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C’est un vêtement qui traverse les âges et les générations en Tunisie. Le dengri, un bleu de travail porté par les ouvriers maoïstes et arrivé en Tunisie il y a plus d’un demi-siècle. La veste bleu de Chine en coton avec un col claudine et des boutons chinois se porte souvent avec un pantalon chinois de la même couleur. Véritable uniforme pour les marins et les travailleurs, il est devenu aujourd’hui un style et donne un look branché à beaucoup de Tunisiens...
Dans la médina de Tunis, les dengri, vestes ou bleus de travail inspirés de l’ère Mao en Chine sont sur tous les étals, pour petits et grands.
Mohamed Ben Chabanne travaille aux souks depuis cinquante ans et il les vend comme des petits pains : « Moi j’ai commencé à vendre le dengri il y a très longtemps, dans les années 80. Après, la mode est un peu retombée. Puis c’est revenu il y a quelques années grâce au feuilleton du ramadan "Chourebb". Avant je ne vendais qu’aux adultes, depuis la diffusion du feuilleton, même les enfants et adolescents en veulent ».
Le feuilleton dont parle Mohamed décrit l’histoire vraie d’un bandit tunisien des années 50 devenu une figure d’anti-héros, populaire et symbolique des quartiers vivants de la médina de Tunis.
Après le bruit des cafés et de la musique, au détour d’une ruelle plus calme, se trouve l’atelier de Myriam ben Romdhane. Créatrice de la marque Mokacioccolatah, elle nous raconte l’histoire de ce vêtement qui circulait depuis Shanghai jusqu’aux ports méditerranéens. « À la Goulette, quand les grands bateaux de marchandises s’arrêtaient, les dockers avaient tendance à toujours acheter ça ou ça. Donc au départ, il y avait les dockers, en Tunisien, les zoufris, c’est-à-dire les ouvriers »
Héritière de tisserands, Myriam leur rend hommage ainsi qu’aux dockers en revisitant à sa manière le fameux dengri, depuis 2014 : « Je voulais le rendre un peu plus féminin, un peu plus bobo chic »
Pour ce style, la créatrice ajoute au bleu de travail, des broderies d’artisanes du Nord de la Tunisie et confectionne dans le pays, le tissu et la teinture, de ce vêtement habituellement importé. Sa marque est éco-responsable. « Il y a beaucoup de dengris qui ont vécu, qui ont été portés, par un docker qui sait ? et que l’on change complètement... l’aspect usé est extraordinaire, c’est un tissu qui vieillit super bien ».
Pour comprendre le phénomène du dengri en Tunisie, il faut aller en banlieue Nord, à la Marsa, dans l’atelier de la marque franco tunisienne Lyoum. Claire Le Maréchal et son mari Sofiene Ben Chabaane ont fait de cette veste intemporelle, l’un de leur produits phares depuis cinq ans.
« Nous ont fait plusieurs types de modèles. On fait une version en denim léger foncé - avec juste un lavage simple- et une version où on triche un peu sur l’utilisation, qu’on délave nous-même, qui est plus "détente" dans le porter et plus claire. On garde toujours la version originelle qui est celle qui ressemble le plus à la veste d’origine ».
La marque propose aussi des modèles hivernaux en gabardine de laine, et exporte beaucoup à l’étranger. « Beaucoup de Tunisiens qui voyagent offrent la veste en cadeau. On voit aussi sur les commandes à l’étranger, beaucoup de gens l’achètent sûrement pour des cadeaux »
Contrairement à la chéchia, couvre-chef rouge avec lequel le dengri est souvent assorti, cette pièce à la mode ne fait pas partie du patrimoine vestimentaire tunisien, malgré sa popularité. « Disons que son histoire, la manière dont elle a été conçue, ne vient pas d’ici,... c’est pour ça que c’est difficile de trouver des informations et peut-être de se l’approprier autant que la chechia ».
Des légendes urbaines de la médina, au port de la Goulette, en passant par les stylistes tunisiens, le dengri a su transcender les époques. Entre 15 et 40 euros pour la version originale dans la médina, son prix peut dépasser la centaine, chez les créateurs.
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Monochrome ou à motifs multicolores, large ou à bords repliés, le bob en Afrique du Sud est un accessoire devenu propre à la culture des townships. Appelé en zoulou ispoti, ou bucket hat en anglais, son port a été popularité par les danseurs de pantsula, puis par le mouvement kwaito dans les années 1990. Désormais, il est sur toutes les têtes, et peut être personnalisé à l’envi.
