Episodes

  • L’économie de guerre russe prive de main-d’œuvre une industrie pétrolière cruciale à l'économie du pays. L'armée et les fabricants d'armes sont en concurrence avec le secteur des hydrocarbures pour attirer les hommes en âge de travailler, alors que de nombreux hommes ont quitté le pays, pour se rendre sur le front ou partir à l'étranger.

    Depuis le début du conflit en Ukraine, 150 000 soldats russes sont morts sur le front, selon le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, interrogé dans l'édition européenne du journal russe indépendant Novaïa Gazeta le 3 mai. De son côté, le ministère britannique de la Défense parle de plus de 450 000 soldats russes tués ou blessés depuis le début de l'offensive russe en février 2022. Un drame qui ne touche pas que les familles ; le départ des soldats au front prive la Russie d'une main d'œuvre précieuse.

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    Le secteur pétrolier et gazier manque cette année d'environ 40 000 employés qualifiés ou non, selon les estimations de Kasatkin Consulting, un cabinet basé à Moscou. En tout, le nombre de travailleurs nécessaires pour faire tourner le secteur a plus que triplé en sept ans, selon les analyses de Bloomberg. Or, les hydrocarbures représentent 27 % du PIB russe et 57 % des exportations du pays. Un enjeu d'autant plus important, que l’industrie pétrolière et gazière contribue grandement à combler le besoin de liquidités de la Russie pour poursuivre son offensive en Ukraine.

    Malgré les sanctions internationales, les revenus du secteur devraient encore augmenter cette année (l'an dernier, ils étaient de 88 milliards d'euros) et l'industrie des hydrocarbures reste l’un des employeurs qui offrent les meilleurs salaires en Russie. Au moins des deux tiers supérieurs à la moyenne nationale depuis 2017, selon les calculs de Bloomberg basés sur les données du Service fédéral des statistiques.

    Mais, rien n’y fait, ces salaires élevés ne semblent pas compenser ceux offerts par l’armée russe

    Prime d'engagement pour les soldats russes

    En plus d’une augmentation générale de son salaire de plus de 10 % depuis octobre dernier, un soldat russe sous contrat se voit en effet offrir un bonus pouvant atteindre 1 million de roubles, soit plus de 10 000 euros, auquel il faut ajouter une prime d’adhésion forfaitaire de 195 000 roubles soit près de 2000 euros… ce qui n'est pas négligeable pour une partie de la population qui vit sous le seuil de pauvreté.

    Il y a aussi de nombreux débouchés et des postes bien payés chez les fabricants militaires. La demande de chars, de véhicules blindés et d’armes a grimpé en flèche depuis le début de l’invasion russe et les usines d’armement recrutent à tour de bras. L'année dernière, l'entreprise nationale de défense russe Rostec a augmenté les salaires de 17,2 % en moyenne. Et la Russie a abaissé l’âge légal pour travailler à 14 ans.

    Des repas chauds trois fois par jour

    De leur côté, les sociétés pétrolières et gazières russes rivalisent d'imagination pour attirer des employés avec des salaires élevés, mais aussi des avantages en nature. Un travailleur de terrain effectuant des missions mensuelles quelque part en Sibérie ou dans l'Arctique peut s'attendre à « des repas chauds trois fois par jour » et à des contrôles médicaux réguliers couverts par l'employeur, selon les offres d'emploi sur hh.ru.

    Mais le flux de main d’œuvre venant de l’étranger s'est, lui aussi, tarit : en 2023, l'afflux net officiel de migrants étrangers dans le pays s'est élevé à près de 110 000 personnes, à peine un quart du niveau de 2021. Autre phénomène, depuis le début du conflit en Ukraine, des centaines de milliers de Russes ont quitté le pays, ce qui amène le président Poutine à déclarer que le pays va faire face à « un déficit de cadres et de qualifications » dans les prochaines années.

    Maintenir une production rentable

    Pour autant, le secteur pétrolier et gazier a jusqu’à présent très bien résisté, malgré les sanctions internationales, grâce à un report quasi total des exportations vers d'autres pays comme la Chine et l'Inde, donnant à Moscou les liquidités nécessaires pour continuer à mener son offensive. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), l'embargo imposé par l'Union européenne n'a eu aucun impact sur le volume des exportations russes d'hydrocarbures.

    Mais la pénurie de main d'œuvre soulève la question de savoir si l’industrie pétrolière et gazière Russe pourra maintenir ses performances à long terme. « L'accès restreint aux services pétroliers de haute technologie occidentaux crée un risque pour le maintien et l'augmentation d'une production et d'un raffinage rentables du pétrole et du gaz », selon Sofia Mangileva, analyste chez Yakov & Partners à Moscou et citée par Bloomberg. Car il ne s’agit plus seulement de faire fonctionner les équipements, mais aussi de développer la technologie de production nécessaire pour rester compétitif.

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  • Le rétablissement des finances du Ghana, toujours en défaut de paiement, est désormais suspendu à un jugement de la Cour suprême du pays. Elle a commencé à examiner la loi réprimant l'homosexualité votée en février. Si cette loi est jugée conforme à la Constitution, elle sera adoptée et le Ghana pourrait alors perdre le soutien de la Banque Mondiale.

    Les auditions prévues hier, mercredi 8 mai, devaient être retransmises en direct à la télévision. C’est dire à quel point ce débat passionne les Ghanéens à quelques mois de l'élection présidentielle programmée en décembre.

    Les juges ont finalement ajourné leurs travaux en demandant à l’un des plaignants, un journaliste qui conteste la loi, de réécrire sa copie, trop injurieuse, pas assez technique selon eux. Cette loi est très sévère : elle prévoit des peines pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison contre les LGBTQ, et de la prison ferme également contre les proches qui ne dénonceraient pas ce choix sexuel.

    La loi a été votée sans opposition par les principaux partis, mais le président attend l'avis de la Cour suprême pour la promulguer. Nana Akufo Ado redouble de prudence par crainte de la réaction de la Banque mondiale.

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    Les exigences de la Banque mondiale

    Accra n'a toujours pas résolu sa crise de la dette et a donc un besoin urgent de la Banque mondiale. Or cette loi anti-gay n'est pas compatible avec les standards exigés par le bailleur. La Banque mondiale a déjà suspendu deux fois ses versements après l’adoption de textes condamnant l’homosexualité en Ouganda. En 2014, le gouvernement fait très vite machine arrière. Mais en 2023, le président Museveni approuve la nouvelle loi pénalisant l'homosexualité et refuse de reculer sous la pression de la banque.

    Le plan B

    La Banque mondiale pourrait annuler le prêt de 3,8 milliards de dollars accordé au Ghana. Le FMI pourrait suivre. Il assure un autre financement de trois milliards de dollars. Enfin, Accra redoute la réaction de ses partenaires européens. L’Allemagne a déjà fait savoir qu’elle réprouvait cette loi. Au moment du vote de la loi, le ministre ghanéen des Finances avait averti les parlementaires du risque couru, leur conseillant de chercher des financements alternatifs auprès des pays arabes ou de la Chine. Précisément ce que redoute la banque mondiale

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    La Banque mondiale face à un dilemme

    Soit elle transige sur ses valeurs pour assurer sa mission d’assistance aux États en détresse, soit elle reste fidèle à ses principes, mais risque alors d'être contournée, dépassée par des puissances du Sud global. La position qu'elle adoptera au Ghana sera attentivement suivie sur tout le continent africain, au moment où les États africains ont du mal à accéder au financement ; au moment aussi où les gouvernants comme les populations sont de plus en plus excédés par les conditions imposées par les bailleurs occidentaux, parfois en opposition frontale avec leurs valeurs. Une majorité de pays africains, une trentaine, interdisent l'homosexualité. Certains, comme le Niger ou le Kenya, envisagent même de renforcer la répression anti LGBTQ.

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  • Le président Xi Jinping est attendu ce mercredi 8 mai au soir en Hongrie, la troisième étape de sa tournée européenne. Un pays où la Chine est bienvenue, notamment pour investir dans le véhicule électrique.

    La Hongrie est aujourd’hui le troisième producteur mondial de batteries. Très loin derrière la Chine qui fabrique les trois quarts des batteries, mais tout près du numéro deux, les États-Unis qui fournissent 6% de la demande. Un numéro deux que Viktor Orban rêve de dépasser d'ici à 2030. Mégalomanie pour les uns, vrai plan de développement pour les autres, sa politique industrielle est constante.

