c'est beaucoup deux semaines, mais ça va être mis en place.
[00:27:24.040]
Comment est ce que vous imaginez changer l'équation chez Journalistes solidaires?
[00:27:31.300]
J'aimerais bien changer cette équation, mais malheureusement, c'est très compliqué. C'est beaucoup d'éducation médias. On a fait un espèce de bingo des news où, justement, on relevait toutes ces petites incohérences qui pouvaient faire une fausse information.
[00:28:29.610]
Il y a des équipes de fact checking dans beaucoup de médias en France et à travers le monde. Pourtant, on n'a pas l'impression que ça fasse réellement reculer les fake news, ni la crédulité face à un certain nombre de fake news. Qu'est ce que vous apportez de plus dans ce domaine?
[00:28:56.970]
Je pense que les gens nous font confiance, parce qu'ils ont vu qu’on était de bonne volonté et c'était peut être ça la différence. Je ne veux pas me comparer avec un média parce que c'est impossible, mais je pense qu'il y a eu une part de confiance qui venait du fait qu’on n'était pas un média et que dans cette crise de confiance envers les médias, on pouvait peut être changer les choses. On essaye vraiment vraiment de jouer sur cette éducation aux médias et sur cette proximité avec l'internaute surtout. On essaye de rester aussi très accessible. Sur notre page Facebook, les internautes peuvent poser des questions et parfois, on pouvait avoir de grandes conversations en inbox avec des internautes qui, vraiment, avaient l'air un peu perdus.
[00:30:33.510]
Après, il y aura toujours des gens suspicieux, parce qu'il y a toujours des gens qui, sur des propos pas du tout fondés, vont remettre en question notre travail, comme dans tous les médias. Mais il faut passer à côté et justement, écouter ceux qui ont besoin de nous. On savait qu'on avait un énorme champ libre et on en a profité. Et la preuve, c'est qu'il y a des trucs qui ont marché.
[00:32:24.890]
Tu nous reparle de l'intelligence artificielle que vous avez mise à votre profit. De quelle manière?
[00:32:30.870]
Oui, on a décidé de développer ça au moment où on a participé au hackathon de la Commission européenne. Ça aussi, c'est un peu une idée folle, mais c'était c'était super parce qu'on a pu gagner en visibilité aussi. A ce moment là, on a créé cet outil d'intelligence artificielle. L'idée, c'est de calculer la viralité de la news avant même qu'elle ne devienne virale, c'est à dire que 'intelligence artificielle va calculer selon les critères qu'on lui a inculqué un indicateur pointant les fake news qui peuvent cartonner.
[00:35:27.800]
Qu'est ce que tu retiens, toi, de de cette expérience? Qu'est ce qui t’a marqué? Qu'est ce qui t'a surpris? Qu'est ce qui t'a déçu? Je pense que ce qui m'a réellement marqué, c'était que mon équipe était capable de faire quelque chose à petite échelle. On n'a peut être pas les moyens, mais on va essayer de le faire. Ce qui m'a aussi marquée, c'est le fait que l'on arrive à produire énormément alors qu'on se connait pas. C'est peut être le confinement qui a fait ça, mais il s'est passé quelque chose d'extraordinaire, de production, de la même, dans une ambiance assez conviviale. Enfin, il y a eu un effort collectif, et je pense qu'il y a aussi cette partie de bénévolat qui a été assez importante parce que forcément, quand on décide d'être bénévole pour un collectif, c'est qu'on est ultra motivé. Donc, on a eu une espèce d'hyperactivité collective de 60 personnes en même temps. Je vous avoue que à gérer, ce n'était pas toujours facile. J'ai été diplômée il y a un an et je me retrouvais à la tête d'un collectif de 60 personnes à gérer.
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Crédits
Interview : Philippe Couve et Marianne Rigaux
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Production : Ginkio et Samsa.fr
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Au moment où les kiosques physiques souffrent et alors que le distributeur de la presse Presstalis s'enfonce dans la crise, les kiosques numériques trouvent leur place, après une lente émergence. Ari Assuied, le PDG et fondateur de Cafeyn (ex-LeKiosk), raconte la percée de ce qu’il préfère appeler un service de “streaming de l’information”.
Avec le confinement, le nombre de fans de Cafeyn a explosé, atteignant 1,5 million d’utilisateurs actifs. Essentiellement grâce aux partenariats avec les groupes de télécoms mais aussi avec une offre illimitée en direct. Ce sont encore beaucoup de CSP+ urbains, même si l’usage commence à se populariser au-delà. Ces lecteurs sont des “papillonneurs” utilisant la lecture à l’article, avec en moyenne une dizaine de titres consultés par mois.
Aux éditeurs inquiets de perdre le contrôle sur leurs abonnés, singulièrement Le Monde grand absent de Cafeyn, Ari Assuied désigne le monde de la vidéo et de la musique, où les abonnements sans engagement avec larges catalogues se sont imposés. Autant de revenus supplémentaires pour les médias, à côté des abonnements en direct à leurs fidèles. Un peu comme dans le luxe, avec d’un côté la vitrine du sur mesure et de l’autre la rentabilité avec le prêt-à-porter et les accessoires.
Cafeyn entame maintenant la conquête du grand public, son internationalisation et veut s’imposer comme un “havre d’accès à de l’information de qualité”.
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Pour aller plus loin
https://www.cafeyn.co/fr/newsstand/
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L’essentiel de l’épisode
Un usage qui a explosé durant le confinement
[00:02:22]
On n’aime plus trop la notion de kiosque numérique, qui nous semble être une notion peu comprise finalement par les utilisateurs, et on se positionne plutôt sur le streaming de l'information. C'est vraiment la troisième verticale des contenus, après celle de la musique ou de la SVOD. Et ce type de plateforme et ce type de services ont connu pendant la période de confinement une véritable explosion des usages et on a évidemment pleinement bénéficié.
[00:03:30]
Cafeyn, qui existe depuis 14 ans, s'est extrêmement bien développé au cours de ces cinq dernières années, notamment grâce à un certain nombre de partenariats qu'on a mis en œuvre. On a un business modèle un peu particulier, fondé sur pas mal de partenariats, notamment avec des opérateurs télécoms comme Bouygues Telecom, comme Free. Nous sommes également intégrés dans les offres de Canal+, dans Mycanal. Nous sommes également avec CDiscount intégrés dans les programmes de programmes de fidélité, c’est un peu l'équivalent de ce que fait Amazon avec Amazon Prime.
[00:04:34]
Beaucoup de gens qui étaient chez ces différents opérateurs ne savaient pas forcément qu’ils avaient accès à Cafeyn et, dans la période de confinement, ils ont eu plus de visibilité. Ensuite, ça s'est fait aussi de façon organique puisque ce n'est pas notre seul canal de distribution. Les gens peuvent aussi s'abonner directement à Cafeyn via notre offre en illimité en direct.
[00:05:13]
On a multiplié chaque mois pendant les deux mois de confinement par 5 nos inscriptions et une augmentation très significative du nombre de nouveaux souscripteurs à notre service. On a eu une véritable explosion de l'usage sur tous les canaux de distribution du Cafeyn.
Le profil des utilisateurs
[00:07:54]
Ce qu’on constate, c'est l'abonné type est plutôt un papillonneur plutôt qu’un habitué d'une marque. C'est aussi ça la force de notre modèle. On ne va pas cibler des grands consommateurs d'une marque unique qui vont plutôt s'abonner directement auprès de cette marque.
[00:08:34]
Il y a des magazines ou certains quotidiens qui sont consommés très rapidement et d'autres qui sont consommés de façon beaucoup plus importante, avec même des épisodes, les gens à plusieurs reprises pour pouvoir consommer.
[00:08:55]
Aujourd'hui, le profil type, c'est plutôt des CSP+ urbains, donc avec des revenus assez élevés. On constate qu'il y a un élargissement de cette cible, notamment à d'autres catégories sur lesquelles on est en train de travailler.
Un nouveau modèle pour la presse
[00:10:09.690]
(Pour les lecteurs) Il y a aussi des avantages économiques et des avantages d'expérience. On ne se contente pas de répliquer des magazines ou des quotidiens qui sont disponibles sur notre offre, c'est également un moteur de recherche, la lecture Smart, qui permet d'avoir une lecture délinéarisée des contenus. Donc, en fait, on essaye de mettre le meilleur du digital dans ce qui est l’exemplaire papier et le meilleur du papier dans le digital. Donc c'est là tous les bénéfices de notre service. Effectivement, il y a la dimension distribution et prix qui est un atout essentiel.
[00:10:47] L’industrie de la presse est énorme en terme de volume, c'est la plus grosse industrie de contenus en France. Elle représente toujours 7 milliards et demi. Effectivement, de la décroissance mais pas aussi significative finalement.
Elle reste énormément plus importante que l'industrie de la musique. En France si je me trompe pas, les derniers chiffres de la musique c’est 600 millions d'euros. Donc 7 milliards versus 600 millions...
[00:14:22]
Nous, on est plutôt dans une logique de dire que l'exemplaire papier ou tout cas l'unité de mesure doit être revue. Cette unité sert notamment à la rémunération publicitaire des éditeurs, qui est un élément essentiel et peut aller de 30 à 70 pour cent de leurs revenus, voire plus. Il faut favoriser une meilleure monétisation de leur audience sur le digital qui est fondamentalement la problématique majeure des éditeurs.
[00:16:31]
Moi, je suis convaincu que les éditeurs, que ce soit Cafeyn ou d'autres acteurs, vont devoir de plus en plus se passer par les agrégateurs. Non pas parce qu'ils n’ont pas des marques puissantes, c'est pas du tout le cas, ils ont des marques puissantes, solides, qui ont un lien fort avec les consommateurs. Mais la majorité des consommateurs ne vont pas pouvoir s'abonner à plusieurs titres parce que ça coûte extrêmement cher et qu'ils vont devoir faire des arbitrages.
[00:18:26]
Ce qui est paradoxal, c'est que le papier représente toujours une part très importante des revenus des éditeurs. Si on regarde les indicateurs économiques, la distribution papier aujourd'hui perd de l'argent. Finalement, le papier, c'est un peu l'équivalent quand vous êtes dans l'univers du luxe, du sur mesure. Globalement, ces marques gagnent de l'argent sur prêt à porter et sur les accessoires. Et je pense que c'est un peu l'équivalent. Les lignes de revenus, qui sont en volume moins importantes sur le digital, rapportent plus et sont beaucoup plus rentables.