Dans ce parc de Soweto, Lerato Mofokeng enchaîne les figures et les mouvements de danse. Sur sa tête, un accessoire indispensable : un bob à carreaux, et aux bords marrons, qu’il lance régulièrement dans les airs, ou fait tourner sur un doigt : « Cette figure-là, je l’appelle le chapeau soufflé. Et celle-là, le chapeau qui parle. En fait, on peut créer tout ce qu’on veut. »
Le jeune homme de 21 ans fait partie d’un groupe de pantsula, cette danse très énergique et créative qui est née sous l’apartheid : « Ces mouvements racontent une histoire. Ils racontent la vie quotidienne dans nos quartiers. On peut faire ce qu’on veut à partir d’accessoires : un balai, une caisse de bières vide... Et l'ispoti est aussi un accessoire, ce n’est pas juste pour s’habiller, mais ça devient un instrument pour la danse. »
À ses côtés, Lebohang Sello, qui aide les jeunes groupes de Soweto à trouver leur public, approuve en hochant de la tête : « Le pantsula est une culture née dans le quartier de Sophiatown. À l’époque, ils portaient plutôt des costumes trois-pièces et les chapeaux Dobbs. Ils s’habillaient très formellement. Mais quand les nouvelles générations sont arrivées, elles ont décidé de s’habiller de façon plus décontractée, et elles ont changé le Dobbs pour un ispoti. »
« L'ispoti est devenu un moyen d’expression »Le port du bob a aussi été popularisé par les artistes qui produisaient, dans les années 1990, la bande-son du pantsula, à savoir la musique kwaito. À l’image de rappeurs américains de la même époque, rares étaient ici les chanteurs à ne pas porter le fameux couvre-chef. Et c’est sur cette vague qu’a surfé la marque locale Loxion Kulca, qui a décidé de créer des modèles sud-africains alors que la plupart des ispoti étaient importés des États-Unis, d’Angleterre ou d’Italie. Sechaba Mogale est le co-fondateur de la marque : « On vendait aussi des jeans, des baskets, et tout ça, mais ce sont nos chapeaux qui nous ont vraiment lancé sur le marché. L'ispoti est devenu un moyen d’expression, selon comment on le porte, penché de quel côté, si on remonte un bord d’une certaine façon... Ça donne naissance à pleins de nouveaux styles. »
Mais l'ispoti a également gagné en popularité grâce à son côté subversif, lié à la culture de la rue, des voyous tsotsis et des gangsters : « Parce qu’on traînait dans la rue, on était repéré par la police, et vus comme des criminels. Donc ça a donné naissance à une attitude de défi, dans nos moyens d’expression. Et l'ispoti permettait de cacher les yeux, et de passer inaperçu... »
Les fans de kwaito ont peu à peu laissé place aux adeptes de l’amapiano, nouveau genre musical. Et l'ispoti a aussi su évoluer, devenant réversible, à bords longs ou courts, souples ou rigides, avec de nouveaux motifs. Et il n’a pas perdu sa place dans les townships : « Salut, moi c’est Sibusiso, mais on m’appelle Shavul, à cause de la façon dont je porte mon ispoti, vous voyez ? Dans notre culture, on peut reconnaître les gars qui viennent du quartier Zola, ils le portent plutôt comme ça. Mais nous à Meadowlands, les mecs cools, on le porte d’une façon différente. »
Le chapeau s’adapte désormais à toutes les générations, et à 53 ans, Jabulile Nhlabathi le porte encore, en souvenir de sa jeunesse : « Ça donne un style du ghetto. Moi, je le porte fièrement. J’en ai beaucoup, de couleurs différentes, car j’en mets vraiment souvent. »
Il n’est pas rare aujourd’hui que des touristes repartent de leur visite de Soweto avec un bob multicolore sur la tête, puisqu’il a aussi su envahir les boutiques de souvenirs.
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Mélange de nationalisme et de folklore, la mode du vêtement Han emballe la jeunesse chinoise. Une manière de replonger dans l’ère prospère de la Chine antique et d’afficher avec fierté sa culture. Reportage à Xi’an, l’ancienne capitale impériale, dans le nord-ouest de la Chine.