    Les grandes marques automobiles allemandes, coréennes, japonaises sont déjà installées en Hongrie, mais c’est la Chine qui fait la différence avec des investissements record dans le véhicule électrique. Le numéro un mondial des batteries, le chinois CATL a investi plus de sept milliards de dollars pour construire une giga factory. Le plus grand investissement étranger de tous les temps pour la Hongrie.

    La ruée des acteurs chinois

    Beaucoup d'autres acteurs chinois ont des projets en cours. Le constructeur BYD a une usine en chantier. Et on murmure qu’un nouveau méga-investissement pourrait être annoncé pendant la visite de Xi Jinping. Par Great Wall Motor, un autre poids lourd chinois du e-véhicule. Il aurait dans ses cartons un projet d’usine proche de la ville de Pecs où doit se rendre le dirigeant chinois.

    Pour la Chine, de plus en plus snobée par les Vingt-Sept, l’accueil enthousiaste que lui réserve la Hongrie est une aubaine politique, mais aussi économique. Elle trouve sur place une main-d’œuvre bon marché et un gouvernement peu regardant sur les normes environnementales et très accommodant sur le plan fiscal avec les ristournes généreuses accordées aux investisseurs chinois. Ses constructeurs ont désormais une partie de leurs ateliers installés au cœur même de l’Union européenne, un marché vital pour leur industrie.

    Pari gagnant pour la Hongrie ?

    L’automobile représente environ 15% du PIB hongrois en intégrant les équipementiers. Développer cette industrie avec les capitaux chinois lui permet d’accélérer la cadence. Mais à quel prix pour l’environnement, s’interrogent les sceptiques. Des accidents parfois mortels sont déjà survenus à cause des déchets toxiques émis par ces nouvelles usines.

    Dans le village où est installée la giga factory de CATL, la population s’inquiète aussi de la pollution et de la surconsommation d’eau de l’usine qui pourrait épuiser les faibles ressources aquifères de la région. D’après un sondage réalisé par un institut américain, 52% de la population hongroise se déclarait hostile à la présence chinoise en 2022, 15% de plus qu’il y a cinq ans. Mais il y a toujours une majorité de Hongrois qui accordent leur confiance à Viktor Orban, le meilleur allié européen de la Chine. La Hongrie de Viktor Orban se définit elle-même comme la tête de pont de la Chine en Europe. À des années-lumière de la confrontation et de l'autonomie stratégique de l'Europe prônée par la France où Xi Jinping a commencé sa tournée.

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  • Au moment où on assiste en Afrique à la recrudescence des coups d’État, la suspension de l’aide publique au développement est-elle encore employée pour faire pression sur les putschistes ? C’est la question que s’est posée la Coface. La réponse varie fortement d'une époque à l'autre.

    Les chercheurs de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) sont partis d’un constat largement partagé : partout dans le monde, le risque politique augmente en flèche. Le Fonds monétaire international (FMI) considère qu’avec le risque climatique c’est aujourd’hui l’un des freins les plus puissants à la reprise de l’économie. La guerre en Ukraine, la guerre à Gaza, en témoignent.

    En Afrique, ce risque se manifeste surtout par la recrudescence des coups d’État. Il y a eu le Niger et le Gabon en 2023, le Burkina, le Mali ou encore la Guinée les années précédentes. Cette prise du pouvoir par la force n'est pas un phénomène vraiment nouveau sur le continent africain. C'est même très répandu depuis les indépendances. 44% des coups d'État répertoriés dans le monde depuis 1950 se sont déroulés en Afrique, nous indique la Coface. Dans cette région où l’aide publique au développement (APD) joue encore un rôle économique déterminant, les auteurs de l'étude ont regardé comment évoluent les flux d’APD avant et après les coups d’État en utilisant les chiffres des 30 pays donateurs suivis par l'OCDE.

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    L’équilibre de la guerre froide

    Pendant la guerre froide, la suspension de l'aide est loin d'être une sanction automatique. Entre 1950 et 1989, l’année de la chute du mur de Berlin, l'aide diminue seulement une fois sur deux après un coup d'État. Dans un monde dominé par deux camps antagonistes, l’Occident d’un côté, le bloc soviétique de l’autre, les donateurs veillent à ne pas compromettre leur influence en coupant brutalement le robinet. Ils mesurent donc avec parcimonie la suspension de l’aide publique.

    En revanche, à partir de 1990, les pays occidentaux n'ont plus les mêmes préventions. Entre 1990 et 2010, l'aide est suspendue dans 76% des cas l'année suivant un coup d’État. La Gambie et la Côte d'Ivoire en feront les frais. C'est vrai aussi que c'est une période où la prise du pouvoir par la force diminue nettement en Afrique. L’heure est à la démocratisation des régimes. Et les organisations régionales africaines, comme l'Union africaine ou la Cédéao se dotent, elles aussi, d’instruments pour sanctionner le recul de l'État de droit et de la bonne gouvernance. En revanche, depuis 2011, les donateurs hésitent à employer cette arme.

    La suspension de l’APD moins fréquente

    Entre 2011 et 2021, 67% des coups d’État ont été suivis par la suspension de l’aide publique au développement. Pour les auteurs de l’étude, c'est le grand retour « des intérêts géostratégiques dans un monde multipolaire ». Aujourd'hui, sur le continent africain, les Occidentaux ne sont plus les seuls donateurs. Ils sont en concurrence avec la Russie, la Chine, mais aussi les pays du Golfe ou d’Asie. Un contexte qui les invite à se montrer beaucoup plus prudent avec les putschistes.

  • Après cinq ans d’absence, Xi Jinping est de retour en Europe avec une première étape en France où il est question, ce lundi 6 mai, des pratiques commerciales déloyales de la Chine. Le président Macron entend exiger la réciprocité dans les affaires. L’Europe se réveille enfin face à la Chine ?

    Longtemps la Chine a été perçue en Europe comme une nation industrielle secondaire sur le plan technologique. Aujourd’hui, les Vingt-Sept réalisent que les entreprises chinoises peuvent aussi rivaliser dans les domaines d’excellence de l’industrie du Vieux Continent. Après avoir quasiment éliminé la filière européenne du photovoltaïque, les Chinois sont en mesure de rééditer la manœuvre dans le véhicule électrique.

    Biberonnée aux subventions, l’industrie chinoise produit à tout-va des véhicules qu’elle exporte en cassant les prix. Les Chinois ont raflé 20% du marché européen en deux ans. De quoi inquiéter les constructeurs européens. Pour faire barrage à cette concurrence féroce, perçue comme une menace existentielle pour l'Europe, selon les mots du président Macron, l'Europe ne se contente plus de donner de la voix, elle sort désormais l'artillerie juridique chaque qu'elle s'estime en danger.

    Les nouvelles armes juridiques de l’Europe

    Quatre nouvelles procédures ont été lancées contre la Chine depuis le début de l'année. Sur la base de la nouvelle réglementation sur les subventions étrangères introduite l'été dernier. La Commission européenne a dénoncé ces pratiques dans la voiture électrique, puis dans la construction ferroviaire, l’éolien et le photovoltaïque. La semaine dernière, Bruxelles a aussi accusé la Chine d’exclure les entreprises européennes du marché chinois des équipements médicaux et menace de bannir les Chinois des appels d'offres européens en représailles. Une première pour l'Europe.

    Autre intervention spectaculaire de la Commission : des perquisitions ont été effectuées il y a une dizaine de jours dans les bureaux néerlandais et polonais de Nuctech, l'entreprise chinoise ultra-dominante dans les aéroports européens pour le scan des bagages. Une entreprise qui a aussi les moyens d'aspirer des données, elle est interdite en Lituanie et aux États-Unis. Citons enfin l'avertissement adressé à Shein. La plate-forme chinoise de « fast fashion » est désormais placée sur le même plan que les géants américains de l’internet et s’expose à des amendes sévères si elle ne respecte pas le règlement européen sur les services numériques.

    Les représailles chinoises contre le cognac français

    La Chine a déjà pris des mesures de représailles en lançant une enquête sur le cognac français. C'est de bonne guerre. La France est perçue par Pékin, et à raison, comme le pays moteur dans ce changement de pied de l'Europe. Le président Macron a réussi à faire venir, ce lundi matin à Paris, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen pour cette session consacrée aux différends commerciaux.

