Episodit

  • C’est pour cela que le tyran n’est jamais aimé, ni n’aime jamais. L’amitié, c’est un nom sacré, c’est une chose sainte. Elle n’existe qu’entre gens de bien, et ne naît que d’une mutuelle estime. Elle s’entretient moins par les bienfaits que par l’honnêteté. Ce qui rend un ami sûr de l’autre, c’est la connaissance qu’il a de son intégrité. Tout en répond, son bon naturel, sa fidélité, sa constance. Il ne peut y avoir d’amitié là où est la cruauté, là où est la déloyauté, là où est l’injustice. Quand les méchants s’assemblent, c’est un complot, et non une compagnie. Ils ne s’entr’aiment pas, mais ils s’entre-craignent. Ils ne sont pas amis, mais ils sont complices.



    Et puis, quand bien même cela ne serait pas, il serait mal aisé de trouver chez un tyran l’assurance d’un amour, parce que, étant au-dessus de tous, et n’ayant aucun égal, il est déjà au-delà des bornes de l’amitié, qui ne fleurit vraiment que dans l’égalité : qui veut une marche égale ne peut pas clocher. Voilà pourquoi il y a bien entre les voleurs - à ce qu’on dit – une forme de bonne foi au partage du butin parce qu’alors ils y sont tous pairs et compagnons. S’ils ne s’aiment pas, au moins ils se craignent, et ne veulent pas en se désunissant amoindrir leur force. Mais les favoris du tyran ne peuvent en avoir jamais aucune assurance, parce qu’ils lui ont appris eux-mêmes qu’il peut tout, qu’aucun droit ni devoir ne l’oblige, qu’il n’a pour raison que sa volonté, qu’il n’a pas d’égal puisqu’il est le maître de tous.



    N’est-ce pas pitoyable alors, voyant tant d’exemples éclatants, sachant le danger si présent, que personne ne veuille tirer des leçons des misères d’autrui, et que tant de gens encore s’approchent encore si volontiers des tyrans ? Qu’il ne s’en trouve pas un pour être de bons conseils et avoir le courage de dire, comme le renard de la fable au lion qui faisait le malade : « J’irais volontiers te voir en ta tanière, mais je vois assez de traces de bêtes qui sont allées vers toi. Quant à celles qui en sortent, je n’en vois pas une. »Ces misérables voient briller les trésors du tyran, et regardent, tout ébahis, les éclats de son panache. Et alléchés par cette clarté, ils s’approchent sans voir qu’ils se jettent dans une flamme qui ne peut manquer de les consumer. Ainsi le satyre imprudent des fables anciennes, voyant flamboyer le feu volé par Prométhée, le trouva si beau qu’il alla le baiser et s’y brûla. Ainsi le papillon qui espérant jouir de quelque plaisir prend feu parce qu’il le voit briller, et éprouve son autre pouvoir, qui est celui de brûler, comme dit le poète toscan.



    Mais supposons encore que ces mignons échappent aux mains de celui qu’ils servent, ils ne se sauvent jamais du roi qui vient après. S’il est bon, il leur faut alors rendre des comptes, et se rendre à la raison ; s’il est mauvais et pareil à leur ancien maître, il ne peut manquer d’avoir aussi ses favoris qui, généralement, non-contents de prendre leur place, leur prennent le plus souvent leurs biens et leur vie. Se peut-il donc qu’il se trouve quelqu’un qui, pour un si grand péril et avec si peu d’assurances, veuille prendre cette fonction malheureuse de servir avec si grande peine un si dangereux maître ? Quelle peine, quel martyr, grand dieu ! Être occupé nuitet jour à plaire à quelqu’un, et néanmoins se méfier de lui plus que de tout autre homme au monde. Avoir toujours l’oeil aux aguets, l’oreille à l’écoute, pour épier d’où viendra le coup, pour débusquer les pièges, pour deviner la mine de ses concurrents, pour remarquer qui le trahit. Rire avec chacun et se méfier de tous, n’avoir aucun ennemi ouvert ni ami certain, montrer toujours un visage riant quand le coeur est transi : ne pas pouvoir être joyeux, et ne pas oser être triste.



    Mais il est plaisant de considérer ce qui leur revient de ce grand tourment, et de voir le bien qu’ils peuvent attendre de leur peine et de leur misérable vie. Le peuple volontiers n’accuse pas le tyran du mal qu’il souffre,

  • Même les gens de bien, puisqu’il arrive parfois que le tyran les aime, si avancés qu’ils soient dans ses bonnes grâces, si brillantes que soient en eux la vertu et l’intégrité qui même aux plus méchants inspirent le respect quand ils les voient de près, même les gens de bien dis-je ne sauraient durer auprès d’un tyran. Il faut qu’ils se ressentent eux aussi du mal commun, et qu’ils éprouvent la tyrannie à leurs dépens.