De nos envoyés spéciaux, Stéphane Lagarde et Louise May, à Xi’an, l’ancienne capitale impériale
S’il n’y avait pas les smartphones tenus de la même main que les éventails, sans ces écrans géants montrant des mannequins en habits impériaux, le visage barré par les masques de l’ère Covid-19, on s’y croirait presque au temps de cette « grande dynastie Tang, sur laquelle le soleil ne se couche jamais ». Le nom, un rien pompeux de la grande rue piétonne et commerciale du sud de Xi’an, attire les touristes en tee-shirt, à la démarche ralentie par la chaleur écrasante d’une fin d’après-midi d’été, mais aussi deux amies, une prof et une comptable, aux jupes en lin colorées qui remontent jusqu’à la poitrine comme à l’époque des Tangs.
« C’est une belle expérience de s’habiller dans ces costumes traditionnels. Nous sommes venues visiter la ville et nous avons loué ces vêtements pour l’après-midi. C’est très beau et c’est notre culture, il faut avoir confiance dans sa culture », s'exclame l'enseignante.
La « confiance en soi culturelle » d’une deuxième économie mondiale sûre d’elle-même, chère au président chinois, passe notamment par la réhabilitation du hanfu, littéralement le « vêtement des Han », l’ethnie majoritaire en Chine.
Monsieur Tan, est le gérant d’une des boutiques de hanfu parmi les plus connues sur la plateforme de commerce en ligne Tobao. Sa boutique est une véritable caverne d’Alibaba, on y trouve les habits de toutes les dynasties Han et tous les styles. Il nous explique pourquoi il sonne le gong.
« Il y a 2000 ans, il n’y avait pas de messagerie et pas de notification. Le gong était une façon d’attirer l’attention sur un événement. Un mariage, hop un coup de gong ! Le maître de maison sort faire une course, un autre coup de gong. Moi, je me suis lancé dans la vente de vêtements hanfu, quand j’ai vu l’engouement chez les jeunes exploser sur Tik Tok. Mais bien avant ça, en 2003, une poignée de pionniers ont couru les musées et ont consulté les livres anciens pour tenter de redonner vie aux vêtements de la Chine antique. Quinze en plus tard, la tendance a touché un nouveau public, grâce aux réseaux sociaux ».Une mode pixelisée : les soieries magnifiques, les belles broderies aperçues sur les porte-manteaux de la boutique de Monsieur Tan inondent TikTok (Douyin en Chine), WeChat, et Instagram. La tunique resserrée aux poignées, tenue par une large ceinture sous les Song, les manches larges chez les Ming. Clic clac ! le parc de la pagode géante de l’oie sauvage tout à côté est une véritable usine à selfie, des photos grâce aux vêtements empruntés au studio de Melle Lu, 26 ans. Cette passionnée de hanfu a monté sa propre boutique, alors qu’elle était encore étudiante, juste avant la pandémie. Elle reçoit aujourd’hui jusqu’à quarante clientes par jours, prêtes à débourser 50 euros pour être habillées, coiffées et maquillées comme au temps de la Chine impériale. Elle raconte :
« Le parc du paradis des Tang à côté a été créé en 2016. Le président chinois est venu le visiter et il a classé le site parmi les dix premières rues culturelles et touristiques de Chine. Depuis, la popularité pour le hanfu s’est envolée. La propagande et l’appui du gouvernement ont contribué à cet essor. Les autorités font la promotion de la culture Han, en même temps, on a encore du retard sur la Corée du Sud par exemple. Les Coréens font mieux que nous pour leur culture, et leur culture est connue dans le monde entier ».Le hanfu comme outil du soft power chinois, est une véritable poule aux œufs d’or pour celles et ceux qui surfent sur la nouvelle vague de la Chine antique. À Xi’an, un théâtre immersif au cœur d’un centre commercial rejoue tous les soirs la grandeur de la dynastie Tang, quasi à guichet fermé. Difficile de s’approcher des figurants aux costumes resplendissants, mais monsieur Yin en redemande. Ce contrôleur des armes et des munitions dans la police, est venu voir le spectacle avec sa maman.
« C’est génial, vraiment génial de voir cette époque si prospère de la dynastie des Tang. Nous sommes très fiers du développement de la Chine et nous devons protéger notre héritage culturel. Les racines, ça donne confiance en nous », s'exclame-t-il.
Revendication, patriotique et ethnique, le col croisé (jiāolǐng), le rabat du tissu toujours côté droit ( yòurèn) rendent le costume Han différent de celui des autres ethnies chinoises parait-il.