    En revanche, le chancelier allemand a décliné. Emmanuel Macron reconnaît que tous les Européens ne partagent pas sa vision. « Certains pays, a-t-il dit à nos confrères de la Tribune, voient toujours la Chine comme un marché de débouchés », une remarque qui s'applique bien sûr à l'Allemagne. Xi Jinping peut évidemment jouer sur les divisions de l'Europe, c'est ce qu'il a fait jusqu'à maintenant. Il peut aussi choisir de ménager l'Europe, au moment où la croissance de la Chine patine et où sa relation avec les États-Unis se dégrade.

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  • Au Tchad, trois ans après la disparation d’Idriss Déby, les électeurs sont invités à choisir lundi leur futur dirigeant pour clore la période de transition. Malgré sa rente pétrolière, le Tchad figure encore parmi les plus pauvres de la planète. Comment expliquer ce paradoxe ?

    En 2003, lors de l’inauguration de l’oléoduc construit pour acheminer le brut vers la côte camerounaise, Idriss Déby promet des retombées pour l’ensemble de la population. Le PIB décolle et en 2008 il dépasse même brièvement celui de deux autres pays de la bande sahélienne, le Niger voisin et le Mali. Mais la manne espérée au début des années 2000 n’a été qu’un feu de paille. Selon les économistes de la Banque mondiale, rapidement, la croissance réelle s’étiole. Le Niger et le Mali, tous deux dépourvus d’or noir, ont repris l’ascendant sur la nouvelle puissance pétrolière du Sahel. En termes d'indice de développement humain, le Tchad est avant-dernier dans le classement des Nations unies. La pauvreté concerne encore plus de 40% des 18 millions d’habitants. Et dans ce pays riche en hydrocarbures, le carburant et l’électricité sont hors de prix. Seulement 10% des foyers du Tchad sont connectés au réseau électrique, contre 50% dans l’Afrique sub-saharienne.

    La malédiction « politique » du pétrole

    Le pétrole représente 10% du PIB, 90% des recettes d’exportation. La croissance varie en fonction du cours du brut et plonge chaque fois que le baril pique du nez. À l'instar de bien d'autres pays pétroliers du continent africain, le Tchad est victime de la malédiction des matières premières. En partie seulement. Selon le chercheur Harry Verhoeven, la malédiction au Tchad est surtout politique. Il rappelle que tous les efforts de la société civile pour améliorer la gestion et la redistribution de la rente ont été annulés par le clan Déby. Contrairement aux engagements pris en 2003, le gouvernement a progressivement aspiré tous les revenus du pétrole. Pour couvrir 40% des dépenses de l’État.

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    Priorité à la défense

    Pour couvrir surtout les dépenses militaires. L’armée est la priorité des priorités. Le Tchad dépense plus pour sa défense que pour la santé et l'éducation réunies. Pour assurer la souveraineté du pays dans une région instable. Pour fournir une assurance-vie au régime. Ce pari sur le tout sécuritaire ne crée pas de stabilité à longue échéance, estime Harry Verhoeven. L’argent du pétrole aurait pu être investi dans le développement et la paix, note-t-il, avec la construction de routes et de ponts pour faciliter les échanges avec le Soudan ou la Libye.

    Une production en baisse constante

    L’élection présidentielle va-t-elle changer la donne ? Le futur gouvernement sera confronté à la baisse tendancielle de la production de pétrole. Pour maintenir le filon de l'or noir, le vainqueur du scrutin devra trouver un terrain d'entente avec les compagnies étrangères pour réinjecter de l’argent dans la production. Le développement de l’énergie solaire, annoncé en fanfare en 2023 avec la construction de la plus grande centrale photovoltaïque de l’Afrique sub-saharienne – à l’exception de l’Afrique du Sud –, pourrait enfin améliorer la vie quotidienne. Mais sa réalisation dépend aussi des bonnes relations que le pouvoir entretiendra avec Savannah, le concepteur britannique du projet.

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  • Pour la cinquième année consécutive la France conserve son titre de championne européenne des investissements étrangers dans le classement établi par le cabinet E&Y pour 2023. Une bonne nouvelle à relativiser : en France comme dans toute l'Europe, les investissements étrangers ont globalement reculé.

    Le nombre de nouveaux projets d’investissements étrangers est en baisse de 4 % sur le continent européen. Les investisseurs se sont surtout détournés de l’Europe des 27.

    En Allemagne, où l'économie patine, la chute est brutale : - 12 %, comme en Italie, -6 % pour l’Espagne, -5 % pour la France. D'après la Cnuced, l’Asie rafle la mise, suivie des États-Unis. La première puissance économique mondiale a bénéficié de l’effet Inflation Reduction Act. Le soutien public à l'industrie mis en place par Joe Biden attire les entreprises étrangères et retient partiellement les sociétés américaines à domicile. Les États-Unis restent le premier pays investisseur en Europe, mais avec un nombre de projets en baisse de 15 % par rapport à 2022.

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    Un nouveau signal du déclassement de l’Europe ?

    Dans ces temps incertains sur le plan géopolitique et économique, l’Europe en petite forme, avec une croissance anémique, apparait soudain bien vulnérable. L’empilement des différents niveaux de décision fait fuir les investisseurs, selon Marc Lhermitte, membre associé de E&Y. « Les dirigeants interrogés nous disent, poursuit-il, oui, l'Europe a de la diversité, mais aussi de la dispersion ». Les lenteurs, les atermoiements dans la politique énergétique ou commerciale les inquiètent et finissent par les repousser vers d'autres zones plus lisibles.

    Le rebond surprise du Royaume-Uni

    À la lisière de l'Europe des 27, il y a aussi des pays qui au contraire aimantent les investisseurs. C'est le cas notamment du Royaume-Uni. +6 % d’investissements étrangers. C’est la vraie surprise du cru 2023 de ce baromètre de l'attractivité. La tech et la finance sont les deux secteurs moteurs du regain d’intérêt pour ce royaume post-Brexit. Un rebond salutaire, mais encore bien insuffisant pour réparer la casse de l’industrie à l’œuvre depuis cinq ans, selon Marc Lhermitte. La Turquie enregistre, elle aussi, une hausse stupéfiante des projets d’investissements étrangers : + 17 %. Cette excellente performance confirme l’attraction qu'exerce ce pays depuis plusieurs années déjà. Grâce à son marché national et régional, et une main d'œuvre abondante et peu coûteuse.

    La relocalisation de l’industrie à la périphérie

    À noter que d’autres pays de la périphérie de l’Union bénéficient largement de la relocalisation de l'industrie. +70 % d'investissements industriels pour la Hongrie ou la république Tchèque, +30 % pour la Serbie. La Pologne, mais aussi l’Italie ou l’Espagne, et encore la Turquie, connaissent également une prolifération des créations d'usines avec des capitaux étrangers. En raison là aussi des coûts très compétitifs de leur main d’œuvre. L’Espagne par exemple est deux fois moins chère que la France. En 2023 Paris néanmoins reste la première destination des investissements industriels avec les mégaprojets annoncés dans les batteries électriques. Les équilibres globaux sont inchangés. Les trois pays en tête du classement européen, la France, le Royaume-Uni, et l'Allemagne, recueillent toujours la moitié des projets d'investissements étrangers de l’ensemble du continent.

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  • En France, la perspective des Jeux olympiques donne un nouveau souffle aux mouvements sociaux. Et ce sont certaines catégories de salariés du secteur public qui sont déjà les grands gagnants de ce tour de chauffe.

    Les policiers ont été les premiers à bénéficier de l’effet JO. Il leur a suffi d’une manifestation en janvier pour obtenir la promesse d’une prime de 1 900 euros pour tous ceux qui différeront leurs vacances pendant la période olympique. Plus récemment, on a vu les syndicats de la SNCF habilement jouer de la menace de grève pour réécrire la réforme des retraites à l'avantage des cheminots. Même scénario chez les contrôleurs aériens. Un simple préavis de grève leur a fait gagner des hausses substantielles de salaires, pouvant aller jusqu’à 1 000 euros par mois.

    La grève : la hantise des autorités françaises

    Après la menace des attentats, la menace de la grève fait sans doute partie des pires cauchemars des organisateurs des Jeux de Paris. L’idée de voir la capitale bloquée par des hordes de salariés en colère fait frémir dans les allées du pouvoir. Les syndicats le savent trop bien. Ils tirent donc sur la corde. La droite, les économistes libéraux crient au chantage et dénoncent les dérapages budgétaires engendrés par ces accords signés dans la précipitation. Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, prompt à donner des coups de rabot sur les dépenses, s'est refusé à commenter.