    Un Sénèque, un Burrus, un Thraseas, cette trinité de gens de bien dont les deux premiers eurent la malchance de s’approcher d’un tyran qui leur confia la gestion de ses affaires, tous les deux estimés de lui, l’un deux ayant même pour gage de son amitié l’éducation qu’il avait donnée à son enfance, ces trois-là sont des témoins suffisants par leur mort cruelle du peu de confiance qu’on doit avoir dans la faveur d’un mauvais maître. Et à la vérité, quelle amitié peut-on espérer de celui qui a le coeur assez dur pour haïr tout un royaume qui ne fait que lui obéir, un être qui, ne sachant pas encore aimer, s’appauvrit lui-même et détruit son Empire ?



    Or, si on veut dire que ceux-là sont tombés parce qu’ils étaient des gens bien, qu’on regarde attentivement autour de Néron lui-même, et on verra que ceux qui furent en grâce auprès de lui, et qui s’y sont maintenus par tous les moyens n’eurent pas de fin meilleure. Qui a entendu parler d’un amour aussi passionné, d’une affection aussi opiniâtre, qui a jamais vu d’homme aussi obstinément attaché à une femme que Néron le fut à Poppée ? Il l’empoisonna lui-même. Agrippine, sa mère, avait tué son mari, Claude, pour le placer sur le trône. Elle avait tout fait, tout souffert pour le favoriser. Et ce fut donc son fils même, son nourrisson, celui qu’elle avait fait empereur de sa main qui à la fin lui ôta la vie, après l’avoir souvent maltraitée. Personne, alors, ne nia qu’elle n’eût bien mérité cette punition, si seulement elle lui avait été donné par n’importe qui d’autre.



    Qui ne fut jamais plus facile à manipuler, plus simple, et pour dire mieux, plus niais que l’empereur Claude ? Qui fut plus entiché d’une femme que lui de Messaline ? Il la remit à la fin entre les mains du bourreau. La niaiserie s’attache toujours aux tyrans, quand ils sont niais, au point de ne jamais savoir faire le bien. Mais je ne sais pas comment, à la fin, pour user de cruauté, même envers leurs proches, le peu d’esprit qu’ils ont en eux s’éveille. Le mot de cet autre-là est assez connu : voyant la gorge de sa femme découverte, de celle sans laquelle il semblait qu’il ne pût pas vivre, il la caressa de cette douce parole : « Ce beau cou sera bientôt coupé, si je l’ordonne.»



    Voilà pourquoi la plupart des anciens tyrans étaient communément tués par leurs favoris, qui, ayant connu la nature de la tyrannie, n’étaient guère rassurés sur la volonté du tyran et se défiaient de sa puissance. Ainsi Domitien fut tué par Stephanus, Commode par une de ses maîtresses, Tibère par Macron, et de même presque tous les autres.

  • Puuttuva jakso?

    Paina tästä ja päivitä feedi.

  • Ainsi font les grands voleurs et les fameux corsaires : les uns parcourent le pays, les autres pourchassent les voyageurs, les uns sont en embuscade, les autres font le guet, les autres massacrent, les autres dépouillent. Et bien qu’entre eux il y ait des prééminences, et que les uns ne soient que des valets et les autres chefs d’assemblée, il n’y en a à la fin pas un qui ne profite, sinon du butin principal, au moins de sa recherche. On dit bien que les pirates siciliens se rassemblèrent en si grand nombre qu’il fallut envoyer contre eux le grand Pompée, et qu’ils attirèrent encore à leur alliance plusieurs belles et grandes villes dans les havres desquelles ils se mettaient en sûreté en revenant de leurs courses, leur donnant en échange une part des pillages qu’elles avaient recelés.



    Ainsi le tyran asservit ses sujets les uns par le moyen des autres, et est gardé par ceux dont il devrait se garder si ceux-ci valaient quelque chose. Comme on l’a fort bien dit : pour fendre du bois, il faut des coings de même bois. Voilà ses archers, voilà ses gardes, voilà ses hallebardiers : non qu’eux-mêmes ne souffrent quelques fois de lui ; mais ces perdus et abandonnés de Dieu et des hommes sont content d’endurer le mal pour en faire non à celui qui leur en fait, mais à ceux qui endurent comme eux, et qui n’y peuvent rien. Voyant ces gens-là qui flattent le tyran pour tirer leurs besognes de sa tyrannie et de la servitude du peuple, je suis souvent ébahi de leur méchanceté, comme j’ai quelques fois pitié de leur sottise. Car, à vrai dire, s’approcher du tyran est-ce autre chose que s’éloigner de sa liberté, et pour ainsi dire serrer à deux mains et embrasser sa servitude ? Qu’ils mettent un instant de côté leur ambition, qu’ils se délestent un peu de leur avidité, et puis qu’ils se regardent eux-mêmes, et qu’ils se reconnaissent : ils verront clairement que les villageois, les paysans, qu’ils foulent aux pieds autant qu’ils peuvent, et qu’ils traitent comme des forçats et des esclaves, ils verront, dis-je, que ceux-là, si malmenés, sont toutefois auprès d’eux plus chanceux s'ils ne sont plus libres.