[00:23:41]
Aujourd'hui, on est encore aux prémices du développement de la distribution digitale, des contenus de la presse. Quand on va commencer à arriver à un phénomène de plateau, on va s'adresser à une base de lecteurs qui sont des lecteurs avec des moyens économiques qui seront moins importants, la notion de plateforme est beaucoup plus au centre des enjeux. L’un ne sera pas antinomique de l’autre.
On a multiplié nos partenariats distribution. Et aujourd'hui, on voit que les usages se multiplient. Il n'y a pas de cannibalisation. On n'a pas de clients en direct parce qu’on s’est ouvert auprès des clients Canal+ ou auprès des clients Cdiscount, ou des clients Télécom Free.
L’info de qualité
[00:25:15]
(Dans un contexte de fake news) L'objectif de notre plateforme, c'est de construire un havre d’accès à des contenus de qualité. On ne veut pas ou on ne veut pas être une plateforme à clics.
[00:26:05]
On est convaincu que la qualité d'un contenu venant d'une marque reconnue avec des journalistes, avec une rédaction, est beaucoup plus importante que celle venant de n'importe quel contenu, de n'importe quelle marque sur le net.
C'est pour ça qu’on pense qu'il y a une valeur à ces contenus, qu'il faut la monétiser et qu'il y a une justification à cette motivation et que les consommateurs, notamment par rapport à tout ce qui s'est passé dans le monde sur ces cinq ou dix dernières années, vont de plus en plus enclins à retrouver du contenu de qualité.
On est dans une dans une période intermédiaire, d'abord à refaire découvrir la valeur de ces contenus. Pour nous, pour nous, c'est notamment grâce à la distribution qu'on met en œuvre. Puis, derrière toutes les façons, c'est une manière, de façon directe ou indirecte, de payer pour accéder à ces contenus qui ont de la valeur.
Et maintenant l’audio et la vidéo
[00:33:38]
Aujourd'hui, on a plusieurs types d'usages. On a toujours l'usage de la consommation du contenu tel qu'il existe sur le papier, mais on peut aussi lire à l’article, utiliser le moteur de recherche. Là, on est en train d'intégrer de plus en plus d'autres types de contenus autour de l'audio et de la vidéo, qui permet de renforcer la proposition de valeur. Ce sont des types formats sur lesquels tout le monde est en train de travailler, tout le monde est en train de réfléchir. Et d'ailleurs, quand vous parlez d'une marque de presse, c'est un média.
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Crédits
Interviews : Sébastien Bailly, Elise Colette, Philippe Couve, Jean-Baptiste Diebold, Marianne Rigaux
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation sonore : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio et Samsa.fr -
Dans cet épisode (enregistré avant le confinement), la journaliste de France Inter Sara Ghibaudo raconte les coulisses de la création de “13 Novembre, l’enquête”. Ce podcast natif publié en novembre dernier est un des tout premiers de la grande chaîne publique. Il connaît un succès phénoménal avec plus de deux millions d’écoutes.
En 9 épisodes d’une vingtaine de minutes, Sara Ghibaudo remonte le parcours des terroristes du 13 Novembre, avec notamment leur passage et leur “formation” en Syrie. C’est la journaliste qui a eu l’idée de proposer à sa direction cette reconstitution, rendue possible par ses quatre années passées à couvrir au jour le jour cette actualité tentaculaire. Elle a pu réaliser quelques interviews majeures - un repenti ou le procureur fédéral de Belgique - et travaillé avec deux productrices de Radio France pour retracer le récit de ce petit groupe d’individus qui ont plongé la France dans l’effroi.
Une saison 2 ? Rendez-vous peut-être en 2021, l’année du procès de Salah Abdeslam. Une chose est sûre, pour France Inter c’est le premier grand succès de la catégorie des podcasts originaux.
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Pour aller plus loin
https://www.franceinter.fr/emissions/13-novembre-l-enquete
https://www.franceinter.fr/personnes/sara-ghibaudo
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L’essentiel de l’épisode
Un podcast à France Inter
[00:03:54]
Il fallait restituer la vision d'ensemble (sur les attentats) et recoller un peu tous ces morceaux. Et c'est le moment où, effectivement, France Inter a lancé sa politique de podcasts natifs, et je me suis dit : c'est un format qui permet d'être à la fois dans la narration, dans le documentaire, et je vais pouvoir utiliser largement la matière accumulée. On ne va pas du tout réinventer la radio, le feuilleton, la série, tous ces choses qui existent depuis très longtemps, mais là je me suis dit que c'était vraiment un format à exploiter pour ce projet.
[00:07:27]
Je pense que c'est vraiment quelque chose qu'il faudrait refaire honnêtement, d'exploiter les enquêtes ou des sujets qui se prêtent comme ça à une narration longue sous ce format-là.
Dire “je”
[00:08:05]
C'est sûr que quand on est habituée comme moi à des formats très courts, c'est une autre écriture. Moi, j'avais eu l'occasion déjà d'écrire un livre d'enquête. Quand on est journaliste, on sait jongler un peu avec les formats. Moi, j’ai trouvé ça vraiment enthousiasmant. Après, ce qui était plus déroutant pour moi, c'est quand on a commencé à m'expliquer : tu sais Sara, le podcast il faut parler à la première personne, c'est très loin de ma culture.
C'était notamment lors des conversations avec mes réalisatrices puisque j'ai travaillé avec des réalisatrices qui étaient chargées de la mise en ondes, qui ont trouvé le générique, la musique. Et même la directrice de France-Inter, Laurence Bloch, me l'avait dit. Il faut non seulement raconter cette histoire, mais aussi expliquer comment tu travailles. Et c'est très intéressant d'ailleurs, je trouve que ça fait partie d'une d'une charte de transparence et d'une nouvelle relation à l'auditeur. Si on peut lui expliquer pourquoi je vous raconte ça, comment je le sais, d'où ça vient, ce que je ne sais pas aussi, pourquoi je fais plusieurs hypothèses et finalement, on ne peut pas trancher... Ça, c'était la démarche pour moi qui tranchait le plus avec mon travail habituel.
[00:09:49]
Dire “je”, je trouve que c'est pertinent quand il s'agit d'expliquer mon travail, comment je procède et sans doute que j'aurais pu aller un peu plus loin et prendre encore plus le temps de le faire. Pourquoi je vous dis ça? Comment je le sais? Les questions que je me pose, les questions que d'autres se posent, les doutes que je peux avoir. Ça, c'est une démarche journalistique intéressante.
Réalisation
[00:16:33]
Donc, si j'ai pu le faire, c'est parce que j'avais suivi ça pour France Inter et donc je connaissais déjà bien le dossier quand je me suis lancée dedans. Après, j'ai travaillé sur mon temps libre, c'était le deal, pour ce qui est de la conception et de l'écriture. Et à la rentrée de septembre, j'ai eu un mois et demi dégagé puisque là, il fallait vraiment travailler avec les réalisatrices notamment, pour finir le montage des interviews, l'écriture, et puis enregistrer, mixer.
Et ça, c'est vraiment très précieux. Je trouve qu'il y'a vraiment un très beau travail de réalisation sonore aussi avec les réalisatrices de France Inter qui sont dédiées à ces podcasts d'ailleurs, comme Fanny Bohuon et Anne-Sophie Ladonne, qui ont trouvé par exemple la musique du générique, qui m'ont suggéré plein de choses. C'est un beau produit sonore.
Bilan
[00:26:12]
Pour la radio, on est vraiment dans notre fonction de service public. C'est quand même un évènement majeur de notre histoire contemporaine, même une page importante qui a eu des répercussions géopolitiques, sociales, politiques. Et donc essayer d'expliquer un peu en détail les faits, le déroulement, moi, je suis très contente de l'avoir fait et je pense que ça fait vraiment partie du cahier des charges et de la mission de France Inter.
Qu'est ce que ça m'a apporté, d’un point de vue personnel ? Moi, j'étais à la fin d'un cycle. Je savais que j'allais quitter le service police-justice pour me tourner vers d'autres fonctions. Moi aussi ça m'a évidemment beaucoup marqué ces dernières années. J'avais envie, encore une fois, de recoller les morceaux et de laisser de laisser un produit qui me permette, pas de mettre un point final, mais en tout cas de faire, j'espère, un bon résumé de ce que je savais à ce moment-là.
Crédits
Interviews : Sébastien Bailly, Elise Colette, Philippe Couve, Jean-Baptiste Diebold, Marianne Rigaux
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation sonore : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio et Samsa.fr -
Certains groupes de presse régionale surveillent de près leurs lecteurs et le bassin de population sur lesquels ils interviennent. C’est le cas du groupe Rossel-La Voix du Nord, qui a créé il y a plus de vingt ans une direction des études. Guillaume Lecointre, le directeur, est venu nous expliquer son fonctionnement, son lien avec la rédaction en chef et l’évolution de l’attitude des journalistes vis-à-vis des études marketing.
Nous avons aussi parlé de ces fameux lecteurs-clients, de la manière dont ils avaient évolué et de ce qu’ils attendaient aujourd’hui de la presse.
Entre l’enregistrement de cet épisode, dans les studios de Créatis à Paris, et sa diffusion, nous avons tous été confinés. Mais tout était prêt de notre côté et nous sommes en mesure de vous proposer cet épisode, qui ne parle ni de Covid-19, ni de toux, ni de couvre-feu et encore moins de malades.
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Pour aller plus loin
http://www.rossel-lavoix.fr/-----
Crédits
Interviews : Sébastien Bailly, Elise Colette, Philippe Couve, Jean-Baptiste Diebold, Marianne Rigaux
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation sonore : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio et Samsa.fr -
Comment répondre aux innombrables questions du public face à la crise sanitaire inédite liée au coronavirus ? Le groupe TF1 a fait le choix, non pas de la libre antenne, mais d’un robot conversationnel. Julien Laurent, le pilote de ce projet mis en place en quelques jours, raconte cette expérience. La période du confinement a aussi permis au directeur marketing pour l’info de TF1 et LCI d’avancer sur le sujet de l’audio, avec un nouveau podcast natif, “On déconfine l’info”.
En un mois et demi d’utilisation, près de 400 000 personnes ont utilisé le chatbot coronavirus de LCI, qui a eu les honneurs du 20 heures de TF1 sept fois. Pour un total de près de 800 000 questions, dont 25 000 dès la première demi-journée. Surprise, elles ne portaient pas tant sur des points médicaux ou l’actualité, mais surtout sur des interrogations pratiques, avec des cas très concrets comme la gestion de la garde alternée entre parents séparés.