« Le hanfu a toujours fait partie de notre histoire, mais la dynastie des Qin a rompu ce lien. Dans les manuels scolaires, on a les vêtements traditionnels des 56 ethnies chinoises, sauf les Han qui sont représentés en Tee-shirt. Mon rêve, c'est que le hanfu incarne la culture chinoise, comme le kilt pour les Écossais », confie-t-il.
Le hanfu vêtement emblématique de la Chine d’aujourd’hui, prend sa revanche sur d’autres emblèmes nationaux comme la robe qipao des Mandchous imposée par la dynastie des Qin, et la fameuse veste col Mao sous la révolution culturelle, ce qui est d’ailleurs rarement mis en avant par les experts et les médias ici. La révolution culturelle considère en effet comme féodale, l’époque impériale.
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Nouvel épisode de notre série consacrée aux vêtements du monde. Cette fois, direction le Bénin pour découvrir le bomba. Cousu dans une même pièce de tissu, composé d’un haut et d’un bas, il est porté aussi bien par les femmes que les hommes, les vieux, les jeunes, les enfants, au quotidien ou pour des cérémonies, quel que soit le rang social. C’est une tenue traditionnelle mais elle évolue selon les modes.
Au marché Houenoussou à Cotonou, la plupart des commerçantes portent le bomba : il y a la blouse ample et la jupe, un rectangle en pagne attaché à la taille. C’est le modèle traditionnel. Nadège vend des accessoires de coiffure et s’apprête à partir en taxi-moto.
« Je suis une maman et ça me plaît de porter le bomba pendant toute la semaine, parce que si je le porte je suis relax et je bouge partout. Je suis à l'aise dedans. Et si tu grossis dedans, personne ne le saura.
- Vous en avez combien chez vous ? - C'est incomptable, parce que j'adore les bombas. »
Cette version large existe pour homme avec un pantalon, mais les jeunes préfèrent le bomba serré, inspiré du jean ajusté. C’est le cas de Judicaël Cakpo, 25 ans, administrateur d’un centre culturel à Porto Novo : « Le haut, c'est une tunique à manches courtes qui est près du corps. Et en bas, je porte un pantalon qui est serré aux mollets et qui dispose d'une fermeture pour pouvoir porter le pantalon et l'enlever après. C'est cousu sur mesure. On modernise même le bomba pour être à la fois dans cette tendance occidentale sans nous détacher de nos valeurs ».
Vêtement du quotidien, le bomba est aussi tenue de cérémonie avec parfois couleur ou coupe imposée. Il est de rigueur pour les enterrements. Et depuis quelques années, dans les administrations, les grandes entreprises, il est accepté le vendredi. Ifédé est directeur des ressources humaines : « Du lundi au jeudi, je m'habille en costume et cravate pour les différentes réunions dans ma fonction habituelle. Mais le vendredi, je suis tout le temps en bomba. Le vendredi, on permet à tout le monde de se préparer à l'ambiance du weekend ».
Un vêtement originaire du NigeriaChaque tailleur doit savoir coudre le bomba, c’est la base. Dans son atelier, Michel Akloe, 25 ans de métier, répond à la commande d’un jeune client : « Dans ce tissu que le jeune homme m'a apporté, je vais faire deux bombas. Ça va me prendre 4 heures de temps, c'est très rapide. Tu achètes ton pagne, tu l'amènes et tu peux faire un vêtement complet. Un bomba simple, pas de broderies ou de motifs. C'est parce que ça ne coûte pas cher que les Béninois préfèrent porter ça chaque jour ».
Chez Abass Bello, ça coûte un peu plus cher. Ce styliste est spécialiste des bombas traditionnels en tissus précieux comme le pagne tissé local, le velours ou le damas. Il en connaît bien l’origine : « Cette tenue vient des Yoruba d’Ilé Ifé au Nigéria. Ils l’ont amené avec eux quand ils sont venus s’installer à Porto-Novo au Bénin. Chez les Yoruba, on dit "boba" mais à Porto-Novo le nom a changé en "bomba" ».
Si pour certains, le bomba se dénature en suivant la mode, pour Abass Bello, il montre sa vitalité : « Peu importe la forme qu’il a, que ce soit ample ou serré, que ce soit avec des manches longues ou courtes, avec une fermeture éclair, ça reste le bomba, c’est quelque chose qui vient de notre culture ».
