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L’impôt sur le revenu, aujourd’hui perçu comme une composante incontournable des finances publiques, n’a pourtant pas toujours existé. Il a été créé pour répondre à des besoins précis de l’État à un moment charnière de son histoire, notamment en France, mais aussi dans d’autres pays européens. Son instauration repose sur des enjeux budgétaires, sociaux et militaires, et marque un tournant dans la manière dont l’État perçoit ses citoyens et leur contribution collective.
Un besoin urgent de financement de l’État
En France, l’impôt sur le revenu a été institué en 1914, sous le gouvernement de Raymond Poincaré, alors président de la République, et avec l’appui du ministre des Finances Joseph Caillaux. La raison principale ? Le besoin croissant de financer les dépenses militaires face à une Europe en tension à la veille de la Première Guerre mondiale.
Jusque-là, le système fiscal français reposait majoritairement sur des impôts indirects (sur la consommation, comme les droits sur le sel ou l’alcool), et des contributions foncières. Or, ces impôts étaient souvent injustes, car ils ne prenaient pas en compte les véritables revenus des citoyens, et pesaient proportionnellement plus sur les plus modestes.
Une mesure de justice sociale
L’idée d’un impôt progressif sur le revenu — c’est-à-dire un impôt dont le taux augmente avec le revenu — s’inscrit également dans un souci de justice fiscale. Elle visait à faire contribuer les plus riches à hauteur de leurs capacités réelles, dans un contexte d’inégalités économiques croissantes.
Déjà appliqué au Royaume-Uni depuis 1842 (réinstauré après une première tentative au XVIIIe siècle), l’impôt sur le revenu était vu comme un levier moderne et équitable, permettant de financer l’État sans pénaliser excessivement les classes populaires.
Des résistances et un tournant historique
L’instauration de l’impôt sur le revenu fut cependant très contestée en France. Les classes aisées s’y opposèrent farouchement, craignant une atteinte à leur vie privée (car il nécessitait de déclarer ses revenus) et une remise en question de leur pouvoir économique.
Il fallut plusieurs années de débats, et même l’urgence de la guerre, pour que la loi soit définitivement votée en juillet 1914. Elle entra pleinement en application après la guerre, en 1917, avec un barème progressif et des seuils d’imposition selon les revenus.
Un impôt devenu pilier de l’État moderne
Aujourd’hui, l’impôt sur le revenu est un outil central de redistribution et de financement des politiques publiques. Sa création symbolise l’entrée dans une fiscalité moderne, plus transparente, et adaptée à la complexité des économies contemporaines.
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Le marathon des Jeux olympiques de Saint-Louis en 1904 est sans doute l’un des événements les plus désastreux et rocambolesques de toute l’histoire olympique. Prévu comme un moment de gloire sportive, il tourna en une épreuve d’endurance surréaliste, marquée par des conditions extrêmes, des choix logistiques absurdes et des comportements pour le moins... inattendus.
Une organisation calamiteuse
Les Jeux de 1904, organisés aux États-Unis dans le cadre de l’Exposition universelle, furent déjà critiqués pour leur manque de cohérence et leur durée interminable (plusieurs mois). Le marathon, quant à lui, fut programmé en pleine après-midi, sous une chaleur écrasante de plus de 32 °C, sur un parcours poussiéreux, non asphalté, long de 40 km à travers les collines du Missouri.
Pire encore : un seul point d’eau était prévu, à mi-parcours, et les organisateurs pensaient même que la privation d’eau permettrait d’étudier les effets de la déshydratation sur le corps humain. Résultat : les athlètes furent frappés de crampes, vomissements, hallucinations, et beaucoup durent abandonner.
Des concurrents… inattendus
Les participants eux-mêmes formaient un tableau déroutant. Sur les 32 coureurs engagés, plusieurs n’étaient ni professionnels ni préparés. L’un des favoris, Fred Lorz, abandonna après 14 km… avant de reprendre la course en voiture. Tombé en panne à 8 km de l’arrivée, il repartit à pied et franchit la ligne d’arrivée sous les acclamations. Il fut brièvement félicité par la fille du président Roosevelt, avant d’être démasqué et disqualifié.
Un autre coureur, Thomas Hicks, fut déclaré vainqueur après avoir été littéralement dopé par son équipe : on lui administra plusieurs doses de strychnine, un stimulant utilisé à l’époque, mélangé à du brandy. Il termina la course en titubant, semi-inconscient, porté par ses entraîneurs.
Quant à Andarín Carvajal, un facteur cubain, il courut en chaussures de ville et en pantalon coupé au couteau. Après s’être arrêté pour manger des pommes fermentées dans un verger, il souffrit de crampes violentes, fit une sieste… mais termina quand même quatrième.
Une épreuve absurde devenue légendaire
Le marathon de Saint-Louis est aujourd’hui considéré comme un symbole du chaos olympique des débuts. Aucun autre marathon n’a connu un tel mélange de tricheries, d’expérimentations douteuses, de malchance et d’improvisation totale.
Mais derrière l’absurde, il révèle aussi les débuts tâtonnants du sport moderne, avant l’ère des règles strictes, du professionnalisme et des normes sanitaires. En 1904, courir un marathon n’était pas encore une science… c’était une aventure hasardeuse à la limite de la comédie.
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Estão a faltar episódios?
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Durant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs milliers de Français firent le choix de s’engager non pas dans la Résistance… mais dans les rangs de l’armée allemande. Parmi eux, environ 2 500 furent enrôlés dans la division Charlemagne, une unité de la Waffen-SS, l’aile militaire du parti nazi. Une décision choquante pour la mémoire collective, mais qui répond à des logiques idéologiques, politiques et personnelles complexes.
Le contexte du recrutement
Dès 1941, après l’invasion de l’URSS par l’Allemagne nazie, le régime de Vichy et les collaborateurs parisiens intensifient leur propagande contre le "bolchevisme", présenté comme l’ennemi absolu. Dans ce climat, de nombreux Français issus de l’extrême droite, des milieux fascistes ou ultra-catholiques voient dans l’Armée allemande un rempart contre le communisme.
C’est dans ce cadre que naît d’abord la Légion des Volontaires Français contre le Bolchevisme (LVF), en 1941, qui combat sous l’uniforme allemand sur le front de l’Est. Mais en 1943, la SS décide de créer une unité spécifique pour les volontaires étrangers : la division SS Charlemagne, formée en 1944 à partir des survivants de la LVF, de la Milice, et d’anciens membres de la Gestapo française.
