Episodit

  • Ces deux derniers mois, le courant se fait rare à Brazzaville et à Pointe-Noire, les deux principales agglomérations du Congo. Et ce, malgré les investissements dans les infrastructures électriques ces vingt dernières années. Cela pénalise les entreprises, du secteur public au secteur informel.

    De notre correspondant à Brazzaville,

    Assis à l’ombre d’un arbre dans un jardin public du centre de Brazzaville, cet infographiste, qui préfère garder l’anonymat, a le regard un peu perdu. Il tient entre ses mains son ordinateur qu’il n’a pas pu allumer depuis deux jours, faute de courant. « Aujourd’hui, en tant qu’infographiste, si mon ordinateur n’est pas chargé, je ne peux pas travailler », se désole-t-il. « Si mon téléphone n’est pas chargé, je ne peux pas faire ma communication. Je ne peux pas envoyer mes dossiers à un client qui me demande de lui faire une conception en Afrique ou ailleurs. Je rappelle à nos autorités de prendre conscience de ce qu’elles ont pris comme engagements et de les respecter ».

    Manque à gagner énorme

    Les très petites entreprises du secteur informel tenues par de jeunes Congolais dans treize branches d’activités sont très pénalisées. « Le manque à gagner dû aux coupures d’électricité est énorme », a calculé Mermans Babounga, secrétaire exécutif de l’Observatoire congolais des droits des consommateurs. « Les pertes vont de 50 000 francs CFA (76 euros) à 700 000 francs CFA (plus de 1 000 euros) par mois que ces acteurs dépensent pour pallier aux coupures d’électricité, en achetant du carburant et en entretenant les groupes électrogènes ».

    La situation est paradoxale puisque le Congo a injecté des milliards de francs CFA pour construire des unités de production de courant ces vingt dernières années. C’est le cas d’une centrale de plus de 470 mégawatts alimentée par le gaz. « Quelle est la qualité de l’électricité que nous avons en lien avec tous les investissements qui ont été réalisés dans le domaine ? », s’interroge Brice Mackosso de la Coalition Publiez ce que vous payez Congo. « Il y a des questions à se poser. Qu’est-ce qu’on a fait avec tous ces investissements et quel est le résultat que nous avons aujourd’hui ? ».

    Centrale au gaz mal approvisionnée

    Les coupures actuelles seraient dues au faible niveau d’approvisionnement en gaz de cette centrale électrique alors qu’elle produit 72 % du courant consommé dans le pays, confie une source à la société nationale Énergie électrique du Congo. Le Congo, poursuit-elle, ne doit pas miser sur les centrales électriques, mais plutôt sur les barrages hydro-électriques pour avoir une électricité pérenne et propre.

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  • Deux anciens présidents du Bénin étaient en mission de bons offices au Niger mardi 25 juin. Au coeur des tensions entre les deux pays : la frontière, rouverte en février par Cotonou, mais que Niamey maintient fermée. Une situation qui dure depuis près de 11 mois et qui pèse très fortement sur la ville frontalière béninoise de Malanville. Et plus particulièrement sur son marché international.

    Par notre envoyée spéciale à Malanville,

    Casque sur la tête, Jean-Marie s'apprête à remonter sur sa moto après avoir fait péniblement quelques achats au marché. « D'habitude avec 1 000 francs CFA, je pouvais préparer la sauce. Mais aujourd'hui, avec 1 000 francs, je ne peux rien faire », déplore cet enseignant, qui deux jours plus tôt n’a pas pu trouver de tomate. « Le piment que j'achetais à 50 francs, aujourd'hui, je l'ai acheté à 100 francs. Les tomates que j'ai achetées, ça ne pourrait même pas faire une marmite de sauce. Tout est vraiment cher au marché. Ce que les gens disent, c'est que la cherté est due à la fermeture de la frontière. »

    Chercher des oignons jusqu'à Segbana

    Les produits du Niger, qu'il faut désormais acheminer par le Nigeria, arrivent plus difficilement. Et c'est aussi le cas des oignons. « Avant, l'oignon était partout et les clients étaient nombreux », se souvient un revendeur. « Mais aujourd'hui, on a perdu 50 % de nos clients. L'oignon qu'on appelle Galmi vient du Niger, mais il faut aller jusqu'à Segbana [à la frontière du Nigeria, NDLR] pour aller le chercher. Avant, avec notre frontière ouverte, ça pouvait arriver en une journée, mais maintenant par Segbana, il faut trois jours de trajet. »

    Le marché international de Malanville, qui regroupe 4 000 usagers, est le deuxième marché du Bénin. Ces dernières années, les Nigériens en étaient les principaux clients. Mais avec la frontière fermée, ils ne viennent plus. « Il n'y a que quelques clients locaux qui viennent au marché et qui paient un peu », témoigne Mohamed Ali, dans sa boutique de bazin. Membre de l'association de développement du marché de Malanville, il n’avait jamais vécu une telle situation en 30 ans d'activité. « Actuellement, beaucoup de boutiques sont fermées. Nous sommes en arriérés pour les impôts, pour les taxes du marché. Actuellement, aucun produit n'est épargné par cette crise. Si du côté des vivres ça ne marche pas, ça veut dire que le marché est carrément à terre. Ça ne va pas du tout. »

    Choc pour Malanville et ses environs

    Plus grande fierté de la commune, selon son maire Gado Guidami, le marché international de Malanville subit un choc qui se répercute, observe-t-il, sur toute sa ville. Et, par ricochet, sur l'ensemble des communes environnantes.

  • Puuttuva jakso?

    Paina tästä ja päivitä feedi.

  • La Bourse des matières premières agricoles d’Abidjan bientôt opérationnelle ? Six ans après le lancement du projet ivoirien, en 2018, la phase pilote devrait démarrer dans les prochains mois et pour deux ans. C’est en tout cas la promesse des autorités ivoiriennes qui en ont fait la promotion en Afrique du Sud.

    De notre correspondante à Johannesbourg,

    Avec cette future bourse (BMPA-CI), les échanges directs entre acheteurs et vendeurs de gré à gré seront remplacés par un marché des matières premières agricoles, où le prix sera fixé de manière transparente : selon l’offre et la demande.

    « On compte démarrer cette année, pour une phase pilote de deux ans, avec les trois spéculations qu’on a retenues : la noix de cajou, la noix de cola et le maïs, précise Edoh Kossi Aménounvé, directeur général de la Bourse régionale des valeurs mobilières d’Abidjan (BRVM), qui chapeaute le projet. Et dans deux ans, on ira plus en profondeur, avec des nouveaux acteurs qui seront installés pour pouvoir piloter cette bourse ».

    Cajou, cola et maïs dans un premier temps

    À terme, l’idée est d’élargir l’offre, avec, par exemple, le cacao. Et pourquoi pas d’étendre la bourse à toute l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

    Mais pour l’instant, il s’agit de permettre à Abidjan de mieux commercialiser ses produits phares. « L’agriculteur, il produit en Côte d’Ivoire, et on lui dit que son prix dépend des négociations, soit de la bourse de Londres en ce qui concerne le cacao, soit de la bourse de Kuala Lumpur, en ce qui concerne l’huile de palme. Donc il a du mal à comprendre ces mécanismes-là, reconnaît Koffi Rodrigue N’Guessan, directeur du développement rural au sein du ministère ivoirien de l’Agriculture. Mais aujourd’hui, grâce à la bourse, où tous ces mécanismes sont déportés au niveau d’Abidjan, et où lui-même est acteur, je pense qu’il y aura moins d’incompréhensions quant à l’acceptation des prix qui sortiront des différents mécanismes. »

    Le défi des volumes

    Le continent possède 15 bourses des matières premières, dont la plupart des plus développées sur le marché sud-africain, tourné vers les produits dérivés financiers. La BRVM est donc venue chercher de l’expertise et des investisseurs à Johannesburg. « L’un des gros défis, c’est de capter des volumes suffisants, juge Robert Matsila, spécialiste du secteur agricole pour le fonds Public Investment Corporation (PIC). Si l’on considère le coût d’installation des infrastructures, il faut des volumes importants. Donc, il faut réfléchir comment les fermiers peuvent accéder aux financements et aux connaissances techniques pour ces trois produits, afin que la productivité soit à un niveau international. »

    Les autorités ivoiriennes indiquent disposer pour l’instant d’une capacité de stockage de 430 000 tonnes, et continuent d’identifier d’autres entrepôts.

