エピソード
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Mille-neuf-cent-trente-deux est une année de problème technique dans l’automate littéraire. Deux pannes vont se succéder coup sur coup. C’est d’abord Gallimard qui rate le manuscrit du Voyage au bout de la nuit de Céline et c’est ensuite le prix Goncourt qui rate Céline. Le résultat va faire grand bruit.
On s’écharpe dans la presse, on s’accuse, on s’insulte, on use de droit de réponse et finalement on porte plainte. Lucien Descaves sous-entend que cette affaire est politique, que les amitiés entre l’édition et la presse sont suffisantes pour imposer les choix. Dans Crapouillot, un journaliste accuse Rosny aîné de vendre chaque année sa voix. Un autre journal parle de complot mené par Roland Dorgelès – autre membre du jury Goncourt… L’affaire Céline se porte à merveille, des mois après la parution du roman.
Une chose est sûre, Gallimard et le Goncourt ne doivent pas se tromper pour la nouvelle année. Vient donc le temps des candidats pour la cuvée 33 et l’on trouve parmi eux des débutants comme des auteurs confirmés et parmi eux un inconnu de trente-cinq ans dont le premier roman, L’indifférence perdue, n’est pas moins tapageur que celui de Céline. La polémique commence dans les journaux ! Des dizaines d’articles, un : Pour ou contre L’indifférence perdue dans le journal Marianne. On le compare à à de multiples reprises à Céline, mais « un Céline lyrique. »
Pour les uns, c’est une horreur absolue, la logorrhée d’un fou sans doute ; pour les autres, c’est la marque du génie et d’un écrivain en avance sur son temps… C’est en tout cas un roman unique qui n’eut aucun aïeul et n’aura aucun descendant. Ce qu’on appelle aujourd’hui un ovni. Alors, un siècle plus tard : grand roman ou roman illisible ?
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Le festin de l’urubu (Gallimard, 1958) est le troisième roman de Pierre Adrien Ekman. L’auteur dont on ne connait rien ou presque à propos de la brève carrière littéraire (cinq romans entre 1956 et 1960 puis un dernier en 1964 qui ressemble à une commande) semble avoir été marin et voyageur. Grâce à Edgar Maufrais, on sait qu’il a travaillé en 1953 dans l’hôtel Amazonas de Manaos, mégalopoles des fuyards, aux portes de l’enfer vert amazonien.
Edgar Maufrais et Pierre Adrien Ekman se sont rencontrés dans cet hôtel alors que le vieil homme était lancé sur les traces de son fils disparu, le célèbre journaliste et explorateur Raymond Maufrais. C’est à ce père désargenté, déterminé et infatigable qu’Ekman a dédié son roman. Il passe et repasse dans ce livre, brièvement, nommé ou non, comme une âme en peine que rien ne soulage.
Ce sont des hommes de la sorte qu’Ekman met en scène dans son roman. Des hommes qui cherchent, des hommes qui partent, d’autres qui fuient. La chaleur, la sécheresse, la solitude, les regrets ou les remords… sans cesse la culpabilité. L’un croit pouvoir trouver une cité perdue mythique dans la forêt vierge, l’autre une étrange liane tueuse… Tous se retrouveront d’une manière ou d’une autre dans l’enfer vert, le tombeau végétal qui est le personnage principal de la littérature anthropophage d’Ekman.
Le vol de l’urubu-roi qui assiste à toute cette aventure, la transhumance d’une colonie de fourmis géantes, le dernier voyage d’une pirahiba empoisonnée par un repas, ce sont autant de protagonistes qui valent les hommes parce qu’ils finissent de la même manière : dévorés par l’antique Gaïa passionnée et indifférente du sort de ses enfants car telle est aussi la littérature de Pierre Adrien Ekman, une noble tentative de réécrire les mythes primordiaux sous de lointaines latitudes pour les transformer en légende du bout du monde.
Ramuz, Céline, voilà pour le style. Quant à la technique, elle est excellente avec ces inlassables thèmes qui reviennent, se répondent, se transforment. Un roman remarquable, un roman de la « chaleur panique, de celle qui pousse des hommes joyeux le matin à se pendre le soir. »
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Robert Margerit (1910-1988) est sans doute celui qui explora le mieux le désir au vingtième siècle. C’est tout un dédale mental que l’auteur couronné par le Renaudot de 1951 pour son roman (étrangement ?) le moins abouti, Le dieu nu, explora livre après livre. Son œuvre est celle de l’absolue tension du désir, celle de l’érotisme comme « vestibule de la mort (Mandiargues) ».
C’est Julien Gracq qui, le premier, évoqua Margerit dans son pamphlet La littérature à l’estomac en 1950. Avec Sur les falaises de marbre d’Ernst Jünger, voilà les deux seuls romans qu’il sauve de la décennie qui vient de s’écouler même s’il n’est pas tendre avec l’œuvre de Margerit. Qu’importe, leurs romans discutent, se ressemblent.