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    Une constante des grandes manifestations sportives

    À la veille de la Coupe du monde de football de 1998, les pilotes d’Air France, les cheminots, les agents de la RATP et ceux de Gaz de France se disent prêts à gâcher la grande fête du ballon rond. Des accords sont trouvés in extremis. L’histoire se répète en 2023 pour la Coupe du monde de rugby où les revendications fleurissent en province, dans les villes qui accueillent les matchs. C’est donc à chaque fois la même logique qui prévaut : les salariés qui disposent d’un levier entendent bien en profiter. Ces mouvements touchent essentiellement les services publics vitaux pour la bonne tenue des compétitions. Des acteurs privés peuvent aussi saisir l’occasion. À Marseille, l’intersyndicale des taxis et les syndicats représentants les agriculteurs n’ont pas exclu de manifester pendant les Jeux.

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    Les syndicats divisés sur l’arme des JO

    Effectivement, Force Ouvrière puis la CGT ont déposé des préavis dans la fonction publique couvrant tout l’été. En revanche, ni l’Unsa ni la CFDT n'ont suivi. Marylise Léon, la patronne de la CFDT, le syndicat réformiste, dit que son organisation n'a « aucune envie de gâcher ce moment festif ». En réalité, même les dirigeants les plus déterminés savent se montrer beaux joueurs. En 2016, l’Euro est menacé par la contestation de la loi El Khomry modifiant profondément la législation du travail. Le secrétaire général de la CGT de l'époque, Philippe Martinez, fait baisser la pression, la centrale, affirme-t-il, « tient au bon déroulement de cette vraie fête populaire ».

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  • Le plus grand groupe minier au monde, l’Australien BHP Billiton, veut encore grossir en rachetant son concurrent Anglo-American, qui a pour l’instant décliné son offre. Une folie des grandeurs alimentée par la flambée des cours du cuivre.

    Avec la transition énergétique, le métal rouge a changé de couleur : il appartient désormais à la catégorie des métaux dits « verts », ceux qui sont indispensables à la décarbonation. Il faut du nickel, du lithium et du cobalt pour cette transition, mais aussi du cuivre, beaucoup de cuivre pour l'électrification de nos systèmes énergétiques. Cette nouvelle demande, en augmentation constante depuis quinze ans, nourrit l'ascension spectaculaire des cours. Sur le marché londonien des métaux, le cours du cuivre a bondi de 18 % en deux mois. Vendredi, il a franchi la barre des 10 000 dollars la tonne.

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    Des cours astronomiques

    Les ventes de cuivre d’Anglo-Américain, très présent au Chili et au Pérou, les deux plus gros producteurs avec la Chine, ont explosé. Elles ont augmenté de 30 % entre 2022 et 2023. C'est cette rente que le géant australien espère capter. Il a mis 39 milliards de dollars sur la table. Pas assez estime le groupe convoité.

    Anglo-Américain connait lui aussi les enjeux. Les deux entités réunies détiendraient à elles seules 10 % de l’offre mondiale de cuivre. De quoi assurer une rente confortable pour les vingt ans qui viennent. Car la demande va continuer à grimper. Entre 2010 et 2024, la production a bondi de 8 millions de tonnes. Sans pour autant épancher la soif de cuivre.

    Un déficit de l’offre en perspective

    Un déficit pourrait même survenir dès cette année, prévoient plusieurs analystes. Selon le cabinet CRU, il faudrait extraire 4 millions de tonnes supplémentaires d’ici 2030 pour satisfaire la demande potentielle. Mais au lieu de croître, l’offre va commencer à décliner à partir de 2027, faute d’investissements suffisants dans l’ouverture de nouvelles mines. Les gisements riches en minerai sont de plus en plus rares, leur exploitation de plus en plus coûteuse, et très chronophage. Cela peut prendre 10 ans pour réunir le financement, obtenir les autorisations et vaincre l'hostilité grandissante des populations locales. La sécheresse qui sévit menace par ailleurs la production dans la moitié des mines en activité, alerte PWC. Des perspectives pas très rassurantes pour les consommateurs de cuivre, et donc pour l'indispensable transition énergétique.

    Une méga fusion inquiétante pour les consommateurs

    La méga fusion qui s’annonce ne va pas forcément arranger les choses. Dans l'immédiat, les consommateurs redoutent surtout qu’elle aggrave le problème. En détenant une part aussi importante de l'offre, le nouveau mastodonte pourrait imposer ses prix au mépris de ses rivaux. Les Chinois achètent la moitié de la production mondiale de cuivre. On les voit mal laisser faire une fusion qui réduirait leur pouvoir de négociation. Ils seront consultés et donneront évidemment leur avis sur l'opération. BHP Billiton doit aussi composer avec l'hostilité des Sud-Africains. Dans l'immédiat, l'Australien prépare une offre plus alléchante. Avec, bien sûr, un œil sur le marché. Le cuivre pourrait facilement grimper jusqu'à 12 000 dollars la tonne d'ici deux ans.

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  • La mobilisation des étudiants pro palestiniens continue sur les campus américains. Avec une revendication commune à l'ensemble des universités : la rupture des liens économiques avec Israël ou avec les entreprises liées à l’État hébreu. Une démarche peu efficace pour le moment.

    Ce mot d’ordre « Divest Israel », « Désinvestissez d’Israël » a des modalités diverses d’un campus à l’autre. Les étudiants en grève peuvent insister sur les liens avec les entreprises israéliennes ou bien avec les fabricants américains d’armes qui équipent l’État hébreu. Ou encore avec les multinationales présentes en Israël comme Google parce qu’il vend du cloud à l’État hébreu, ou Airbnb parce qu’il propose à ses hôtes des hébergements dans les logements des colons installés en territoires occupés. Toutes ces revendications s'adressent aux gérants des fonds placés pour financer le budget de l’université. Pour le moment, aucune université n’a donné suite à ces revendications.

    Le niet des universités

    L’American University estime que ce type d’exigences menace la liberté académique. Mais la plupart des universités opposent surtout des arguments techniques aux étudiants. Certaines n'ont pas d'actions israéliennes, ou elles ont des capitaux investis dans des fonds, elles n'ont donc pas la main sur le contenu des investissements. Certaines refusent de désinvestir car elles ont besoin, disent-elles, de tous les profits générés pour couvrir les dépenses de leur établissement.

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    D’après les chiffres du ministère américain de l’Éducation, les fonds liés à Israël déclarés par les universités sont très faibles. Ils se montent à 375 millions de dollars pour les vingt dernières années alors que les fonds gérés par les universités les plus prestigieuses dépassent en général les cinq milliards de dollars. « Divest Israel » n'a donc pas de retombées concrètes pour le moment, mais c'est trop tôt pour parler d'un échec, car il y a des précédents. L’exemple le plus souvent cité est celui du boycott contre l’Afrique du Sud.

    En 1985, après avoir longtemps résisté aux revendications de ses étudiants, l'université Columbia a fini par vendre toutes les actions des sociétés américaines présentes sur le marché sud-africain. 155 autres universités américaines lui avaient emboîté le pas. Columbia a aussi été la première université à mettre fin à ses investissements dans l’industrie des prisons en 2015. Elle a aussi renoncé à investir dans le tabac, le charbon thermique puis dans l’ensemble des énergies fossiles en 2021.

    Un mot d’ordre à l’efficacité relative

    Si l’Afrique du Sud a aboli l’apartheid c’est en partie grâce à la pression internationale à laquelle se sont associées les universités américaines. En revanche, les industries désormais snobées par certaines universités américaines se portent plutôt bien, avec ou sans les universités parmi leurs actionnaires. Les gestionnaires de fonds remarquent que ce n'est pas en désinvestissant mais au contraire en restant au capital d'une entreprise qu’on peut influencer le conseil d'administration.

    Aujourd'hui, ce que les étudiants américains cherchent à gagner avec leur mot d’ordre « Divest Israël » c’est aussi la bataille de l’opinion publique. Étant donné l’aura de leur mouvement, même sans résultat tangible sur le plan économique, ils ont déjà marqué des points.

  • Le Congrès américain a profité du déblocage d’une enveloppe de 60 milliards de dollars à destination de l’Ukraine pour financer la relance de la production d’isotopes aux États-Unis. Ces produits de l’industrie nucléaire sont essentiels à de nombreux secteurs, de l’énergie à la recherche scientifique en passant par la production de médicaments et la médecine. Un marché aujourd’hui largement dominé par la Russie.