Pourquoi s’engager dans la Waffen-SS ?
Les motivations sont multiples :
Idéologiques : Certains étaient sincèrement acquis à l’idéologie nazie, admirateurs d’Hitler, antisémites convaincus ou anticommunistes radicaux.
Politiques : D’autres voyaient l’adhésion à la Waffen-SS comme un moyen d’accélérer la collaboration entre la France et l’Allemagne, rêvant d’une Europe nouvelle, dirigée par l’Allemagne nazie.
Opportunistes : Pour certains jeunes en rupture, engagés tardivement, c’était une voie pour échapper à la misère, à des poursuites judiciaires ou au Service du Travail Obligatoire (STO).
Par fanatisme ou fatalisme : Surtout après la Libération, certains collaborateurs français rejoignent la Charlemagne comme dernier refuge, préférant fuir vers l’Est plutôt que de tomber aux mains des Alliés.
La division Charlemagne sur le front
La division est engagée en Poméranie début 1945, où elle subit des pertes terribles face à l’Armée rouge. Une centaine de survivants participe ensuite à la défense de Berlin en avril 1945, dans les tout derniers jours du régime nazi. Ces SS français figurent parmi les derniers défenseurs du bunker d’Hitler. Certains, comme Henri Joseph Fenet, se distinguent par leur fanatisme, recevant même des décorations nazies.
Une mémoire taboue
Après la guerre, les survivants furent jugés pour trahison, certains exécutés, d’autres emprisonnés. Le sujet resta longtemps tabou en France, tant il heurtait l’image d’un pays tout entier résistant. Pourtant, l’histoire de la division Charlemagne rappelle que la collaboration militaire avec le nazisme a aussi été une réalité française — marginale, mais bien réelle.
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Entre 1914 et 1918, des millions de soldats se sont retrouvés plongés dans l’enfer des tranchées, où la boue, le froid, les bombardements et la faim faisaient partie du quotidien. Si l’on pense souvent aux combats, on oublie que l’un des défis majeurs de la guerre fut logistique : comment nourrir quotidiennement des armées entières, réparties sur des centaines de kilomètres de front ? La réponse n’est pas simple… car les repas des poilus étaient souvent irréguliers, monotones, voire misérables.
Des repas très variables selon les circonstances
Le ravitaillement dépendait largement de la situation tactique. En première ligne, sous le feu ennemi, les soldats avaient souvent peu à manger. Les rations devaient être transportées à pied ou en charrette, parfois en pleine nuit, sur des chemins boueux ou détruits. Il arrivait donc que les poilus ne reçoivent rien pendant plusieurs jours, ou seulement des denrées froides et peu appétissantes.
À l’arrière ou dans les cantonnements plus sûrs, la situation s’améliorait un peu. Les soldats pouvaient bénéficier de repas chauds préparés par la “popote”, la cuisine roulante de l’armée.
Un menu répétitif et peu équilibré
L’alimentation se composait essentiellement de pain, de légumes secs (lentilles, pois cassés), de riz, de pommes de terre et de viande en conserve, souvent du “singe”, surnom donné au bœuf en boîte, souvent dur et peu savoureux.
La ration quotidienne réglementaire pouvait comprendre::
750 grammes de pain ou de biscuit de guerre (dur et sec)
100 grammes de viande (souvent en conserve)
Un peu de vin ou d’eau-de-vie
Du café ou de la chicorée
Du sucre et parfois un peu de confiture ou de chocolat
Les fruits et les légumes frais étaient quasiment absents, ce qui favorisait des carences (notamment en vitamine C) et des maladies comme le scorbut, bien que rares.
Le troc, la débrouille… et les colis
Les soldats compensaient souvent la pauvreté de leurs repas par le système D. Ils troquaient entre eux, récupéraient des aliments chez les civils ou comptaient sur les colis envoyés par les familles : saucisson, fromage, confiture, tabac ou alcool, autant de trésors venus du pays.
Ces colis avaient aussi une forte valeur morale, rappelant au soldat qu’il n’était pas seul dans sa tranchée. Manger devenait alors un moment de réconfort, de partage, parfois le seul plaisir au cœur de l’horreur.
Conclusion
L’alimentation dans les tranchées, souvent pénible et insuffisante, était un combat quotidien. Entre ration militaire, débrouille et colis familiaux, les poilus survivaient avec ce qu’ils avaient, entre camaraderie, privation et espoir de lendemains meilleurs.
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Dans l’imaginaire contemporain, les statues de l’Antiquité sont souvent perçues comme de froids blocs de marbre immaculé, exposés dans des musées silencieux. Mais la recherche pionnière de l’archéologue danoise Cecilie Brøns révèle une réalité bien différente : dans l’Antiquité, les statues étaient colorées, habillées, ornées de bijoux… et parfumées. Cette découverte, publiée en 2025, réinscrit l’art antique dans une expérience sensorielle globale, où l’odorat tenait un rôle central.
Le parfum comme offrande divine
L’usage du parfum dans l’Antiquité ne se limitait pas à la toilette personnelle ou à la séduction. Il s’agissait aussi d’un acte religieux, un moyen de rendre hommage aux dieux. Dans les sanctuaires, les prêtres et prêtresses oignaient les statues sacrées avec des huiles aromatiques coûteuses : essence de rose, de myrrhe, de nard ou de cannelle, souvent mélangées à de l’huile d’olive ou à de la cire d’abeille. À Délos, des documents comptables mentionnent les sommes importantes dépensées pour parfumer les effigies d’Artémis ou d’Apollon, preuve de l’importance de cette pratique.
Ces rituels n’étaient pas uniquement symboliques. Dans les croyances antiques, les dieux vivaient dans leurs statues. Les soigner, les habiller, les parfumer revenait donc à honorer leur présence réelle. Le parfum, volatil et invisible, servait de pont entre le monde humain et le monde divin.
Une esthétique du vivant
Au-delà du rituel, parfumer les statues contribuait à leur donner une présence vivante. Comme le rappelle Cecilie Brøns, ces effigies n’étaient pas conçues pour être contemplées dans un silence muséal : elles étaient exposées dans des temples animés, au milieu des chants, des prières, des fumées d’encens et… des odeurs.
Certaines statues étaient même mobiles : montées sur des chars ou portées en procession, elles étaient lavées, habillées, décorées de guirlandes florales et abondamment parfumées lors des grandes fêtes religieuses. On retrouve cette pratique lors des Floralia romaines ou des Panathénées à Athènes, où les effigies de divinités participaient activement à la vie collective.
