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  • À travers sa marque éponyme, Michelle Deguenon propose des articles de maroquinerie et vise la qualité. Elle allie des matières nobles comme le cuir et les pagnes tissés à une fabrication béninoise dans son atelier de 7 personnes. Elle propose des accessoires élégants, pratiques pour femme comme pour homme. Toutefois, Michelle Deguenon n’est pas seulement connue pour ses sacs et chaussures, mais aussi pour son école de formation.

    « La créativité, je la vis, parce que cela permet de résoudre les problèmes, d'être moins stressée, de vivre l'instant présent. Quand tu es créatif face à un problème, tu ne t’emportes pas très vite, tu as le temps de contrôler ton émotion avant de pouvoir agir », confie Michelle Deguenon, fondatrice de la marque africaine d’accessoires éponyme. Une marque spécialisée dans la maroquinerie et la cordonnerie :

    « La créativité, c'est mon quotidien. Cela m'amène à chaque fois à améliorer ma personne et à pouvoir mieux gérer mes émotions, surtout en cas de crise. Quand tu n'es pas arrivé à tel moment ou quand le collaborateur a mal fait cette coupe. Quand tu es dans le monde entrepreneurial où il y a du stress, il y a cette partie créative de ta personne qui naît. Et moi, cela m'aide beaucoup. »

    Michelle Deguenon est née au Bénin. Passionnée de mode, elle suit malgré tout un parcours scolaire académique. Après son baccalauréat, elle continue ses études en marketing, avec une licence puis un master. Elle exerce comme commerciale et consultante pour de grandes entreprises.

    Mais en 2017, sa passion prend le dessus et elle lance sa marque éponyme dans le domaine des accessoires de mode. Elle commence par déstructurer des sacs afin de les habiller avec des pagnes tissés, puis réalise les gabarits de ses sacs, et enfin, les produits dans son atelier. Afin de réaliser ses accessoires et sa cordonnerie, où chaque détail compte, Michelle Deguenon travaille avec des matériaux soigneusement sélectionnés : le cuir et les pagnes tissés. Le prototypage est une étape importante pour créer différentes collections.

    « Quand je suis en atelier, à l'étape des prototypes, je réfléchis beaucoup. Un fois le patron fini, tu réfléchis au montage. Tu essayes. Si ce n’est pas bon, tu es obligé de reprendre. Et toute cette énergie-là, de reprendre, réfléchir, penser jusqu'à ce que le produit soit parfait. Cela me passionne. C'est quelque chose que j'aime vivre souvent. Cela prend du temps, un mois, pour nous deux mois. Parce que nous sommes une petite équipe, et nous voulons que le produit soit tellement bien qu'il nous arrive des fois de produire quatre prototypes avant d'avoir le résultat final. Parfois, nous pensons à un cuir, mais dans la réalisation, on se rend compte que cela ne nous permettra pas d'avoir le résultat escompté. Donc, en cours de route, nous changeons et nous cherchons celui qui sera adapté pour obtenir de très bonnes finitions. »

    La mission que s’est fixée Michelle Deguenon est celle de faire porter un sac ou des chaussures qui racontent l’histoire du continent africain. Pour cela, dans son processus créatif, elle commence par l’idée. « Et après l'idée, nous partons sur la recherche et développement qui pourrait retracer l'Afrique. L'idée que nous avons eue, qui pourrait faire ressortir une petite histoire de l'Afrique. Et donc, nous faisons les recherches dans ce sens. Après, nous dessinons sur un tableau d’inspirations le moodboard. Nous y mettons un peu de tout pour pouvoir structurer l’idée, en extraire le dessin, faire ressortir une figure géométrique d'abord et après, nous faisons une sélection de toutes les figures géométriques que nous avons réalisé. Nous faisons le dessin de la collection de manière manuelle, puis nous passons à la 3D pour pouvoir avoir une représentation en volume. Nous sélectionnons le cuir auquel nous avons pensé et également les pagnes tissés qui pourraient aller avec le cuir, et à nouveau une représentation en 3D. Mais il faut dire que la partie recherche et développement fait beaucoup travailler, réfléchir aussi, parce que cela demande des fois de sortir un peu dans le pays pour aller écouter les histoires, entendre et faire une synthèse pour pouvoir ressortir de très bonnes idées. »

    Créatrice d’accessoires, Michelle Deguenon est aussi à la tête d’une école de formation, avec une approche différente.