    Le vote, après plus d’un an et demi de tergiversations entre démocrates et républicains, d’un vaste plan d’aide des États-Unis à l’effort de guerre ukrainien a été beaucoup commenté cette semaine, mais une ligne du texte est largement passée inaperçue et a pourtant de quoi intriguer. Entre une dotation de 14 milliards pour fournir à l’Ukraine des armes et des munitions, et une autre de 9 milliards pour permettre le fonctionnement des institutions à Kiev, le texte voté successivement par la Chambre des représentants et le Sénat prévoit d’augmenter le budget du ministère de l’Énergie de 98 millions de dollars afin qu’il investisse « pour le développement de la production d’isotopes » sur le territoire américain.

    Le rapport avec l’Ukraine ne saute pas immédiatement aux yeux. Un premier indice : juste après cette ligne sur les isotopes, on trouve le déblocage de 150 millions de dollars pour préparer l’Ukraine à la perspective d’une attaque nucléaire sur son sol. Les isotopes ce sont des atomes avec des propriétés bien particulières, ils peuvent être stables ou radioactifs. Un exemple très connu : le carbone 14, utilisé en archéologie pour dater des objets ou des squelettes très anciens, est un isotope. Les isotopes existent à l’état naturel, mais ils peuvent aussi être créés de manière artificielle à l’aide d’accélérateurs de particules ou de centrales nucléaires. Ils servent dans l’industrie, dans l’énergie, pour la recherche scientifique, dans la production de médicaments, en médecine nucléaire. Ils sont notamment indispensables en imagerie médicale, pour diagnostiquer certains cancers par exemple. Il a même été question dans les années 1960 d’utiliser les isotopes pour relancer la production agricole en Afrique de l’Ouest.

    La Russie, acteur incontournable de la filière des isotopes

    Mais pourquoi inclure cette disposition sur les isotopes dans le paquet d’aide à l’Ukraine ? En vérité, le Congrès américain n’a pas adopté une enveloppe de 60 milliards pour l’Ukraine, c’est un raccourci, mais une extension du budget des États-Unis « dans le contexte de la situation en Ukraine ». Ce qui ne veut pas dire que l’essentiel de cette somme ne servira pas à fournir directement ou indirectement à Kiev les munitions et les ressources dont elle a besoin, après tout le budget consacré aux isotopes représente à peine un millième de l’enveloppe totale.

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    Mais la Russie domine aujourd’hui la chaîne de production des isotopes et des radioisotopes. Pour certains isotopes, elle est même le seul fournisseur au monde. L’invasion à grande échelle de l’Ukraine, deux ans après une première alerte liée à la pandémie de Covid-19, a fait prendre conscience aux Américains de leur dépendance vis-à-vis de Moscou sur ces produits sensibles et qui nécessitent d’être souvent remplacés. D’où cette ligne budgétaire au premier abord incongrue au milieu d’une liste de dépenses militaires.

    L’industrie nucléaire russe échappe encore aux sanctions occidentales

    La Russie, à travers Rosatom, le géant national du nucléaire, a continué – et continue encore – d’investir dans la production des isotopes, alors même que les vieux réacteurs européens, australien, sud-africain et canadien qui les produisaient déclinaient. Cette situation accentue encore la dépendance des Européens et des États-Unis vis-à-vis de Rosatom. Non seulement le géant nucléaire russe continue d’alimenter de 25 à 30% des centrales nucléaires européennes en uranium enrichi, mais Rosatom – et donc le gouvernement russe par extension – contrôle aussi les réacteurs de recherche qui produisent ces radio-isotopes.

    Cette double dépendance explique que Rosatom échappe encore aux sanctions occidentales décidées après février 2022. Pour les États-Unis, il s’agit d’un enjeu de sécurité nationale. Fort de ce soutien public, des entreprises privées ont déjà entrepris de relocaliser une partie de la production. Mais il faudra du temps, on ne relance pas un processus industriel nucléaire d’un claquement de doigts. Les spécialistes prédisent que cette dépendance pourrait durer au moins jusqu’à 2032.

  • Comment faciliter l’accès aux capitaux sur les marchés européens ? Christian Noyer, l’ancien gouverneur de la Banque de France, a planché sur l'union des marchés, ses conclusions seront présentées dans la matinée. Peut-être un début de réponse au casse-tête qui divise l’Europe.

    Contrairement aux marchandises et aux hommes, les capitaux ne peuvent toujours pas circuler librement dans l’Union. C’est pourquoi cela reste très compliqué de lever les centaines de milliards nécessaires pour financer la transition énergétique, la défense ou l’innovation. Les start-ups le savent mieux que quiconque. Les banques, l’instrument le plus commun pour financer l’économie européenne, sont souvent trop frileuses pour les accompagner. Les plus prometteuses s’en remettent aux investisseurs étrangers, surtout américains, pour se développer. Cela fait dix ans que les 27 parlent de la libéralisation du marché des capitaux. Dix ans de négociations et toujours pas d'accords en vue.

    La résistance des petits États européens

    Au dernier conseil européen, une douzaine d’États se sont ligués contre toutes les initiatives avancées récemment par la France. Paris, avec le soutien de l'Allemagne, la Pologne, l'Italie et l'Espagne, souhaite doter l’Europe d’un marché à la hauteur de son PIB et de ses besoins. Mais les petits États, comme le Luxembourg, l’Irlande ou les pays baltes, s'opposent à tout rapprochement. Les régulations ou le régime fiscal accommodants qu'ils ont mis en place pour attirer les capitaux pourraient être remis en cause par l'union des marchés.

    Le rapport présenté ce jeudi 25 mars par Christian Noyer cherche à sortir de cette impasse avec des propositions concrètes. Elles serviront de base au travail technique. L'accord politique, lui, ne sera pas trouvé avant la formation de la nouvelle commission prévue à l'automne.

    Un nouveau produit d’épargne européen

    Pour financer l'économie européenne, Christian Noyer propose un nouveau produit d'épargne européen. Un produit qui bénéficierait d'un label européen, mais qui pourrait être décliné dans chaque pays en fonction de ses spécificités. Il faudra que le produit soit assez alléchant pour drainer l'épargne des particuliers qui dort sur des comptes bancaires. Selon Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, favorable à ce plan d'épargne européen, 35 000 milliards d'euros seraient disponibles, bloqués sur les assurances-vie ou d'autres comptes épargne des 27 États membres. L’argent serait investi à 80% dans des entreprises européennes.

    L’autre piste concerne les banques. Christian Noyer propose de transformer leurs créances en paquet de titres qu’elles pourraient revendre sur le marché de la dette privée. Cette titrisation allégerait leur bilan, elles retrouveraient ainsi des marges de manœuvre pour financer l’économie réelle. C'est ce qui pratique couramment dans les pays anglo-saxons, parfois au mépris des règles internationales très strictes mises en place après la crise financière de 2008. Christian Noyer considère que les règlements européens sont déjà suffisamment protecteurs. L'ancien gouverneur souhaite enfin améliorer la régulation des marchés en la centralisant, un sujet qui demandera sans doute encore beaucoup de discussions avant d'aboutir.

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  • Gros plan sur la nouvelle arme du pauvre : le drone à bas coût fabriqué par l’Iran est en train de bouleverser l’art et l’industrie de la guerre.

    C’est entre autres avec une myriade de drones Shaheb conçus et fabriqués en Iran que la République Islamique a mené sa première attaque directe contre Israël. La quasi-totalité de ces drones a été interceptée par Tsahal et ses alliés. Mais à quel prix ? La défense aérienne de l'Etat hébreu aurait coûté 1 milliard 500 millions de dollars. L’attaque quelques centaines de millions de dollars seulement. Téhéran a ainsi démontré sa capacité à épuiser les ressources de son ennemi. Autre exemple de cette asymétrie économique vertigineuse que le drone impose sur le champ de bataille : en Ukraine, en deux mois, 5 des 31 chars Abraham déployés par les Etats-Unis ont été détruits par ces drones iraniens lancés par l'armée russe. Une arme coûtant seulement quelques dizaines de milliers de dollars suffit pour anéantir un char à dix millions de dollars.

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    L’industrie iranienne des drones dopée par les sanctions

    L’Iran a été un précurseur dans cette industrie. C’est une conséquence directe des sanctions économiques. Comme elle n’avait plus les moyens financiers et matériels de développer son aviation, elle s’est repliée sur le drone de combat à bas coût. Le premier modèle développé par la société Shaheb a été présenté dans un salon iranien il y a dix ans de cela. 4 ans plus tard ce Shaheb 131 était employé contre l’Arabie Saoudite. Aujourd’hui on retrouve les deux versions les plus courantes de ce drone kamikaze de longue portée, le 131 et le 136, aussi bien au Yémen dans les mains des Houthis, qu’au Liban dans l’arsenal du Hezbollah qu’en Russie. Moscou a passé un accord avec Téhéran pour en produire sur son territoire.