Un art multisensoriel à redécouvrir
En restituant l’usage des parfums, la recherche de Cecilie Brøns invite à repenser radicalement notre rapport à l’art antique. Ces œuvres n’étaient pas seulement visuelles : elles engageaient tous les sens, dans une esthétique du sacré incarné. Le marbre n’était pas froid, il était chaud de vie. Et le dieu, loin d’être figé, respirait à travers l’odeur de ses offrandes.
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Pendant des siècles, l’image que l’on s’est faite du copiste médiéval est celle d’un moine penché sur son pupitre, dans la pénombre d’un scriptorium monastique. Mais cette vision masculine et cloîtrée est aujourd’hui sérieusement remise en question par des chercheurs norvégiens. Grâce à une analyse minutieuse de près de 24 000 colophons, ces notes personnelles glissées à la fin des manuscrits, des chercheurs norvégiens révèlent une vérité restée dans l’ombre : les femmes ont joué un rôle bien plus important dans la production de manuscrits médiévaux qu’on ne le pensait.
Les colophons, archives intimes des copistes
Le colophon, souvent relégué à la dernière page d’un manuscrit, est bien plus qu’une simple formule de clôture. Il s’agit parfois d’un véritable instantané de vie, où le copiste note la date de fin de copie, ses conditions de travail, ses sentiments… et parfois, son nom. C’est en épluchant ces milliers de colophons, issus de manuscrits dispersés dans les bibliothèques européennes, que les chercheurs ont commencé à identifier des signatures féminines, souvent discrètes mais indéniables.
Parmi elles, des nonnes copistes, travaillant dans des couvents où la culture du livre tenait une place centrale, mais aussi des femmes laïques, parfois membres de confréries lettrées ou même artisanes indépendantes. Leurs œuvres couvrent une grande variété de textes : traités religieux, livres de prières, romans, ouvrages scientifiques, manuels médicaux…
Une production massive et longtemps ignorée
Selon l’estimation des chercheurs, plus de 110 000 manuscrits du Moyen Âge pourraient avoir été copiés par des femmes, un chiffre impressionnant qui vient ébranler l’idée d’un monopole masculin sur le savoir médiéval.
Comment expliquer alors ce long silence autour de ces scribes ? D’abord, beaucoup de femmes signaient peu ou pas leurs travaux, par humilité religieuse ou parce que leur signature n’était pas jugée digne d’intérêt. Ensuite, les historiens eux-mêmes ont longtemps négligé les sources qui permettaient d’identifier ces actrices de l’ombre.
Enfin, les colophons féminins, quand ils existent, sont parfois cryptiques : prénoms tronqués, formulations effacées, ou usages de noms religieux flous. Il faut donc une enquête philologique et historique minutieuse pour leur redonner une voix.
Un nouvel éclairage sur le Moyen Âge
Ces découvertes obligent à repenser le rôle des femmes dans la transmission du savoir et la culture de l’écrit. Elles montrent que, loin d’être passives, de nombreuses femmes ont été des actrices discrètes mais fondamentales de la vie intellectuelle médiévale.
Grâce aux colophons, ces "mains silencieuses" reprennent enfin la parole.
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Le plan Morgenthau est une proposition élaborée en 1944, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui visait à affaiblir durablement l’Allemagne pour l’empêcher de redevenir une menace militaire. Son nom vient de Henry Morgenthau Jr., secrétaire au Trésor des États-Unis sous le président Franklin D. Roosevelt.
Un projet radical de désindustrialisation
Ce plan avait un objectif clair : transformer l’Allemagne en un pays essentiellement agricole, en détruisant son potentiel industriel. L’idée était de neutraliser à jamais sa capacité à faire la guerre, en supprimant ses usines, en fermant ses mines, et en démantelant son armement. Morgenthau, profondément marqué par les ravages de deux guerres mondiales, pensait qu’il fallait frapper fort pour éviter une troisième.
Le plan prévoyait notamment :
La démilitarisation complète de l’Allemagne.
La désindustrialisation de la Ruhr, cœur industriel du pays.
La division du territoire allemand en zones d’occupation durables.
Une réduction volontaire du niveau de vie des Allemands pour décourager toute velléité de revanche.
Une proposition controversée
Si Roosevelt approuve d'abord le plan, notamment lors de la conférence de Québec en septembre 1944, il est rapidement confronté à des critiques virulentes. Les opposants — parmi lesquels Winston Churchill — redoutent que cette politique punitive ne radicalise davantage la population allemande et n’alimente le communisme, à un moment où l’Union soviétique gagne de l’influence en Europe.
De plus, l’opinion publique américaine, bien que hostile à l’Allemagne nazie, commence à s’inquiéter des conséquences humanitaires d’une telle politique. On craint la famine, la misère, et l’effondrement de la société allemande.
Abandonné, mais pas sans influence
Face aux critiques, le plan Morgenthau est finalement abandonné officiellement fin 1944. Toutefois, certaines de ses idées ont brièvement influencé les politiques alliées dans l’immédiat après-guerre.
Mais rapidement, dans le contexte naissant de la Guerre froide, les États-Unis changent de stratégie : l'Allemagne de l’Ouest devient un allié économique et stratégique, et au lieu de l’affaiblir, on cherche à la reconstruire, notamment grâce au plan Marshall à partir de 1947.
Conclusion
Le plan Morgenthau incarne une vision punitive de l’après-guerre, marquée par la volonté d’éliminer toute menace allemande. Bien qu’il n’ait jamais été pleinement appliqué, il reflète les débats intenses sur la manière de garantir une paix durable après les horreurs du nazisme.
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Au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, un étrange et macabre commerce prospère dans les rues sombres de Londres, d’Édimbourg ou même de Paris : celui des résurrectionnistes, aussi appelés pilleurs de tombes. À la faveur de la nuit, ces hommes s’introduisent dans les cimetières fraîchement remplis, creusent en silence et volent les cadavres, qu’ils revendent ensuite aux écoles de médecine.
Mais pourquoi un tel trafic ? Et surtout, pourquoi la médecine en avait-elle besoin ?
Le besoin pressant de cadavres pour la science
À cette époque, la médecine connaît un tournant décisif. Les chirurgiens et anatomistes cherchent à mieux comprendre le corps humain. Les dissections deviennent essentielles à l’enseignement médical, mais un obstacle majeur se dresse : la rareté des corps disponibles légalement.