Le bomba est un patrimoine vestimentaire et il a même sa chanson. C’est un morceau d’Angélique Kidjo. La star béninoise voulait parler de ce vêtement emblêmatique : « "Bomba ele souhai tô", ça veut dire que ce bomba, c'est moi-même qui l'ai fait. C'est la fierté qu'on prend à faire son bomba, ça vous définit. J'ai écrit cette chanson parce que j'ai vu mes grands-mères, mes tantes, ma mère, toutes les femmes de ma vie mettre le bomba. C'est un vêtement que je porterai tout le temps ».
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Le kadamoul, ou chèche/turban en français, est porté depuis des générations par les hommes vivant dans un milieu désertique. Abandonné par la nouvelle génération, le traditionnel kadamoul a été remis au goût du jour avec le #challengekadamoul lancé sur les réseaux sociaux par un passionné de turbans. Depuis, si pour certains le kadamoul permet de se protéger de la chaleur et de la poussière, pour d’autres c’est devenu un objet de mode pour affirmer son identité.
Dans les rues de Ndjamena, le kadamoul, un large turban blanc, est enroulé sur la tête des hommes, surtout les jours de poussière. « C’est important le kadamoul au Tchad. Il me protège de la poussière. Mais je ne le porte pas tous les jours. Seulement quand je suis en moto. Sinon, je reste la tête nue. »
À côté de lui, un homme acquiesce, il ne l’utilise que les jours de poussière.
Un challenge qui relance sa popularitéAutrefois, le kadamoul était un accessoire indispensable à la tenue des hommes originaires du nord et du centre du pays. Aujourd’hui, il devient une simple protection contre les intempéries dans la capitale, au grand dam de Brahim Dadi, écrivain.
Pour le remettre au goût du jour, il a lancé le #challengekadamoul sur les réseaux sociaux. La réponse est immédiate : des centaines de jeunes postent des photos, portant fièrement leur kadamoul. Des ministres et des personnalités publiques ont aussi joué le jeu.
Un engouement qui a surpris Brahim Dadi, qui voulait exprimer un ras-le-bol. « Ce n'est pas normal qu'on puisse étiqueter le turban comme si c'était quelque chose d'arriéré, nous explique t-il. Ça a commencé dès le jeune âge, quand vous arrivez à l'école : il ne faut pas porter le turban. On nous l'a interdit. Aujourd'hui, quand vous arrivez dans une banque ou quelque part, les gens sont un peu heurtés (qu'on leur signifie) qu'on ne peut pas arriver dans une banque avec un turban. Or, le turban se porte comme l'habit, n'importe où et partout. »
Exprimer son identitéAu Tchad, la façon d’enrouler un kadamoul permet de savoir en un coup d'œil à qui l’on a affaire : un homme marié ou un célibataire, un notable ou un fonctionnaire. Ajouter à cela que chaque communauté a sa propre façon de porter le turban.
Brahim Dadi, originaire de l’extrême-Nord du Tchad, nous en explique le mode d'emploi. « Quand je prends le turban, il y a un pan qui doit être rabattu sur les épaules et qui doit s'arrêter jusqu'aux genoux. L'autre partie permettra de passer un pan sur la bouche et le nez, et les autres je les enroule sur la tête. Donc je l'amène d'abord au milieu, après je le mets au-dessus, et après je le ramène encore au milieu. Quand j'enroule, ce n'est pas face au miroir. Je sais comment enrouler pour que cela devienne le même type d'enroulement pendant toute ma vie. »
Dans son atelier de couture, le styliste Hissein Adamou Camara confectionne tenues de ville et boubous traditionnels. Cette année, il a vu un retour en force du kadamoul chez les jeunes.
« Ça revient sous l'effet de mode et l'effet tendance. Les gens essaient de se créer une identité à partir de leurs kadamoul. Je l'utilise, je m'exprime avec, j'exprime mon appartenance. Mais c'est plus dans les villages, dans les zones vraiment désertiques qu'on considère le kadamoul comme un complément de vêtements obligatoire pour se sentir un garçon. »
Long bout de tissu en coton, le kadamoul mesure combien exactement ? « Le métrage, pour les adolescents, (c'est) souvent juste deux mètres, pas plus. C'est une façon de les initier au turban. Quant aux grands, à partir de 5 mètres, c'est un bon turban. Pour les vieux, ils portent jusqu'à 6 mètres parce qu'ils ajoutent parfois le bonnet dessus, pour pouvoir dire qu'ils sont assez grands, ou bien des sages ou des notables, pour changer un peu. »
Le styliste rappelle qu’au-delà du style, le kadamoul reste un accessoire indispensable dans certaines circonstances pour cacher ses émotions, notamment lors des deuils.