    Le drone incontournable dans la guerre Russie-Ukraine

    Un contrat à un milliard de dollars avec l'objectif d'en produire au moins 6000 dès 2025. L’Ukraine n’est pas en reste, elle n'avait que 400 drones en stock au début de la guerre, elle prévoit d'en fabriquer un million cette année. Cela fait deux ans que ces armes bon marché pallient la faiblesse des équipements des deux camps et permettent d'économiser les précieuses ressources humaines. A peu de frais les belligérants causent d’immenses pertes économiques. Les Russes ciblent ainsi les centrales thermiques ukrainiennes et les Ukrainiens les raffineries russes.

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    L’Europe à la traîne

    L’occident doit s’adapter à cette irruption des drones développés dans le grand Sud. Les grands fournisseurs de l’armée américaine capables de produire les drones de grande qualité mais assez chers comme le Reaper rechignent à produire des armes à bas coût à la rentabilité très limitée. Les start ups ont pris le relais grâce à des financements privés. Comme la société Anduril, l’une des plus rapides sur ce type d’armes, qui va livrer des drones de défense dès cette année à l’armée américaine. L'Europe est à la peine. La technologie est disponible mais les décisions sont longues à prendre. En France par exemple c'est seulement en février que le ministère a passé sa toute première commande de mini drone suicide.

  • Aux États-Unis, le Sénat examine à partir de ce mardi 23 avril le projet de loi en faveur de l'interdiction de l'application chinoise, déjà voté par la Chambre des représentants. Si la loi passe, sa maison mère, Bytedance, ira certainement en justice pour protéger l'un de ses marchés les plus florissants.

    L’application chinoise était en 2023 la plus téléchargée sur le marché américain. Comme en 2022. Comme en 2021. Cette popularité a fait exploser son chiffre d’affaires : 16 milliards de dollars pour 2023 selon le Financial Times. C’est une estimation, car la société mère, Bytedance ne publie pas ses résultats annuels. TikTok qui a conquis le public avec ses vidéos de courte durée a aujourd’hui un milliard d’utilisateurs à travers le monde. Ce succès phénoménal en a fait l’un des acteurs clés de l’économie numérique. TikTok assure soutenir l'essor de 7 millions de PME américaines, créant au passage plus de 200 000 emplois. TikTok contribue donc indirectement à la croissance américaine et aux recettes fiscales de l’Etat.

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    L’impact économique de TikTok

    Ce sont les arguments utilisés par la filiale de Bytedance pour dissuader les élus du congrès de voter contre elle. Un plaidoyer basé sur une étude d’impact réalisée par Oxford Economics. TikTok est un catalyseur pour les activités très visuelles, comme celle de la restauration ou de la cosmétique. Un tiers des entreprises américaines interrogées pour l'étude disent dépendre entièrement de l’application pour leurs ventes. Les grandes marques sont, elles aussi, très présentes sur ce nouveau média, via les influenceurs. Même la très indépendante et très puissante Taylor Swift, la chanteuse la plus rentable au monde, a fini par revenir sur TikTok, il y a quelques jours, alors qu’elle avait claqué la porte, mécontente de la très faible rémunération des droits d'auteur. TikTok est devenu incontournable. Mais pas irremplaçable. Si l'appli venait à disparaître des smartphones américains, les concurrents, comme Instagram Shopping ou Amazon Inspire, pourraient aspirer une grande partie des utilisateurs.

    L’effet tache d’huile redoutée par la maison mère

    TikTok pourrait aussi survivre sur le sol américain, à condition qu'elle soit cédée à des repreneurs américains. Une option rejetée par la maison mère. De toute façon, le gouvernement chinois a un droit de veto sur la vente des entreprises à des groupes étrangers, et il s’y opposera. Si l'interdiction est confirmée par le vote du Sénat, TikTok devrait avoir un sursis d'une année. Ensuite, elle perdrait 14 % de ses utilisateurs, et surtout des utilisateurs de premier choix, parce que leur pouvoir d’achat est l’un des plus élevés au monde. Les dirigeants craignent aussi que cette décision américaine ne fasse tache d’huile. Les autres pays sont très vigilants sur l'aspect sécuritaire et sociétal.

    Hier, la Commission européenne a ouvert une enquête contre la dernière trouvaille du média chinois : la rémunération des adolescents en fonction des heures passées sur l’application. Cette nouvelle fonction « TikTok lite » est aujourd’hui en phase de test en France et en Espagne ; dès jeudi, elle pourrait être proscrite dans toute l’Union européenne.

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  • On le connaît pour ses pneus, mais ces derniers jours, le groupe Michelin a fait les gros titres pour une toute autre raison. L'entreprise française, présente dans 175 pays à travers le monde, généralise ce qu'elle appelle le « salaire décent ».

    Depuis plusieurs jours, Florent Menegaux, le patron de Michelin, court les plateaux de télévision. C’est lui qui, la semaine dernière, annonçait vouloir généraliser le « salaire décent » à l’ensemble des 132 000 salariés du groupe français, présent dans 175 pays à travers le monde.

    Ce « salaire décent » n’est pas à confondre avec le salaire minimum légal. Il s’agit en réalité d’un salaire qui « permet de vivre correctement », selon les mots du patron de Michelin. Pour le calculer, la marque se base sur les critères d'une ONG, Fair Wage Network. L'idée est la suivante : un salaire décent, c'est une somme qui permet de faire vivre une famille de quatre personnes, deux parents et deux enfants. Elle doit aussi aider à acheter des biens de consommation courants et constituer une épargne de précaution.

    9 000 euros en Chine, 40 000 aux États-Unis

    Concrètement, son montant varie selon les pays et même selon les villes. À Paris, par exemple, il avoisine les 40 000 euros par an, tandis qu'à Clermont-Ferrand, dans le centre de la France, il est de 25 000 euros. Dans les deux cas, ce salaire est bien plus élevé que le SMIC, le salaire minimum légal. Ce « salaire décent » est de 9 000 euros en Chine, 40 000 aux États-Unis, et est calculé de la même manière même dans des pays qui ne disposent pas de rémunération minimum légale.

    Sur les 132 000 salariés du groupe Michelin dans le monde, environ 5 % devraient donc être augmentés suite à ces annonces. Reste désormais une question : combien cela va-t-il coûter à l’entreprise ? Florianne Viala, directrice de la rémunération et des avantages sociaux du groupe, assure que Michelin n’a « pas regardé combien ça allait coûter ». « Moralement, on s’est dit que c’était une obligation et que faire du profit sur de la misère sociale n’était pas envisageable », poursuit-elle. De leur côté, les dirigeants sont certains de s’y retrouver. En augmentant les salaires, ils espèrent également une hausse de la productivité.

    « C'est l'arbre qui cache la forêt »

    L’annonce de la mise en place d’un « salaire décent » a été plutôt bien accueillie par les syndicats, qui, après les paroles, attendent désormais les actes. Les organisations syndicales alertent cependant sur un point : ce « salaire décent » comprend des primes, qui ne sont pas prises en compte dans le calcul des retraites. « Il vaudrait mieux parler de rémunération », estime Romain Baciak, délégué syndical CGT. Il s’inquiète aussi de ce qui pourrait se cacher derrière ces annonces. « C’est l’arbre qui cache la forêt, ça va annoncer quelque chose très rapidement. On sait qu’il y a des sites Michelin France menacés par des restructurations, voire peut-être des fermetures », s’inquiète-t-il.

    De son côté, la direction assure que ce nouveau « salaire décent » n’a rien à voir avec « l’adaptation de l’entreprise à l’évolution industrielle et l’évolution du marché », ce sont « deux choses différentes et pas antinomiques ». Après tout, la firme au Bibendum reste une entreprise qui pense aussi à ses actionnaires.

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  • La principale cryptomonnaie, le bitcoin, se prépare à un événement qui se produit tous les quatre ans à peu près : le halving (la « division par deux », en français). Il devrait avoir lieu ce vendredi 19 ou ce samedi 20 avril. Qu'est-ce que cette règle et quelles conséquences a-t-elle ?