En effet, seules les dépouilles des criminels exécutés étaient autorisées à être disséquées. Or, les pendaisons deviennent de moins en moins fréquentes, tandis que les écoles de médecine, elles, se multiplient. Résultat : une pénurie de corps qui pousse les établissements à se tourner vers le marché noir.
C’est là qu’interviennent les résurrectionnistes. Ils étaient souvent des ouvriers pauvres, parfois même des fossoyeurs complices, qui échangeaient les cadavres contre quelques livres sterling. Et attention : il ne s’agissait pas de voler les cercueils ou les objets de valeur — un crime puni sévèrement — mais bien les corps eux-mêmes. Étrangement, le vol de cadavre n’était pas considéré comme un crime en soi, car le corps n’était pas juridiquement "une propriété".
Une activité à haut risque
Les résurrectionnistes travaillaient vite, souvent en moins d’une heure. Ils creusaient juste au-dessus du cercueil, brisaient le couvercle, passaient une corde sous les aisselles du cadavre et l’extrayaient. Parfois, ils le dénudaient sur place pour éviter toute accusation de vol d’effets personnels.
Mais ce trafic ne tarda pas à scandaliser l’opinion publique. Les familles s’indignaient à l’idée que leurs proches puissent être profanés. Certaines prenaient les devants en coulant les cercueils dans du béton, en embauchant des gardes de cimetière, ou en installant des cages de fer autour des tombes.
La fin des résurrectionnistes
Le scandale atteint son apogée avec des affaires comme celle de Burke et Hare, en Écosse, qui, pour éviter le creusement, passèrent directement… au meurtre.
Face à l’indignation, les autorités réagirent. En Grande-Bretagne, le Anatomy Act de 1832 légalisa la dissection de cadavres non réclamés, mettant fin au trafic.
Les résurrectionnistes ont donc, paradoxalement, joué un rôle central dans le progrès médical. Mais leur activité rappelle les tensions éthiques entre science, légalité… et respect des morts.
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Lorsque l’on pense aux Gaulois, on imagine souvent des guerriers chevelus, armés d’épées, buvant de l’hydromel dans des festins bruyants. Mais leurs pratiques funéraires, elles, restent bien moins connues… et parfois très surprenantes. Parmi elles, l’enterrement en position assise, observé dans certaines régions de la Gaule, intrigue depuis des décennies les archéologues.
Contrairement à l’inhumation classique allongée sur le dos, cette posture particulière — jambes repliées, corps placé dans une fosse étroite — a été découverte dans plusieurs sépultures, principalement datées du second âge du Fer, entre 500 et 50 avant notre ère. Cette pratique n’était pas la norme, mais elle était suffisamment fréquente pour interpeller les chercheurs.
Un geste symbolique fort ?
Pourquoi donc enterrer quelqu’un assis ? Plusieurs hypothèses coexistent. La première, et sans doute la plus couramment avancée, est d’ordre symbolique et statutaire. La position assise pourrait avoir été réservée à des personnages de haut rang, des chefs ou des figures spirituelles, pour marquer leur autorité même dans la mort. Être assis, c’est être en position de domination, de vigilance, presque de méditation. Le défunt aurait ainsi été présenté comme un veilleur, gardien du clan ou intermédiaire avec les ancêtres.
Une autre interprétation voit dans cette position une référence au monde des vivants : le mort n’est pas couché, donc pas "absent", mais encore actif, présent, prêt à prendre part aux banquets de l’au-delà. Cette idée est renforcée par la présence fréquente d’objets déposés dans la tombe : vaisselle, armes, bijoux… autant d’éléments qui accompagnent le défunt dans son dernier voyage.
Un rite aux origines multiples
Il est aussi possible que ce rite ait des racines culturelles plus anciennes, peut-être issues de traditions venues de l’est de l’Europe ou même de contacts avec des peuples nomades qui pratiquaient déjà l’inhumation assise. Ce type d’enterrement a également été observé dans d’autres civilisations, comme chez certains peuples scythes ou thraces.
Enfin, certains chercheurs envisagent une explication plus pragmatique : dans des contextes particuliers, comme des urgences liées à la guerre ou à des épidémies, il aurait été plus simple de creuser une fosse étroite et d’y placer le corps replié. Mais cette explication ne tient pas toujours, car certaines tombes assises sont très soigneusement aménagées.
Un indice des croyances gauloises
Ce geste funéraire reste donc encore partiellement mystérieux, mais il nous parle d’un peuple dont la vision de la mort était profondément spirituelle, symbolique et sociale. Les Gaulois n’enterraient pas leurs morts au hasard : ils les mettaient en scène, même après la vie.
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En 1726, l’Angleterre connaît l’un des scandales médicaux les plus étranges de son histoire. À Godalming, un petit village du Surrey, une domestique illettrée nommée Mary Toft prétend donner naissance à des lapins. Oui, des lapins.
Tout commence lorsque Mary, enceinte, affirme avoir fait une fausse couche après avoir été effrayée par un lapin dans les champs. Peu de temps après, elle se met à "accoucher" d’étranges restes d’animaux : morceaux de lapins, entrailles de chat, fragments d’os. Son beau-frère, intrigué, alerte un chirurgien local, John Howard, qui constate lui-même la présence de fragments animaux qu’il pense expulsés par voie vaginale.
Fasciné, Howard envoie des lettres à des médecins de renom à Londres, dont Nathaniel St. André, chirurgien du roi George Ier. Ce dernier, enthousiasmé par cette affaire qu’il pense être une découverte médicale majeure, vient examiner Mary Toft. Et là, il assiste de ses propres yeux à un "accouchement" de lapins. Stupéfait, il en parle à la cour : le roi lui-même veut en savoir plus.
Mary est transférée à Londres, au centre de l’attention médiatique et médicale. Elle est examinée, disséquée symboliquement, interrogée. On envisage même que ses "enfants lapins" soient la preuve d’un phénomène biologique rare : la "théorie de l’impression maternelle", selon laquelle une émotion forte pouvait influencer la forme du fœtus.
Mais bientôt, les doutes s’accumulent. Les lapins "nés" de Mary sont en réalité de jeunes spécimens parfaitement formés, certains digèrent même du foin. Finalement, Mary avoue : c’est une supercherie. Avec l’aide de complices, elle insérait des morceaux d’animaux dans son vagin, simulant des accouchements. Pourquoi ? Pour attirer l’attention, pour l’argent, ou peut-être sous la pression de ceux qui l’ont exploitée.
L’affaire fait scandale. Mary est emprisonnée, puis relâchée sans condamnation formelle. Quant aux médecins impliqués, leur réputation est ruinée. St. André, en particulier, devient la risée du public.