Ce sont deux stylistes avant tout. Mais ce sont deux proches parents aussi. Dans Mont-Dragon, comme dans Au château d’Argol, on retrouve ce château retiré, cette nature impérieuse, cette solitude lointaine, ce personnage trouble et cette tension, cette tentation qui ne peut mener qu’au néant.
Car tel est l’enseignement de l’œuvre de Margerit, avant même les études de Georges Bataille à propos de l’érotisme ou de celles de Claude Elsen dans l’Homo eroticus. Le désir, une fois assouvi, jette l’individu vers une angoisse qu’il ne peut étrangler. Ce sont à la fois les portes de l’amour et du néant pour reprendre le titre de l’essai de Roger Nimier. Réaliser un fantasme c’est comprendre que dieu n’existe pas, que le monde n’a plus de valeur et que nous sommes et n’avons jamais été que seul.
Ainsi vont les romans psychologiques de Margerit, de la banalité du désir vers les grimaces métaphysiques.
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Catherine Guérard (1929-2010) n’a écrit que deux romans sous ce pseudonyme. Le premier, Ces princes, publié en 1955 aux Éditions de la Table Ronde et le second, Renata n’importe quoi, publié en 1967 chez Gallimard. Après cela c’est une disparition totale de la littérature. Elle ne parviendra plus véritablement à écrire.
Renata n’importe quoi concourut à l’époque pour le prix Goncourt qu’il manqua. Il faut dire que l’audace formelle et même thématique du roman est surprenante : une seule phrase qui dure trois jours et deux cents pages environ. Une quête de liberté qui ne cesse jamais dans une sorte d’odyssée qui n’est pas sans rappeler celle de James Joyce et de son Ulysse, l’humilité et la naïveté en plus.
Si dans cet épisode j’étudie Renata n’importe quoi pour en exhumer une partie du sous-texte, de l’ambivalence et de la complexité cachée, je n’ai rien à voir avec la découverte de Catherine Guérard. En effet, ce sont deux éditeurs qui sont à l’origine de la réédition en 2021 : François Grosso et Renaud Buénerd des Éditions du Chemin de fer. Cet épisode est donc aussi l’occasion de raconter en partie la redécouverte de cette romancière et le processus qui a conduit à sa réédition. Qu’il me soit donc permis de remercier François Grosso et Renaud Buénerd pour les informations qu’ils m’ont transmises.
Si Renata n'importe quoi est le roman du présent pur, s’il est celui qui a sans doute lancé un renouveau de ces textes constitués d’une seule phrase à la fin des années 60 et au début des années 70, il est aussi un texte de l'errance dans la cité qui a commencé dans les années 20 avant de muer au lendemain de la seconde guerre mondiale avant d'évoluer encore vers cette forme moins désespérée. C'est aussi un texte qui anticipe les préoccupations sociales de l’année suivante et celui d’une icône qui, étrangement n’est pas encore advenue. Difficile de dire pourquoi Renata n’est pas devenue un avatar de diverses luttes politiques ou sociales tant son caractère naïf et déterminé, libre et sensible, pourrait être un modèle.
Catherine Guérard du moins a ressuscité. Ainsi en va-t-il de ces auteurs rares et chanceux qui rencontrent tardivement de probes démiurges. Espérons que d’autres ressurgissent avec la même détermination aveugle…
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René-Jean Clot (1913-1997) fut autant romancier que peintre. Il fut autant poète que dramaturge. Autant primé qu’indécis. Autant algérois que parisien. René-Jean Clot fut beaucoup à la fois et n’est plus rien aujourd’hui. Encore une victime oubliée de la postérité.
Peintre acharné et romancier tout autant acharné, il débute en littérature par le poème et obtient le plus grand prix de poésie (Mesures) en 1936, décerné par Jean Paulhan avec dans le jury Michaux ou encore Supervielle. L’année suivante il obtient le prix Paul Guillaume. Sa carrière littéraire semble toute tracée. Mais le prix Paul Guillaume, s’il est considéré comme un Goncourt dans son domaine, est un prix de peinture…
Clot peint et écrit, déchire et publie. Vient la guerre et le retour en Algérie. Vient ensuite son premier roman en 1948, Le Noir de la Vigne, salué peu ou prou par toute la critique d’alors et surtout par Maurice Nadeau qui offre trois colonnes dans le journal Combat à ce débutant halluciné. Clot confirme d’année en année, écrivant presque un roman par saison.
Ses personnages sont ceux d’une démesure, de l’excès. Mais ils ne sont pas insupportables pour autant comme ceux de Radiguet ou de Huguenin car leur auteur n’a aucun orgueil ; il en viendra même à arrêter l’écriture en 1964, se trouvant trop mauvais en peinture mais ne souhaitant pas se résigner à cet état de fait. Il perfectionnera donc sa technique pendant vingt ans puis reviendra à la littérature en 1984 avec un nouveau roman et en 1987 avec son plus connu, L’enfant Halluciné, qui obtiendra le prix Renaudot. Critique unanime et dithyrambique à nouveau.