  • Conférence consacrée aux investissements africains en Tunisie, le FITA, a rassemblé 2 000 personnes venues de 65 pays à Tunis. Automobile, BTP, électronique, nouvelles technologies, textile, les secteurs représentés étaient nombreux. L’occasion pour la Tunisie de tenter de se positionner comme hub en Afrique mais aussi de tenter de faire oublier les violences contre les ressortissants d’Afrique de l’ouest et centrale qui continuent d’émailler l’actualité en Tunisie.

    Par Amira Souilem, correspondante à Tunis,

    « Akwaba de la Côte d’Ivoire !... Zélé du Cameroun ! ». L’édition 2024 du FITA s'est ouverte dans pas moins de cinq langues africaines. La Tunisie redouble d’efforts pour mettre à l’aise ses hôtes africains cette année. Redorer aussi son image après les violences qui ont pris pour cible les Subsahariens dans le pays.

    « Les Tunisiens sont de plus en plus intéressés par le continent », juge l’organisatrice de l’événement, Nadia Yaich. Expert-comptable, elle reconnaît tout de même que l’économie a pâti du contexte politique. Les partenaires africains évoquent avec elle les déportations d’immigrés subsahariens dans le désert. Mais elle reste optimiste. « Il faut que nous trouvions des solutions. Nous sommes un pays accueillant et nous travaillons avec plusieurs présidences. Nous avons des relations historiques, diplomatiques, que l’on veut aujourd’hui mixer avec l’économie. »

    Au stand de la Société nationale immobilière de Tunisie, Dora Aloui Bellagha, directrice commerciale, compte sur cette rencontre pour faire fructifier son expérience sur le reste du continent, face au concurrent égyptien. « On a construit plus de 180 000 logements sur tout le territoire tunisien. C’est pour cela qu’on envisage de commencer par l’Afrique noire parce que c’est là qu’ils envisagent de créer des logements sociaux avec des prix minimisés. »

    Engouement pour la Côte d’Ivoire

    Pays où les Tunisiens s’en sortent bien et pour lequel l’engouement ne se dément pas, la Côte d’Ivoire accueille 10 000 Tunisiens et 250 entreprises de ce pays d’Afrique du Nord. « Les Tunisiens en Côte d’Ivoire investissent dans le bâtiment, dans les grands travaux, détaille Patrick M’Bengue, le responsable de la Chambre de Commerce et d’industrie Tunisie-Côte d’Ivoire. Beaucoup de cohortes d’entreprises tunisiennes investissent dans le domaine du numérique - les nouveaux métiers - dans l’énergie… ». Cacao, noix de cajou, fruits… Les Ivoiriens comptent de leur côté sur des débouchés commerciaux en Tunisie.

    Un grand potentiel d’investissements entre pays africains malheureusement freiné, soulignent les participants du FITA, par les lourdeurs administratives et les difficultés d’accès aux prêts.

  • En Éthiopie, la production d’électricité a explosé avec la construction du méga-barrage sur le Nil. La capacité électrique du pays va passer de 2 à 10 gigawatts en cinq ans. Une aubaine pour les mineurs de bitcoins. Une vingtaine d’entreprises ont signé des contrats avec le gouvernement pour pouvoir installer leurs ordinateurs de minage.

    De notre correspondante à Addis-Abeba,

    La production électrique explose en Éthiopie, mais la moitié de la population en est encore privée, car les investissements dans le domaine manquent. Il faudrait 10 milliards de dollars pour construire les infrastructures nécessaires. En attendant, des centaines de milliers de mégawatts sont gaspillés. Des mineurs de bitcoins ont flairé l’opportunité d’une énergie à bas prix.

    Le mining est le processus informatique par lequel la cryptomonnaie est créée. Un processus qui consomme beaucoup d’énergie « Avec sa situation énergétique, l’Éthiopie est probablement le meilleur endroit pour faire du bitcoin mining aujourd’hui », se réjouit Nemo Semret, cofondateur de QRB Labs. En 2021, il est le premier à pressentir la bonne affaire.

    Il s’apprête à installer son premier conteneur, rempli de machines de minage, dans une des sous-stations électriques qui répartissent le courant dans le pays. L’idée est de rester mobile pour s’adapter à la demande en électricité. « Ce qui a du sens pour le bitcoin, c'est d'utiliser l'énergie que personne d'autre ne peut utiliser », explique Nemo Semret. « Une usine peut payer 5 cents et un bitcoin minor ne peut pas payer plus de 2 ou 3 cents », détaille-t-il encore. Quand l’énergie peut aller aux plus offrants, le marché est rationnel et prend le dessus, analyse le spécialiste, rassurant sur le fait que le mineur de bitcoin est donc le dernier fourni, ne privant pas le pays de courant. « Quand l’énergie peut aller à un autre utilisateur, ça n’a plus de sens de le donner au bitcoin », argumente-t-il.

    Un secteur très compétitif

    Les mineurs du bitcoin se livrent une compétition mondiale sans merci sur ce marché limité. Pour espérer être rentable, il leur faut trouver un équilibre entre le coût de l’énergie et celui du matériel. « Les gens ont l’impression, quand le prix de bitcoins monte surtout, que c’est un business super facile et profitable, témoigne l’entrepreneur. Mais ce n’est pas un business facile, les marges sont très minces et c’est très compétitif. »

    Résultat : sur les 21 entreprises légales qui ont signé des contrats, seules quatre sont actives aujourd’hui en Éthiopie. Nemo Semret loue les infrastructures à des entreprises étrangères qui payent en dollars. Aucune transaction en bitcoin donc, car la monnaie reste interdite en Éthiopie.

    Kal Kassa, consultant dans le domaine du Bitcoin, est très optimiste : « Si les prévisions sont bonnes, dans l'année à venir, les mineurs devraient générer un à deux milliards de dollars de revenus. Ethiopian Electric Power recevra 10% de cette somme grâce aux revenus de l'énergie. Ce qui n'est pas négligeable. »

    Besoin de cadres légaux

    Deux cents millions de dollars reviendraient donc à la société nationale d’électricité pour financer les lignes de transmission. Une décision qui reviendra au gouvernement, aucune promesse n’a été faite en ce sens pour l’instant. C’est surtout un moyen de rapporter rapidement des devises étrangères au pays qui en manque cruellement.

    Et ce nouveau business n’a toujours pas de cadre législatif, il reste flou et risqué. « Il devrait y avoir une loi spécifique, cela rendrait les choses transparentes : le coût de l'énergie, les taxes, les droits de douane, le régime d'importation. Pour pouvoir investir sur des faits et non sur des suppositions », met en avant Kal Kassa.

    Le potentiel est énorme, si le marché est protégé de la corruption et bénéficie d’une fiscalité favorable. Sinon peu de chance que ce business délicat puisse rester rentable.

  • Comment prévenir contre l’extrémisme violent et attirer les jeunes vers des projets viables ? Les autorités ivoiriennes ont mis en place, depuis deux ans, le programme de lutte contre la fragilité. Il s’adresse aux personnes âgées de 18 à 40 ans, vivant dans six régions des zones frontalières avec le Mali et le Burkina. Des régions touchées par le chômage dans lesquelles les populations deviennent de potentielles cibles du recrutement des groupes armés.