    Le laboureur et l’artisan, aussi asservis qu’ils soient, en sont quittes en faisant ce qu’on leur dit. Mais le tyran voit ceux qui sont près de lui s’acoquinant et mendiant ses faveurs. Il ne faut pas seulement qu’ils fassent ce qu’il ordonne, mais qu’ils pensent ce qu’il veut et souvent même, pour le satisfaire, qu’ils préviennent encore ses désirs. Ce n’est pas le tout de lui obéir, il faut encore lui complaire, il faut qu’ils se rompent, qu’ils se tourmentent, qu’ils se tuent à traiter ses affaires ; et puis qu’ils se plaisent à son plaisir, qu’ils délaissent leur goût pour le sien, qu’ils forcent leur tempérament, se dépouillent de leur naturel, il faut qu’ils prennent garde à ses paroles, à sa voix, à ses signes, et à ses yeux ; qu’ils n’aient oeil, ni pied, ni main qui ne soit occupé à épier ses volontés et à deviner ses pensées. Est-ce là vivre heureux ? Est-ce là même vivre ? Est-il rien au monde de plus insupportable que cela, je ne dis pas pour un homme de coeur, je ne dis pas pour un être noble, mais même pour un homme qui n’a que le simple bon sens, ou même la simple figure d’homme ?



    Quelle condition est plus misérable que de vivre ainsi, n’ayant rien à soi, et tenant d’un autre son confort, et sa liberté, son corps et sa vie ? Mais ils veulent servir pour amasser des biens : comme s’ils pouvaient rien gagner qui fut à eux, puisqu’ils ne peuvent même pas dire qu’ils sont à eux-mêmes. Et comme si quelqu’un pouvait avoir quelque chose à soi sous un tyran, ils veulent avoir des biens, oubliant que ce sont eux qui lui donnent la force de tout ôter à tous et de ne rien laisser qu’on puisse dire être à quelqu’un. Ils voient que ce sont les biens qui rendent les hommes dépendants de sa cruauté, qu’il n’y aucun crime envers lui plus digne de mort que l’avoir d’un autre ; qu’il n’aime que les richesses et ne défait que les ric...

  • J’en arrive maintenant à un point qui est à mon avis le ressort secret de la domination, le soutien et le fondement de toute tyrannie. Qui pense que les hallebardes, les gardes et les tours de guet protègent les tyrans se trompe fort selon moi. Ils s’en servent je crois plus pour la forme et l’épouvantail que pour la confiance qu’ils en tirent. Leurs archers empêchent d’entrer au palais aux moins habiles qui n’ont aucun moyen de nuire, non pas aux mieux armés qui peuvent quelque chose. Parmi les empereurs romains, il est facile de voir que moins nombreux furent ceux qui ont échappé au danger par le secours de leurs gardes qu’il n’y eut de tués par leurs archers mêmes. Ce ne sont pas les bandes de gens à cheval, ce ne sont pas les compagnies de fantassins, ce ne sont pas les armes qui défendent les tyrans.



    On ne le croira pas au premier abord, mais c’est la vérité : ce sont toujours quatre ou cinq hommes qui soutiennent le tyran ; quatre ou cinq qui lui soumettent tout le pays ; il en a toujours été ainsi : cinq ou six personnes ont eu l’oreille du tyran, ou s’en sont approché d’elles-mêmes, ou ont été appelées par lui pour être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les maquereaux de ses voluptés, et les communs bénéficiaires de ses pillages. Ces six dressent si bien leur chef qu’il faut qu’il soit méchant envers la société non seulement de sa propre méchanceté, mais encore des leurs. Ces six en font profiter sous eux six cents, qu’ils rendent responsables autant qu’ils ont rendu responsable le tyran. Ces six cents en tiennent sous eux six mille dont ils élèvent la condition, auxquels ils donnent le gouvernement des provinces, ou le maniement des budgets afin de les tenir à leur main, par leur avidité ou leur cruauté, et qu’ils obéissent à point nommé et fassent autant de mal d’ailleurs qu’ils ne puissent se maintenir que sous leur ombre, et qu’ils ne puissent s’exempter des lois et des peines sans leur protection.