Mais pourquoi ne s’imposa-t-il pas malgré un style à nul autre pareil (excepté Jacques Audiberti) ? Cet épisode tente d’y répondre.
Et bien sûr, un remerciement posthume à Dominique Daguet pour toutes les informations que j’ai utilisé dans ce podcast.
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OP – Épisode 21 : Paille, rien que paille (Le Vent d’Autan (1961), Guillaume Gaulène)
Guillaume Gaulène (1887-1979) fut romancier par période. Il écrivit une huitaine de roman entre 1913 et 1935 puis se tut pendant vingt-cinq ans. Pourquoi ? La correspondance que j’ai menée avec l’un de ses petites-filles, que je remercie encore une fois plus que chaleureusement, m’a permis de le découvrir. Les raisons sont évoquées en filigrane et de manière digne et émouvante dans Le Vent d’Autan (1961), ce sombre et magnifique roman mettant en scène un jeune retraité, M. Clément, que les souvenirs rattrapent et ne lâchent plus, ainsi que ce vent des fous qui semble ne jamais vouloir cesser.
Guillaume Gaulène revint donc à la littérature en 1961 et publia deux autres romans en 1962 et 1964. L’assaut d’abord, douloureuse histoire de possession démoniaque, et Le saut périlleux, roman testamentaire qui évoque une nouvelle fois un vieil homme que ses souvenirs rattrapent, un vieil homme qui ne peut se défaire du présent et qui voudrait tant disparaitre dans son passée. 1962 vit aussi la réédition chez Gallimard de son roman Le mémorial secret qui avait d’abord paru chez Rieder en 1926.
Ce roman parcouru par la destruction qui évoque des jeunes hommes de retour de la guerre dans un monde dont ils ne savent que faire, en compagnie de femmes qu’ils ne savent aimer, est une fable tragique, proche parente des romans de Philippe Soupault ou de Georges Duhamel, dans cette décennie de l’inquiétude, du « nouveau mal du siècle. » L’expression est de Marcel Arland, la tête pensante de la NRF ; c’est Marcel Arland aussi qui rapprochera dans un article ce roman du Voyage au bout de la nuit de Céline parut six ans plus tard. On y retrouve avant l'heure la ponctuation erratique ainsi que les défis lancés à la face de ce monde pourrissant.
Cet épisode est enfin l’occasion d’évoquer d’autres auteurs du vent ; mais aucun n’atteint l’ironie glacée du Vent d’Autan ou la poussièreuse agonie de The Wind de Dorothy Scarborough.
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Cet épisode est le second d'une série de quatre. Il est plus intéressant de l'écouter après le premier mais peut-être compris seul.
Ainsi que je l'évoquais voilà un an dans le prologue de ce podcast intitulé Cartographie de l'absence, nous allions partir à la découverte d'un continent immergé de la littérature : les romanciers oubliés du XXème siècle. Après vingt épisodes et un hors-série il est temps de faire une première escale sur cet iceberg.
Cette série se déclinera en quatre parties : deux dès à présent consacrés à un iceberg objectif des auteurs du vingtième siècle en France (quelques francophones se sont glissés tout de même dans l'émission) en fonction de la postérité telle qu'elle nous apparait en ce moment et à tous et deux dans quelques mois consacrés à le réorganisation de cet iceberg en fonction de mes lectures, mes connaissances, mes goûts afin de réévaluer l'apport de nos idoles comme de nos pestiférés.
Emission bien plus ludique que les habituelles études, il n'y aura à trouver dans les deux premières parties, au-delà de l'énumération, que quelques informations, quelques anecdotes à propos de tel ou tel auteur ; c'est bien plus dans les deux parties finales que nous entrerons en profondeur dans les qualités, les apports, les innovations, la singularité de langue (etc.) de chaque auteur évoqué.
A l'eau !
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Ainsi que je l'évoquais voilà un an dans le prologue de ce podcast intitulé Cartographie de l'absence, nous allions partir à la découverte d'un continent immergé de la littérature : les romanciers oubliés du XXème siècle. Après vingt épisodes et un hors-série il est temps de faire une première escale sur cet iceberg.
Cette série se déclinera en quatre parties : deux dès à présent consacrés à un iceberg objectif des auteurs du vingtième siècle en France (quelques francophones se sont glissés tout de même dans l'émission) en fonction de la postérité telle qu'elle nous apparait en ce moment et à tous et deux dans quelques mois consacrés à le réorganisation de cet iceberg en fonction de mes lectures, mes connaissances, mes goûts afin de réévaluer l'apport de nos idoles comme de nos pestiférés.
Emission bien plus ludique que les habituelles études, il n'y aura à trouver dans les deux premières parties, au-delà de l'énumération, que quelques informations, quelques anecdotes à propos de tel ou tel auteur ; c'est bien plus dans les deux parties finales que nous entrerons en profondeur dans les qualités, les apports, les innovations, la singularité de langue (etc.) de chaque auteur évoqué.