    Bakary Ouattara a 31 ans. Il a grandi et vit toujours à Kofiron, un village proche de la frontière malienne. Ce jeune a quitté les bancs en classe de troisième. Sans diplôme, mais avec les connaissances transmises par ses parents, Bakary a décidé de reprendre l’entreprise familiale : il vend du maïs et du riz. Dans son local, il peut stocker jusqu’à 100 sacs de céréales. Mais sans apport financier, difficile de tirer profit du potentiel de son local. « Je m’en sors très bien, dit-il, je parviens à être en activité 12 mois sur 12. À l’époque, je n’avais pas assez de fonds pour acheter des sacs de céréales auprès des femmes du village. J’ai bénéficié d’un prêt de million de FCFA. Cet argent m’a permis d’acheter de grandes quantités de céréales et de constituer un stock. Et je me suis mis à revendre. J’ai fait des bénéfices. »

    Commerce et agriculture

    Bakary a remboursé son prêt en moins d’un an. Depuis, il a ouvert une autre boutique, pour mener des activités de téléphonie et de transfert d’argent. « Je parle de mes activités aux autres jeunes du village pour que, eux aussi, se motivent et montent des projets, poursuit-il, je leur explique comment je m’y suis pris. Je leur dis qu’on peut gagner de l’argent en s’impliquant dans de petits projets. »

    Madou a 33 ans. Il a abandonné l’école pour se consacrer à l’agriculture. Ce jeune de Toumokro cultive le maïs, le riz, le coton et le soja. Cet agriculteur a emprunté 800 000 FCFA à l’agence Emploi Jeunes pour acheter des bœufs, des engrais et des pesticides. Malgré ce coup de pouce, Madou doit encore s’accrocher pour sentir les bénéfices de son métier : « J’ai bénéficié d’un prêt l’an dernier. Mais, la pluviométrie a été mauvaise. Mes récoltes de maïs et de coton n’ont pas bien donné. C’est difficile. J’espère qu’on aura une meilleure pluviométrie cette année afin que je puisse rembourser mon prêt. »

    Cibles du recrutement des jihadistes

    Ce programme vise à ancrer les jeunes dans des activités professionnelles. « Si ces jeunes qui sont à la frontière ne sont pas occupés, s’ils ne sont pas sensibilisés, ils deviennent une cible facile, un appât, pour ces jihadistes, explique Anselme Gauze, est le chef de l’Agence Emploi Jeunes de Korhogo, donc il faut les occuper. Lorsque nous sommes allés à Kafolo –Kafolo a été une zone prioritaire du projet, parce qu’il y a eu des attaques jihadistes dans ces zones-là – il y a des jeunes qui ont pu bénéficier de ces subventions, et il y en a qui ont pu bénéficier de formation en apprentissage : électricité, mécanique-auto et à la soudure. »

    Pour l’heure, dans cette zone frontalière, près de 52 000 jeunes ont bénéficié de ce programme d’aide.

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  • La Libye parie plus que jamais sur le pétrole. Après une décennie de chaos, toujours divisé entre l'est et l'ouest où deux gouvernements se disputent le pouvoir, le pays a pour objectif d'augmenter sa production pour atteindre à terme les 2 millions de barils par jour. Les compagnies étrangères se précipitent de nouveau pour investir en Libye, « poule aux œufs d'or noir », puisque le pays dispose des plus importantes réserves d'Afrique.

    TotalEnergies, Shell, ConocoPhillips, toutes ces multinationales des hydrocarbures ont récemment investi en Libye. Il y a eu des évolutions ces trois dernières années. Une Banque centrale réunifiée, du changement à la direction de la NOC, la compagnie nationale pétrolière, et la reprise de différents gisements, comme celui d'al-Charara, disputé par les milices encore récemment. Un environnement plus propice aux investissements, selon Zakaria Al Barouni, directeur général de la société d'assurance libyenne Al Baraka : « Il y a maintenant beaucoup d’opérations de la part des entreprises chinoises, turques et européennes. Le gouvernement a garanti à ces entreprises qu’elle a des institutions financières stables, explique-t-il, Les transferts des fonds vers l’extérieur de la Libye sont maintenant possibles et simples, c'est plus flexible pour les entreprises étrangères de venir opérer en Libye ».

    Confiance retrouvée

    Les troubles politiques, suite au « printemps arabe » de 2011 suivi du renversement du régime de Mouammar Kadhafi ont fait fondre les investissements directs étrangers dans le pays. Trop de violences, des attaques à répétition sur des terminaux pétroliers ; les compagnies étrangères avaient rapatrié leurs salariés.

    La confiance des investisseurs semble être retrouvée. « Nous couvrons l’assurance de guerre, une première en Libye. Nous couvrons les émeutes, les troubles civils, la construction, les risques et l’énergie, détaille l’assureur Zakaria Al Barouni, ces types d’assurances donnent de la sécurité, une tranquillité d’esprit pour les entreprises au cas où de mauvais événements arriveraient à leurs opérations et les infrastructures. Leur argent ne sera pas dépensé en vain ».

    Explosion de la contrebande

    Les pratiques internes de la NOC sont toutefois jugées encore moins solides aujourd'hui. La contrebande de carburant explose. Un indicateur inquiétant pour les investissements, estiment de nombreux observateurs.

    « Ce problème de la contrebande de carburant existe depuis plus de 10 ans, mais sa taille en dollars ne fait que grossir. Cela veut dire qu'il y a des revenus qui sont sales, qui circulent dans l'est libyen comme à l'ouest libyen, résume Jalil Harchaoui spécialiste de la Libye au Royal United Institute à Londres. D'où vient l'argent ? On ne sait pas. Et comme il y a des tentations de blanchiment d'argent, il faut se méfier. Ces sociétés américaines, françaises ou italiennes sont en train de supplier pour des contrats dont on ne connaît pas la nature, on ne sait pas dans quoi ils se lancent ».

    Une part de l'argent du pétrole brut est consacré à des achats de carburant à l'étranger, principalement en Russie. Du carburant qui est ensuite revendu via le marché de la contrebande dans des pays voisins comme le Tchad ou le Soudan. Cela représenterait plus de 5 milliards de dollars par an, selon le bureau d'audit libyen.

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  • Une méga-ferme laitière de 30 000 vaches pour produire localement du lait frais et des yaourts : c'est l'ambition des autorités de Benghazi, en Libye. Le marché a été confié à un groupe privé azéri-turc qui a déjà fait venir un premier lot de mille génisses françaises, pour une phase test.

    Pour le premier voyage effectué en mars dernier, mille génisses de race prim’holstein, la « Rolls-Royce » des vaches laitières, ont été rassemblées dans le port de Sète, au sud de la France. « Elles viennent de toute la France, depuis le Finistère jusqu'aux Hauts-de-France en passant par l'Alsace et le centre de la France. Pour faire un volume comme celui-ci, il faut voyager beaucoup », détaille Christian Durris, un négociant en bétail et PDG de la société EuropeAgri, qui a choisi ces vaches avec son fils.

    Un voyage à 3 millions d’euros

    Une à une, les bêtes ont pris la passerelle pour embarquer sur un navire bétailler, destination la Libye. Trois jours de voyage, avec à bord, tout pour supporter l'exil en Libye comme l'explique Frédéric Casasola, directeur du développement de B3 Group, un groupe azéri-turc, qui a remporté le marché : « Avec les vaches, on apporte 52 tonnes de nourriture française, pour limiter leur stress à l'arrivée ainsi que tous les médicaments pour une année. »

    Le coût de ce premier voyage est d'un peu moins de 3 millions d'euros. Un montant qui s'ajoute au coût de la réhabilitation de la ferme de Ghot Sultan, située au sud-Est de Benghazi et presque abandonnée depuis la guerre. Un projet financé par le gouvernement de l'est libyen dont l'ambition est l'autosuffisance en produit laitier.