    « Dans notre école, nous accueillons des personnes qui sont passionnées. Tu peux accéder à la formation à différents niveaux, celui où tu dois avoir le bac, ou avec le BEPC. Il n'y a pas que de la maroquinerie. Il y a des formations en stylisme, modélisme, de maroquinerie et également cordonnerie. Il y a des formations de longue durée, de courte durée et des masterclass également, pour des personnes qui veulent apprendre quelque chose de manière ponctuelle. Les maroquiniers ou bien les cordonniers, généralement, ils n’ont pas un processus de création. Il n'y a pas le côté recherche et développement, il n'y a pas d'élaboration du moodboard. Il n'y a pas tout ce travail en amont qui est fait. C'est ce que nous, nous apportons, parce que quand tu le fais, tu as la facilité de produire et cela suit une ligne directive. Cela ne va pas dans tous les sens, c'est bien structuré. Lorsque tu veux vendre le produit, tu vends l'histoire derrière ce produit. »

    La créatrice béninoise, au-delà de son métier, s’engage également pour la cause des enfants. « C'est un côté purement social. C'est quelque chose pour lequel, moi, j'ai vraiment envie d’œuvrer, d'amener ces jeunes à changer de mentalité, à ne pas se dire que c'est une opportunité de faire du n'importe quoi ou d'aller à la dépravation, ou bien de vouloir faire la tête avec les parents. Je dis non, ce n’est pas vrai. Tu peux avoir des parents divorcés, tu peux vivre toutes ces émotions là en tant qu'enfant jusqu'à l'adolescence, mais décider de prendre ta vie en main, réaliser tes rêves. Décider d'être une personne intègre, qui a des valeurs, une personne qui défend des causes nobles et atteindre ses objectifs dans la vie. »

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  • 100% création clôt sa série d’été, autour de l’esprit créatif de Paris 2024, avec les vases trophées qui seront remis aux médaillés d’or français à la fin de la 33e olympiade. La manufacture de Sèvres et les Beaux-Arts de Paris ont réuni leur savoir-faire et leur créativité afin de concevoir 60 vases trophées dont les décors ont été imaginés par 6 étudiants-artistes.

    Des pièces uniques qui allient le savoir-faire, plusieurs fois centenaires, de la manufacture de Sèvres et l’imagination d’une nouvelle génération d’artistes. Michel Roué, chef du service de la décoration à la Manufacture de Sèvres, est celui qui a accompagné les six artistes dans la réalisation des vases trophées :

    Il faut vraiment toujours prendre les choses comme elles viennent et surtout ne pas dire ‘je sais faire’, parce que le ‘je sais faire’ est très dangereux. L’approche c’est de savoir comment nous allons faire. Puis à l’ouverture de four, nous verrons le résultat après l'épreuve du feu.

    « Une pièce peut cuire 12, 15 fois, explique Michel Roué, chef du service de la décoration à la manufacture de Sèvres. À chaque ouverture de four, nous pouvons avoir le grand ‘waouh’ ou ‘ha’. Un surplus d'épaisseur de jaune sur un décor fait écailler la couleur. Il n’y a pas de repentir, nous ne pouvons pas restaurer. Sèvres ne restaure pas. Il faut, donc, recommencer. Ce n'est pas un drame. Souvent, nous devons répondre à la question ‘mais qui fait le tri qualité à Sèvres ?’ Le tri qualité se fait dans chaque atelier. Chaque personne ayant en main une pièce est responsable. Il la donne au chef de service pour la cuire. Mais quand je reçois la pièce, moi, je peux constater quelque chose avant cuisson. Mais ce qui va se passer pendant la cuisson, je ne le sais pas. Nous constaterons ensemble, après l'ouverture du four, si un défaut apparaît sur une pièce. Avec l'expérience, tous les chefs d'atelier savent quand il y a eu une erreur technique, de cuisson, de météo. Nous pouvons arriver à définir ce qu’il s'est passé, mais pas tout le temps. »