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Personne mieux que Charles-Ferdinand Ramuz (1878-1947) n’aura écrit à propos de la terre, de la communauté des hommes simples qui vivent avec et contre elle. Cette terre qui est la sienne, qui est celle du canton de Vaud en Suisse, qui est partagée entre le Lac Léman et les montagnes des Alpes, c’est une terre de gens humbles, de croyances qui donnent vie aux malédictions comme aux miracles, c’est une terre à la fois magique et maudite.
Ramuz est un des plus grands écrivains du vingtième siècle. Il a inventé un langage nouveau pour évoquer les émotions de son coin de Suisse, a accepté de mal écrire, de déchirer la langue française pour être au plus près de ce que réclamait sa conception de la littérature. Répétitions, concordance des temps hasardeuse, inversion de l’emploi des auxiliaires, abus des conjonctions de coordinations et de certains adverbes… Pourtant, ses romans sont lumineux.
Ils sont lumineux parce qu’ils évoquent le sang de chaque naissance, parce qu’ils donnent une voix et une mémoire à ceux qui ne s’expriment guère et qui évoquent les tragédies du ciel ou les maladies de la vigne pour parler d’eux. Ils sont lumineux parce qu’ils transforment les craintes en réalité mais aussi les espoirs en réalité. Beaucoup des romans de Ramuz sont apocalyptiques, à la fois révélation et fin des temps – ce qui ne signifie pas pour l’auteur destruction mais renouvellement.
Il faudrait lire Ramuz parce que ses livres sont simples, courts et immédiats. Parce qu’ils sont bercés de mythes, de surnaturel, de fantastique. Parce qu’ils cachent tout un sous-texte riche d’études, parce qu’ils ont fait fi de la réputation, des banquets parisiens et des compromissions. Il faudrait lire Ramuz parce qu’il fut solitaire et parce qu’un solitaire qui a tant donné aux humbles mérite sans doute qu’on honore sa mémoire.
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Certains textes ressemblent à des monuments. Ils le sont en raison de leurs proportions titanesques, de ce corps serré, de ces 850 pages, bien sûr, mais ils le sont aussi et surtout en raison de la chair des pages, de ces vaisseaux qui les parcourent, de ce sang déchainé qui voudrait mettre sous tous les yeux l’histoire de ses origines mais qui ne trouvent que de rares lecteurs – émerveillés et possédés, sans doute, mais seuls, bien trop seuls…
La Gana est une force primordiale qui précède la conscience ; la Gana est une force tellurique qui voudrait s’unir à l’esprit des hommes. « La Gana est à la fois la plus forte des forces et la plus faible des faiblesses – puissance originelle et impuissance tout ensemble. » « La Gana est aveugle. Toute sa vie s’épanouit en formations discontinues et exclusives. » Ces mots sont d’Hermann von Keyserling, ces mots sont tirés des Méditations sud-américaines qu’il publia en 1932. Ce sont ceux que Jean Douassot, alias Fred Deux, met en exergue de son roman.
Mais la Gana c’est aussi et surtout l’existence d’Alfred, l’enfant d’une dizaine d’années qui raconte l’histoire de ses jours, au sein de sa famille, entre son père qui sombre dans l’alcool, sa mère qui joue au chantage de l’amour, son oncle anarchiste et suicidaire et sa grand-mère aveugle ou presque qu’il n’aime pas. C’est l’existence dans une cave, là où vit la famille, sans cesse sous la menace des inondations puisqu’une mince plaque d’acier les sépare des égouts, à deux pas de la Seine, les sépare des rats pesteux qui mènent une croisage contre les Alfred.
Roman magique de l’enfance, avec ses peurs et son enthousiasme, avec ses échecs et son existence buissonnière, roman de l’organique total – à l’instar d’un autre livre parut en 1958 : Extraits du corps de Bernard Noël – et enfin, chef-d’œuvre absolu d’une littérature qui n’a pas honte de ses origines et ne cherche pas à devenir dogmatique. Une lecture qui dure et qui hante avec ce personnage proprement inoubliable qu’est cet alter égo de l’auteur, ce gamin de dix ans qui est la justesse même de la vie malgré toute l’insalubrité de cette dernière !