    Grande est la série qui vient après cela, et qui voudra s’amuser à dévider ce fil ne verra pas six mille, mais cent mille, mais des millions tenir au tyran qui s’en aide, par cette chaîne ininterrompue qui les attache à lui, comme chez Homère Jupiter se vante, en tirant une telle chaîne, d’amener à lui tous les dieux. De là venait l’accroissement des pouvoirs du Sénat sous Jules César, l’établissement de nouvelles fonctions, l’institution de nouveaux offices : non certes, si on comprend bien, pour réformer la justice, mais pour donner de nouveaux soutiens à la tyrannie. En somme, si l’on en vient par-là, par ce jeu de faveurs, de sous-faveurs, et de gains qui sont reçus des tyrans il se trouve en fin de compte quasi autant de gens à qui la tyrannie semble profitable, que ceux à qui la liberté plairait.



    Et comme les médecins disent qu’en notre corps, bien que rien ne paraisse changé, si une tumeur apparaît en un endroit dès lors tout vient tendre vers cette partie véreuse, pareillement dès lors qu’un roi s’est déclaré tyran, tout le mauvais, toute la lie du royaume, je ne dis pas un tas de petits voleurs et de balafrés qui ne peuvent guère faire ni mal ni bien à une république, mais ceux qui sont possédés par une ardente ambition et une avidité notable, se groupent autour de lui et le soutiennent pour avoir part au butin et être, sous le grand tyran, de petits tyranneaux eux-mêmes.

  • Les tyrans eux-mêmes trouvaient bien étrange que les hommes pussent endurer qu’un homme les maltraitât. C’est pourquoi ils voulaient fort mettre la religion en avant, afin qu’elle leur servît de garde du corps, et s’il était possible, ils empruntaient quelques échantillons à la divinité pour cautionner leur méchante vie. C’est ainsi que Salmonée, pour s’être moqué des gens en voulant faire son Jupiter, en rend maintenant compte au fin fond de l’Enfer, si l’on en croit la sibylle de Virgile :... cruellement puniPour avoir imité la flamme de Jupiter et le fracas de l’Olympe.Traîné par quatre chevaux et secouant une torche, il était alléEn triomphateur parmi les peuples grecs, et dans sa ville,En pleine Élide, il réclamait pour lui les honneurs divins :Cet insensé croyait contrefaire l’orage et la foudre inimitableEn faisant résonner sur du bronze les sabots de ses chevaux.Mais, à travers d’épais nuages, le Père tout-puissant brandit son trait– non, lui ne lançait pas de torches ni de flambeaux à la lueur fumeuse –Et, en un gigantesque tourbillon de flammes, il le poussa tête en avantdans le vide...



    Si celui qui ne faisait simplement que l’idiot se trouve là-bas si bien traité, je crois que ceux qui ont abusé de la religion pour faire le mal s’y trouveront encore à meilleure enseigne.



    Les nôtres semèrent aussi en France un je-ne-sais-quoi du genre, des crapauds, des fleurs de lys, la sainte ampoule et l’oriflamme. Ce que, pour ma part, quoi qu’il en soit, je ne veux pas ne pas croire puisque nos ancêtres y croyaient, et que nous n’avons eu jusqu’ici aucune occasion de ne pas y croire, ayant toujours eu des rois si bons dans la paix, et si vaillants à la guerre que, bien qu’ils soient nés rois, il semble qu’ils n’aient pas été conformés comme les autres par la nature, et choisis par le Dieu tout-puissant avant de naître pour se voir confier le gouvernement et la garde de ce royaume. Et même si cela n’était pas, je ne voudrais pas pour cela entrer en lice pour débattre la vérité de nos histoires, ni les mettre à nu pour ne pas enlever ce joli jeu où pourra s’escrimer notre poésie française maintenant qu’elle a non plus seulement de nouveaux habillages, mais qu’elle semble être entièrement remise à neuf par notre Ronsard, notre Baïf et notre du Bellay : ils font si bien progresser notre langue que bientôt, j’ose espérer, ni les Grecs ni les Latins n’auront ce regard devant nous, sinon à faire valoir leur droit d’aînesse. Et certes, je ferais un grand tort à notre rime (j’use volontiers de ce mot qui me plaît, et il ne me déplaît pas, bien que plusieurs l’aient rendu mécanique, parce que j’en vois assez d’autres qui sont à même de l’anoblir à nouveau et de lui rendre sa première valeur) je lui ferais un grand tort dis-je en lui ôtant maintenant ces jolis contes du Roi Clovis, dans lesquels s’égaiera si plaisamment la verve de notre Ronsard dans sa Franciade. J’en comprends la portée, je connais son esprit fin et la grâce de l’homme. Il fera son affaire de l’oriflamme, aussi bien que les Romains de leurs ancilles,Et des boucliers tombés du cieldont parle Virgile. Il parlera de notre Sainte Ampoule aussi bien que les Athéniens de leur corbeille d’Erysichton. Il fera parler nos armoiries aussi bien qu’eux leur olivier qu’ils prétendent être toujours dans la tour de Minerve. Et certes, ce serait de ma part outrageant de vouloir démentir nos livres, et de courir sur les terres de nos poètes.