    Michel Roué est né à Paris. Très tôt, avec son père, il apprivoise les techniques de maquette. Son attrait pour le dessin et la 3D, le volume sur maquette, l’ont conduit vers une école de décoration sur porcelaine. Dans son parcours scolaire, il fait une visite à la Manufacture De Sèvres. Fasciné par l’atelier d’émaillage, il entre à Sèvres à 17 ans et demi. Michel Roué, n’a pas vu le temps passé. Quarante-cinq ans plus tard, l’enthousiasme est toujours là grâce au travail éclectique, la haute technicité et mise à disposition d’un savoir-faire unique auprès d’artistes contemporains et de leur vision artistique. « J'avais perdu mon papa très jeune et j'ai retrouvé une maman du travail et un papa du travail, explique-t-il avec émotion. Monsieur Dédé Lecot, chef des fours, c'était mon père spirituel et ma maman spirituelle, c'était madame Gisèle Bouguerfa, cheffe de l'atelier d'émaillage. Des personnes déjà âgées qui nous accompagnaient et qui nous transmettaient des techniques, mais tout un univers, cela m'a vraiment beaucoup aidé à Sèvres. J'ai tout de suite beaucoup bougé dans l'atelier d’émaillage, c'est-à-dire, il y a beaucoup de techniques : le trempage dans la cuve, tremper les pièces dans un bain d'émail, c'est un peu comme une chorégraphie, le travail au pinceau, à l'éponge, par insufflation au pistolet. Ce qui m'a fait rester, c'est l'environnement, les rencontres, l'accompagnement des artistes. Très jeune, j’ai rencontré des artistes à qui j’ai apporté l'assistance technique. Ce sont des rencontres incroyables. Cette vision de l'artiste vous emmène dans une autre dimension, mais il faut toujours rester du bon côté de la barrière. »

    En 1924, la manufacture de Sèvres, a réalisé des vases trophées destinés aux champions olympiques français. C’est la même forme de vase, qui en 2024, a fait l’objet d’un travail par 6 jeunes artistes issus des Beaux-Arts. Pour Michel Roué, ce projet l’a légèrement préoccupé. " 60 vases commandés par la présidence de la République qui partiront et seront remis par le président de la République aux médaillés d'or français. Vous voyez la pression ? Cela a été quelques nuits de cogitation pour tout le monde et moi particulièrement. Je suis d'une nature assez anxieuse, il faut que je sois rassuré tout le temps. J'ai beaucoup de chance à Sèvres parce que j'ai beaucoup de fours d'essai, ils sont au nombre de 11. Nous pouvons les utiliser à foison pour faire un essai rapide. Le lendemain matin, nous regardons ce qui s'est passé et nous corrigeons. Travailler, corriger, travailler."

    Les lauréats ont proposé un travail hétérogène. Michel Roué a dû s’adapter à chaque proposition. Celle qui célèbre les pigments bleus de Sèvres, ou qui fait écho au corps et à l’appareil respiratoire, celle dont le trait symbolise la rigueur et la discipline du sport, ou encore, celle inspirée par l’univers de la Bande dessinée, soit un dessin figuratif dynamique qui met à l’honneur les sportives et sportifs en compétition, et pour finir une autre réalisation où des créatures animales, parfois chimères incarnent les disciplines sportives de façon poétique. « Certains se sont lancés très rapidement sur les pièces bonnes et certains sont restés sur des essais, explique-t-il. Ils sont issus d'écoles différentes et je peux les appeler des artistes, puisqu'ils sont diplômés des Beaux-arts, ces jeunes artistes, certains, par exemple, avaient des appétences pour la bande dessinée, comme Samia, d'autres comme Thomas, artiste que j'ai qualifié conceptuel comme pourrait l'être Fabrice Hybert. Et j'ai eu Domitille avec qui j'ai beaucoup échangé, qui m'a demandé très rapidement "est-ce qu'il y a de la place pour moi à la Manufacture, à la décoration, pour peindre ?" Elle voulait rentrer à Sèvres. »

    Chaque vase trophée présente une composition graphique, nette et maîtrisée, bien que différente. Mais avant de lancer la production des vases trophée, des essais ont été indispensables. « Au moment du coulage de la barbotine dans le moule, nous avons un excédent de pâte qui se trouve en haut du vase, couper ces "nourrices". Ils ont commencé sur ces petites nourrices, à faire des traits, des poses à l'éponge, au pinceau à gratter bien sûr, en notant le nombre de passages, de pinceaux, dans quel pot ils ont pris aussi, parce que pour éviter les mélanges, pour passe ensuite à des essais plus grand. Nous avons la chance ou la malchance d'avoir des problèmes techniques sur une coulée sur dix vases, on peut avoir trois vases qui n'arrivent pas au bout du système et du principe de production. Ils sont démarqués parce que soit ils ont un petit problème de collage, soit ils n'ont pas la bonne hauteur. On peut les recouper et c'est des vases qu'on peut proposer pour faire des essais. Ensuite, quand ils ont eu vraiment l'idée de ce que ça pouvait donner au niveau couleur et au niveau matière. Sur les nourrices, on saute directement sur un vase fendu endommagé pour avoir quand même une idée de ce que peut représenter leur décor en volume sur la bonne taille de pièce. »