    Dans le monde du bitcoin, outre les acheteurs et utilisateurs de cette monnaie, il existe des personnages clés : les mineurs. Ce sont eux qui enregistrent et garantissent les transactions. Pour cela, ils doivent recourir à de nombreux calculs informatiques, ce qui consomme beaucoup d’électricité. Les sociétés de minage les plus importantes sont de grandes entreprises cotées en Bourse (comme Marathon, Riot, ou encore Hut 8, pour ne prendre que le cas des États-Unis). Ces mineurs sont récompensés en bitcoin. « Jusqu'à aujourd’hui, cette récompense était de 6,5 bitcoins par bloc [par unité « minée »]. À partir de ce vendredi ou ce samedi, elle sera divisée par deux pour passer à 3,125 bitcoins », explique Bruno Biais, professeur d’économie et de finance à l'école de commerce HEC à Paris. Le fait que cette récompense soit divisée par deux explique pourquoi on parle de halving en anglais.

    Une règle créée pour « éviter l’inflation »

    Le bitcoin est une monnaie. Sa valeur repose donc sur la confiance, rappelle Bruno Biais. « Le risque pour une monnaie est qu’elle perde de sa valeur. Pour éviter cela, il faut s’assurer que la quantité de monnaie créée soit limitée. Le halving limite la création de nouveaux bitcoins et contribue à maintenir la valeur du bitcoin », souligne-t-il.

    Cette règle du halving a été mise en place lors des débuts du bitcoin. Elle a déjà été appliquée quatre fois et se répètera tous les quatre ans jusqu'en 2140. Ensuite, si les règles ne changent pas, plus aucun nouveau bitcoin ne sera créé. Au cours actuel, les bitcoins déjà émis représentent plus de 1 100 milliards de dollars.

    Les entreprises de minage de bitcoin seront moins payées

    Pour les personnes qui ont des bitcoins, le halving n'a aucun impact direct. En revanche, la récompense des mineurs et des entreprises dédiées à cette activité sera divisée par deux. Les entreprises de minages s’y préparent depuis longtemps, comme BigBlock, une société de minage implantée en France, en RDC, au Paraguay et bientôt en Éthiopie. « On ne peut rien faire pour contrer le halving, on sait que ça va arriver et nous ne sommes donc pas surpris. Tous les jours, bien avant le halving, nous travaillons à chercher les kilowattheures les moins chers possibles, explique Sébastien Gouspillou, son président et fondateur. Nous faisons le tour du monde pour chercher de l’électricité bon marché. Dans notre cas, nous n’achetons que des surplus d’électricité, qui ne sauraient être vendus ailleurs » et coûtent donc moins cher, affirme-t-il.

    L’industrie du bitcoin est très énergivore. Le New York Times a ainsi calculé que l’une des plus grandes usines de minage de bitcoin aux États-Unis consommait autant d’électricité que 300 000 Américains. La baisse des revenus des mineurs provoquée par le halving les pousse à chercher une énergie toujours moins chère pour que leur activité reste viable économiquement. Cela explique que le bitcoin repose beaucoup sur l’électricité de centrales à charbon, peu coûteuse, mais très polluante. Aux États-Unis, l’industrie de cette cryptomonnaie repose à 85% sur les énergies fossiles. Dans d’autres pays très importants pour le secteur, comme le Kazakhstan, le minage de bitcoin crée aussi de fortes tensions sur le réseau électrique, ce qui a poussé Astana à davantage réguler cette activité après 2022.

    Quel avenir pour les entreprises du secteur ?

    Le bitcoin a perdu plus de 10% de sa valeur depuis le début du mois. Mais la monnaie avait tellement augmenté cette année que Sébastien Gouspillou y trouve son compte. En effet, le bitcoin a presque doublé depuis trois mois, ce qui compense la division par deux du nombre de bitcoins qui seront versés aux mineurs. Les plus grosses entreprises du secteur ont tout de même miné le plus qu'elles pouvaient avant le halving. « À long terme, ce qui va déterminer les revenus des mineurs, c'est donc surtout le prix du bitcoin », avance Bruno Biais. Ces entreprises ont besoin d'une hausse des cours pour continuer d'être rentables.

    Un pari, car comme toute monnaie, le bitcoin a connu et pourra encore connaître des crises. « Ce qui déterminera la survie et le succès (ou non) du bitcoin sera l'utilité de cette monnaie » pour les utilisateurs, estime le professeur d'économie et de finance. « Le bitcoin sera utile s'il permet de continuer d'effectuer des paiements sans passer par les institutions » financières classiques, précise-t-il, notamment dans les pays touchés par l'hyperinflation ou encore les dévaluations.

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  • J-1 en Inde pour les élections législatives. Le BJP, le parti du Premier ministre Narendra Modi, est donné favori en raison de son excellent bilan économique. Un succès pourtant contesté, y compris dans les milieux d’affaires.

    L’Inde deviendra la troisième puissance mondiale d'ici à 2029, c'est-à-dire avant la fin de son prochain mandat, promet Narendra Modi, avec de solides arguments en sa faveur. La croissance est vigoureuse depuis plusieurs années, 6,8% pour cette année, selon les prévisions du FMI. Les grands chantiers lancés depuis son arrivée au pouvoir ont nettement amélioré le quotidien des Indiens et ont dopé l’activité économique. Et enfin, le pays bénéficie aujourd’hui des investissements des multinationales quittant la Chine depuis le Covid. Le BJP et Narendra Modi en font des tonnes sur cette trajectoire flatteuse. En réalité, dénonce un ancien gouverneur de la Banque centrale, l’Inde est encore et restera un pays pauvre.

    Un enrichissement très relatif

    Cette croissance ultra-rapide et solide est trop faible pour améliorer le niveau de vie des 1,4 milliard d’habitants. Le revenu par habitant n’est que de 2 600 dollars par an. C'est le plus bas des Brics, comme du G20, renvoyant l’Inde à la 139e place du classement mondial en termes de richesse par habitant.

    Depuis dix ans, le nombre de milliardaires a triplé, mais le revenu de l’immense majorité des Indiens stagne. Avec si peu de redistribution, on voit mal comment le marché intérieur peut entretenir la croissance. Le symptôme le plus flagrant de cette pauvreté est le chômage à 8% – le taux d’activité est très faible, les femmes sont quasiment absentes du marché du travail. La plupart des Indiens vivotent grâce au secteur informel, à des années-lumière de la prospérité de la classe moyenne employée dans les services.

    Pas de miracle chinois à l’horizon

    L’ouverture des usines à vocation exportatrice, comme celle d’Apple pour fabriquer des iPhone, est un bienfait pour l’industrie, et donc, pour l’emploi indien. Mais il ne faut pas non plus en exagérer les effets. Les investisseurs étrangers pensent diversification, ils ne veulent plus dépendre d’un seul pays, mais l’Inde ne bénéficie que d’une petite partie de ce vaste mouvement de relocalisation.

    Le soutien à la tech, affiché comme une priorité par le gouvernement, est bon en soi, explique un autre ancien gouverneur de la Banque centrale, Raghuram Rajan, lui aussi très critique envers le récit très romancé des succès économiques du Premier ministre indien. Mais, selon lui, c'est insuffisant pour donner du travail à tous. Il faut, recommande-t-il, regarder du côté des industries traditionnelles du pays et améliorer l’environnement des investissements. Un domaine où beaucoup reste à faire, estiment les entrepreneurs indiens.

    Certains préfèrent aller à Singapour pour monter une start-up, faute de confiance dans l’environnement de leur pays. L’arbitraire politique, les mesures protectionnistes encore trop nombreuses dans l’industrie, la faiblesse du marché intérieur sont parmi les repoussoirs les plus fréquemment identifiés, y compris parmi les grandes dynasties économiques totalement acquises à Narendra Damodardas Modi.

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  • Les marchés pétroliers sont restés quasiment impassibles après l’attaque menée par l’Iran contre Israël. Depuis la semaine du 8 avril, le cours du brut reste collé à la barre des 90 dollars le baril de Brent. Une inertie inhabituelle dans ce contexte hautement inflammable.

    Cette absence de réaction est contraire à tous les schémas en vigueur depuis cinquante ans. Depuis la Révolution islamique de 1979, une agression militaire menée par la République des mollahs est perçue comme une alerte rouge pour les marchés pétroliers. Parce que cette perspective est considérée comme débouchant forcément sur une guerre ; et parce que les pays consommateurs, les Occidentaux, redoutent par-dessous tout que Téhéran mette à exécution sa menace favorite : le blocage du détroit d’Ormuz, par où transite 20% du brut.