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Crédits :
EpidemicSound
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Peu avant sa mort, Marcelle Sauvageot (1900-1934), laissa le soin à ses amis et admirateurs de publier son unique texte, texte sans nom, sans titre, sobrement intitulé Commentaire (et renommé Laissez-moi pour les rééditions récentes), texte sans genre bien défini : lettre sans destinataire, pages de journal intime, récit…
Dans ce court texte de soixante-dix pages, Marcel Sauvageot analyse ce que fut pour elle l’amour. L’amour qu’elle éprouva pour Bébé, l’amour que Bébé éprouva pour elle avant, sans doute lassé par une énième cure en sanatorium, de lui envoyer cette missive cinglante autant que salvatrice : « Je me marie… notre amitié demeure… »
Le podcast dure quarante minutes pourtant il ne défendra jamais mieux le texte qu’il ne le fait lui-même tant l’acuité des réflexions, la justesse du ton et la probité de l’auteure semblent sans faille. Ces pages de désillusion et de renaissance sont admirables et peut-être exceptionnelles. Lecture courte mais obsédante, lecture qu’on sait pouvoir recommencer des dizaines de fois.
Cependant, si le texte est une longue réponse au compagnon en fuite il est aussi une tentative d’apprivoisement de l’état d’esprit du malade. La tuberculose, à cette époque sans antidote, est avant tout une ruine du corps. Toux, fatigue, maigreur… Bientôt, ne reste rien, ni de l’environnement, ni de l’organisme de Marcelle Sauvageot. Le texte devient conscience pure et maladie pure.
C’est pourquoi j’ai décidé de le rapprocher du non moins admirable roman Les heures silencieuses (1934) du plus oublié encore Robert de Traz (1884-1951), roman qui tente de comprendre la maladie et l’aspiration à n’être plus qu’une âme pour les malades, condamnés ou non, ce qui semble devenir la véritable vie. Sans oublier, en filigrane, Siloé de Paul Gadenne, La montagne magique de Thomas Mann, Les captifs de Joseph Kessel, Les allongés de Jeanne Galzy, Etes-vous fous ? de René Crevel… tous ces romans qui forment, selon l’expression (dépréciative) d’Emmanuel Berl : la littérature de sanatorium.
En hommage ému à tous ces disparus de la mort blanche…
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Le projet était beau : laisser à douze auteurs le soin de composer un roman, chacun écrivant un chapitre dont le numéro aurait été tiré au sort au préalable. On ne déciderait de rien avant les premiers mots : ni style, ni personnage, ni histoire… Rien que l’imagination et quelques règles de base pour la bonne tenue de l’entreprise. Et l’on découvrirait seulement au moment de la rédaction de son chapitre ce que nos partenaires auraient écrit avant nous.
Que pouvions-nous donc attendre d’un roman signé de douze maîtres de leur époque (Jules Romains, Louise de Vilmorin, André Berry, André Beucler, Pierre Bost, Jean-Louis Curtis, Jean Dutourd, Yves Gandon, Michel de Saint-Pierre, Gilbert Sigaux, Paul Vialar, Alexandre Vialatte), d’un roman signé par des auteurs qui convoquent à eux seuls seize prix littéraires ?
Du génie bien sûr. Du sérieux. De l’originalité. Des tonalités singulières. Nous n’aurons que de la confiture aux lettres. Il faut malheureusement le concéder : Le roman des Douze est un assez mauvais roman. Une parodie malgré elle de roman d’espionnage. Un pastiche de roman métatextuel. Un jeu qui tourne à la mascarade.
René Julliard, l’éditeur du projet, n’en était pas à son coup d’essai. En 1954 il succédait à Bernard Grasset qui avait publié Le diable au corps de Raymond Radiguet en éditant Bonjour tristesse de Françoise Sagan. En 1956 il réitère le coup d’éclat en publiant les écrits de Minou Drouet, poète de huit ans… Alors pour 1957 rédiger un roman à la manière d’un cadavre exquis, le tout sous le patronage de Jules Romains, n’était-ce pas encore le gage d’une année commercialement réussie ?
Pourquoi ce roman devint un échec ? Que pouvait laisser présager le premier chapitre ? Où se situe le glissement progressif du sérieux vers le carnavalesque ? C’est tout ce que cet épisode se propre d’étudier !
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Spoiler (ma proposition, chapitre par chapitre) :
1 : Jules Romains
2 : Alexandre Vialatte
3 : Yves Gandon
4 : Louise de Vilmorin
5 : Paul Vialar
6 : André Berry
7 : Jean Dutourd
8 : Michel de Saint-Pierre
9 : Pierre Bost
10 : André Beucler
11 : Jean-Louis Curtis
12 : Gilbert Sigaux
Note sur 12 : inconnue/12
Je n’ai à ce jour pas trouvé le véritable ordre ! Mais les recherches sont encore en cours (j’actualiserai ce message une fois la réponse obtenue).
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Au commencement, il y’a le hasard. Il y’a l’homme qui tourne les pages, celui qui commande les antiques revues, qui cherche le roman terminal, l’écrivain ultime. Au commencement, il y’a l’injustice et la révolte, le plaisir et la honte, le fruit sans défaut qu’on cueille à la place de l’autre, du vérolé, de l’impur pourtant si riche et discret.
Viennent ensuite les découvertes, les paysages qui se dressent avec lyrisme ou existentialisme, dans la fantasmagorie du surréalisme et la tragédie des deux guerres. Viennent les patronymes fantaisistes, inconnus de tous et pourtant éternels hier encore. Viennent les ravissements et les déceptions, les orfèvres sans voix et les démagogues aux longues langues.