Mais au-delà du sensationnalisme, cette affaire révèle les failles de la médecine du XVIIIe siècle, où les patientes pauvres n’étaient pas écoutées, mais disséquées symboliquement par des hommes en quête de gloire. Mary Toft, à sa manière, a retourné ce pouvoir en jouant avec les attentes et les croyances de son temps.
L’affaire des lapins de Mary Toft n’est pas seulement une imposture grotesque : c’est un miroir des inégalités sociales, du statut des femmes et de la crédulité des élites face à ce qu’elles veulent désespérément croire.
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L’expression « faire le mariolle » (ou le mariole) signifie aujourd’hui faire le malin, se donner en spectacle, ou se croire plus intelligent que les autres, souvent à tort. Mais d’où vient ce mot, et quel est son lien avec… Napoléon Bonaparte ? C’est une histoire à la fois linguistique et historique.
Une origine italienne… napoléonienne ?
Le mot "mariolle" serait dérivé de "mariolo" en italien, qui désigne un filou, un fourbe, voire un voleur rusé. Le terme aurait été introduit en français au début du XIXe siècle, précisément à l’époque des campagnes napoléoniennes en Italie.
Les soldats français en contact avec les Italiens auraient ramené ce mot dans leur langage courant, en le francisant. À l’origine, un "mariolle", c’est donc un petit malin, un type rusé, souvent avec une connotation péjorative.
Mais alors, quel rapport avec Napoléon ?
C’est là que ça devient intéressant. Selon certains linguistes et historiens du langage, le mot "mariolle" aurait été associé dans l’armée française à une catégorie particulière de soldats : ceux qui voulaient se faire remarquer par leur bravoure, leur panache, leur façon de "frimer" auprès des officiers… souvent sans en avoir les compétences.
Dans les rangs de l’armée napoléonienne, "faire le mariolle", c’était se pavaner, parler fort, faire le fanfaron… mais pas forcément briller au combat. Bref, le contraire du vrai courage militaire. Napoléon lui-même aurait raillé ce genre de comportement, préférant la discipline et la stratégie à la fanfaronnade.
L’évolution du sens
Au fil du temps, l’expression s’est répandue dans le langage populaire français. On disait d’un homme qu’il « faisait le mariolle » s’il se donnait un genre, jouait au plus malin, ou prétendait tout savoir sans raison valable.
Aujourd’hui, l’expression conserve ce sens d’arrogance légère, un peu moqueur, sans pour autant être franchement insultante. On l’emploie souvent sur un ton familier ou amusé.
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Une étude récente met en lumière l'impact significatif de la pollution au plomb générée par l'Empire romain sur la santé cognitive des populations européennes de l'Antiquité. Cette recherche, publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), révèle que les émissions massives de plomb, principalement issues des activités minières et métallurgiques, ont probablement entraîné une diminution moyenne de 2,5 à 3 points du quotient intellectuel (QI) des habitants de l'époque.
Méthodologie de l'étude
Les chercheurs ont analysé des carottes de glace prélevées dans l'Arctique, qui conservent des traces des polluants atmosphériques anciens. Ces échantillons permettent de reconstituer avec précision les variations des concentrations de plomb dans l'atmosphère au fil du temps. Les résultats indiquent que la pollution au plomb a atteint son apogée à la fin du IIᵉ siècle avant J.-C., période correspondant à l'apogée de la République romaine. Une diminution notable est observée au Iᵉʳ siècle avant J.-C., durant la crise de la République, suivie d'une nouvelle augmentation vers 15 avant J.-C., avec l'avènement de l'Empire romain. Cette pollution est restée élevée jusqu'à la peste antonine (165-180 après J.-C.), qui a gravement affecté l'Empire.
Sources de la pollution au plomb
L'extraction de l'argent, essentielle pour la production monétaire romaine, était la principale source de cette pollution. Pour obtenir de l'argent, les Romains fondaient de grandes quantités de galène, un minerai riche en plomb. Ce processus libérait d'importantes quantités de plomb dans l'atmosphère. On estime qu'au cours des deux siècles d'apogée de l'Empire, plus de 500 000 tonnes de plomb ont été émises.
Conséquences sur la santé publique
L'exposition chronique au plomb est connue pour ses effets délétères sur la santé, notamment sur le développement cognitif. Chez les enfants, même de faibles niveaux d'exposition sont associés à une diminution du QI, des troubles de l'attention et une baisse des performances scolaires. Chez les adultes, le plomb peut provoquer de l'anémie, des troubles neurologiques, des maladies cardiovasculaires et augmenter le risque de cancer.
Impact démographique et sociétal
Les chercheurs suggèrent que cette pollution au plomb a pu contribuer à affaiblir la population romaine, la rendant plus vulnérable aux épidémies, notamment lors de la peste antonine. Cette épidémie aurait causé la mort de 5 à 10 millions de personnes, exacerbant les difficultés de l'Empire.
Conclusion
Cette étude souligne que la pollution industrielle n'est pas un phénomène exclusivement moderne. Dès l'Antiquité, les activités humaines ont eu des impacts environnementaux et sanitaires significatifs. Les recherches futures pourraient approfondir la compréhension des interactions entre pollution ancienne et dynamiques sociétales, offrant ainsi des perspectives sur les défis environnementaux contemporains.
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Pour écouter mon podcast Le fil IA:
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À la fin du Xe siècle, des colons vikings venus d’Islande, menés par Érik le Rouge, s’installent sur la côte sud-ouest du Groenland. Pendant plusieurs siècles, ils y vivent, élèvent du bétail, bâtissent des églises, commercent avec l’Europe… puis, au XVe siècle, ils disparaissent. Mais pourquoi ? Pourquoi ces colonies scandinaves ont-elles été abandonnées ?
Plusieurs facteurs, combinés, expliquent ce retrait.
D’abord, le climat. Au moment de l’installation des Vikings, l’Atlantique Nord connaît un réchauffement appelé l’optimum climatique médiéval. Les températures sont relativement clémentes, permettant la culture de l’orge et l’élevage de vaches et de moutons. Mais à partir du XIIIe siècle, le climat change. Un épisode plus froid et humide s’installe : c’est le début du petit âge glaciaire. Les hivers deviennent plus longs, les mers se couvrent de glace, et les pâturages disparaissent sous le pergélisol. Les rendements agricoles chutent, et la population commence à souffrir de malnutrition.