    La cuisson de grand feu dans l’un des six fours à bois du 19e siècle de la Manufacture de Sèvres est toujours un événement exceptionnel. Ce moment collectif fait battre le cœur de la Manufacture. Il réunit les talents des artistes invités, des techniciens d’art. Cet événement plein d’émotions se produit seulement tous les 4 ou 5 ans. " À Sèvres, nous avons six fours. Nous avons pris le plus petit four. Pourquoi ? Parce que 60 vases de 30 cm, c'étaient à peu près la jauge de ce four. Pour faire un four à bois, il faut une grosse équipe. Nous faisons des appels au volontariat au sein de toute la manufacture. C'est un événement où tout le monde s'inscrit. Nous prenons les plus jeunes, ceux qui n'ont jamais vu, qui n'ont jamais fait, et un peu par famille de métier, technicien et autres. C'est ouvert aux fonctions support. Tout le personnel a pu participer à cette fête puisqu'il faut imaginer quand même une cuisson de 33 heures au minimum. Il faut une présence tout le temps devant chaque alandier (le foyer placé à la base du four). Il y avait deux alandiers, donc quatre personnes devant l’alandier en permanence pour amener le bois, pour charger, pour ouvrir, il faut être plusieurs. Cela fait partie de la vie de la manufacture. C'est un ensemble de facteurs qui font qu'à Sèvres, comme dans beaucoup d'autres endroits, l'émotion n’est pas journalière, mais elle est présente tout le temps."

    Ces trophées seront remis aux athlètes olympiques et paralympiques français médaillés d’or, lors d’une cérémonie officielle à la fin des Jeux. Plusieurs exemplaires rentreront dans les collections des Beaux-Arts de Paris et dans les collections du musée national de Céramique à Sèvres.

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  • Cet été, 100 % création aborde l’esprit créatif des Jeux olympiques et des Jeux paralympiques. Aujourd’hui, l’exposition  « Histoires paralympiques », qui se tient au Panthéon jusqu’au 29 septembre. Parmi les archives et objets de l’exposition, il y a un vélo-fauteuil des années 1920 parfaitement restauré par Sylvain Canu. Une commande encadrée par Alice Pineau, cheffe de projet au Centre des monuments nationaux.

    La création au sens très large m’intéresse surtout dans l’aspect artistique.

    Alice Pineau, cheffe de projet au Centre des monuments nationaux.

    Dans le travail, on n’est pas si souvent amené à passer commande à des artisans, sauf dans le cadre de restaurations d’œuvres d’art, mais je ne peux pas vraiment comparer. Finalement, l’expérience qu’on a eue là, sur ce fauteuil que je qualifie vraiment de petite aventure, ce n’est pas comparable à ce qu’on a pu vivre sur d’autres projets.

    Je suis quelqu’un d’essentiellement technique. Je suis pragmatique.

    Sylvain Canu, artisan-restaureur du vélo-fauteuil des années 1920.

    Le travail manuel, la création d’un objet avec les mains, pour moi, ça a une valeur qui est inestimable. Ça donne une satisfaction pour soi. Pour moi, ça représente un travail manuel qui fait fonctionner aussi le cerveau. Il n’y a pas que du manuel dans la restauration, que ce soit de vélo ou de tout objet, tout objet d’art.

    Le sport offre de la visibilité sociale et les Jeux paralympiques ont aussi bouleversé la perception des personnes handicapées dans la société. Alice Pineau : « L’exposition porte sur l’histoire des Jeux paralympiques. Cette histoire débute avec les Jeux de Stoke Mandeville, juste après la Seconde Guerre mondiale, les commissaires de l’exposition souhaitaient évoquer les compétitions sportives qui se sont déroulées avant la création des Jeux de Stoke Mandeville et qui impliquaient des personnes ayant un handicap. Au cours de nos recherches, nous avons trouvé un film d’archives Gaumont, qui montre une course qui a eu lieu à Longchamp, dans laquelle une partie des participants concouraient avec une sorte de vélo-fauteuil qui était activé par un pédalier à bras. Les commissaires avaient envie, dans l’exposition, de montrer l’évolution du matériel sportif et l’évolution technique des matériels, donc cela les intéressait de montrer un vrai fauteuil de ce type. »