Cet outil conversationnel créé avec la startup Clustaar a permis une autre expérimentation : créer un pont pour la première fois entre l’info de TF1 et LCI, d’une part, et le site Doctissimo, racheté en 2018.
Au final, pour TF1 l’enjeu de cette opération chatbot, sans enjeu financier et a priori à usage exceptionnel, tient à l’ancrage d’une image de “média d’écoute du public” avec un fort engagement digital. Le nouveau dispositif d’intelligence collective “Ma nouvelle vie” va dans le même sens. Il s’agit d’inventer avec le public le média d’après.
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Pour aller plus loin
https://www.lci.fr/questions-coronavirus/
https://www.lci.fr/podcast/
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L’essentiel de l’épisode
Chatbot, conception et résultats
[02:45] On a été confrontés à un vrai questionnement en tant que média : dès l’émergence de la crise, on s’est mis à produire énormément de contenus sur le sujet du coronavirus et du covid, et on voyait les questions affluer. Cela tombe bien, le métier d’une rédaction c’est de répondre aux questions. Mais il y a tant de questions et on produit tellement de contenus. Comment faire pour centraliser toutes les réponses qu’on produit et que ce soit facile pour un utilisateur de pouvoir trouver les réponses à ses questions ?
[05:10] Il a fallu rouvrir tous nos contenus, identifier à l’intérieur de nos contenus quels éléments de réponses on pourrait y trouver pour quelles questions et ensuite synthétiser ces éléments de réponses pour les associer aux articles qui permettent aux utilisateurs de creuser la réponse.
[09:03] C’est un exemple d’une technique qui se met au service d’un contenu. Très vite on atteint le premier seuil critique de 25 000 questions pour que les moteurs d’intelligence de la solution de Clustaar se mettent à fonctionner. Il nous aura fallu seulement une demi-journée pour l’atteindre. Très vite, on voit des intentions, des besoins de réponses émerger, sous forme d’ensembles.
[09:37] Le premier constat qu’on fait très vite, c’est qu’on s’est trompés sur le postulat de départ. Au début on se dit qu’on va faire un chatbot très santé : “je tousse, qu’est-ce que je fais?” Ou alors très actu : “où en est la propagation, la diffusion?” Très vite, on voit que la grande question des gens, c’est : “est-ce que je peux faire ceci ou cela?”
[10:23] C'est génial, parce que d'abord, on a un baromètre des questions de la société, c’est extraordinaire. On voit toutes les questions que se posent les gens et on se rend compte que c'est des questions pratiques beaucoup plus que des questions de santé. Ça veut dire que très vite maintenant, il faut qu'on aille chercher des réponses à ces questions.
On a un comité tous les jours de l'équipe projet qui analyse les cinq grandes nouvelles intentions qui apparaissent, qui regarde un peu les tendances et qui réajuste le dispositif éditorial à l'intérieur du chatbot pour qu’il soit de plus en plus performant.
“Un média d’écoute”
[14:16] Nous, on a misé sur une interactivité très directe, de réponse directe à la question. Ce n’est pas de la libre antenne, c'est encore plus que ça. C'est encore plus précis. On ne filtre pas. On a vraiment ouvert grand les bras aux questions des gens en assumant qu'on n'aurait pas 100% de réponses parce que c'était une machine. Mais voilà, c'est une autre modalité.
En faisant ça, on a essayé de démontrer que notre vision est de ne pas être un média sachant et descendant. En quoi a renforcé le lien à travers cette forme d'interactivité entre nous et les gens ? Hé bien ça renforce ce lien parce que on n'est pas un média top-down de sachants qui va leur expliquer ce qu'ils doivent savoir. Mais on va plutôt essayer de comprendre ce qu'ils veulent qu'on fasse pour ensuite construire notre information.
[16:46] On n’attend aucun revenu en particulier en termes d'espèces sonnantes et trébuchantes. On n'est pas dans cette séquence-là. En revanche, encore une fois, on veut petit à petit démontrer que notre ambition est d'être un média d'écoute, un média digital à l'écoute du pouls, de la société et des gens.
[19:45] Sur cette histoire de chatbot, je pense qu’on sera pragmatique. L'expérience est passionnante mais elle ne peut pas être pérenne. Pourquoi pas le maintenir typiquement sur des sujets comme la médiation de l’information? Essayer de voir si ce n’est pas mieux qu'une boîte mail d'avoir déjà une première réponse tout de suite. Mais je ne crois pas que ce soit une façon de faire de l'information. Après, ce qui me semble être une façon de faire de l'information et qui est encore un enseignement du chatbot, c'est d'écouter les gens. C’est une très bonne façon de trouver des sujets et des angles.
[21:13] Quand on est un média d'information, on a forcément une dimension citoyenne et elle est passionnante à creuser à l’ère de l'accélération digitale des médias. Là, ce qu'on met en place c’est une plateforme qui va permettre aux gens de se projeter et donc de nous projeter dans la vision qu'ils ont du monde d'après.
Bien malin, ou sans doute très doué, le patron de rédaction qui aura la vista suffisante pour fabriquer le média qu'attendent les gens dans six mois. Et bien en fait nous, on préfère donner la parole aux gens, les laisser s'exprimer. C'est une approche très civictech, appliquée aux médias d'information.
On va questionner les gens, puis ensuite on va les faire écrire. On va les engager véritablement dans la production de contenus, ce contenu étant de la donnée qui sera retravaillée, recompartimentée, quelque part digérée, pour nous donner une trajectoire éditoriale. C’est une plateforme d'échanges citoyens qui doit nous guider dans la production du contenu que trouveront les gens dans six mois.
Podcasts
[24:45] On ne fait que des podcasts natifs. Et quand on a lancé cette initiative podcast il y a un an et demi avec le premier podcast qui s'appelle “Impact Positif”, on l'a fait vraiment dans l'esprit du podcast natif. Et pour tout dire, on a complètement bootstrappé le projet. On a été chercher une heure dans le studio de mixage du JT avec une journaliste pour monter petit à petit ce programme. Enregistrement avec un zoom H5 comme tout bon podcasteur natif. On a vraiment fabriqué ça quand on aurait pu faire à la maison.
Après, on s'est doté d'une vocation éditoriale, on s'est donné une ligne de conduite, on a multiplié les programmes, on a relativement professionnalisé la production. On fait ça maintenant de façon organisée avec des plannings etc mais on ne fait que du natif. Pour autant, on ne s'interdit pas, à terme, de faire le chemin inverse des radios.
Les radios ont d'abord fait du replay audio et elles se sont mises à faire du natif. Nous, on aura appris cette semaine du podcast 100% en natif et on ne s’interdit pas à un moment de mettre des bouts d'antenne en audio parce qu'après tout ça fait sens.
[28:40] Sur les podcasts, je crois assez au modèle éditeurs-producteurs. J'aime beaucoup les modèles que peuvent déployer des Great Big Story, par exemple, aux Etats-Unis et finalement on n’est pas très loin de cette approche-là. Ils produisent un contenu singulier, ils développent une pâte, ensuite ils vendent la possibilité à des marques de s'associer à ces contenus-là pour les co-produire, à partir du moment où ça ne galvaude pas le contenu. Et puis surtout ils produisent du contenu “à la manière de” et je trouve ça très sain.
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Crédits
Interviews : Sébastien Bailly, Elise Colette, Philippe Couve, Jean-Baptiste Diebold, Marianne Rigaux
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation sonore : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio et Samsa.fr -
Christophe Coquis a eu des sueurs froides en lançant le financement participatif de la version papier de Geek Junior pile au moment où la France se confinait pour lutter contre le coronavirus. A quelques jours de la fin, tout va mieux : la collecte est un succès. Le site d’info geek pour les ados, créé en 2015, va se décliner en magazine dès le mois de mai.
Geek Junior vise à permettre aux ados de mieux maîtriser leur environnement numérique et aussi à aider les adultes autour d’eux à les accompagner dans cette exploration. Le magazine a été pensé sous forme de tutos, avec des fiches à découper. Pour assurer la pérennité du média, Christophe Coquis peut donc maintenant compter sur ses premiers abonnés issus de la campagne participative ainsi qu’un partenariat avec Okapi. Il va aussi développer les abonnements dans les CDI des collèges à travers la France.
Basé dans le Tarn, le serial entrepreneur des médias est un habitué de la frugalité. Il développe ce projet comme il avait déjà lancé il y a quelques années Gaillac info, un site d’info hyperlocale accompagné d’un mensuel gratuit. Ses règles d’or : la passion et la patience.
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Pour aller plus loin
La campagne de financement participatif sur Ulule
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L’essentiel de l’épisode
L’origine de Geek Junior
[00:03:14]
C'est vrai qu'on a une vision de l'adolescent toujours collé à son écran, qui serait un geek en puissance, capable de tout faire avec son appareil mobile ou avec un ordinateur. En fait, on en est assez loin. C’est à ça que j'ai pensé en créant le média en ligne Geek Junior. L'objectif était de pouvoir aider les adolescents à mieux mieux maîtriser leur environnement numérique.
[00:04:42]
On peut aussi parler de sujets beaucoup plus larges de l'univers geek, les séries télé, les mangas, tout ce qui tourne autour de l'univers geek au sens large.
[00:05:18]
L'article qui fonctionne le mieux depuis depuis longtemps, c'est un récapitulatif de toutes les ressources pour apprendre à coder.
Une version papier pour les parents ?
[00:13:47]
On a pensé aux parents, mais aussi aux professeurs, notamment aux professeurs documentalistes. A tous ceux qui transmettent l'information et qui peuvent aussi se nourrir de cette information pour améliorer leurs pratiques et aussi mieux transmettre ces pratiques auprès des adolescents. C'est un peu l'idée du magazine. On sait que ces magazines papier, les adolescents ne vont pas naturellement aller sur ce type de supports.
[00:15:31]
Le magazine, je l'ai conçu sous la forme de tutos. Il y a un tiers sur l'actu et deux tiers sous la forme de tutos, avec des fiches qu'on va pouvoir découper facilement.
[00:16:17]
On veut faire découvrir Geek Junior d'une manière différente auprès des ados par des tiers. A l'intérieur du magazine, il y aura quatre pages détachables pour les parents. Et là, c'est vraiment sur. Pour accompagner les parents par rapport à la pratique du numérique vis à vis de leurs enfants, notamment la gestion des écrans.