    « L'État de Benghazi a tourné la page de la révolution et souhaite redresser l'économie, explique Frédéric Casasola, l'ambition, à terme, c'est d'avoir 30 000 vaches laitières pour produire du lait frais, des yaourts et du fromage fabriqué en Libye. L'objectif, c'est aussi de former des libyens au travail de la ferme. »

    Des centaines de veaux déjà nés sur place

    Des prototypes de pots de yaourts ont déjà été dessinés. Mais les Libyens devront encore faire leurs preuves pour rivaliser avec les mega-fermes d'Arabie saoudite et du Qatar. L'activité laitière est très technique, rappelle Laurent Tremoulet, le directeur de la SEPAB, la société d'exploitation du parc à bestiaux de Sète : « Chaque génisse va faire un veau qu'il va falloir engraisser aussi. Et après, il y a toutes les préoccupations sanitaires relatives aux animaux, une régularité, une alimentation équilibrée. Pour qu'elle produise du lait, il faut lui donner les bonnes choses au bon moment. Sur un engraissement, on peut se louper pendant quelques semaines, sur une génisse, on ne peut pas, car sa carrière laitière va dépendre de ses premières semaines de lactation. »

    Depuis l'arrivée du premier lot de vaches en Libye, plusieurs centaines de veaux sont déjà nés. À terme, la ferme de Ghot Sultan, qui s'étend sur 17 kilomètres, a aussi l'ambition d'accueillir 6 millions de poulets. Pour le port de Sète, ce nouveau marché qui s'ouvre en Libye pourrait être une petite bouffée d'air : le premier port bétailler d'Europe a vu ses résultats financiers s'effondrer depuis le gel du marché algérien, suite à l'apparition de la MHE en septembre dernier en France, un marché qui représentait ces cinq dernières années 80 à 90% de l'activité. En février dernier, après le Maroc et la Tunisie, la Libye a rouvert ses frontières au bétail vivant français. Mais le blocage persiste avec Alger.

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  • C’est l’un des grands projets de développement de commerce maritime international en Égypte. L’extension du port de Sokhna, situé à une cinquantaine de kilomètres au sud de Suez, permettrait à l’Égypte de compter sur son sol un des ports majeurs de la côte est de l’Afrique – dans la lignée de Mombasa et Dar Es Salaam.

    Avec notre correspondante au Caire,

    Les pelleteuses s’activent sur un chantier qui s’étend à perte de vue sous un soleil harassant. Au loin, les cheminées de quelques usines exhalent leur fumée au-dessus de la mer Rouge. « Pourquoi le port de Sokhna est spécial ? Il est stratégiquement situé à l’entrée du canal de Suez, explique le général Mohamed Khalil, chef du projet de développement du port affilié au ministère égyptien des Transports, et qui fait la présentation du site. Nous sommes ici sur l’un des quais du port d’Ain Sokhna. Ici, au port de Sokhna, nous avons 18 kilomètres de quai… 18 kilomètres d’affilée, et ça n’existe dans aucun autre port dans le monde. »

    Ce quai géant a été financé par le constructeur hongkongais Hutchison. Le Chinois Cosco et le Français CMA CGM font aussi partie des investisseurs majeurs pour le développement de Sokhna. Mais le général égyptien insiste sur l’intérêt national. « Ici, sur le port, nous avons 228 entreprises nationales égyptiennes, qui créent directement 100 000 opportunités d’emplois : ingénieurs, ouvriers, chauffeurs… », met-il en avant.

    L’Égypte se rêve en pays pivot du transport maritime international, sur les routes qui relient l’Asie à l’Europe. « L’Égypte a beaucoup d’ambition pour son canal et en plus, on a les flux d'Asie. Il semblait plus logique de décharger à Sokhna pour cette partie de l'Égypte plutôt que d'amener les lignes à Alexandrie ou Damiette », analyse Paul Tourret, le directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime.

    Un intérêt des investisseurs ?

    À terme, l’extension du port s’accompagnerait du développement d’une grande zone logistique jusqu’au canal de Suez. Mais l’instabilité économique de l’Égypte, et à plus grande échelle, l’instabilité géopolitique de la région, pourrait compromettre ses ambitions. Difficile de savoir si les grands logisticiens voudront installer des structures sur le canal en Égypte. « Ça dépend du cocktail égyptien, politique et économique », estime Paul Tourret. Car la crise économique qui frappe le pays et les attaques des rebelles houthis en mer Rouge renforcent les doutes sur l’attractivité de Sokhna.

    Mais pas de quoi décourager les pays du Golfe, notamment DP World, l’administrateur émirati du port de Sokhna qui est en pleine dynamique sur le continent. « Les pays du Golfe, en même temps qu’ils développent leurs ports, développent leurs sociétés portuaires, détaille le directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime. Ce sont des possibilités demain pour faire des choses. La création non pas d’une finance arabe, mais d’une capacité d’infrastructures. » Les nouveaux quais géants de Sokhna devraient accueillir les premiers porte-conteneurs à partir de 2025.

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  • En RDC, le secteur minier connait un déficit en électricité qui varie entre 500 et 1000 mégawatts, selon la Chambre des mines. Ce qui rend difficile la transformation locale de certains minerais. Pour y remédier, la Sicomines, co-entreprise issue de l’accord sino-congolais, a opté pour l'autonomie. Elle s’est dotée de la centrale hydroélectrique de Busanga, le plus haut barrage du Congo.

    De notre correspondante en RDC,

    Deux montagnes taillées. Entre elles, une petite rivière a pris du volume. La centrale hydroélectrique de Busanga tire ses eaux du fleuve Congo. A la sortie des eaux du lac de retenue, un barrage long de 14,5 mètres, plus haut que celui d'Inga. « On a débuté la construction en 2017 et on a l’achevée en septembre 2021, soit quatre ans de travaux, explique Adam, administrateur de la société chinoise Sicohydro qui a construit cette infrastructure. C’est un barrage-voûte à double courbure en béton compacté au rouleau. Le plus haut barrage au Congo. »

    Barrage plus haut qu’Inga

    Au bas des collines trône une centrale imposante avec quatre turbines produisant chacune 60 mégawatts. « Aujourd’hui, la puissance installée est de 240 mégawatts, détaille Jean Zeng, consultant de la Sicohydro. On tourne avec quatre turbines, en fonction du niveau d’eau. Lorsque l’eau diminue, on peut arrêter une machine. »

    Dans la région du Katanga, la Société nationale d’électricité n’a pas la capacité de répondre à la forte demande du secteur minier, gros consommateur d’électricité. Ce qui a motivé la société minière Sicomines à construire sa propre centrale hydroélectrique. « La Sicomines a voulu avoir l’autonomie électrique, explique Germain Pungwe, président du patronat à Kolwezi. Nous sommes dans une région où se concentre la majorité des sociétés minières, qui produisent plus de 60 % du cuivre et du cobalt de notre pays et elles ont besoin de beaucoup d’énergie électrique pour faire tourner leurs machines. Malheureusement, elles font face à un déficit en énergie électrique. »

    L’autonomie pour l’activité minière

    Le projet inspire d’autres acteurs privés, notamment pour les aspects techniques. « Il vaut mieux s’inspirer des autres et, peut-être, améliorer, commente Eric Monga, directeur de l’entreprise Kipay Ennery et porteur d’un autre projet de centrale hydroélectrique à Sombwe. Par exemple le béton compacté, c’est le même style qu’on va appliquer chez moi. Donc il faut savoir comment ils ont fait le mélange, est-ce qu’il faut éviter les échauffements, etc… »

    Située à plus de 100 km de Kolwezi, cette centrale hydroélectrique est le seul nouveau projet réalisé en RDC ces quarante dernières années, pour un coût de 655 millions de dollars.