    « Nous avons cherché auprès d’un certain nombre de musées et nous n’avons pas trouvé ces fauteuils. Le film date de 1920, ils n’avaient pas été conservés dans les musées que nous avons sollicités. Un jour, ma collègue a eu l’idée de chercher sur un site de petites annonces. Elle en a trouvé un qui était très proche de ce que nous voyons à l’écran dans le film d’actualité Gaumont. »

    Le Centre des monuments nationaux a donc missionné Sylvain Canu, artisan et passionné de « la petite reine » pour la restauration de ce vélo-fauteuil. Ce virtuose aime remettre en état et redonner une nouvelle vie aux vélos avec son atelier de recyclage. Un défi qu’il a relevé en se documentant afin de mieux appréhender le travail réel à faire sur l’objet. « C’est quand j’ai reçu le vélo que j’ai pu me rendre compte et faire une estimation précise de ce qu’il y avait à faire et surtout du temps que cela allait me prendre. J’ai fait un rétroplanning de ce qu’il fallait faire pour arriver à l’échéance que madame Pineau m’imposait pour qu’il soit prêt pour l’exposition. Il y a eu deux éléments. Le vélo était complet. C’était un point positif parce que je n’avais pas à rechercher des pièces à droite à gauche pour le reconstituer. C’était complet. »

    « Par contre, il y avait beaucoup de pièces qui étaient très endommagées ou très rouillées. La rouille avait attaqué de façon très importante les roues, en particulier les rayons. La difficulté, c’est que c’était une taille de roues qui ne se fait absolument plus aujourd’hui, donc, des tailles de rayons qui ne se trouvent plus. Les jantes, c’était impossible de les remplacer par du neuf ou même de l’occasion trouvée ailleurs. Il m’a fallu partir de cette base. »

    Le vélo-fauteuil débusqué par le Centre des monuments nationaux ne pouvait pas être exposé en l’état. « L’objet était abandonné depuis pas mal d’années. Nous ne savions pas jusqu’où cela serait possible d’aller et jusqu’où c’était souhaitable. Il fallait absolument le nettoyer, enlever la rouille, la poussière. Mais c’est sûr que nous ne souhaitions pas donner l’impression que c’était un objet neuf. C’est une exposition qui a un déroulé chronologique. Cet aspect du propos est essentiel pour bien comprendre l’histoire des Jeux. C’était important que cet objet ressemble à un objet du début du 20ème. Nous ne voulions pas l’effet sortie d’usine. Mais c’est vrai que je ne pouvais pas non plus dire de manière certaine : est-ce que dans son jus, cela suffit ? D’autant plus que nous savions que ce serait le premier objet visible dans l’exposition. Le premier objet dans l’exposition, il y avait un enjeu. Il fallait que cet objet soit crédible et beau. Jusqu’où nous allions dans la restauration, c’était une question complexe. »

    Sylvain Canu est un expert qui n’en est pas à sa première restauration. Pour ce vélo-fauteuil, ancêtre des fauteuils roulants actuels, la réhabilitation s’est faite en plusieurs étapes. Sylvain Canu :

    « J’ai mis d’un côté la partie tôlerie, de l’autre la sellerie. Le fauteuil en lui-même était finalement en assez bon état, avec des produits régénérants pour le cuir, j’ai pu raviver le siège, le dossier et le fauteuil, c’est d’origine. Du côté tôlerie avec toutes les pièces qui sont censées être chromées ou être complètement décapé, mais avec le métal à nu non peintes et celui de la partie peinte. J’ai fait moi-même la peinture au pistolet avec une couche d’apprêt, plusieurs couches de peinture. Pour les pièces qui ont été chromées, je les ai portées chez un polisseur et un chromeur qui m’a fait ce travail. C’est la même personne qui s’est occupée des roues. Il y a quelques autres pièces que j’ai polies moi-même. Quand il manque une pièce, je la fabrique et cela m’est arrivé sur ce vélo-fauteuil. En examinant de façon attentive, il y a une pompe à air qui est fixée sur l’axe de la roue arrière. Cette pompe était maintenue par deux petits tétons en métal qui étaient tellement rouillés que j’ai dû les découper à la disqueuse, ces petits supports de pompe à air, j’ai dû les recréer de toutes pièces. »

    Le niveau de restauration du vélo-fauteuil d’après-guerre a été dicté, aussi, par le temps.