Objectif 1000 abonnés
[00:17:33]
On a besoin d’un minimum d’argent quand on passe au papier. C'est pour ça qu'on est déjà là, à la campagne Ulule. C'est pour ça aussi que je me suis entouré de personnes qui ont commencé à investir dans le magazine, dans tout ça pour commencer à construire quelque chose de plus solide.
[00:18:18]
Au début, on pensait on espérait entre 15 et 20.000 euros. Après, il y a eu le confinement qui est arrivé et là, on a beaucoup moins fait les malins parce que notre campagne Ulule a commencé juste avant de confinement. On a vraiment flippé et malgré tout, on a réussi à dépasser l’objectif initial. On est presque à 12.000 euros. Il nous reste encore une vingtaine de jours. Je pense qu'on va arriver pas loin des 15 000.
Donc, on n'est pas si loin de l'objectif initial. Avec ça, qu'est ce qu'on peut faire? On peut imprimer les premiers numéros, payer la graphiste, payer le routage pour envoyer les magazines.Et puis c'est à peu près tout. Moi, je n'arrive pas à me payer avec trois cents abonnés, c'est évident. L'objectif derrière, c'est de proposer le magazine auprès notamment des bibliothécaires, des professeurs documentalistes pour qu'ils puissent s'abonner à leur collège.
[00:19:24]
Il y a 5.000 collèges en France. Si on arrive déjà à attirer 10% de ces collèges, ça fait 500. Et là, ça commence à être intéressant. L'objectif, c'est d'arriver très rapidement à 1.000 abonnés pour trouver un modèle économique et payer les charges du magazine.
Convaincre les ados… et leurs parents
[00:21:01]
C'est bien l'idée avec ce magazine d'éducation numérique, c'est que les parents puissent se dire : tiens, mon enfant va pouvoir découvrir peut-être autre chose que ce qu'il fait habituellement sur son téléphone portable, où il a tout le temps le nez sur les deux mêmes applications, Instagram et Tik Tok, par exemple.
En tout cas, c'est l'objectif du magazine de proposer autre chose, de montrer ou de développer la culture, les compétences numériques des adolescents. Et c'est là dessus qu'on joue auprès des parents pour les motiver à abonner leurs enfants.
Serial entrepreneur frugal
[00:21:51.610]
Avec Gaillac info, j’ai été un des pionniers des médias locaux en ligne. C'était à la fois un média en ligne et un magazine papier gratuit qu'on livrait tous les mois chez les commerçants. C'était de l'hyper local, un micro média.
Je me suis beaucoup amusé avec ça. L'idée quand je crée un média, c'est de m'amuser avec une thématique qui m'intéresse. Et puis, c'est une première expérience pour moi en termes de création de média. J'en avais créé d'autres au sein d'entreprises avant, mais là, c'était moi tout seul et j'ai fait ça pendant quatre ans.
[00:22:55]
Et après, j'ai revendu Gaillac Info à une agence de communication locale et je suis parti à Barcelone pendant quatre années où j'étais le rédacteur en chef de la version française d'un site d'informations technologiques qui s'appelait SofTonic.
[00:25:58]
J'interviens de temps en temps dans les collèges, dans les lycées, notamment pour tout ce qui concerne l'éducation aux médias. J'interviens aussi auprès des bibliothécaires, médiathécaires pour essayer d'attirer de nouveau les adolescents dans leurs structures. Et c'est effectivement grâce notamment à l'activité de Geek junior que j'arrive à faire ça et c'est une partie de ma rémunération.
[00:27:33]
Geek Junior est partenaire de Okapi, du groupe Bayard Presse. On fait la page geek de Okapi. C'est geek junior qu'il a produit, enfin c'est surtout moit.
[00:29:08]
C'est facile de lancer un média en ligne ou créer un site web. Ce n'est pas très compliqué mais ce qu'il faut, c'est de la constance. Et puis, ne pas oublier quelles sont ses priorités personnelles.
C'est super important, et notamment les priorités financières, surtout quand on arrive à un certain âge, avec une maison à payer, des enfants, etc.
[00:32:06]
Quand on a créé un média, c'est généralement pas par hasard. C'est parce qu'on a vraiment déjà beaucoup travaillé sur le sujet. On connaît bien le sujet et on sent qu'il y a un vrai besoin. Donc il faut suivre son intuition, bien définir ce qu'on veut faire au niveau, au niveau professionnel et quel équilibre on veut avoir.
Moi, je vis dans le Tarn, ça a plein d'avantages: il n'y a pas beaucoup de cas de coronavirus... Mais en même temps, pour créer un média national, c'est compliqué. Pour tous les réseaux à créer, c'est plus long. Justement, ça permet aussi de faire des choix et ne pas perdre son temps.
Et ensuite, comme je l'ai déjà dit, il faut vraiment faire attention à s'assurer une indépendance financière, quelle qu'elle soit.
[00:33:49]
Moi, je savais ce que cela pouvait donner. Et puis, tout de suite, j'ai eu beaucoup de retours et je me suis dit: tiens, a priori, il y a un vrai besoin et en tout cas, ça intéresse du monde. Mais il faut tester, savoir aussi arrêter un média si ça ne marche pas ou si vous avez plus l'envie. Si ça devient une punition pour vous, il faut arrêter.
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Crédits
Interviews : Sébastien Bailly, Elise Colette, Philippe Couve, Jean-Baptiste Diebold, Marianne Rigaux
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation sonore : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio et Samsa.fr -
L'Équipe sans sport, c’est un cas d’école assez fascinant. Cette semaine dans A Parte, Jérome Cazadieu, son directeur de la rédaction, raconte ces quelques semaines absolument sans équivalent dans l’histoire plus que centenaire du quotidien sportif. L'Équipe a passé le cap et a même recruté environ 10 000 abonnés numériques depuis le début du confinement !
Comme tous les autres médias, il a fallu basculer intégralement en télétravail. Premières mesures lorsque les compétitions se sont arrêtées : passer en pagination estivale réduite, suspendre le magazine et réduire fortement le prix de ventes au numéros.
Ensuite il a fallu innover. Chaque jour, le quotidien publie deux séries permettant de se replonger dans les archives sportives. Le journal a également créé le programme “Bob L'Équipe Challenge” dans sa rubrique “coaching”, avec des vidéos quotidiennes de Bob Tahri, ancien athlète de haut niveau, préparateur physique, coach mental et nutritionniste. Cette nouvelle tendance éditoriale centrée sur la pratique amateure des Français va certainement perdurer, de même qu’une dimension plus participative des lecteurs.
Maintenant il faut tenir car les événements majeurs ont été reportés de plusieurs semaines ou plusieurs mois. Le sport ne va pas repartir normalement de sitôt. Et bien entendu penser à l’avenir. Jérôme Cazadieu veut faire de L'Équipe un journal “plus engagé sur le sport santé, le sport société, plus écologique et raisonnable économiquement”. En attendant, L'Équipe Explore offre une bouffée d’oxygène à ses lecteurs avec la sortie vendredi 24 avril, de la série de vidéos interactives “Un Printemps suspendu”, tournées sur les plus hauts sommets des Alpes.
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Pour aller plus loin
Lien de l’Equipe Explore qui sort le 24 avril-----
L’essentiel de l’épisode
[04:20] A chaque fois qu’on arrivait en fin de semaine, on se posait la question : est-ce qu’on va être capable de faire la même chose la semaine suivante, avec suffisamment de sujets forts pour aller à la Une ? Cette interrogation on ne l’a plus. On sait qu’on est capables d’avoir des idées, de mobiliser des énergies, d’aller chercher des sujets nouveaux… Sur notre capacité éditoriale à tenir la ligne, on sait qu’on est capables de le faire.
Ce qui est plus difficile c’est qu’on reste beaucoup dans l’incertitude et qu’on ne connaît pas les conditions de reprise des événements sportifs.
[06: 27] On essaie d’être les plus attentionnés possibles pour lisser la charge de travail dans la journée et éviter d’avoir des coups de chaud parce que les coups de chaud en télétravail c’est compliqué. Sur une semaine ça va mais avec la répétition sur 5 semaines, on sent que ça fatigue les équipes.
[08:27] Nous ne pouvons être 100% coronavirus, même si on doit s’intéresser aux initiatives, aux belles histoires, et par exemple on fait un portrait tous les mercredis baptisé “Nos héros”. On a essayé d’aller aussi sur l’information sportive parce qu’il se passe encore des choses : les sportifs ne restent pas chez eux à rien faire, les institutions sportives ont une continuité d’organisation, elles préparent la saison prochaine…
[09:43] On a essayé aussi de toucher une des seuls effets positifs de cette période, à savoir l’activité physique des Français. Les gens font du sport, du yoga, vont courir... On a essayé tout de suite de s’accaparer cette thématique avec le “Bob L'Équipe challenge”.
[11:08] Les “Bob challenge” c’est intéressant parce que globalement L'Équipe couvre surtout le sport professionnel, le sport de haut niveau, et là ça nous permet de toucher un autre segment qu’on ne touchait pas aujourd’hui.
[13:30] On ne va pas ressortir de cette crise comme on en est entrés. Cette crise peut durer jusqu’à la fin de l’année, voire au début de l’année prochaine, pour le sport et aussi pour nous, sur la manière dont nous traitons le sport.
[14:25] La question de la pratique, du sport santé, du sport société, de l’impact du sport sur un certain nombre de sujets, c’est quelque chose que nous pouvons pousser au fil de l’eau. Pareil sur des formats numériques interactifs.
[15:30] On a intérêt à apporter notre vision, d’un sport plus équitable, plus raisonnable économiquement, un sport plus écologique. On va être beaucoup plus engagés.
[18:48] Pour la sa série Equipe explore “Un Printemps suspendu”, publiée le 24 avril, on a bossé avec la société de production Upian pour en faire un objet un peu unique avec beaucoup de motion design, d’animation 3D pour montrer la montagne sous un angle interactif.
[20:38] Nous avons la chance d’avoir 7 et 8 millions de personnes qui ont téléchargé l’appli cation de L'Équipe et ces gens viennent une dizaine de fois par jour. Ils sont très connectés à notre univers. Il y a moins de fidélité qui viennent par le web et les réseaux sociaux.
[21:26] Le trafic, en règle générale avec des compétitions, oscille entre 1,4 et 1,6 milliard de pages vues par mois. Evidemment il a baissé mais il reste suffisant pour conserver de la publicité.
[22:18] On a recruté beaucoup d’abonnés depuis le début du confinement, entre 3 et 4 fois plus de nouveaux abonnés que d’habitude. Nous sommes à 276 000 abonnés, soit à peu près 10 000 nouveaux abonnés.