    Le détroit d’Ormuz, vraie fausse menace

    Mais cette menace ultime, une fois encore, ne s’est pas matérialisée. Hormis la saisie samedi 13 avril d’un navire accusé d'être lié à Israël dans la zone du détroit, le trafic continue, comme si de rien n’était.

    Quant à la guerre, c'est une épée de Damoclès qui n'est pas encore tombée. Les marchés sont très sensibles aux risques géopolitiques, mais ils sont d’abord orientés par les fondamentaux, c’est-à-dire par l’équilibre entre l’offre et la demande. Et de ce point de vue, les données sont rassurantes. Car il y a partout dans le monde des provisions disponibles.

    Il y a aujourd’hui un potentiel de croissance de l’offre de pétrole aux États-Unis, au Brésil, au Canada et au Guyana, autrement dit dans des pays non membres de l'Opep. En cas d’embrasement du Moyen-Orient, il y a donc une capacité disponible substantielle de l’autre côté de l’Atlantique. Et le cartel dispose, lui aussi, de grosses réserves. Car pour redresser les cours, l'Opep+, à savoir l'Opep et la Russie, a resserré les vannes.

    En cas de crise, ils peuvent donc facilement rouvrir le robinet, approvisionner le marché et faire baisser la pression sur les cours. L’Arabie saoudite, le parrain du cartel, comme son allié de circonstance, la Russie, ont tous les deux besoin d’un cours du brut élevé, la zone actuelle des 90 dollars le Brent est idéale. Mais ils n'ont pas intérêt à ce que les cours explosent, pour éviter de décourager la demande. C’est pourquoi l’Opep augmentera son offre si nécessaire.

    Des réserves stratégiques en cas de crise

    Du côté des pays consommateurs, les grands pays occidentaux disposent de réserves stratégiques. La plus importante est aux États-Unis. Étant donné l’inflation encore élevée outre-Atlantique, Joe Biden pourrait très bien envisager de libérer une partie des réserves si le marché pétrolier venait à flamber. Pour tranquilliser les Américains, à la veille des grandes transhumances estivales, mais aussi à quelques mois de l’élection présidentielle.

    Toutes ces informations sont intégrées par les marchés pétroliers, c’est pourquoi ils restent relativement confiants. Les plus audacieux se préparent au pire, avec des options posées sur 3 millions de barils à 250 dollars livrables en juin.

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  • Olaf Scholz termine sa visite en Chine ce mardi par une rencontre avec Xi Jinping. Pour parler Ukraine, Moyen-Orient, mais aussi affaires. Malgré les tensions commerciales et géopolitiques entre l’occident et l’empire du milieu, le chancelier allemand entend défendre les liens économiques qui unissent les deux pays.

    Les liens patiemment construits par les entreprises allemandes à partir des années 1980 ont pris une importance vitale pour l'économie de la première puissance européenne. La Chine est son premier partenaire commercial avec des échanges qui se montent à 250 milliards d’euros en 2023. 5 000 entreprises allemandes sont présentes dans l’empire du milieu, c’est cinq fois plus que le nombre d'entreprises françaises.

    La masse est considérable, mais elle est en train de se contracter, au détriment de l’Allemagne. Les échanges entre les deux pays ont fortement reculé entre 2022 et 2023, de 8%, à cause essentiellement de la baisse des importations de la Chine, en raison de l'essoufflement de son économie. Et aussi, parce qu'elle a dépassé le maitre à l'export.

    L’Allemagne dépassée par la Chine à l’export

    Elle est aujourd’hui en mesure de fabriquer et d'exporter ce qu’elle achetait auparavant en Allemagne. Dans une note publiée la semaine dernière, l’assureur Allianz constate que la Chine exporte désormais davantage que l’Allemagne dans ses domaines d’excellence. C’est le cas depuis longtemps dans l’équipement électrique et la machine outil, et plus récemment dans le secteur de la chimie. L’Allemagne conserve une longueur d’avance dans l’industrie automobile, mais la concurrence chinoise est de plus en plus vive. L’Europe est la première à s’inquiéter du déferlement des voitures électriques chinoises à bas prix et envisage de les taxer si l’enquête lancée par Bruxelles confirme les subventions supposées. Olaf Scholz est beaucoup plus prudent sur cette question.

    Il a peur des représailles contre les constructeurs allemands. Et il reste fidèle à la position de ses prédécesseurs contemporains. Berlin a toujours considéré que le commerce était favorable à la paix. Malgré le camouflet avec la Russie, son ancien fournisseur de gaz qui a envahi l’Ukraine, malgré l’absence totale d’avancée démocratique en Chine, ce credo reste de mise au gouvernement allemand. En 2023, Berlin a bien annoncé une révision de sa stratégie à l’égard de la Chine. Pour prendre ses distances avec ce partenaire devenu entre-temps un concurrent et même un rival systémique, selon la formulation employée à Berlin. Mais une fois le document adopté, les affaires ont repris comme si de rien n’était.

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    Un pari à court terme

    Au moment où l’économie allemande chancèle, pas question de renoncer à ce précieux débouché. Indispensables pour BMW, Mercedes ou Volkswagen qui réalisent le tiers de leur chiffre d’affaires en Chine. Pas question non plus de se passer des fournisseurs chinois, devenus au fil du temps indispensables, aussi bien pour la pharmacie que les terres rares. Les industriels allemands revoient leur approvisionnement, mais cela prendra du temps, environ dix ans. À court terme, du point de vue allemand, il faut donc plutôt renforcer cette relation particulière que la négliger. Et il n’y a pas non plus d’alternative immédiate au plus grand marché du monde.

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  • Depuis deux ans le gouvernement japonais investit très lourdement pour doper la production nationale de semi-conducteurs, un secteur où l'Archipel s'est fait distancer ces dernières décennies par ses voisins taïwanais et sud-coréen. 27 milliards de dollars sur trois ans ont été prévus pour relancer cette industrie hautement stratégique.

    Le Japon est-il en train de réussir son retour dans le secteur des puces ? La rapidité avec laquelle la première fonderie du géant taïwanais des semi-conducteurs, TSMC, a été construite en un peu plus de deux ans dans l'Archipel en témoigne. Inaugurée en février dernier, codétenue avec le conglomérat électronique Sony et l'équipementier automobile Denso, l'usine de Kumamoto a coûté plus de 8 milliards de dollars, dont plus de 40 % ont été apportés par le gouvernement japonais. Objectif : produire des puces entre 12 et 28 nanomètres que l'on retrouve par exemple dans les jeux vidéo ou l'électronique embarquée utilisée notamment dans l'automobile. Une deuxième, voire une troisième usine devraient sortir de terre dans les prochaines années. La rapidité est la clé dans l'industrie des semi-conducteurs, répètent les Japonais.

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    Avantages pour Taïwan

    Côté taïwanais, le groupe TSMC a trouvé une main d'œuvre très qualifiée sur place. Ce n'est pas le cas pour ce qui est de son autre méga-usine en Arizona, aux États-Unis, dont l'ouverture a dû être repoussée à 2025. Plus globalement, Taipei veut diversifier sa base de production, actuellement très concentrée sur l'île. D'où ces projets de construction d'usines aux États-Unis et en Allemagne. Pour Taïwan, c'est une question vitale. Plus les pays se sentiront liés à lui, plus ils seront solidaires face à l'éventuelle menace de la Chine, se dit Taipei. Et puis, le Japon est tout proche. Les deux pays veulent surmonter un passé douloureux, Taïwan était occupé par le Japon jusqu'en 1945, le courant passe apparemment.

    Côté Japon

    Champion des puces dans les années 1990, le Japon veut ramener la production des semi-conducteurs sur son sol. Durant la pandémie, en manque de vaccins anti-Covid, le gouvernement japonais s'est rendu compte de sa dépendance aux approvisionnements étrangers. Tokyo ne veut pas que cette situation se reproduise. L'industrie des puces fait désormais partie des secteurs hautement stratégiques pour le pays.

    Vers une production nippone des puces de pointe

    Dans le Nord du Japon, un grand projet public-privé avance pour une construction d'une fonderie de puces de 2 nanomètres, soit les plus puissantes du monde, dédiées notamment à l'intelligence artificielle. Le consortium Rapidus, rassemblant huit entreprises japonaises, assure que son usine sera opérationnelle dès 2027. D'autres entreprises étrangères, comme Microsoft, Google ou Nvidia, investissent dans ce secteur crucial. Tous ces projets devraient propulser le Japon dans une nouvelle ère. Tout en garantissant un approvisionnement fiable, loin des tensions existantes entre les États-Unis et la Chine.

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