Ensuite, l’isolement croissant. Le Groenland viking dépendait des échanges avec la Norvège pour obtenir du fer, du bois, du goudron et d’autres produits essentiels. Or, au XIVe siècle, les expéditions deviennent plus rares, en partie à cause du refroidissement des mers, mais aussi à cause de crises politiques et économiques en Europe. La peste noire, qui frappe le continent à partir de 1347, affaiblit davantage les réseaux commerciaux.
Le commerce du morse joue également un rôle. Les Vikings exportaient de l’ivoire de morse vers l’Europe, où il était très recherché pour la sculpture. Mais à partir du XIIIe siècle, l’ivoire africain devient plus accessible et moins cher. Le produit vedette des Groenlandais perd de sa valeur, affaiblissant l’économie locale.
La rigidité culturelle a aussi pesé. Les colons groenlandais ont tenté de reproduire leur mode de vie européen dans un environnement beaucoup plus rude. Ils ont préféré garder leurs habitudes d’élevage plutôt que de s’adapter à un régime plus marin, comme le faisaient les Inuits, pourtant bien mieux adaptés à l’environnement local. Il n’y a aucune trace d’assimilation ni de coopération durable entre Vikings et Inuits.
Finalement, les dernières traces écrites datent du début des années 1400. Les églises sont abandonnées, les maisons vides, les ossements montrent des signes de famine.
En somme, le départ des Vikings du Groenland n’est pas dû à une seule cause spectaculaire, mais à une lente agonie, faite de climat de plus en plus rude, d’isolement économique, de rigidité culturelle… et peut-être, d’un dernier bateau qui n’est jamais revenu.
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Les récentes déclassifications des archives relatives à l'assassinat du président John F. Kennedy ont mis à disposition du public environ 80 000 pages de documents. Ces archives, désormais accessibles au National Archives at College Park dans le Maryland, seront progressivement mises en ligne au fur et à mesure de leur numérisation.
1. Interactions de Lee Harvey Oswald avec des entités étrangères :
Les documents déclassifiés apportent des précisions sur les contacts de Lee Harvey Oswald avec les ambassades soviétique et cubaine, notamment lors de son séjour à Mexico en septembre 1963. Ces informations incluent des transcriptions d'écoutes téléphoniques et des rapports de surveillance, suggérant qu'Oswald a tenté d'obtenir un visa pour Cuba via l'ambassade cubaine, avec l'intention éventuelle de se rendre ensuite en Union soviétique. Ces interactions ont alimenté les spéculations sur d'éventuelles influences étrangères dans l'assassinat de Kennedy.
2. Relations tendues entre JFK et les agences de renseignement :
Les archives révèlent que, suite à l'échec du débarquement de la baie des Cochons en 1961, le président Kennedy envisageait de réduire le pouvoir de la CIA. Un mémo de son assistant spécial, Arthur Schlesinger Jr., datant de juin 1961, propose que le Département d'État prenne le contrôle des activités clandestines et suggère une possible division de la CIA. Cette volonté de restructuration témoigne de la méfiance croissante de Kennedy envers l'agence.
3. Allégations d'implication de la CIA :
Certains documents contiennent des affirmations selon lesquelles une "clique de la CIA" aurait été responsable de l'assassinat de Kennedy, craignant que le président n'expose leurs activités illégales, notamment le trafic d'armes et de stupéfiants. Par exemple, Gary Underhill, un ancien officier du renseignement de l'armée américaine, exprimait des craintes pour sa vie et était persuadé que la CIA était impliquée dans l'assassinat de JFK. Ces allégations, bien que controversées, ravivent les théories du complot entourant l'événement.
4. Détails sur les opérations de surveillance :
Les archives dévoilent des informations sur les méthodes de surveillance et d'espionnage de la CIA à l'époque, y compris des transcriptions non censurées de témoignages d'officiers supérieurs du contre-espionnage, comme James Angleton. Ces documents offrent un aperçu des pratiques de l'agence durant la guerre froide, notamment l'utilisation de techniques de surveillance sophistiquées et les relations avec des exilés cubains.
Ces nouvelles informations enrichissent la compréhension du contexte politique et des opérations des agences de renseignement américaines dans les années 1960, bien qu'elles ne fournissent pas nécessairement de réponses définitives aux nombreuses questions entourant l'assassinat de JFK.
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Au printemps 1917, l’armée française traverse l’une des plus graves crises de son histoire : des dizaines de milliers de soldats se mutinent, refusant de monter au front. Contrairement à une idée reçue, ces hommes ne se rebellent pas pour fuir le combat, mais pour protester contre des conditions de guerre devenues insupportables.
Tout commence avec l’offensive du Chemin des Dames, lancée en avril 1917 par le général Nivelle. Elle devait être décisive, briser les lignes allemandes et mettre fin à l’impasse de la guerre de tranchées. Mais c’est un échec sanglant : plus de 130 000 soldats français sont tués ou blessés en quelques jours, pour un gain territorial minime. Les tranchées sont remplies de boue, de cadavres, et les soldats, surnommés les "poilus", en sortent brisés physiquement et moralement.
Mais la colère couvait déjà. Depuis 1914, les soldats vivent l’horreur au quotidien : bombardements incessants, attaques à la baïonnette, gaz toxiques, conditions sanitaires déplorables. À cela s’ajoute le fossé entre le front et l’arrière : pendant que les poilus risquent leur vie, l’arrière semble reprendre une vie normale, et certains enrichis par la guerre paraissent indifférents à leur sort. Le moral s’effondre.
Les premières mutineries éclatent en mai 1917. Au total, elles toucheront près de 40 divisions sur les 110 que compte l’armée française. Des soldats refusent de retourner au front, chantent des chansons antimilitaristes, réclament des permissions, et parfois, hurlent : "À bas la guerre !". Mais ils ne désertent pas massivement : ils restent dans les casernes, dans les cantonnements, prêts à défendre leur patrie... mais plus à mourir pour des offensives absurdes.
Face à cette crise, l’état-major réagit avec fermeté mais aussi intelligence. Le général Pétain, qui remplace Nivelle en mai 1917, comprend qu’il faut restaurer la confiance. Il renonce aux offensives inutiles, améliore l’approvisionnement, allonge les permissions, renforce les soins médicaux. Il prend aussi des mesures répressives : 554 condamnations à mort sont prononcées, mais seules 49 exécutions auront effectivement lieu.
Ces mutineries resteront longtemps un sujet tabou, perçues comme une tache sur l’honneur militaire. Pourtant, elles expriment avant tout un ras-le-bol collectif face à l’inhumanité d’une guerre d’usure, et un désir de vivre, pas de trahir.