[24:53] Moi je ne crois pas à la disparition du papier. Peut-être que je suis un dinosaure de ce point de vue-là. Je pense qu’il y a un usage qui va être un peu renforcé par la crise. Pas en terme de volumes : ils vont continuer à baisser compte tenu de la crise de la distribution. En revanche, est-ce que les gens ne vont pas avoir besoin d’avoir des temps plus longs ?
[25:45] La nature du support compte : par exemple quand on prend un journal papier le matin, on se pose avec un café pour le lire. Je crois que nos lecteurs vont un peu changer de mode de vie. Si la publicité continue de décrocher, cela rendra l’équation économique plus incertaine.
[27:20] Pour les médias, cette crise va nécessairement accélérer la transition numérique. En particulier pour notre rédaction dans sa manière de fonctionner. Tout le monde travaille directement dans les back-offices numériques alors qu’il y avait encore un peu de réticences. On a aussi vu l’agilité de nos journalistes pour faire des visioconférences.
[28:36] Cela fait trois ou quatre ans qu’on parlait à l’équipe du télétravail. On l’a mis en place en 15 jours.
[29:30] Il ne faudrait pas que tous ces changements provoquent du tout-numérique. Il ne faudrait pas que les médias traditionnels, historiques, que ce soit en presse écrite, radio ou en télé, aient juste une jambe numérique. J’ai peur que cela crée un déséquilibre.
[31:00 ]Les lecteurs papiers n’attendent pas la toujours même chose que les internautes. Ce sera à nous d’imaginer comment on est capables de concilier une transformation numérique qui va s’intensifier avec une industrie traditionnelle qu’on doit être capable de maintenir, d'enrichir, de transformer, de telle sorte à ce qu’elle reste viable à la fois pour l’entreprise qui la porte et pour les lecteurs qui vont la consommer.
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Crédits
Interviews : Sébastien Bailly, Elise Colette, Philippe Couve, Jean-Baptiste Diebold, Marianne Rigaux
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation sonore : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio et Samsa.fr -
La crise du coronavirus et son flot de fausses informations ont rendu d’utilité publique les formats de “débunkage” de fake news. Et c’est ainsi que, le 1er avril, France 2 a mis pour la première fois à l’affiche de son 20 heures le module “vrai ou fake” venu de FranceInfoTV et du numérique. Julien Pain, son rédacteur en chef, et toute son équipe ont fait entrer leurs codes visuels inspirés des youtubeurs et leurs méthodes issues du “mojo” (journalisme mobile) dans la grande messe du JT.
L’équipe de Julien Pain a en effet l’habitude de partir avec des smartphones pour couvrir les manifestations, de bidouiller quand il le faut pour tester de nouveaux formats et a pu s’adapter en 24 heures aux conditions inédites de télétravail imposées par le confinement. Et quand il s’est agi de contribuer aux besoins de France télévisions pour couvrir cette crise, “Vrai ou fake” s’est imposé tout naturellement.
Que restera-t-il de cette expérience après la crise ? Le style de narration et la réalisation très Youtube ne transformeront pas le 20 heures du jour au lendemain. Le télétravail ne deviendra pas non plus la règle pour la machine télévisuel et ses exigences de qualité d’image et de son très élevées. Mais, espère Julien Pain, cette accélération de l’innovation lui permettra de pouvoir mieux diffuser et partager son travail dans le paquebot public et de tester plus régulièrement de nouvelles idées en mode agile.
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Pour aller plus loin
Le home studio de Julien Pain La rubrique Vrai ou Fake Les Observateurs de France 24-----
L'essentiel de l'épisode
Se concentrer sur la lutte contre les intox
[00:05:23] Au moment du confinement, je me suis dit en quoi je peux être utile? Qu'est ce qu'est ce que l'équipe peut faire le mieux et sur laquelle elle peut être efficace le plus rapidement? Il y avait un vrai développement des intox au moment de ce début du confinement, on voyait bien qu'il y avait tout et n'importe quoi qui était raconté sur les réseaux sociaux. En tant que journaliste du service public, j'ai senti qu'on avait un rôle à jouer important parce qu'on s'est aperçu concrètement que les intox tuent au sens propre du terme. Ce n'est plus une allégorie. Concrètement, les fausses informations qu'on reçoit sur les réseaux sociaux en ce moment, peuvent nous mener à l'hôpital. Je me suis dit c'est sûrement là que je pouvais être le plus efficace avec mon équipe en ce moment. Donc, du coup, j'ai réorienté le travail de toute l'équipe sur cette lutte contre les infox.
Du mojo au 20 heures
[00:06:30] Un jour, on était au boulot. On n'avait absolument jamais été en télétravail. France Télévisions n'est pas habituée au télétravail. La télé, c'est pas vraiment quelque chose qui se fait en télétravail. Et du jour au lendemain, littéralement, on a monté ce petit projet qui est devenu plus gros de lutte contre les intox en télétravail.
[00:07:30] Au départ, on n'avait même pas d'ordinateur du bureau. C'est notre ordinateur perso, on a installé les logiciels qui nous permettent de faire des interviews, etc. Ensuite on s’est dit, il faut qu'on fabrique des sujets. La meilleure façon de filmer, c'est de le faire avec kits “mojo”.
[00:09:14] En gros, c'est l'idée, c'est que le matériel que vous avez tous à la maison c'est le même que j'utilise quasiment moi pour tourner des sujets qui passent en ce moment au 20 heures.
[00:09:35] La chance qu'on a à nous, finalement, c'est que ça fait des années qu'on travaille avec ce genre de matériel. Moi, je travaille souvent avec des caméras classiques mais il y a plein de moments où on avait déjà expérimenté de travailler chacun avec des kits mojo, par exemple dans les manifs. Nous, on trouve que c'est plus pratique de filmer avec des iphones parce qu'on est plus discret, parce que on peut se faufiler, parce qu'on peut aller prendre des sonores en se rapprochant plus des gens. Et on intimide moins les gens qu'avec une grosse caméra.
Donc, nous ça fait des années qu'on travaille avec ce type de matériel et finalement, ça a été une chance dans ce moment où il a fallu se redéployer très rapidement parce que non seulement non seulement moi, mais toute l'équipe, était capable d’utiliser ce kit téléphone, etc. Je pense que ça aurait pris beaucoup de temps pour une équipe classique de France Télé. Pour nous, c'était relativement naturel.
[00:10:25] On a commencé uniquement avec notre matos à nous, je tournais avec mon téléphone à moi et je montais avec mon ordinateur à moi. Là, on est en train de se professionnaliser un peu, c'est à dire qu'on est en train de récupérer du matos maison pour avoir des outils un peu plus performants pour faire une meilleure image, pour monter de façon un peu plus pointue.
[00:11:20] Quand qu'on commence à passer au 20 heures. On attend quand même une qualité technique un peu meilleure. Donc là, on s'est équipé avec un micro qui nous permet même d'être assez loin de la caméra et même en m’éloignant en s'éloignant du smartphone, j'arrive quand même à avoir une qualité correcte.
Et puis après, sur la fabrication, au départ on montait tout seul sur iMovie; maintenant, on fait des bout à bout sur iMovie et ensuite on les envoie au bureau, pour faire rajouter une couche graphique qu’on ne pouvait pas faire. On aime bien, en plus, avoir du texte qui s'affiche, avoir de l'infographie un peu un peu chiadé, qui vient supporter le propos parce que comme on fait du fact checking on a des choses assez précises à expliquer et l'infographie est utile. Et ça, évidemment, on n'est pas infographiste, on ne peut pas faire tous les métiers tout seul.
[00:13:15] C'est une période de crise et une période de transformation violente, et moi, personnellement, c'est quelque chose qui m'intéresse. Parce que dans les moments de transformations importantes, il faut imaginer des nouveaux process très rapidement. Il faut changer son logiciel très rapidement. Moi, c'est quelque chose que j'ai toujours aimé.
C'est une période dynamique pour moi d'un point de vue de travail parce que j'ai pu faire évoluer très rapidement des process, sachant que France TV, c'est une grosse maison qui évolue très lentement. Et là, ça m'a donné l'opportunité de faire bouger la maison quelque part beaucoup plus que n'aurais pu le faire.
Ça fait quatre ans que je suis à France TV. J'avais très peu fait évoluer France TV puisque je suis un petit rouage, mais là, en quelques semaines, on a quasiment tous les jours ou tous les deux jours, un sujet entièrement filmé à la maison avec un téléphone qui passe au 20 heures de France 2. Donc, la révolution, elle est énorme.
Alors, je ne suis pas idiot. J'imagine bien qu'à la fin du confinement, le 20 heures, avec sa machine beaucoup plus sophistiquée, va se remettre en place et qu'on aura sûrement moins besoin des kits mojo et heureusement. Mais en même temps, je pense que ça laissera une trace. Je pense qu'on est sur une voie d'innovation qui est intéressante.
15 ans d’agilité
[00:16:28] Cela fait 15 ans que je bricole, c'est-à-dire que j'ai toujours été un artisan et un bricoleur dans la télé. Je n'ai jamais fait les choses de façon traditionnelle parce que je n'ai pas de formation télé classique. Quand tout se passe bien, les bricoleurs comme moi, on a peut être moins besoin parce que tout roule, parce qu'il faut savoir gérer des grosses machines. Par contre, dans les moments où il faut aller très vite, on sent qu'il y a un besoin de changement. Et là, le travail que tu as fait depuis 15 ans d'être capable de bricoler et surtout d'avoir formé une équipe, c'est très utile.
[00:17:37] Je vois comment les youtubeurs font, je vois comment les mecs font sur Facebook, du coup ça reste dans mon périmètre et le jour où j'ai besoin de dégainer une idée pour la télé, je vais aller la chercher dans d'autres univers. Je crois que la force de l'équipe qu'on a, c'est qu'on est capable d'aller chercher des idées ailleurs, pas seulement dans notre univers.
[00:17:59] Nos sujets que tu vois au 20 heures, c'est des “face cam”, donc des gens qui parlent face à la caméra et qui expliquent des choses en alternant très vite avec du in, de la vidéo qui vient rentrer, ensuite des infographies, et c'est monté en ce qu'on appelle le “jump cut”, c'est-à-dire qu'on ne cherche pas à faire de plans d'illustration. L’inspiration c’est Youtube.
[00:19:04]
L’équipe, c'est tous des journalistes. Par contre, moi, je ne peux pas avoir quelqu'un dans l'équipe qui a une aversion pour la technique. Si quelqu'un me dit : moi, je suis uniquement rédacteur, donc le techos, c'est le mec à côté qui prend le son ou qui filme, et moi je ne touche qu'à l'éditorial parce que je suis un journaliste, cette personne ne m’intéresse pas.