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  • La RDC détient à elle seule 8% du potentiel hydroélectrique mondial mais son taux d’électrification est le plus bas du continent, moins de 15% selon la Banque mondiale. Comment réduire l’écart entre la croissance démographique et la capacité de production d’électricité en RDC ? Quelles solutions pour les particuliers et les entreprises ?

    De notre correspondante à Lubumbashi,

    La Société nationale de l’électricité (SNEL) en RDC en est consciente, sa production ne couvre pas les besoins de la population, encore moins ceux de l’industrie. « La SNEL a une puissance installée de 2 500 mégawatts et nous ne produisons aujourd’hui qu’environ 1 900 mégawatts. Ce n'est pas suffisant car la demande avoisine déjà 4 000 mégawatts, reconnaît l’ingénieur Henry Makap Amteb, chef du département production à la SNEL. Donc nous devons nous mettre ensemble pour voir comment répondre à cette attente. »

    Manque de financement

    Ce déficit de production électrique s’explique par le manque d’investissements, estime Vika Di Panzu, président du Comité de gestion technique de la société Trade Power RDC, qui importe et revend du courant dans l’ouest de la RDC. « Si vous voulez avoir une offre qui puisse être à même de satisfaire les besoins de la population, tenant compte de la croissance démographique, vous devez développer des centrales de 400 mégawatts, par tranche de cinq ans. Or depuis 1986, on n’a rien développé. »

    Pourtant, depuis la libéralisation du secteur de l’électricité, il y a plus de dix ans, des initiatives privées de construction de mini-centrales hydro-électriques se multiplient. Mais la plupart sont encore en phase d’études. Et le système financier en RDC ne facilite pas leur réalisation. « Quand vous allez vers les banques, les taux d’intérêts sont explosifs dans notre pays », déplore l’ingénieur et entrepreneur congolais Jean-Marie Katond, qui a initié deux projets dans la région du Katanga. « Le projet que nous avons dans le Haut Lomami, de 94 mégawatts, vaut plus de 400 millions de dollars. Aucune banque dans notre pays ne peut le financer. Donc, il faut aller vers des financeurs extérieurs. »

    Compteurs intelligents

    En attendant, la réalisation des différents projets du secteur privé, la SNEL compte rationaliser la consommation de l’électricité produite actuellement en vue d’une meilleure répartition entre les entreprises et les particuliers. « On doit tout faire pour réhabiliter les infrastructures existantes, explique Donatien Ngendu, conseiller technique à la SNEL. On peut récupérer 500 mégawatts et répartir cela à tous les clients miniers. Et nous avons aussi un plan d’installation des compteurs intelligents chez tous les clients. Grâce au compteur à pré-paiement, le client sera en mesure de pouvoir gérer sa charge et sera encouragé à ne plus gaspiller comme c’est le cas présentement. »

    La SNEL entend aussi créer des lignes d’interconnexion régionale afin d’importer de l’électricité des pays voisins comme l’Angola et le Mozambique, qui ont un excédent de près de 3 000 mégawatts.

  • L’organisation Swissaid a produit une étude inédite sur la production d’or artisanal sur le continent. Dans ce rapport, les auteurs ont compilé et recoupé un grand nombre de données, ce qui n’avait jamais été fait jusqu’à présent. La production de contrebande atteindrait jusqu’à 474 tonnes chaque année en Afrique et représenterait jusqu’à 35 milliards de dollars. Une manne financière qui quitte le continent et qui est commercialisée de manière très organisée.

    L’or artisanal produit quitte les zones de production de manière illégale par deux voies. « Soit l'or passe en contrebande vers un pays voisin, auquel cas, il emprunte la plupart du temps la voie terrestre. Il faut savoir que les frontières entre de nombreux pays africains sont très poreuses, donc il y a peu de chances de contrôle. Et dans l'autre cas, l'or est exporté en contrebande directement vers les Émirats arabes unis. Et dans ce cas, c'est plutôt par la voie aérienne », détaille Yvan Schulz, co-auteur de l’étude.

    En partant par la route, l’or rejoint des pays dits « intermédiaires » comme le Mali ou l’Ouganda. Des destinations qui s’expliquent par différents facteurs. « Si on prend le cas du Mali, il y a notamment les questions fiscales, comme l'Ouganda. Quand vous avez une fiscalité avantageuse dans un pays limitrophe, vous allez forcément passer par le pays limitrophe pour exporter votre or », explique le second co-auteur Marc Ummel. Autre critère central, le prix d’achat de l’or. « Aujourd'hui, à Bamako, votre or sera acheté à un meilleur prix que si vous le vendez à un comptoir à Ouagadougou ou dans d'autres pays, que ce soit au Sénégal ou en Mauritanie, constate l’expert. Et c’est ça qui alimente tous ces réseaux. »

    Pour Marc Ummel, un troisième facteur peut encore expliquer le phénomène de contrebande transfrontalier : « Vous avez aussi tous les réseaux des bureaux d'achats très influents qui vont préfinancer toute la chaîne jusqu'à la mine. Ils vont développer tous ces réseaux, ce qui fait qu'on va arriver à avoir ces phénomènes de contrebande. »

    Des frontières faciles à passer

    Des pays intermédiaires qui jouent un rôle clé dans le « blanchiment » de l’or de contrebande, selon Yvan Schulz. « Si on prend l'exemple d'or importé de RDC en Ouganda, si cet or-là est raffiné en Ouganda et par la suite réexporté par exemple vers Dubaï – c'est ce qu'on a souvent observé – cet or va acquérir l'Ouganda comme origine et donc ne sera pas traçable jusqu'à la RDC », souligne-t-il.

    Par avion, l’or part généralement dans des mallettes essentiellement vers Dubaï très attractif. « Premièrement, il n’y a pas de taxe à l'importation sur l'or, donc vous n'avez rien à payer si vous rentrez dans le pays avec une valise d'or, met en avant Marc Ummel. Deuxièmement, c'est extrêmement facile de passer la frontière justement avec une valise pleine de lingots d'or. Il n’y a pas de questions qui vous sont posées. »

    Les Émirats arabes unis ont adopté une nouvelle réglementation en 2023. Cependant, les chercheurs ne sont pas convaincus. « Pour l'instant, nous, en tout cas dans nos échanges avec des raffineurs de ce pays et d'autres sources, on n'a pas encore de preuve de l'efficacité et ni même de la mise en œuvre de cette réglementation. Donc il faudrait observer ça plus précisément dans les années à venir », s’interroge le chercheur. Si Dubaï est l’une des principales plaques tournantes de l’or de contrebande, cette étude souligne l'émergence de nouveaux acteurs comme la Turquie.

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  • L’organisation suisse Swissaid vient de publier une étude inédite sur la quantification de la production de l’or artisanal et à petite échelle sur le continent africain. C’est la première fois qu’une étude d’une telle ampleur est menée. Et les résultats sont édifiants : une tonne d’or de contrebande quitterait chaque jour le continent africain.

    Il a fallu aux chercheurs quatre années de travail pour collecter, recouper et corriger des milliers de données. Un travail « fastidieux », soulignent les chercheurs. « On a calculé qu'en 2022, il y avait 435 tonnes [d'or] au total qui ont été exportées en contrebande du continent africain. Et évidemment, si on divise 435 par 365, on obtient plus d'une tonne par jour », détaille Yvan Schulz, chef de projet chez Swissaid et co-auteur de l’étude.