En somme, les mutineries de 1917 ne furent pas une rébellion contre la France, mais un cri désespéré de soldats à bout, épuisés par des années d’une guerre devenue absurde.
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L’image classique d’un Européen à la peau claire, aux yeux bleus et aux cheveux blonds ne correspond en réalité qu’à une évolution récente dans l’histoire humaine. Une nouvelle étude menée par Silvia Ghirotto et son équipe de généticiens de l’université de Ferrare, en Italie, bouleverse nos certitudes. En analysant 348 génomes anciens d’individus ayant vécu en Eurasie au cours des 45 000 dernières années, les chercheurs montrent que les traits clairs ne se sont généralisés qu’il y a environ 3 000 ans.
Jusqu’à l’âge du fer, donc jusque vers 1000 av. J.-C., la majorité des Européens avaient encore la peau, les cheveux et les yeux foncés. Les premiers Homo sapiens arrivés en Europe, il y a environ 50 000 à 60 000 ans, étaient encore très proches génétiquement de leurs ancêtres africains, dont ils avaient hérité des traits pigmentaires foncés, dus à des centaines de gènes interconnectés.
L’étude, publiée sur la plateforme scientifique BioRxiv.org, repose sur l’usage du système HIrisPlex-S, un outil utilisé en médecine légale pour prédire la couleur des yeux, de la peau et des cheveux à partir d’échantillons d’ADN même partiels. Grâce à une méthode appelée « inférence phénotypique probabiliste », les chercheurs ont pu reconstruire l’évolution des caractéristiques pigmentaires de nos ancêtres.
Les premiers indices de peau claire apparaissent au Mésolithique, il y a environ 12 000 ans, avec un individu découvert en Suède, identifié comme le premier à posséder à la fois les yeux, la peau et les cheveux clairs. Toutefois, ce type physique restait alors très rare.
C’est avec la diffusion des populations agricoles néolithiques, venues du Proche-Orient, que la fréquence des traits clairs commence à augmenter. Les mélanges génétiques, la migration et les sélections locales ont ensuite favorisé leur diffusion, notamment en Europe de l’Ouest.
Mais pourquoi cette évolution ? Selon Ghirotto, la peau claire offrait un avantage évolutif : elle permettait une meilleure synthèse de la vitamine D dans les régions au faible ensoleillement, comme le nord de l’Europe. En revanche, la couleur claire des yeux, elle, n’aurait pas présenté de bénéfice biologique évident, et serait plutôt liée à la sélection sexuelle… ou au hasard.
Ainsi, les Européens n’ont pas toujours eu la peau claire. Ce trait, emblématique aujourd’hui, est en fait le fruit d’une lente évolution, influencée par le climat, la migration et la génétique, bien plus tardive qu’on ne le pensait.
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Le Polari est un argot codé utilisé principalement par la communauté homosexuelle britannique au cours de la première moitié du XXe siècle, à une époque où l’homosexualité était non seulement taboue, mais aussi illégale au Royaume-Uni. Ce langage a permis à des générations d’hommes gays (et dans une moindre mesure de lesbiennes, de drag queens ou d’artistes de cabaret) de communiquer entre eux en toute discrétion, de se reconnaître dans l’espace public, et parfois même de se protéger.
Origines du Polari
Le Polari n’est pas né de nulle part. Il s’agit d’un mélange linguistique, un patchwork issu de plusieurs sources :
L’italien (notamment le vénitien), via le théâtre de rue et les marins ;
Le romani, la langue des gens du voyage ;
Le Cockney rhyming slang, argot populaire de Londres ;
Des éléments de français, de yiddish et de backslang (mots prononcés à l’envers).
Ce langage était déjà utilisé dans les milieux du spectacle itinérant, du cirque, des marchés forains, et surtout dans les théâtres, où se mêlaient artistes marginaux, travestis et homosexuels. Au fil du temps, il devient un code de reconnaissance pour la communauté gay urbaine, surtout à Londres, Manchester ou Brighton.
Pourquoi un argot secret ?
Jusqu’à la décriminalisation partielle de l’homosexualité en 1967 en Angleterre et au Pays de Galles, les homosexuels risquaient l’arrestation, l’emprisonnement, le chantage ou la violence. Le Polari permettait de flirter, plaisanter ou s’alerter discrètement sans éveiller les soupçons de la police ou des passants.
Exemple typique :
“Bona to vada your dolly old eek!” signifie “Ravi de voir ta jolie tête !”
(Bona = bon, vada = voir, dolly = joli, eek = visage, de “ecaf” = “face” à l’envers)
Déclin et résurgence
Après la légalisation partielle de l’homosexualité en 1967, le besoin de secret a diminué. Le Polari a peu à peu disparu, considéré parfois comme désuet ou stigmatisant par les jeunes générations gay en quête de reconnaissance sociale et d’intégration.
Cependant, le Polari a connu une renaissance culturelle. Des linguistes, artistes et activistes LGBTQ+ y voient un patrimoine queer précieux, témoin de la résistance et de la créativité face à l’oppression. Il est aujourd’hui étudié dans les universités et célébré dans certaines œuvres artistiques.
Un langage de survie devenu symbole
Le Polari n’était pas qu’un jeu de mots ou un code : c’était un outil de survie, un espace linguistique sûr, une manière d’exister dans un monde hostile. Il symbolise aujourd’hui l’ingéniosité et la solidarité d’une communauté qui, même dans la marginalité, n’a jamais cessé de s’exprimer avec humour, style… et fierté.
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En 1250, lors de la septième croisade, le roi de France Louis IX, futur Saint Louis, est fait prisonnier par les troupes égyptiennes à la suite de la désastreuse bataille de Mansourah, en Égypte. À la tête d’une armée chrétienne venue libérer Jérusalem, Louis avait tenté de prendre la ville du Caire, mais son expédition tourne rapidement au désastre. Son armée affaiblie par la maladie et la faim, il est capturé avec une partie de ses chevaliers par les Mamelouks.
C’est une première dans l’histoire de la royauté française : le roi lui-même est prisonnier d’un pouvoir musulman. Pour le libérer, les Mamelouks exigent une rançon colossale : 400 000 livres tournois, soit plus d’une fois et demie les revenus annuels de la Couronne. Une somme astronomique, inimaginable pour l’époque.
Et pourtant, cette somme est réunie en un temps record. Comment un royaume médiéval parvient-il à mobiliser autant de fonds aussi rapidement ?