Ce seront Les lettres nouvelles. Ce sera Maurice Nadeau. Ce sera un nom familier et un prénom immortel, ce seront Hubert Gonnet et Karl. C’est 1953, comme Le temps des morts et Les bêtes de Pierre Gascar, lui aussi publié dans la revue du jeune homme.
Oh, ce seront les pages jaunies et les vieilles formules, l’absence de ponctuation et le flux de conscience. Ce seront les verdeurs de Proust et les maturités de Joyce. Mais ce seront aussi les moiteurs d’Artaud et les appétits du comte de Lautréamont, invisibles ou presque encore.
Creuse les mots et emporte le sens. Chaque jour et chaque heure, au soleil sacerdotal de la littérature. Je ne suis plus qu’un pantin que gonfle le sang des écrivains oubliés. Je vois dans chaque crépuscule des funérailles indues et dans chaque aube des couronnements éphémères. Je suis à mes profanations, bien trop lents pour rivaliser. La terre des idoles nous recouvre chaque jour davantage.
Hubert Gonnet (1924-1998) est le comte de Lautréamont du vingtième siècle. Il a réécrit Les chants de Maldoror avec Voyage au Strömland (1969). Il a sondé l’abysse, la noirceur de l’âme, le geste gratuit des apparences et pourtant plus lourd que le monde dans l’intimité. Il a inscrit dans les lettres l’un de plus violent combat de l’âme dans Le grand scandale (1966).
Il a écrit quinze années puis a disparu en 1969, trente ans avant de mourir. Qu’est-il devenu ? Qu’est-il devenu ? Avant-nous seulement un semblant de réponse ? Ne reste qu’à écouter la voix de celui qui tourne les pages.
Et à remercier, infiniment, les ayants droits d’Hubert Gonnet pour leur sympathie et leur générosité.
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OP – Épisode 15 : Le monde en feu (Violences (1944), Pierre Molaine)
Pierre Molaine (1906-2000) est l’un de nos plus grands écrivains de guerre. Plus que cela, il est sans doute l’un de ceux qui aura le mieux mis en scène la colère et la violence, qu’elles soient liées aux champs de bataille, à la personnalité d’un homme ou consubstantielle à l’humanité. Dans les tanks, dans un hôpital, dans la paresse ou la vengeance, partout le monde s’enflamme sous la plume de Molaine.
Plus qu’un témoin de guerre, plus qu’un sondeur d’abîme, il est aussi un styliste extraordinaire qui cisèle une langue brûlante, fougueuse, marquante. Il maîtrise à la perfection son outil. Par la voix presque exclusivement à la première personne de ses nombreux romans il tisonne jusqu’à nos âme pour y graver une malédiction sans fin. Lire Molaine c’est entrer en guerre avec les mots, sans savoir s’ils sont nos alliés ou nos ennemis, sans savoir si ses personnages sont des monstres de bravoure ou d’inhumanité.
Violences raconte le destin sanglant de Ter Korsakoff, de Soltan Attrache et Piotr Petrovitch dont « la laideur pétrifie le monde ». Tous trois forment une équipée sauvage réunie une première fois dans la mort que de nouvelles retrouvailles renverront de charniers en charniers jusqu’au seul sort qui vaille pour eux.
Il faut plonger, oui, il faut plonger au plus bas et ne pas en revenir.
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OP – Épisode 14 : Silence de l’écriture (Le Grand Feu (1942), Madeleine Ley)
Madeleine Ley (1901-1981) a écrit son œuvre en une décennie à peine. Après sa dernière longue nouvelle, Le Grand Feu, il n’y aura plus une phrase, plus un mot. Elle rejoint Arthur Rimbaud, J. D. Salinger, Friedrich Hölderlin et tous les astéroïdes des lettres qui, ayant tout dit ou ne pouvant plus dire, se sont pétrifiés, victimes de la gorgone du silence. Pour Madeleine Ley ce sont les yeux de la maladie qui seront à l’œuvre. Présente depuis bien longtemps, évoquée par la romancière comme son double, incurable à la suite de la seconde guerre mondiale.
Le Grand Feu met en scène une jeune adolescente, Marietta, que le décès de son père laisse presque orpheline. Recueillie par son grand-père, elle quitte Marseille et s’élève, s’élève dans les montagnes de l’arrière-pays. Là, en compagnie de Reine, sa cousine, commence une vie d’espaces infinis, une vie bercée par le murmure des torrents, le craquement de la terre et le parfum des narcisses. L’amour ressemble à l’ange du jugement. Le village à une nouvelle famille.
Mais le paradis est éphémère et bientôt un incendie se déclare. Il faut alors trouver et détruire le fautif car l’on lapide les criminels par négligence dans cette vallée. C’est 1885. C’est le repli d’un hameau sur la vengeance. C’est une lutte sans pitié entre les quatre éléments qui tour à tour s’abreuvent à l’orient d’Eden et dépérissent dans les brasiers de l’enfer.