    Mais pour retourner au fil de mon propos, dont je me suis éloigné je ne sais trop comment, les tyrans, pour s’affermir, se sont toujours efforcés d’habituer le peuple, non seulement à l’obéissance et à la servitude, mais aussi à la dévotion. Tout ce que j’ai dit jusqu’ici des moyens qui apprennent aux gens à servir plus volontairement n’est utilisé guère par les tyrans que sur le petit peuple ignorant.

  • Je ne vois personne aujourd’hui qui, entendant parler de Néron ne tremble pas au seul nom de ce vilain monstre, de cette horreur et sale peste du monde. Toutefois après la mort aussi vile que sa vie, de cet incendiaire, de ce bourreau, de cette bête sauvage, le noble peuple romain en eut un tel déplaisir, se rappelant de ses jeux et de ses festins, qu’il fut sur le point d’en porter le deuil. C’est du moins ce qu’en a écrit Tacite, excellent auteur, et des plus fiables. Et on ne trouvera pas ça étrange, vu ce que ce même peuple avait fait à la mort de Jules César, lui qui avait donné congé aux lois et à la liberté, et personnage en qui je ne vois rien qui vaille : son humanité même qu’on loue tant fut plus dommageable à son pays que la cruauté du plus grand tyran qui eût jamais vécu – parce qu’à la vérité ce fut sa douceur venimeuse envers le peuple romain qui parut rendre sucrée la servitude. Après sa mort ce peuple-là, qui avait encore à la bouche le goût de ses banquets, et à l’esprit le souvenir de ses prodigalités, amoncela tous les bancs de la place publique pour son bûcher funéraire et lui rendre honneur, et lui éleva une colonne comme au Père du peuple (le chapiteau portait cette inscription). Tout mort qu’il était ils lui firent plus d’honneur qu’ils n’auraient dû en faire à un homme du monde, et d’abord à ceux qui l’avaient tué.



    Les empereurs romains n’oublièrent pas de prendre communément le titre de Tribun du peuple, tant parce que cet office était tenu pour saint et sacré et qu’il était établi aussi pour la défense et la protection du peuple : et, sous couvert de cet état, ils s’assuraient par ce moyen que le peuple se fierait mieux à eux, comme s’il lui suffisait d’entendre ce nom sans avoir besoin d’en ressentir les effets. Les gens d’aujourd’hui ne font pas beaucoup mieux, eux qui avant de commettre des crimes conséquents les font toujours précéder de quelques jolis propos sur le bien public et le soulagement des malheureux. Toi, tu connais bien les formules dont ils pourraient user assez finement : mais la plupart du temps peut-on parler de la finesse là où il y a tant d’impudence ?



    Les Rois d’Assyrie, et après eux les Rois mèdes paraissaient en public le plus tard qu'ils pouvaient, pour faire supposer à la populace qu’ils étaient en quelque sorte plus qu’hommes, et laisser cette rêverie aux gens qui ont facilement l’imagination des choses qu’ils ne peuvent juger de vue. Ainsi tant de nations qui furent longtemps dans cet empire assyrien par ce mystère s’habituèrent à servir, et servirent d’autant plus volontiers qu’ils ne savaient pas qui était leur maître, ou à grand peine qu’ils en avaient un, de telle sorte qu’ils craignaient tous un être que personne n’avait jamais vu.Les premiers rois d’Égypte ne se montraient guère sans porter tantôt un chat, tantôt une branche, tantôt du feu sur la tête. Ils se masquaient ainsi et jouaient aux bateleurs, inspirant par l’étrangeté de la chose respect et admiration à leurs sujets et aux gens qui, s’ils n’avaient pas été aussi sots ou aussi soumis, auraient dû je crois s’en moquer, et en rire.



    Il est vraiment lamentable de découvrir combien de choses les tyrans du temps passé tiraient profit pour fonder leur tyrannie, de combien de petits moyens ils se servaient, trouvant toujours un petit peuple si bien disposé à leur égard qu’ils n’avaient qu’à tendre un filet pour le prendre. Ils l'ont toujours trompé à si bon marché qu’ils ne l’ont jamais mieux asservi que lorsqu’ils s’en moquaient le plus.



    Que dirais-je d’une autre sornette que les peuples anciens prirent pour argent comptant ? Ils crurent fermement que le gros orteil de Pyrrhus, roi d’Epire, faisait des miracles et guérissait les maladies de la rate. Ils enjolivèrent encore mieux le conte en disant que, lorsqu’on eût brûlé son cadavre, l’orteil se retrouva dans les cendres, épargné du feu. La sottise du peuple a toujours ainsi fabriqué ses mensonges pour après mieux les croire.