On peut être excellent dans l'éditorial et en même temps toucher un peu à tout; ça ne va pas rendre moins bon éditorialement d’être capable de se servir d'un smartphone.
Les Observateurs sur France 24
[00:22:50]
J’ai commencé comme ça le fact checking: j’avais des images, mais je ne pouvais pas les passer à l’antenne tant que je les avais pas vérifiées. Moi, j'ai attaqué le fact checking d'un point de vue très pratique. Il fallait que je vérifie pour pouvoir passer à l'antenne et donc effectivement, en ce moment, où on est en confinement et on voit passer toutes ces images qui circulent sur les réseaux sociaux, moi c'est dans mon ADN de les prendre, de les récupérer et de me dire qu'est ce que je peux en faire, comment je les utilise, etc.
Et après ?
[00:25:55] Je pense que c'est une graine, elle est plantée. Moi, j'étais une graine qui était hors sol, c'était les tomates hors sol bio de Bretagne. Maintenant, c'est fini. Cette graine est plantée parce que le 20 heures nous a fait rentrer dans le sol. Alors forcément dans un premier temps, on va vivre en recul. On a pris une place pendant le confinement qui était importante parce que quelque part, on n'avait pas le choix. Là, il y aura un recul après la sortie du confinement, c'est sûr. Mais la graine, elle est là et je pense que ça va faire réfléchir des gens.
[00:27:31] Moi, ce que je voudrais, qu'on imagine les formats différemment, c'est-à-dire que pour l'instant, un 20 heures mais aussi une chaîne info, fonctionne avec 3 ou 4 formats. Par exemple, si je prends FranceInfo, on a le sujet télé classique avec un sonore, avec des images d'illustration, avec commentaire sur images et ensuite on a un intervenant en plateau qui fait une chronique, une chronique, c'est toujours la même chose. Et nous, à France Info, on a inventé un nouveau format : un “hub” avec quelqu'un qui se retrouve face à un grand écran et il va pouvoir le toucher parce que c'est un écran tactile.
Là, on est en train de montrer que on peut créer beaucoup plus rapidement des formats qui s'adaptent à ce que les gens voient déjà sur les réseaux auxquels ils sont habitués et qui permettent de se différencier des autres. Et ces formats, il ne faut pas les faire évoluer une fois tous les 5 ans. Il faut toute l'année tester des choses. Moi, je pense qu'il faut expérimenter des choses et ne pas avoir peur de casser les codes pendant l'année.
[00:29:04] Si on doit résumer, je pense qu'il faut qu'on prenne un peu plus de risques parce qu'il y a moyen de faire des paris qui fonctionnent.
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Crédits
Interviews : Sébastien Bailly, Elise Colette, Philippe Couve, Jean-Baptiste Diebold, Marianne Rigaux Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold Réalisation sonore : Raphaël Bellon Design graphique : Benjamin Laible Communication : Laurie Lejeune Générique et habillage sonore : Boris Laible Intégration web : Florent Jonville Production : Ginkio et Samsa.fr -
Depuis une semaine, le Monde propose à ses lecteurs de retrouver ses informations sur WhatsApp, pour suivre de plus près l’actualité du coronavirus. C’est l’équipe des Décodeurs qui a mis en place ce service, pour lutter encore plus efficacement contre les fake news. Mais c’est à la porte de leurs consoeurs et confrères du Monde Afrique qu’ils ont frappé pour mieux connaître WhatsApp et ses utilisateurs.
Depuis un an et demi, en effet, Le Monde Afrique est présent sur WhatsApp. D’abord via les groupes, puis en touchant un plus grand nombre de personnes grâce à des logiciels spécifiques. La formule a vite connu un franc succès auprès de ses lecteurs, tant l’application de messagerie est populaire sur le continent africain. Mais depuis la fin de l’année 2019, WhatsApp (qui appartient à Facebook) a changé les règles du jeu et les médias ont dû s’adapter.
Au Monde Afrique, on est passé à la fabrication de “statuts” pour continuer à diffuser l’information. Et ça marche !
Marilyne Baumard, la rédactrice en chef du Monde Afrique, est l’invitée de ce nouvel épisode d’A Parte. Elle revient avec nous sur l’aventure de sa rédaction sur WhatsApp, de ses bénéfices et de ses limites. Elle nous parle aussi du traitement de l’information au temps du coronavirus.
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Pour aller plus loin
Pour s’abonner aux statuts du Monde Afrique sur WhatsApp :
Pour suivre l’actualité du coronavirus avec les Décodeurs sur WhatsApp
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L’essentiel de l’épisode
Le WhatsApp des Décodeurs
Les Décodeurs sont allés chercher un petit peu les mêmes choses que nous sur WhatsApp. C'est à dire un lien beaucoup plus proche avec le lecteur, mais aussi une info qui passe mieux et qui passe vers des personnes qui, peut être, ne passent pas leurs journées à écouter le live du monde.fr. Ça leur permet de toucher un autre public, de le toucher différemment.
Ça permet à ces messages d'être beaucoup plus viraux que ne peut l'être un article du Monde.
Avec la fermeture des frontières un peu partout, bien WhatsApp, c'est une porte d'entrée qui permet d'être écouté, d'être lu dans la francophonie un peu partout dans le monde. C’était un objectif aussi des Décodeurs d'aller, comme Le Monde Afrique, chercher un public non français.
Test and learn
On a commencé sur WhatsApp, au Monde Afrique, en se disant on va voir ce que ça donne. Comme on est aujourd'hui sur Telegram : on voit ce que ça donne. On n’en sait rien. Il faut inventer. Il faut regarder pour regarder ce qui plaît au lecteur, ce qu'il a envie de lire et ce qui est utile dans le paysage aujourd'hui.
Les relations avec WhatsApp
On a déjà eu beaucoup de mal à créer un lien avec l’entreprise WhatsApp. C'est une toute petite équipe qui n’a pas de représentation en France. Donc, ils ne s'embêtent pas à discuter avec les médias.
Les choses sont devenues très compliquées quand ils ont changé les règles du jeu. Ce qui se passait au départ, lorsqu'on a lancé le WhatsApp Afrique, c'est que l'on pouvait, par un logiciel, déplafonner nos 256 abonnés par groupe. Ce qui fait que l'on avait un immense groupe d'abonnés qui ne prenait pas en compte ce chiffre plafond de 256. Et puis, un jour, au cœur de l'été 2019, WhatsApp a donc annoncé que tout ça s'était terminé, qu'il n'était plus question d'avoir des logiciels qui plafonnent et qu’il fallait rentrer dans le moule et se limiter à la diffusion d'une information à 256 personnes. Ce qui était totalement inconcevable pour nous.
L’utilisation de statuts de WhatsApp
Alors on a testé nos abonnés WhatsApp. On leur a demandé : “Qu'est ce qui vous conviendrait? Qu'est ce que vous aimeriez qu'on fasse pour continuer à vous informer via WhatsApp?”
Et ils nous ont dit : “Nous, on regarde les statuts WhatsApp.” C'est là qu'on a commencé à faire des petites vidéos qui présentent aussi une actualité dans les statuts de l’application.
Il y a un peu l'équivalent du chapeau et du premier paragraphe d'un article, mais s'il le souhaite, l’internaute peut cliquer sur le lien et se retrouver sur le site du Monde Afrique pour lire l’article en intégralité.
Cela ne change pas l'info qu'on donne. On repart toujours de notre info de base. Ce qui change, c'est son mode de présentation. C’est la porte d'entrée qui change et qui va faire que l'on est plus engageant et que l'on va aussi permettre à des gens qui n'ont pas envie de lire cinq feuillets sur les tests coronavirus d'avoir cette information. Et puis, petit à petit, d'aller de plus en plus vers des articles plus longs.
Qu’est-ce qui change ?
Donc, ce n'est pas l'info qui change, mais c'est la façon de l'amener. Et ça aussi, c'est très enrichissant pour nous, journalistes, parce que on a envie aussi que les choses bougent un peu.
On a envie de bouger les formats. C'est quand même un vrai espace de liberté qui est intéressant à utiliser.
La contrainte du format sur WhatsApp, c'est la même contrainte que quand on veut faire un bon papier. C'est de donner un maximum d'infos dès le début, sans rebuter. Donc, c'est répondre à ces fameuses quatre ou cinq questions importantes (les 5W). Et en même temps, que ce soit en engageant que ce soit un peu fun et que ce soit beau aussi.
A partir du moment où l'information est vérifiée, c'est notre standard. La forme, elle peut bouger, elle doit bouger, elle doit évoluer.
Les statistiques d’audience, les retours
Le nombre de retours qu'on a est aussi un vrai moyen de mesurer l'implication des lecteurs et leur attrait pour ce vecteur d'information. Mais ce qu'on ne peut pas mesurer, c'est le nombre de partages.
WhatsApp en Afrique
En Tunisie, WhatsApp n'a pas une bonne réputation. Alors que sur toute l'Afrique francophone d'Afrique de l'Ouest, ça marche vraiment très bien. C’est le cas aussi au Maroc et en Algérie. On a vu que ça avait beaucoup augmenté pendant les événements en Algérie. Au Cameroun aussi, ça fonctionne bien.
Le Monde Afrique au temps du coronavirus
On a une vingtaine de correspondants en Afrique. Ils sont tous restés sur place et ils travaillent tous. Ils sont tous en lien avec les populations, même si on leur demande de prendre des précautions pour travailler. Mais ils font leur boulot sur le terrain pour essayer de voir quelles sont les limites de ces beaux messages qui, vus de France, disent que l’Afrique est confinée. Il y a des choses qui sont qui sont impossibles en Afrique. “Lavez-vous les mains vingt fois par jour !” D'accord. Mais quand on est dans un quartier où il n'y a pas d'eau courante, comment on s'y prend ?
Tous nos déplacements d'un pays à l'autre se sont arrêtés. Donc on travaille à Paris, on fait remonter de l'info beaucoup plus de nos correspondants qui, eux, sont restés sur le terrain.
Et puis sur place ? Bah, voilà, ce qu'on demande, c'est d'être prudent. Bien sûr, on a des journalistes malades, ils se soignent. Et puis on est avec eux et on surveille que les choses ne dégénèrent pas. Et on continue à aller voir sur le terrain, à être au plus près des gens.