Ode à la nature, manifeste de la jeunesse mais aussi sirènes des démons intérieurs… Les lectures symboliques de ce texte sont nombreuses et diverses, entre catholicisme poignant et métaphores testamentaires. Peu importe le choix qui est fait, la langue est à la fois pure et contaminée, déchirée entre l’aspiration au ciel et l’enlisement infernal.
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OP – Épisode 13 : L’avènement du récit (Le temps infini (1968), Yvonne Escoula)
La seconde guerre mondiale aura dans ses assauts déstructuré tout à fait le roman. A l’ombre de sa carcasse à l’agonie c’est le genre du récit qui connut son heure de gloire avec une profusion de textes de grandes qualités rédigés pendant une période de vingt ans environ avant que cette forme courte, mystérieuse et ambivalente, ne connaisse une nouvelle fracturation et n’accouche dans les eaux de sa gangrène d’un sous-genre qui aujourd’hui encore nécrose la littérature : l’autofiction.
Yvonne Escoula, en cent-cinquante pages, va rejoindre les bancs majestueux de nos meilleurs artisans en la matière : Pierre Gascar avec Le Temps des morts (1953), premier épisode de ce podcast, Jean Cau avec Le meurtre d’un enfant (1965), neuvième épisode, mais aussi Maurice Blanchot ou Louis-René des Forêts.
Dans Le temps infini (1968), l’esprit d’un homme mourant va soudain se morceler et partir en maraude dans la mémoire, en quête des êtres qu’il fut et de tout ceux qu’il rencontra, pour se guérir peut-être, peut-être pour comprendre ce vingtième siècle insaisissable auquel il participa de nombreuses manières, notamment en sauvant une femme juive de la déportation.
Ainsi délivrés des convenances terrestres, le rêve, les souvenirs et la réalité vont bientôt se confondre à l’insu du lecteur sans que l’on sache clairement quels évènements sont fantasmés et lesquels sont vécus. Sans aucune avarice métaphorique, avec l’espoir le plus vain et bientôt avec une amertume plus grande encore, Yvonne Escoula, multipliant les images impressionnantes et la confusion des sens, a bâti un récit sans la moindre faille qui met en exergue chuchotée l’ambivalence du temps infini pour un être de chair : bénédiction ou malédiction ? « L’impersonnel instant d’éternité du vide ? » ou « le sud béni de la cendre des morts ? » (Roger Gilbert-Lecomte)
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OP – Épisode 12 : Béance existentielle (Le bon apôtre et autres romans (1923-1926), Philippe Soupault)
Il fut le troisième mousquetaire du surréalisme avec André Breton et Louis Aragon. Il fut le coauteur du premier recueil poétique de ce mouvement, Les champs magnétiques, publié en 1919. Il était le moins prosélyte, le moins borné, le plus libre. Il ne fut pas doctrinaire, ne fut pas politicien. On ne le surnomma pas « le pape », il ne reniera pas son prénom comme Aragon. Il ne s’occupera pas des idées ni des hommes mais seulement de littérature.
Philippe Soupault fut peut-être le moins bon poète des trois hommes mais le meilleur romancier, et de loin. En à peine trois ans, entre 1923 et 1926, il produisit une œuvre romanesque limpide, implacable et hautement prémonitoire. Car si sa poésie est parfois joviale ses romans ne le sont pas. Ils s’attaquent à la réalité béante des individus qui sont nés avec la première guerre mondiale. Ils s’attaquent à la constitution même de l’individu après les combats. Que reste-t-il de sens pour ces existences à peine majeure ?
Littérature du mouvement, littérature du départ et du retour, de la fuite, de la recherche et de l’abandon… En écrivant à propos des hommes creux qu’aucune complétude jamais ne sauvera, Philippe Soupault fut le précurseur de l’existentialisme et de l’absurde, de Sartre et de Camus, mais aussi celui du silence et de l’ermitage littéraire. Car il ne cria jamais contrairement à ceux qui le suivirent.
Tous les romans cités dans cet épisode sont très bien pour découvrir le travail de l’auteur ! Pourquoi pas En joue ! pour ceux qui ont déjà lu Le Feu follet de Pierre Drieu la Rochelle.
Cet épisode est une reprise d’un article écrit pour la @revuemenestrel
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OP – Épisode 11 : Les contes métaphysiques (L’auberge Parpillon et autres contes (1945-1994), Noël Devaulx)
Au lendemain de la guerre s’élève une voix nouvelle en littérature, « celle de Noël Devaulx (1905-1995) qui est l’une des plus dignes d’être remarquée » (Gaëtan Picon). Cette voix, c’est celle d’un nouveau fantastique, celle d’une lente déréliction du réel, à la fois sans heurt et morbide, banale et fantasmagorique.