Tout d’abord, la régente du royaume en l’absence du roi, Blanche de Castille, sa mère, prend en main la gestion de la crise. Elle lance une campagne d’emprunts massifs auprès des villes, des marchands et des ordres religieux. Les Templiers, puissants banquiers de l’époque, jouent un rôle central dans la logistique du paiement. Des impôts exceptionnels sont également levés, notamment la "dîme du roi", un prélèvement direct sur les revenus de l’Église, accepté par le clergé dans un effort patriotique. Les élites nobles, bien qu’ébranlées par la captivité du roi, participent aussi à l’effort.
Une partie de la rançon est versée en nature, notamment sous forme d’argent fondu. La monnaie est frappée sur place en Égypte avec l’aide des Templiers, qui assurent aussi la sécurité des transferts.
Finalement, Louis IX est libéré après un mois de captivité, mais il choisit de ne pas rentrer immédiatement en France. Il reste encore quatre ans en Terre sainte pour tenter, malgré tout, de sauver les objectifs de la croisade.
Cette libération spectaculaire, orchestrée avec une efficacité remarquable, montre à quel point la monarchie capétienne disposait déjà d’un appareil administratif solide, capable de mobiliser tout le royaume en période de crise. C’est aussi l’un des rares cas où un roi de France fut littéralement "acheté" pour revenir sur son trône.
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Aujourd’hui, le mètre est une évidence. Il sert à mesurer nos tables, nos routes ou même la taille de nos enfants. Mais ce que l’on sait moins, c’est qu’il a fallu sept années d’efforts acharnés pour le définir avec précision. Et que cette aventure, à la fois scientifique et humaine, remonte à la Révolution française.
En 1790, l’idée d’unifier les unités de mesure s’impose. Jusqu’alors, chaque région utilisait ses propres unités : toises, pieds, coudées… Un véritable casse-tête ! L’Assemblée constituante décide alors de créer une unité universelle, fondée non pas sur le corps humain – comme la longueur d’un pied ou d’un bras – mais sur la Terre elle-même.
L’idée est audacieuse : mesurer un quart du méridien terrestre, c’est-à-dire la distance entre l’équateur et le pôle, puis diviser ce quart en dix millions de parties égales. L’une de ces parties deviendrait le mètre. Simple sur le papier… mais redoutablement complexe à réaliser.
Pour cette mission, deux astronomes sont désignés en 1791 : Jean-Baptiste Delambre et Pierre Méchain. Leur tâche ? Mesurer avec la plus grande précision possible la distance entre Dunkerque et Barcelone. Pourquoi ce trajet ? Parce qu’il traverse un arc de méridien, en passant par Paris.
Ils utilisent une méthode très rigoureuse pour l’époque : la triangulation. Elle consiste à créer un réseau de triangles entre des points élevés – clochers, tours, montagnes – et à en mesurer les angles pour calculer les distances. Le problème, c’est que chaque point nécessite des calculs précis, une installation minutieuse des instruments, et souvent des journées d’attente pour avoir un ciel dégagé.
À cela s’ajoutent les obstacles humains. Nous sommes en pleine Révolution, puis sous la Terreur. Les deux scientifiques sont souvent pris pour des espions avec leurs longues-vues et leurs plans. Ils doivent sans cesse expliquer leur mission aux autorités locales, parfois hostiles. Méchain, de son côté, est obsédé par l’exactitude, au point de refaire certains calculs pendant des mois, voire des années.
Au final, leur mission s’achève en 1798. Un an plus tard, en 1799, le mètre est officiellement adopté comme unité de mesure. Il est né d’une volonté de raison et de science, mais aussi d’un effort titanesque. Une unité universelle… issue d’une aventure humaine hors norme.
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Entre le début du XVIIe siècle et le milieu du XIXe siècle, le Japon a connu une période d’isolement volontaire connue sous le nom de sakoku – littéralement « pays verrouillé ». Cette politique, instaurée par le shogunat Tokugawa en 1639, a duré plus de deux siècles, jusqu’à l’ouverture forcée du pays en 1853. Pendant cette période, le Japon a strictement limité ses contacts avec l’étranger, tant sur le plan commercial que culturel et religieux.
L’origine de cet isolement remonte à la crainte d’une déstabilisation du pouvoir politique et social. Dès le milieu du XVIe siècle, les Européens – Portugais, Espagnols, Hollandais et Anglais – arrivent au Japon, apportant avec eux des technologies nouvelles, comme les armes à feu, mais aussi des idées, notamment le christianisme.
Les missionnaires jésuites, en particulier François Xavier, obtiennent des succès impressionnants : on estime à plus de 300 000 le nombre de Japonais convertis au christianisme vers 1600. Cette expansion rapide alarme les autorités. Le christianisme est perçu comme une menace directe à l’unité du pays, car il crée une allégeance spirituelle étrangère – au pape – qui échappe au contrôle du shogun.
En 1614, le christianisme est interdit. Les missionnaires sont persécutés, les convertis traqués. Le point culminant de cette répression est la révolte de Shimabara (1637-1638), menée en partie par des paysans chrétiens. Elle est violemment réprimée et confirme, aux yeux du shogunat, le danger des influences étrangères.
C’est dans ce contexte que le Japon adopte le sakoku :
Interdiction d’entrée sur le territoire pour les étrangers, sauf les marchands hollandais, confinés sur l’îlot artificiel de Dejima, dans le port de Nagasaki.
Interdiction de sortie pour les Japonais, même pour des raisons commerciales ou religieuses, sous peine de mort.
Contrôle strict du commerce extérieur, limité à la Chine, la Corée et les Pays-Bas.
L’objectif du sakoku était double : maintenir la paix intérieure dans un pays que les Tokugawa venaient à peine de pacifier après une longue période de guerres civiles, et éviter toute forme de colonisation ou d'ingérence étrangère, comme on en voyait déjà en Chine ou aux Philippines.
Ce n’est qu’en 1853, avec l’arrivée des navires noirs du commodore Matthew Perry, que l’isolement prend fin. Menacé par la supériorité technologique des États-Unis, le Japon signe le traité de Kanagawa en 1854, ouvrant ses ports au commerce international. Ce moment marquera le début de la modernisation rapide du Japon sous l’ère Meiji.
Ainsi, loin d’un repli par ignorance, le sakoku fut une stratégie politique consciente, destinée à préserver l’indépendance et l’identité du Japon face à un monde perçu comme instable, missionnaire… et dangereux.
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