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Crédits
Interviews : Sébastien Bailly, Elise Colette, Philippe Couve, Jean-Baptiste Diebold, Marianne Rigaux
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation sonore : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio et Samsa.fr -
A Parte poursuit sa série sur les médias en pleine gestion de crise du Covid-19.
Cette semaine, Erwann Gaucher, le directeur du numérique de France Inter, a trouvé un rapide créneau pour nous raconter à chaud comment les choses s’organisent au sein de la “première radio de France” et comment innover, avec des “concerts dans la cuisine” inaugurés avec Stéphane Eicher ou un nouveau podcast, “Paroles de soignants”.Il a fallu abandonner les captations vidéos des émissions d’info en studio qui cartonnent sur Youtube en temps normal et constituent un tiers de l’audience numérique. Une solution a finalement été trouvée - en visioconférence - pour les humoristes. Parallèlement, cette crise a été l’occasion de mettre l’accent sur la mission éducative d’Inter. Des trésors ont été dénichés pour aider les lycéens à réviser leur bac de français ou d’histoire.
France Inter mise aussi sur les podcasts natifs. Cette semaine, elle inaugure une production quotidienne, publiée juste avant les applaudissements de 20 heures, avec des témoignages de soignants sur 5 à 7 minutes. Et en quinze jours, les podcasts "Les Odyssées" et "Les histoires d'Oli" ont dépassé les 2 millions d’écoutes.
Dernière tendance, comme nombre d’autres médias, la radio publique ouvre grand son antenne aux questions des auditeurs et auditrices. Un flot incroyable de questions sont envoyées directement sur Facebook en messages directs. Elles ont toutes droit à une réponse informée.
Que restera-t-il après la crise ? A minima de nouvelles habitudes de travail, constate celui qui se décrit sur Twitter comme un “agitateur de rédaction”. Il est servi.
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L’essentiel de l’épisode
Mise en place en un week-end
[00:02:56]
France Inter étant ce qu'on appelle un opérateur d'importance vitale, il était, dans le cadre d'une crise sanitaire comme celle que l'on vit depuis quinze jours, absolument essentiel que nous soyons en capacité de continuer à émettre sur les ondes, mais aussi de mettre ces contenus à disposition de tout le monde sur les différents devices numériques, le site, l'application et l'ensemble des supports sur lesquels nos auditeurs nous écoutent chaque jour en numérique. Avec comme pour tout le monde, la petite difficulté de l'équation, c'est que il ne fallait plus personne à la Maison de la radio.
[00:05:22]
Il fallait vraiment qu'on soit efficace tout de suite parce que nos audiences ont quasiment triplé en quelques heures, les visites, les écoutes, en direct, en podcast. On a senti ce réflexe qui rappelle l'importance de la radio dans les moments de crise. C'est vraiment le média vers lequel se tourne naturellement le plus de monde. C’est de brancher la radio quand il se passe quelque chose de très grave et très important.
La vidéo
[00:05:58]
La première chose, par la force des choses, ça a été de supprimer la vidéo. Et ce n'est pas anecdotique parce qu'aujourd'hui un tiers de l'audience numérique de France Inter se fait en vidéo. C'est un des grands lieux de conquête. On a une chaîne YouTube qui marche très, très fort, avec plus d'un demi-million d'abonnés. On fait environ 40 à 45 millions de vidéos vues par mois. Ça représente vraiment une grosse part de notre audience et c'est sans aucun doute, même si on n'a pas de chiffres précis, on le voit par recoupement, une grande partie d'internautes qui ne sont pas des auditeurs de radio. Donc ce sont des gens qui n’écoutent France Inter que par le biais de la vidéo et notamment de YouTube.
Dans les premiers jours, on a donc dû couper puisqu'on n'avait plus personne en studio, on n’avait plus d'invités, on n'avait plus non plus suffisamment de gens pour s'occuper de la radio filmée, puisqu'on a évidemment transféré le maximum des forces vers l'antenne pour avoir le moins de monde possible de gens dans des studios.
Petit à petit, on y est revenu, à travers des fausses vidéos qui sont les fameuses vidéos avec des ondes défilant sur des photos. Et puis depuis le début de la semaine, notamment à travers les chroniques d'humour très, très attendues qu'on nous réclamait beaucoup.
Accent sur l’éducation et les podcasts
[00:08:33]
Cela s’est très vite mis en place. Depuis plusieurs mois, voire un peu plus d'un an, côté numérique à Inter, on travaille avec l'envie de proposer aux enfants et aux jeunes parents des choses à écouter, à faire écouter à leurs enfants sans avoir à les mettre devant un écran. Et le podcast est assez génial pour ça. Et il suffit de voir un enfant entre jouer aux playmobil en écoutant “Les Odyssées” pour comprendre tout l'intérêt, c'est-à-dire qu'il n'est pas captif de la chose.
[00:09:37]
Ces offres ont vraiment beaucoup plus cartonné que je ne m'y attendais puisque Oli, le podcast des histoires pour les petits et les Odyssées, pour les un peu plus grands, ont été écoutés 2 millions de fois en dix jours. C'est vraiment assez énorme pour des podcasts qui ne passent pas à l'antenne, qui sont uniquement en podcast natif.
[00:13:05]
Notre nouveau podcast s’appelle “Parole de soignants” et l'idée n'en est pas forcément très, très originale. On a simplement constaté ce qui se passe autour des soignants, cette envie des gens d'aller les applaudir tous les soirs. Nous on a beaucoup de témoignages à l'antenne, de médecins, d'infirmières, de toute cette communauté de soignants dont tout le monde sait qu'ils sont en première ligne actuellement.
Et on se dit que ce que l'antenne ne permet pas tout le temps en temps, c'est-à-dire d'avoir un témoignage sur la longueur, pourrait faire un podcast intéressant. Là, on est depuis quelques jours vraiment les mains dans le cambouis pour pouvoir sortir chaque soir avant 20 heures, un podcast de 5 à 7 minutes. C'est-à-dire qu'on veut leur laisser la parole en longueur, qu'ils nous expliquent ce qu'ils vivent en ce moment dans les différentes régions de France, dans les différents métiers de la communauté soignante, leurs problèmes, leurs peurs, leurs envies, leurs coups de gueule, leurs coups de coeur et leurs petits moments joyeux.
[00:14:20]
Enregistrement à distance avec un réalisateur à distance qui travaille dessus. C'est presque le plus long à mettre en place : le cheminement pour pouvoir industrialiser la chose. Parce pour faire un ou deux épisodes on sait le faire maintenant rapidement, même dans ces conditions. Mais si on veut que tous les soirs à la même heure, un podcast sorte, c'est là où l'organisation doit se mettre en place.
[00:15:15]
Vendredi dernier, on a inauguré un concert à distance avec Stéphane Eicher depuis sa cuisine. Concept qui devrait se renouveler au fil des semaines avec des concerts de musiciens depuis leur cuisine. On n’avait rien, pas de bons smartphones. Et au final, la qualité de ce qui a été diffusée n'est évidemment pas optimale, pas celle qu'on admettrait si Stéphane Eicher était venu jouer dans nos studios, mais elle est tout à fait correcte. Il faut vraiment souligner le boulot des équipes techniques.
Réseaux sociaux
[00:18:10]
On a eu une montée en charge de commentaires et de DM, de messages directs, que ce soit sur Facebook ou Twitter. Et je pense que c'est à ça qu'on voit aussi la qualité d'une communauté. Les gens n'étaient pas là, forcément, pour poser beaucoup de questions entre eux, même s'il y en a eu beaucoup plus que d'habitude, mais ils venaient nous poser des questions. Mais concrètement, est ce que je peux faire ça concrètement? Est ce que je dois faire ceci ou cela? Est ce que je vais voir? Et c'est là où on se dit qu'on a réussi à tisser un lien.
[00:18:43]
Là, je tire un coup de chapeau à l'équipe de community management parce qu'il ont vraiment passé quinze jours à répondre individuellement. Je pense que la quasi-intégralité de ceux qui nous ont envoyé un message privé via Facebook ou Twitter pour nous poser une question ont reçu une réponse qui n'était pas simplement un accusé de réception, mais une réponse pour leur dire : voilà, nous, on a trouvé dans telle émission, dans tel article de la rédaction, quelque chose qui nous semble répondre à votre question et on vous propose de le lire ou d'écouter pour vous renseigner.
[00:21:05]
On a un vrai Facebook qui cartonne en ce moment, c'est à dire qu'on a vu le taux par rapport au nombre de fans que l'on a sur Facebook et le nombre de visites que ça génère, qui est très, très important.
Travail concentré sur la lutte anti fake news
[00:21:28]
Immédiatement, on a vu circuler absolument tout et n'importe quoi sur WhatsApp, Messenger, sur les réseaux, en vidéo, etc. Stéphane Jourdain, le rédacteur en chef numérique, s’est dit que c'était vraiment ça qu'il fallait creuser et ça a énormément cartonné.
[00:22:10] Premier dispositif, les repérer. On a vraiment tout le monde mis à contribution parce qu'on sait que le très gros des fake news, ce n'est pas forcément ce qu'on voit le plus passer sur Facebook. C'est plutôt ce qui s'échange en messages directs, en boucle WhatsApp, et même mails pour les internautes les plus âgés. On essaie vraiment de les récolter et puis, un par un, de les prendre. Sur le site de France Inter, on a créé Focus, sous la Une, avec tous les articles consacrés aux fake news.
[00:22:58]
Il y a une grosse partie de gens qui nous ont découvert en cherchant ces infos via les moteurs de recherche, via des agrégateurs comme Apple News ou les réseaux sociaux. Beaucoup n’étaient pas des internautes d’Inter.
Les méthodes de travail
[00:24:42]
Notre organisation s’est très vite mise en place, chacun était dans son couloir, savait exactement ce qu'il avait à faire et a foncé, a été efficace. J'ai même moi, en tant que directeur du numérique, plutôt dû dire aux équipes : attention, on est parti comme des fous, c'est un magnifique sprint, mais c'est un marathon qu'on va devoir courir. Il faut maintenant réussir plutôt à s'organiser pour tenir dans la longueur, parce qu'on est un peu moins nombreux que normalement. Et on est surtout dans des conditions plus fatigantes. Je pense que toute personne qui télétravaille pendant deux semaines de suite se rend compte qu’être toute sa journée en visioconférence c'est beaucoup plus fatiguant que de se voir et passer discuter d'un sujet de bureaux à bureaux.