    La production d’or artisanale a explosé avec l’envolée des cours. Ce qui a également favorisé son extraction et son commerce illégal, souligne Marc Ummel, responsable du dossier matières premières chez Swissaid. « Quand on regarde au niveau de la contrebande, la majorité des pays africains sont actifs dans la contrebande de l'or, explique le co-auteur de l’étude. Il y a même plus de 12 pays africains qui sont impliqués dans une contrebande de plus de 20 tonnes par année. » Les plus importants, selon les analyses de Swissaid : le Mali, le Ghana, le Zimbabwe, le Niger, la Côte d'Ivoire ou encore le Soudan.

    Un manque de transparence volontaire

    Des phénomènes difficiles à documenter par nature. La contrebande se fait dans des mines, dans des régions isolées, par des artisans non déclarés qui commercent de manière informelle. Le manque de volonté politique de certains États est, de plus, un facteur important. « Il y a une volonté politique dans certains États de cacher les données ou de ne pas être transparent. On a eu beaucoup de difficultés à obtenir, notamment, des données du Rwanda, des données de l’Éthiopie. Il y a certains États où c’était pratiquement impossible, notamment avec l’Érythrée, avec la Libye », souligne Marc Ummel.

    « Évidemment, quand parfois le gouvernement ou certains représentants du gouvernement sont impliqués directement dans ce commerce, qu'ils y ont des intérêts, vous n’avez aucune volonté d’amener plus de transparence », décrypte encore l’expert.

    Une production informelle qui favorise violation des droits de l'Homme, financement de groupes armés ou encore problèmes environnementaux, soulignent les auteurs. Ils notent également les pertes de revenus importants pour les États africains. L’équivalent de 35 milliards de dollars d’or illicite pourrait ainsi quitter le continent chaque année.

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  • Alors que la fête de l’Aïd-el-Kébir – qui commémore l’épreuve d’Abraham auquel, dans la tradition musulmane, Dieu avait demandé de sacrifier son fils Ismaël avant de le remplacer par un bélier – est prévue pour la mi-juin prochaine, les Tunisiens se demandent s’ils vont pouvoir s'offrir une bête cette année. Les prix des moutons – animal qui a la préférence des Tunisiens pour le sacrifice – s’envolent cette année encore. Ils peuvent atteindre les 1 500 dinars – soit environ 440 euros – soit trois fois plus que le SMIC (salaire minimum) actuel en Tunisie.

    De notre envoyée spéciale à Menzel Bourguiba,

    Un brin nostalgique, Amine Ouali, associé à son grand-frère, présente les rescapés de son élevage. « On a décidé de tout arrêter. On avait deux élevages de 250 brebis chacun, mais on a décidé d’arrêter parce que ce n’était plus intéressant, regrette-t-il. Une ferme sans animaux, ça n’a pas de goût franchement, c’est un peu vide. »

    En cause, le prix des fourrages – en partie importés comme le tourteau de soja – qui a explosé, explique-t-il. « Maintenant, je pense que la plupart des éleveurs sortent pâturer dehors. Ils n’arrivent plus à acheter. C’est trop cher. La botte de foin à 20 dinars, l’année dernière, elle est arrivée à 30 dinars, c’est énorme », décrit l’éleveur.

    Trente dinars, soit près de neuf euros. De quoi grever la marge des éleveurs et les obliger, dit-il, à augmenter leurs prix. C’est ce que soutient Malek Rhaiem : alors que le gouvernement réfléchit à importer des bêtes pour avoir plus d’animaux et donc faire baisser les prix, il accuse le coup. « C’est grave, on n’a pas su améliorer, sauvegarder notre race. Nous, on choisit toujours la facilité, déplore-t-il. Vraiment, ce n’est pas une politique d’avenir. Si on fait un business plan, on le fait à sept ans, dix ans. »

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    Les Tunisiens appelés à ne pas s'endetter

    Le prix élevé des bêtes a poussé Lotfi Riahi, président d’une association de défense du consommateur tunisien, à devoir trancher. Faut-il oui ou non sacrifier une bête au vu des prix galopants ? L’association a été rencontrer des religieux, dont le Mufti de la République, et ils ont pris position. « La position de l’islam là-dessus est la suivante, rapporte-t-il. Le sacrifice ne doit être fait que par les personnes qui en ont les moyens. Il y a beaucoup de Tunisiens qui ne savent pas ça et qui s’endettent, par exemple, pour acheter leur mouton. »

    Or, selon lui, ce n’est pas une solution. « En prenant un crédit pour acheter un mouton, le Tunisien va alourdir encore plus ses charges économiques. S’il n’a pas les moyens, il n’a pas à sacrifier de bête », assure-t-il. Un appel à la sagesse difficilement audible en Tunisie où l’achat d’un mouton – au-delà de la prescription religieuse – est aussi perçu comme un moment festif.

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  • La Côte d’Ivoire n’a pas attendu les nouvelles normes européennes qui entreront en vigueur en janvier 2025, pour certifier son cacao. Et pour remplir les critères de ces différentes certifications, Utz, Rainforest Alliance ou Fairtrade, la filière fait déjà face à des défis. Ce qui questionne l’applicabilité de l’ensemble des nouvelles normes européennes.

    De notre envoyée spéciale à San Pedro,

    Alors que les prix ont atteint des sommets ces dernières semaines en Côte d'Ivoire, les producteurs n’en tirent cependant que très peu de bénéfices, car les prix sont fixés par l’État. Pourtant, Olivier, petit producteur, l’assure, il ne serait pas à son avantage de vendre son cacao via les réseaux de contrebande. Selon lui, son intérêt est de « pouvoir bien vendre » son produit « pour avoir des bénéfices ». Surtout, c'est de pouvoir obtenir les avantages qui lui apportent sa coopérative : des intrants pour ses champs et des formations. « C'est ça l’intérêt », assure-t-il.

    La fraude existe malgré tout. Les autorités le savent, tout comme le Conseil Café Cacao (CCC). « Il y a une police spéciale qui veille sur nos frontières pour vraiment lutter contre la fuite du cacao vers les pays limitrophes, explique Marcel Koné l’un des représentants locaux du CCC. Aujourd'hui, quand nous prenons un contrebandier, de café ou de cacao, il est traduit devant les tribunaux. Et ce cas sera traité de façon rigoureuse. Le contrevenant encourt plus de dix ans de prison ferme et la saisie et la vente de son produit aux enchères. »

    Des limites à la certification

    La chaîne de traçabilité numérique en cours de mise en place dans le cadre des nouvelles normes européennes questionne certains observateurs. Quid des zones non couvertes par le réseau internet ? Quid de la fiabilité des scellés des sacs ? François Ruf, ancien chercheur du Cirad, spécialiste de la question, se montre sceptique quant à l’efficacité de cette réglementation. Les certifications existantes montrent déjà leurs limites, assure-t-il.

    « Toutes ces certifications sont des certifications d'itinéraire et pas du tout de caractéristiques de fève, explique-t-il. Quand une forêt existe et qu'on croit la protéger par une loi, on fait une erreur considérable. Je prends l'exemple de la forêt de la Bossématié, que je connais très bien. La déforestation continue de l'intérieur. Et les images satellites, même des institutions solides, montre objectivement que la forêt continue de partir. »

    Les autorités ivoiriennes sont bien conscientes de ces défis. Suspension de coopératives, interdiction d’exportation de cargaisons Fairtrade soupçonnées de fraude. Le Conseil Café Cacao a multiplié les sanctions ces dernières semaines dans un contexte de flambée des prix et de récoltes décevantes.

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  • Premier fournisseur de cacao de l’Union européenne, la Côte d’Ivoire doit se mettre en conformité avec les nouvelles normes européennes contre la déforestation et pour des conditions de travail acceptables pour les producteurs, qui vont entrer en vigueur en janvier prochain. Les coopératives se retrouvent en première ligne.