  • Mais pour revenir à notre propos, que j’avais presque perdu de vue, la première raison pour laquelle les hommes servent volontairement, c’est qu’ils naissent serfs et sont élevés comme tels. De là en découle une autre : c’est que sous les tyrans les gens deviennent facilement lâches et sans caractère. Ce savoir, je suis merveilleusement reconnaissant au grand Hippocrate, le père de la médecine, de l’avoir remarqué dans l’un de ses livres qu’il intitule Des maladies. Cet homme avait un coeur noble, et il le montra bien lorsque le Roi des Perses voulut l’attirer à lui à force d’offres de somptueux cadeaux : il lui répondit franchement qu’il se ferait un cas de conscience de s’occuper à guérir les Barbares qui voulaient tuer les Grecs, et à servir par son art celui qui entreprenait d’asservir son pays. La lettre qu’il lui envoya se trouve encore aujourd’hui parmi ses autres oeuvres et témoignera toujours de son courage et de sa noblesse.



    Il est certain qu’avec la liberté se perd tout d’un coup la vaillance. Les gens soumis n’ont pas de joie ni d’âpreté au combat. Ils vont au danger comme ligotés et engourdis, comme pour s’en acquitter d’une certaine manière. Ils ne sentent pas bouillir dans leur coeur l’ardeur de la liberté qui fait mépriser le péril, et donne envie de s’acheter, par une belle mort au milieu de ses compagnons, l’honneur et la gloire. Chez les hommes libres en revanche, c’est à l’envi, à qui mieux mieux, chacun pour le bien commun et chacun pour soi. Ils savent qu’ils auront part égale au mal de la défaite comme au bien de la victoire. Mais les gens soumis, outre ce courage guerrier, perdent aussi en toutes choses une vivacité essentielle. Ils ont le coeur bas et mou et sont incapables de grandes choses. Les tyrans le savent bien, et ils apportent toute leur aide pour mieux les avachir encore.



    Xénophon, un des plus sérieux et des plus estimés historien grec a fait un livre dans lequel il fait dialoguer Simonide avec Hieron, tyran de Syracuse, sur les misères des tyrans : ce livre est plein de leçons, bonnes et graves, qui ont aussi, à mon avis, une grâce infinie. Plût à Dieu que tous les tyrans qui aient jamais été l’eussent mis devant leurs yeux pour s’en servir de miroir. Je ne peux pas croire qu’ils n’eussent pas reconnu leurs verrues, et eu quelque honte de leurs taches. Ce traité parle de la peine qu’éprouvent les tyrans, contraints, faisant du mal à tous, de craindre tout le monde. Il dit, entre autres choses, que les mauvais rois se servent de mercenaires étrangers à la guerre, n’osant faire confiance à leurs sujets, à qui ils ont fait tort. (En France même, plus encore autrefois qu’aujourd’hui, quelques bons rois ont eu à leur solde des troupes étrangères mais c’était pour épargner leurs propres sujets, ne regardant pas à la dépense pour épargner les hommes. C’était aussi je crois ce que disait le grand Scipion l’Africain qui affirmait qu’il aimait mieux avoir sauvé un citoyen que défait cent ennemis.) Mais ce qui est certain, c’est qu’un tyran ne pense jamais que sa puissance lui est assurée s’il n’est pas parvenu à ce point de n’avoir à ses ordres que des hommes sans valeur. On pourrait lui adresser à juste titre ce que, d’après Terence, Thrason avait dit au maitre des éléphants :- Vous êtes donc si braveQue vous avez charge des bêtes ?Cette ruse des tyrans pour abrutir leurs sujets ne peut pas se montrer plus clairement que dans la conduite de Cyrus envers les Lydiens, après qu’il se fut emparé de Sardes, la capitale de la Lydie, et qu’il eut pris pour captif et amené devant lui Crésus, leur Roi si riche. On lui apporta la nouvelle que les Sardains s’étaient révoltés. Il les réduisit bientôt à l’obéissance. Mais ne voulant pas mettre à sac une ville si belle, ni être toujours en peine de mobiliser une armée pour la garder, il s’avisa d’un superbe expédient pour s’en assurer le calme. Il y établit des bordels, des tavernes et des jeux publics, et fit publier une ordonnance qui obligeait les habi...

  • Le grand Turc s’est bien aperçu que les livres et la pensée donnent plus que toute autre chose aux hommes le sens et la compréhension de leur dignité et la haine de la tyrannie.



    J’entends qu’il n’y a dans son pays guère de gens savants, et d’ailleurs il n’en demande pas. Le zèle et la passion de ceux qui sont malgré les circonstances restés croyants fidèles à la liberté, quelque soit leur nombre, restent sans effet s’ils ne se reconnaissent pas : sous le tyran, toute liberté de faire, de parler, et quasi de penser, leur est ôtée. Ils restent isolés dans leurs rêveries. Momus, le dieu de la raillerie ne plaisantait pas quand il suggéra de donner à l’homme une petite fenêtre au coeur afin qu’on pût y voir ses pensées. On a bien voulu dire que Brutus, Cassius et Casca lorsqu’ils entreprirent de délivrer Rome, et donc le monde, ne voulurent pas que Cicéron, s’il en fût jamais grand défenseur du bien public, fût de la partie : ils estimèrent son coeur trop faible pour un fait si haut ; ils avaient confiance en sa volonté, mais non en son courage.