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Ce qui va rester ? Sans doute un potentiel changement dans les modes de production, parce qu'on voit qu'il y a des choses qu'on arrive à faire à distance. Je pense surtout que ça a validé quelque chose dont on se disait régulièrement qu'on en était capable, mais on n'avait jamais eu à le l'expérimenter à cette échelle-là, à savoir une très, très grande souplesse. Paradoxalement, le numérique n'est pas toujours aussi souple que peut être la radio à l'antenne, la radio FM, avec des outils plus simples.
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Crédits
Interviews : Sébastien Bailly, Elise Colette, Philippe Couve, Jean-Baptiste Diebold, Marianne Rigaux
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation sonore : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio et Samsa.fr -
Avec le coronavirus, les médias traversent une période inédite, à la fois exaltante et inquiétante. A parte commence une série d’entretiens autour des impacts humains, éditoriaux et économiques de la crise du coronavirus sur les médias. Au journal Nice Matin, la majeure partie de l’équipe a basculé dans le télétravail malgré quelques réticences.
Le responsable digital de Nice matin, Damien Allemand, a renforcé la rédaction web pour produire des contenus de façon accrue. Un live tourne en continu de 7h à 23h, une newsletter spéciale a été lancée et un module de questions/réponses avec les internautes a été ouvert. Comme pendant les inondations ou les attentats, le quotidien multiplie les initiatives pour être au plus proche de ses lecteurs. Ainsi, Nice Matin a développé la webapp CoronAides qui met en relation des habitants disponibles pour aider d’autres personnes. Cette plateforme solidaire s’inscrit directement dans l’ADN du journal, qui pratique le journalisme de solution depuis trois ans.
Nice matin est dans un processus de mutation numérique important depuis quelques années. Un processus qui s’est accéléré ces dernières semaines : avec le coronavirus, la transformation digitale se fait à marche forcée, les choses bougent, là où les projets mettent d’habitude des mois à se concrétiser.
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Pour aller plus loin
L'article de présentation de CoronAides Suivre Damien Allemand sur Medium-----
L’essentiel de l’épisode
Coronavirus, on s’organise comment
[00:03:49] C'est un peu compliqué de répondre à la question parce que au début, on est confiné à domicile. Par contre, elle est très représentative de tous les documents qu'on reçoit à la rédaction depuis depuis le début de la crise sanitaire. Il n'y a pas un jour où on reçoit pas 10, 15, 20, 30 vidéos de gens qui applaudissent à leur balcon à 20 heures ou d'infirmiers, de personnel soignant qui veulent témoigner de leurs conditions de travail. On reçoit énormément de documents sur cette crise. Des documents qui sont tous positifs, qui témoignent de soutien au corps médical, dans une ambiance, je n'ai pas envie de dire festive, mais qui est plutôt bon enfant.
[00:05:02] Oui, c'est très important de le dire parce que c'est une prouesse technique. Dire que c'est un miracle quotidien est en tout cas oui. On est toujours sorti depuis le début de la crise. Tout est fait et tout a été fait pour que le journal continue de sortir. Il y a eu une réduction de pagination, un chemin de fer qui a été refait en quelques heures pour se mettre en ordre de bataille pour garantir la sortie de la sortie du journal. Tout ça, ça a été fait. Et après, ce qui est intéressant à voir, c'est en gros. Tout s'est fait à marche forcée et j'ai l'impression qu'on est dans une transformation de l'entreprise en quelques en quelques semaines, alors que ce sont des projets qui, en général, dure plusieurs mois. Mais on a une grosse partie de la rédaction qui a basculé en télétravail, une partie qui découvre cela que c'est intéressant.
[00:06:27] Côté Web, le plus gros enjeu pour nous, ça a été de renforcer l'effectif pour tenir le rythme. Depuis le début du confinement, on a un live qui tourne de 7 heures à 23 heures. En parallèle, on continue d'alimenter nos sites. La particularité de Nice-Matin, c'est qu'il y a deux sites : Nice-Matin et Var-Matin. Du coup, on a quasiment eu quatre renforts sur l'équipe web pour nous permettre d'alimenter les sites, des gens qui étaient dans les agences. Certains avaient une expérience du Web, mais pas tous. On échange beaucoup plus là en télétravail que quand on est tous dans la même pièce, on parle toute la journée sur Slack, on fait une vision le matin, une vision le midi, visio le soir.
[00:09:34] Les journées sont beaucoup plus denses en télétravail. Après ce qu'on est en train de mettre en place, c'est un petit indicateur du bien être en télétravail. J'ai mis en place un formulaire que j'envoie à l'équipe avec une note sur cinq. En gros, comment s'est passée votre semaine ? Cinq étoiles, c'est très bien. Une étoile, c'était pas top. Qu'est ce qui a bien fonctionné cette semaine? Est ce qu'on peut améliorer ça? C'est un truc qu'on commence là et qu'on va essayer de remplir à peu près toutes les semaines.
Coronavirus, la couverture de l’info
[00:13:27] On a essayé plusieurs choses et on a essayé surtout de découper la journée en temps de lecture. On essaye de concentrer la matinée sur tout ce qui est initiatives solidaires et tout ce qui va être un petit peu espoir lié à la crise du coronavirus. En gros, l'initiative solidaire, c'est des gens qui mettent en place des collectes pour le personnel soignant, qui offre de la bouffe au personnel soignant ou un taxi qui va faire toutes ses courses gratuitement pour les petites mamies qui veulent aller faire leurs courses.
Le midi, ça va plutôt être comment s'occuper à la maison avec des tutos, des conseils pour des séries télé et des conseils pour occuper ses enfants. Puis on va aller sur du temps long, avec du témoignage en après midi et du décryptage des annonces du gouvernement ou de nos responsables locaux avec les impacts sur la vie quotidienne des Azuréens.
[00:15:33] Le dernier format quand on a mis au point, ce n'est pas très original, mais ça fonctionne très, très bien, ce sont les questions réponses avec les internautes. En gros, tous les jours, on répond à 5 questions de nos lecteurs sur le coronavirus, comme “Est ce que j'ai le droit de promener mon chien?”, “Est ce que ce que j'ai le droit de faire mon footing?” “Est ce que je peux attraper le coronavirus en touchant une poignée de porte?” On répond à ces questions là sur notre site. Les journalistes aiment bien faire des sujets d'angles, des belles interviews. Là, on se retrouve avec des questions très concrètes d'internautes qui sont “Est ce que quand je vais faire les courses, il faut que je nettoie mes légumes, mes légumes?” Du coup, on a un vrai rôle à jouer pour bien expliquer aux gens. Et du coup aller chercher la bonne info et la retranscrire le plus lisiblement possible.
Coronavirus, accompagner la solidarité
[00:20:25] Oui, on a malheureusement l'habitude des catastrophes à Nice-Matin. Et à chaque fois, on mobilise nos lecteurs et la rédaction autour autour de causes. Pendant les inondations, on avait créé des cagnottes sur Ulule pour aider les sinistrés. On l’avait également fait pour les attentats. Et à chaque fois, on a essayé de se demander comment pourrait être le plus utile à nos lecteurs en essayant de les mobiliser.
[00:21:39] On a mis en place une webapp avec Glide, une start up américaine qui permet de faire des webapp très facilement. Il n'y a pas de code, c'est un Googlesheet qui est derrière. Il faut juste le construire et mettre quelques formules pour que toutes les pages communiquent entre elles. On l'a sorti en 10 heures après l'allocution de Macron et ça s'appelle CoronAides.
Le principe, en gros : Vous avez envie de proposer une aide pendant cette crise du coronavirus? Donnez nous votre nom, donnez nous votre adresse, laissez votre numéro de téléphone. Si vous voulez sur l'application, les gens peuvent les consulter et vous contacter s’ils en ont besoin. Et du coup dessus, on retrouve un peu de tout puisqu'il y a des assistantes maternelles qui sont au chômage technique et qui, du coup, proposent gratuitement leurs services. On a des chauffeurs Uber qui proposent gratuitement leurs services, des gens qui disent “je suis disponible en bonne santé, j suis volontaire pour aller faire des courses pour des personnes âgées”. J'ai vu un message qui me fait sourire, quelqu’un qui disait qu'il avait un Doliprane chez lui.. Et du coup, il y a des échanges qui lui sont assez inspirant sur la plateforme.
[00:24:31] On a le journal participatif dans le sang. On a été parmi les premiers à relancer le journalisme de solutions en France en 2015. L'application est typiquement quelque chose qui transpire le journalisme de solutions et l'utilité. On a une newsletter qui est dédiée à la gestion de crise en Italie. Comment ils gèrent, comment ils la vivent. Depuis le début, on dit qu'ils ont dix, quinze jours d'avance sur nous.
[00:26:25] On est en transformation digitale à marche forcée. Il y a plein d'individualités aussi qui sont réticents à la bascule numérique. Là, on est obligé de travailler sur de nouveaux outils. On est obligé de trouver de nouvelles manières de travailler. Des organisations se font en quelques jours alors que ça fait des mois, voire des années, que la plupart des journaux se cassent les dents dessus. Par contre, là, on voit surtout une accélération de tous les projets. On a, comme tous les autres sites, des pics d'audience. Depuis le début de la crise, l'abonnement numérique marchait très bien chez nous. Là, même en ayant passé des contenus gratuits, les gens continuent de s'abonner.
[00:31:38] Je trouve que c’est une période qui est très stimulante, où on peut tester beaucoup de choses. En gros, on peut tester, se tromper. C'est pas très grave parce qu'il y a tellement de choses qui marchent à côté qu'on peut se planter sur un truc. On peut faire un chatbot dédié au coronavirus, si ça marche pas, ça marche pas.
[00:32:39] On voit que les gens ont envie de parler. On a mis en place un groupe privé sur Facebook où les gens peuvent se poster en photo chez eux, en télétravail ou en train de faire du yoga. Les gens ont besoin de partager en ce moment et de parler, même virtuellement, à d'autres gens. Et c'est ici qu'il faut qu'on arrive à trouver le bon créneau pour s'installer. J'aimerais bien dans les prochaines semaines, peut être, lancer des groupes de discussion sur le foot qui seraient animés par nos jeunes sportifs pour encore garder du lien avec nos lecteurs différemment.
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Crédits
Interviews : Sébastien Bailly, Elise Colette, Philippe Couve, Jean-Baptiste Diebold, Marianne Rigaux Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold Réalisation sonore : Raphaël Bellon Design graphique : Benjamin Laible Communication : Laurie Lejeune Générique et habillage sonore : Boris Laible Intégration web : Florent Jonville Production : Ginkio et Samsa.fr - Mostrar más