    De notre envoyée spéciale à San Pedro,

    « Nous sommes ici et nos plantations sont autour de Blaou, en bleu ». Brahima Niampa pointe sur son ordinateur une carte géographique où les planteurs sont répertoriés. « Voici la forêt classée où la réserve de Rapide Grah commence. Donc, on peut connaître la distance qui sépare le dernier champ et Rapide Grah. C’est le premier élément que nous utilisons ici pour être sûr que nos producteurs ne se retrouvent pas dans une aire protégée. »

    Compter les cabosses et géolocaliser les producteurs

    Les coopératives sont de fait au centre du dispositif de traçabilité du cacao. Elles ont dans leur cahier des charges la géolocalisation du producteur et le suivi de sa production pour éviter l’agrégation de cacao non certifié. « Nous connaissons la superficie de sa plantation et nous savons aussi qu’il y a un rendement au niveau national. Et puis nos techniciens vont sur le terrain. Ils calculent le nombre de cabosses sur les pieds. Ils essaient d'évaluer chaque année le potentiel de livraison de chaque champ. Donc chaque fois que le producteur fait des livraisons, on essaie de suivre et on s'assure qu’il ne prend pas d’autre cacao pour mettre dans sa production. »

    La coopérative collecte et stocke le cacao des petits producteurs. Elle doit également s’assurer du respect des critères de durabilité dans la production, puis assure la livraison du cacao dit durable auprès des industriels, étapes stratégiques dans la traçabilité des fèves. « Si on n’a pas de traçabilité sur les produits, on ne pourra pas les vendre, assure Florence Kouakou, responsable d’une autre coopérative, qui affirme respecter les normes. Aujourd'hui, le plus gros marché de cacao au monde, c'est l'Europe, donc on est obligé de s'y conformer. Moi, je pense qu’être dans la tricherie, ce n’est pas ça qui va favoriser les choses. Parce qu'à un moment, celui qui achète le cacao viendra sur le terrain vérifier. »

    Des questions sur la traçabilité

    Des audits sont effectués, ils mettent en avant les coopératives. Mais l’intégrité de certaines est questionnable, estime un spécialiste du secteur. La grande boucle du cacao, vieillissante, produirait toujours 400 000 tonnes. « C’est difficile à démontrer, reconnaît François Ruf, ancien chercheur du Cirad. Mais de nos observations, il est clair qu'il y a une partie de ces 400 000 tonnes qui vient des nouvelles boucles du cacao, là où les nouvelles plantations se sont créées, en particulier dans la région de Man. Vous vous mettez près de certaines coopératives la nuit, et vous voyez les camions arriver et les déchargements opérer. »

    À l’initiative du Conseil Café Cacao, la géolocalisation des planteurs, la distribution des cartes d’identification et la formation à l’usage des logiciels sont encore en cours pour rentrer dans les clous des nouvelles normes européennes.

  • À Yopougon, le groupe Neemba (anciennement JA Delmas) spécialiste de la manutention, a inauguré mi-février un stock régional, espérant en faire un hub logistique dans la sous-région, pour les secteurs des mines, du BTP et de l’énergie. Une démarche qui répond à une nouvelle stratégie depuis que le siège de ce groupe a été transféré de Bordeaux en Afrique, il y a quelques mois.

    Avec notre correspondante à Abidjan,

    Hervé Zongo est administrateur du projet Jalo Logistique. Il nous conduit, dans un grand espace, où sont stockés des groupes électrogènes, des bulldozers et des pelles. Ce site permet de répondre plus rapidement aux besoins des entreprises engagées dans des exploitations ou de grands chantiers dans la sous-région. Cela donne à l’entreprise « la possibilité de livrer une machine en moins de sept jours à un opérateur économique ivoirien ; et en moins d'une vingtaine de jours un opérateur économique burkinabé, malien, béninois ou togolais pourrait venir ici et obtenir sa machine », détaille-t-il.

    Pour plusieurs entreprises, le déclic pour installer des bases régionales dans la sous-région, a été la crise Covid. Adama Soro, président de la fédération des chambres de commerce des mines en Afrique de l’Ouest, y voit un avantage de taille : le gain de temps. « Tous nos experts sur nos sites travaillent sur un indicateur : le lead time. C'est-à-dire qu'à flux tendu, on travaille pour qu'il y ait le moins de perte de temps dans l'approvisionnement de nos sites, explique Adama Soro. Sur certaines mines d'or, une journée d'arrêt peut coûter jusqu'à un million de dollars. Si on a ces pièces clés à proximité, ça nous permet de sauver beaucoup d'argent. »

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    Des freins culturels

    Le groupe Neemba travaille avec des entreprises minières, de la construction et de l’énergie. Sur le terrain, paradoxalement, ce ne sont pas forcément les tracasseries administratives d’un pays à l’autre qui posent problème, mais parfois les habitudes de type culturelles. « Les lois sont relativement bien faites, les tarifs communs sont bien faits donc on arrive, avec du bon sens et de la structure, à les passer, confirme Jean-Luc Konan, le directeur général de ce groupe. Par contre, il y a ce qu'on appelle "les non-dits". »

    Le directeur général de Jalo a lui-même fait tous les trajets en camion et a constaté les problématiques. Quand certains annoncent trois jours de délais pour une livraison, cette dernière pourrait être en réalité réalisée en une demi-journée. « Juste parce que le transporteur a ses petites habitudes à la frontière. Ce sont les difficultés internes qui ont parfois la peau plus dure que les difficultés externes », souligne Jean-Luc Konan.

    Le groupe mise aussi sur la formation en continu des techniciens. Parmi ses projets, figure d’ailleurs, l’ouverture d’une académie d'ici à l'année prochaine.

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  • L'annonce du projet Koné, gisement à très fort potentiel exploité par la société canadienne Montage Gold, est un des symboles de la dynamique de la filière aurifère ivoirienne. Les prévisions de production pour 2024 atteignent 55 tonnes d'or contre 42 tonnes il y a trois ans. La production prend de l'ampleur, boostée par un code minier attractif.

    Sur les dix mines en exploitation, trois ont été inaugurées ces deux dernières années. Le pays a longtemps priorisé la production agricole avant le développement de sa « filière Mines ». Avec notamment le projet Koné, gisement évalué à plus de 155 tonnes d’or, le pays récolte aujourd'hui les graines semées ces dernières années selon Jean-Claude Diplo, président du Groupement des Professionnels Miniers de Côte d'Ivoire : « Un des gros avantages de notre pays, c'est qu'on a réussi à bâtir un dialogue qualitatif avec le gouvernement qui a permis d’aboutir à un code minier en 2014. Beaucoup de "joueurs" internationaux le qualifie comme l'un des plus attractifs qu'on ait dans l'industrie. Le plus l’entonnoir est ouvert à l'entrée pour l'exploration, le plus à la sortie, vous pouvez avoir des mines qui ouvrent. »

    Le potentiel géologique du pays est bien connu. Environ 35% de la roche birrimienne encaissant la minéralisation aurifère est situé sur le territoire ivoirien.

    Retombées locales insuffisantes ?