Dans son format de prédilection, à savoir le conte, Noël Devaulx va bâtir en un demi-siècle l’une des œuvres les plus singulières, les plus imagées, paraboliques, allégoriques de sa génération. Il va aussi devenir l’un des écrivains les plus injustement oubliés, se tenant d’ailleurs lui-même à l’écart de la vie littéraire, collectionnant pourtant les prix (pour des nouvelles ou pour l’ensemble de son œuvre) et, évidemment, ayant choisi pour s’exprimer le genre littéraire le moins apprécié de tous.
Dans ses contes se multiplient les apparitions de l’étrange, du surnaturel, du bizarre. Bal masqué, réunion vampirique, pacte faustien, belle-mère volante, squelette enchanté… La liste est longue ! Si beaucoup de textes empruntent à des symboles déjà verts, il ne faut pas négliger le pouvoir rénovateur de Devaulx. Prosateur indubitable, il est à la fois maître de la métaphore et de la dignité, empreint d’une métaphysique vouée à la mort et à l’incompréhension – cette incompréhension qui est la nôtre tant les récits de Devaulx sont impénétrables et pourtant limpides.
Entrer en Devaulx c’est croire sans fin à une révélation impossible.
Le Pressoir Mystique est à mon avis le meilleur recueil mais L’auberge Parpillon, Bal chez Alféoni ou Le visiteur Insolite sont d’excellents livres pour découvrir le travail de l’auteur.
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OP – Épisode 10 : Plaisirs captifs (L’apprenti (1946), Raymond Guérin)
Monsieur Hermès a une sale habitude : il a l’œil qui traine sur les voisins, surtout des couples, surtout aux moments où l’esprit se met en sourdine pour laisser à la chair ses droits et ses devoirs.
C’est un peu la faute de Monsieur Papa et de Madame Mère après tout. Ce sont eux qui l’ont envoyé dans ce maudit palace avec ces clients dégénérés, son personnel indigent, pour qu’il se forme à la vie. S’il fantasme le soir venu de corps féminins, s’il se dégoûte parfois, il n’est que victime. C’est Paris ! C’est sa blennorragie ! C’est son hideuse conquête ! Lui a une pièce de théâtre à écrire. Il a une carrière de dramaturge à mener. Mais on le freine, on l’empêche !
Roman flamboyant dans la monotonie, roman de péripéties absentes mais de l’épopée d’une langue argotique, vulgaire, crasseuse, roman du jus, du pus, de la suppuration, romans aux sanies terribles et la sentimentalité débordante, c’est une bien étrange œuvre qu’a livré en 1946 Raymond Guérin (1905-1955), s’inspirant bien entendu de son existence d’employé d’hôtel.
Premier volume de son Ébauche d’une mythologie de la réalité, il sera suivi de deux autres tomes seulement, l’auteur étant mort avant d’en arriver au bout.
C’est aussi l’occasion d’évoquer la condition de l’écrivain prisonnier de guerre (comme tant d’autres), de l’écrivain détruit par cette guerre, qui va en témoigner mais que l’ascension du formalisme et du besoin de reconstruire la nation va jeter dans les oubliettes de la mémoire.
Prisonniers des stalag, prisonniers de la postérité, libérons-les !
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Chapitres :
00:00 : La condition de l’écrivain prisonnier
04:13 : Raymond Guérin et L’apprenti
24:00 : Maurice Sachs et l’oubli
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OP – Épisode 09 : Le livre d’un dieu… déchu (Le Meurtre d’un enfant (1965), Jean Cau)
Jean Cau se confesse : il a tué un enfant. Cet enfant, bien sûr, c’est lui-même. Il est devenu adulte avec les années et a trahi celui qu’il était. Il cherche donc à comprendre cet assassinat et à ressusciter – pour un temps seulement – le souvenir d’une existence que le temps n’avait pas pourri.
Fils d’une famille humble, bientôt secrétaire de Jean-Paul Sartre aux Temps Modernes, Jean Cau va peu à peu perdre ses illusions politiques au contact de l’intelligentsia de gauche qui, selon lui, ne fera dans le secours des humbles que se secourir elle-même, c’est-à-dire mettre en valeur son humanisme corrompu, réécrire l’histoire familiale de ses penseurs, en somme cacher sa toute-puissante bourgeoisie pour faire croire au faux dénuement de ses racines. Mise en scène de soi et abandon du prolétariat, telles furent les conclusions des années existentialistes.
Intransigeant et en colère, usant d’un style flamboyant, sans cesse métaphorique, bêchant dans l’argile la plus humble pour y ériger des symboles de grâce, Jean Cau va tenter de redevenir le dieu qu’il était enfant quand l’amour, la guerre et la politique ne l’avaient pas encore déchu de son omnipotence juvénile.
Si l’entreprise est par essence vouée à l’échec, le livre qu’il bâtira sera à l’inverse un véritable chef-d’œuvre.
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