    Toutes les fois que quelqu’un voudra discourir des faits du temps passé, et consulter les annales anciennes, il en trouvera peu ou pas de ceux qui, voyant leur pays malmené et en de mauvaises mains, entreprirent de le délivrer, dans une intention bonne, entière et droite, et qui n’en soient venus à bout : la liberté, pour se manifester, elle-même vient les épauler. Harmodios, Aristogiton, Thrasybule, Brutus l’ancien, Valérius et Dion, qui conçurent vertueusement un tel projet l’exécutèrent avec bonheur. En de tels cas, une volonté ferme garantit presque toujours le succès. Brutus le jeune, et Cassius réussirent à briser la servitude : mais en ramenant la liberté ils moururent non pas misérablement (car ce serait blasphémer de dire qu’il y a eu quelque chose de misérable en ces gens-là ni dans leur vie, ni dans leur mort) mais au grand dommage de la République, pour son malheur perpétuel et sa ruine entière, parce qu’elle fut, me semble-t-il, enterrée avec eux. Les autres tentatives qui depuis ont été faites contre les empereurs romains ne furent plus que des conjurations de personnalités ambitieuses, pour lesquelles on ne peut plaindre les inconvénients qui leur sont advenus, vu qu’ils désiraient non pas ôter mais seulement secouer la couronne, prétendant chasser le tyran pour mieux retenir la tyrannie. Pour ceux-ci je n’aurai pas voulu qu’ils eussent réussi, et je suis content qu’ils aient montré par leur exemple qu’il ne faut pas abuser du saint nom de la liberté pour entreprendre une mauvaise action.

  • Caton d’Utique, étant encore enfant et sous la férule de son maître, allait et venait souvent chez le dictateur Sylla, chez qui il avait ses entrées, tant à cause du rang de sa famille que de ses liens de proche parent. Il était toujours avec son maître quand il y allait, comme c’était l’usage pour les enfants des nobles. Il s’aperçut que dans l’hôtel de Sylla, en sa présence ou par ses commandements on emprisonnait les uns, on condamnait les autres : l’un était banni, l’autre étranglé, l’un demandait la confiscation des biens d’un citoyen, l’autre réclamait sa tête : en somme tout se passait non comme chez un magistrat de la Cité, mais comme chez un tyran du peuple – c’était moins un palais de justice que la tanière de la tyrannie. Ce jeune garçon dit alors à son maître : "donnez-moi donc un poignard, je le cacherai sous ma robe, j’entre souvent dans la chambre de Sylla avant qu’il soit levé. J’ai le bras assez fort pour délivrer la ville." Voilà bien les paroles d’un Caton. Ce personnage avait des débuts déjà dignes de sa mort. Et pourtant si on ne dit ni son nom ni son pays, et qu’on raconte seulement le fait tel qu’il est, l’anecdote parlera d’elle-même : on jugera à l’aventure que cet enfant était un Romain, né dans Rome quand Rome était libre.



    Pourquoi parler de ceci ? Je ne crois pas certes que le pays ou le sol y fassent quelque chose. Il est plaisant partout d’être libre. Mais je suis d’avis qu’on ait pitié de ceux qui en naissant sont nés la corde au cou, ou bien qu’on les excuse, ou bien qu’on leur pardonne, puisque n’ayant pas vu même l’ombre de la liberté, n’en ayant jamais entendu parler, ils ne ressentent pas la souffrance d’être esclaves. S’il est comme dit Homère des pays comme celui des Cimmériens, où le soleil se montre autrement qu’à nous, qui après les avoir éclairés pendant six mois les laisse dans l’obscurité, sommeillant, sans venir les voir la demie année qui suit, ceux qui naitraient pendant cette longue nuit, s’ils n’avaient pas entendu parler de la clarté, et n’ayant point vu de jours, s’étonnerait-on qu’ils s’habituent aux ténèbres où ils sont nés sans désirer la lumière ? On ne regrette jamais ce qu’on n’a jamais eu. Et le regret ne vient jamais qu’après le plaisir. Et toujours la connaissance du malheur vient avec le souvenir de la joie passée.



    La nature de l’homme est d’être libre et de vouloir l’être. Mais sa nature est telle que naturellement il prend le pli que l’éducation lui donne. Disons donc que si toutes choses sont à l’homme comme naturelles, quand il s’y est habitué et qu’il s’en est nourri, seul lui s’est natif ce qu’on appelle des choses simples et non-altérées.