    Au-delà de l'enthousiasme, ces grands projets suscitent des inquiétudes. L'actuel code prévoirait trop peu de retombées locales pour les communautés, explique le Docteur Michel Yoboué du Groupe de recherche et de plaidoyer sur les industries extractives en Côte d'Ivoire : « Il y a l'aspect de l'emploi local. Il faut bien que l'emploi soit bien sûr majoritairement au bénéfice des locaux. Il faut aussi qu'il y ait ce transfert de compétences au niveau local. Il faut aussi que les locaux aient accès aussi au capital des entreprises. C'est beaucoup de questions qu'il va falloir régler. Mais pour l'instant, le code qu'on trouve être un code très attractif n'est pas assez précis, n'est pas assez dense. C'est un code qui est plus avantageux pour les entreprises comparativement aux communautés qui d'ailleurs se plaignent. »

    40 tonnes d'or par an non déclarées

    C'était le cas du côté de Bouaflé où des habitants se sont récemment levées contre l'exploitation de la mine de Yaouré, trop de conséquences néfastes pour trop peu de compensation, selon eux. Améliorer le dialogue reste un des défis de la filière aurifère. « Vous entendez rarement des conflits de nature à fermer des mines avec les communautés, relativise Jean-Claude Diplo, il y a des frictions régulièrement, mais l'option de dialogue constructif que les mines prennent en Côte d'Ivoire aident à faire grandir le secteur avec les parties prenantes. »

    L'autre problématique de la filière : c'est la régulation de l'orpaillage non déclaré issu principalement des mines artisanales et semi-industrielle. Une production qui échappe au pays et qui avoisinerait les 40 tonnes d'or par an, selon l'étude que vient de publier la fondation Swissaid. Il s'agit de la troisième plus haute en Afrique, derrière le Zimbabwe et le Mali.

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  • Il y a trois mois, la Côte d’Ivoire accueillait le plus gros événement sportif d'Afrique : la CAN. Avec un million et demi de visiteurs attendus, le pays des Éléphants espère des retombées économiques importantes. Un rapport devrait être rendu public prochainement. Avant même les chiffres officiels, certains opérateurs économiques affichent leur satisfaction.

    Taxi officiel à l’aéroport d’Abidjan, Djibrila Aliou fait tournicoter ses clés au bout de son index, avec un peu de nostalgie pour la période de la CAN, qui a été très bénéfique pour lui. « Il y avait beaucoup de clients et beaucoup d’étrangers. Actuellement ça a diminué un peu. Pendant la CAN, les passagers qu’on prenait, c'était même plus qu’en ce moment. On sent que les gens sont rentrés, la Côte d’Ivoire maintenant est vide », regrette-t-il.

    Des visiteurs devenus investisseurs

    Djibrila Aliou est aujourd'hui témoin de l’attrait suscité par la CAN pour de nouveaux investisseurs. « D’autres reviennent maintenant pour les affaires en Côte d’Ivoire parce qu’ils ont vu que le pays est bon. Moi, j'ai déjà pris un client qui est venu pendant la CAN, qui est reparti et qui est revenu. Il m’a dit que c’est par rapport à la CAN : il a découvert le pays et il est revenu maintenant pour les affaires dans le pays. »

    PSG, Barça, Real mais surtout l’incontournable maillot orange et blanc sont suspendus sur ce stand du marché de Treichville. Niango vend le maillot de l’équipe nationale entre 5 000 et 8 000 francs CFA. La victoire à la CAN a dopé ses ventes. « Bien sûr, il y a eu plus de clients. Les gens qui n’ont pas pu payer leur maillot, ils sont venus l’acheter après ! C’est très important d’avoir son maillot. Parce qu’avec ça, on va savoir que tu es vraiment un grand supporter. Et puis il y a l’émotion, tout ça... »

    Ventes de maillots orange et blanc

    L’un des premiers secteurs qui attendait des retombées économiques de la CAN est celui de l’hôtellerie. L’hôtel Azalaï a notamment accueilli les délégations cap-verdiennes et sud-africaines. Mais le bénéfice n’est pas venu que de cela. « On a aussi vu des retombées grâce à la dynamique "découverte", avec de nouveaux types de clients, raconte la directrice Manuela Tagro Kouame. On s’est retrouvé avec pratiquement 10 points de plus que ce qu’on avait réalisé l’année dernière. Ç’aurait été meilleur si notre établissement avait été situé juste à côté d’un stade. Nous, on s’est retrouvé autour de 80% [d’occupation] quand l’année dernière, on tournait autour de 70%. »

    Des investissements gagnants dans l'hôtellerie

    L’hôtel a capitalisé sur l’événement sans exagérer. « On a dû faire beaucoup d’investissement pour améliorer le séjour de nos clients. Et donc il y a eu quand même une incidence sur le prix des logements. Mais on a équilibré, le volet restauration a été un peu minimisé. On a senti une incidence sur le prix moyen d’environ 30% sur les périodes clés. Et oui, franchement, on est rentré dans nos frais. »

    En plus de son établissement à Abidjan, Azalaï a remporté l’appel d’offre de la conciergerie des cités CAN. Ce qui a permis une augmentation du personnel de 200% pendant l’évènement. Avec à la clé, insiste la directrice, des formations et de l’expérience pour des jeunes dans la restauration.

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  • L'industrie musicale africaine a bondi de 10 % en 2023, selon la Fédération internationale de l'industrie phonographique. L'Afrique est le continent le plus dynamique, mais derrière cette apparente bonne santé, il existe toujours de graves lacunes du côté des salles, des droits d’auteur ou de la distribution.

    Au cours du salon professionnel Babel XP Music, qui s'est tenu à Marseille fin mars, tous les acteurs l'ont souligné : l'industrie musicale africaine a besoin d'engagement de la part des États. Premier problème pour les artistes : le manque de salles de taille moyenne, pourtant indispensables à la rentabilisation des concerts.

    « C'est notre prochain chantier : répondre à cette question des salles de capacité comprises entre 500 et 3 000 personnes », souligne Muthoni Drummer Queen, musicienne, directrice de festival et patronne d'incubateur. « Au Kenya, on peut déjà voir quelques progrès dans ce domaine. Il y a eu un projet financé notamment par la France qui a permis de réhabiliter cinq salles, comme, par exemple, un ancien théâtre. Je pense que c'est la direction à prendre dans les années à venir. »

    Peu de salles moyennes et collecte des droits inefficace au Kenya

    Structurer l'industrie musicale, c'est aussi collecter les droits. Quand une musique est diffusée, l'artiste doit être payé. Mais les sociétés de gestion des droits d'auteur sont encore trop faibles, notamment au Kenya. « De par sa conception, le système est inefficace, déplore Muthoni Drummer Queen. Il y a trop de gens qui, soit volent l'argent des artistes, soit refusent de contribuer, comme les radios ou les chaînes de télévision. Elles utilisent la musique, mais ne paient pas pour ça. »

    Le Cameroun ignoré par les plates-formes de distribution

    Au Cameroun, depuis février dernier, les acteurs de l'industrie musicale, regroupés au sein du Conseil camerounais de la musique, tiennent des ateliers avec pour objectif de fournir à l'État une feuille de route dès juin prochain. « On va vers la naissance d'une industrie et ce sont ses bases que nous sommes en train de fixer », se félicite Paul Edouard Etoundi. Musicien et producteur, il espère que l'État prendra en compte les chantiers déclinés par les artistes, dont l'accès aux plates-formes de distribution.

    Paul Edouard Etoundi poursuit : « La plupart des plates-formes de distribution numériques ne reconnaissent pas notre pays. YouTube, par exemple, s'arrête aux frontières du Nigeria. Spotify ne connaît pas le Cameroun. Je sais qu'il y a des choses qui sont en train d'être mises sur pied. Mais en réalité, tout est à construire. »

    L'État devrait commencer par donner un statut à l'artiste, estime Didier Toko, président du Conseil camerounais de la musique. « Tant qu'on n'est pas considéré comme un secteur marchand, un secteur qui crée de la valeur, tant qu'on n'est pas identifié comme des professionnels, c'est déjà un problème. »

    Reste enfin la formation aux métiers artistiques. Ingénieur du son, ou de la lumière, producteurs et managers. Là encore, les initiatives émanent souvent du secteur privé, plus rarement des pouvoirs publics.