    Ainsi, la première raison de la servitude volontaire c’est l’habitude. C’est un peu ce qui arrive aux chevaux les plus braves qui au commencement mordent leur frein, et puis après s’en jouent ; là où naguère ils ruaient sous la selle, ils se parent maintenant de leur harnais et tout fiers se pavanent en armure. Ils disent qu’ils ont toujours été sujets ; que leurs pères ont vécu ainsi ; ils pensent qu’ils sont tenus d’endurer le mal, s’en persuadent avec des exemples, et consolident eux-mêmes par la durée la possession de ceux qui les tyrannisent. Mais pour de vrai, les années agrandissent l’injure, et ne donnent jamais le droit de désobéir et de mal faire.



    Il s’en trouve toujours quelques-uns mieux nés que les autres qui sentent le poids du joug et ne peuvent se retenir de le secouer, quelques-uns qui ne s’apprivoisent jamais à la sujétion ; et qui toujours, comme Ulysse cherchant par terre et par mer à revoir la fumée de sa maison, prennent garde à ne pas oublier leurs droits naturels, à se souvenir et de leurs prédécesseurs et de leur premier être. Ce sont volontiers ceux-là qui, ayant l’entendement net et l’esprit clairvoyant, ne contentent pas comme le gros du vulgaire de regarder ce qui est à leurs pieds, sans regarder ni devant ni derrière. Ils se remémorent les choses passées pour juger celles du temp...

  • On raconte que Licurgue, le législateur de Sparte, avait nourri deux chiens, tous deux frères, allaités au même lait, mais l’un engraissé en cuisine, l’autre habitué aux champs et au son du cor et de la trompe. Voulant montrer au peuple lacédémonien que les hommes sont tels que la coutume les a fait, il mit les deux chiens en plein marché entre une soupe et un lièvre ; l’un courut au plat et l’autre au lièvre. Et pourtant dit-il, ils sont frères ! Et donc celui-là avec ses lois et sa politique éduqua et forma si bien les Lacédémoniens que chacun d’eux préférait souffrir mille morts que de reconnaître un autre seigneur que la loi et la raison.



    Je prends plaisir à rapporter ici un propos que tinrent jadis un des favoris de Xerxès, le grand roi des Perses, avec deux Lacédémoniens. Quand Xerxès faisait appareiller sa grande armée pour conquérir la Grèce, il envoya ses ambassadeurs aux cités grecques demander de l’eau et de la terre : c’était la façon avec laquelle les Perses sommaient les villes de se rendre à eux. Il n’en envoya pas ni à Athènes ni à Sparte, parce que Darius son père en avait envoyé, et que les Athéniens et les Spartiates les avaient jetés les uns dans des fossés, les autres dans des puits, en leur disant qu’ils prennent là l’eau et la terre à rapporter à leur Prince. Ces gens ne pouvaient souffrir que même par la moindre parole on attentât à leur liberté. Cependant les Spartiates reconnurent qu’en ayant agi ainsi ils avaient encouru la haine des Dieux, dont Talthybios, le dieu des ambassadeurs : ils résolurent d’envoyer à Xerxès, pour les apaiser, deux de leurs citoyens, pour que disposant d’eux à son gré il pût se venger sur eux du meurtre des ambassadeurs de son père. Deux Spartiates, l’un nommé Sperte et l’autre Bulis, s’offrirent comme victimes volontaires. Ils y allèrent, et en chemin ils arrivèrent au Palais d’un Perse, qu’on nommait Hydarnes, et qui était le lieutenant du Roi pour toutes les villes d’Asie qui sont sur les côtes. Il les accueillit fort honorablement, leur offrit un festin, et un propos en entraînant un autre il leur demanda pourquoi ils refusaient tant l’amitié du Roi. - " Regardez Spartiates, dit-il, et reconnaissez en moi comment le Roi sait honorer ceux qui le méritent, pensez que si vous étiez à lui il vous recevrait de même, si vous étiez à son service et qu’il vous eut connu, il vous aurait fait chacun seigneur d’une ville grecque. - En ceci Hydarnes, tu ne saurais nous donner un bon conseil répondirent les Lacédémoniens, parce que le bien que tu nous promets, tu l’as déjà essayé. Mais celui dont nous jouissons, tu ne sais ce que c’est. Tu as éprouvé la faveur d’un roi : mais de la liberté, du goût qu’elle a, combien elle est douce, tu n’en sais rien. Or, si tu l’avais éprouvée, tu nous conseillerais toi-même de la défendre, non pas avec la lance et le bouclier, mais avec les dents et les ongles."Seuls les Spartiates parlaient juste – mais bien sûr les uns et les autres parlaient comme ils avaient été formés. Car il ne se pouvait que le Perse eût le regret de la liberté, ne l’ayant jamais eue, ni que le Lacédémonien endure la sujétion - ayant gouté la liberté.