    « Comme nous ne cherchions pas une restauration à neuf, il y avait certaines choses que je pouvais laisser sans aller trop loin. Par exemple, le polissage de certaines pièces. Si vous passez sur la polisseuse, c’est-à-dire un appareil qui tourne très vite avec une brosse, enfin plusieurs brosses, vous pouvez passer une demi-heure et votre objet va avoir des aspérités de près. Cela ne va pas trop se voir, mais vous pouvez y passer trois heures et votre objet va être fini et parfaitement lisse. C’est un peu au feeling que j’ai fait le polissage. Il y a des pièces où je me suis dit : c’est une pièce qui n’est pas très visible, ce n’est pas si important si la pièce n’est pas parfaite, et puis il y a d’autres pièces, je souhaite qu’elles soient vraiment belles et j’y passe du temps et je vais vraiment dans le détail et dans le fini des choses pour que cela donne un très bon rendu. "

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    À lire aussiMathieu Lehanneur, le designer de la torche et de la vasque olympique

  • Cet été, tous les regards se tournent vers Paris. Pour la troisième fois de son histoire, la ville lumière accueille les Jeux olympiques, après ceux de 1900 et 1924. 100% création aborde l’esprit créatif de ces Jeux. Aujourd’hui : Dominique Antérion, conservateur des collections de la Monnaie de Paris, et David Lebreton, scénographe et co-fondateur de l’agence Designers Unit.

    Ils nous parlent de l’exposition : d’or, d’argent, de bronze. Une histoire de la médaille olympique qui se tiendra jusqu’au 29 septembre, au musée de la Monnaie de Paris. Elle met en évidence l’art et l’histoire de la médaille olympique. Un objet que la Monnaie de Paris connait bien en tant que fabricant historique de médailles.

    Pour moi, la création, justement, je crois que je l'ai véritablement abordée avec cette exposition.

    Dominique Antérion, conservateur des collections de la Monnaie de Paris :

    La création, un petit peu tel que nous nous l'entendons de manière occidentale, aujourd'hui, avec son côté design, en effet, créatif, gratuit, presque pour le plaisir finalement de l'œil et au service de la pédagogie. Et cela, c'était une découverte.

    David Lebreton, scénographe et co-fondateur de l’agence Designers Unit :

    La scénographie apporte du beau. Je pense qu'il faut assumer pleinement que l'exposition, en plus de présenter les choses, marque les esprits. Elle est mémorable et elle propose un moment de plaisir séduisant. Nous ressortons avec l'idée que peut-être, il faut inviter les autres à venir.

    De l'Antiquité à nos jours, c'est l'instant de la Victoire et de la Récompense que l'exposition D’or, d’argent, de bronze – une histoire de la médaille olympique raconte, à travers la médaille elle-même, mais aussi à l’aide d’objets, d’images et d’archives pour mieux comprendre ce qu’elle représente et symbolise. Dominique Antérion, conservateur des collections de la Monnaie de Paris, nous raconte l’origine de l’exposition :

    C'était tellement logique que ce soit nous qui organisions une exposition et avec notre nom et la réputation de la maison, c'était, disons, quasi acquis que nous puissions faire venir à Paris pour les Jeux toutes les médailles que nous avons empruntées au musée de Nice ou au musée olympique de Lausanne, par exemple.

    Sincèrement, jamais je ne me serais intéressé à la médaille olympique. Je ne suis pas un spécialiste de la médaille, encore moins un spécialiste du sport, donc, reconnaissez que les planètes n'étaient guère alignées pour que je puisse travailler sur le sujet. Mais c'est la curiosité qui a été la plus forte. Cette curiosité a été dynamisée par la montée en puissance de l'esprit des Jeux. Cela fait un an et demi que nous travaillons sur ce projet. C'est très peu. Les scénographes de l'exposition, nous leur avons accordé encore moins de temps pour établir du scénario. Mais je pense que tout le monde a eu cette même motivation de faire partie de l'événement à notre manière, sans courir un sprint, quoique ce fût un sprint au niveau de la scénographie.

    Le scénographe hérite de la curiosité, d’une liste d’œuvres, d’un espace donné afin de créer une mise en espace de toutes ces idées et de valoriser les collections de Monnaie de Paris. David Lebreton :

    C'est toute la beauté de la scénographie, c'est de faire un peu la synthèse créative à la fois des contraintes matérielles et techniques, des ambitions programmatiques du commissaire, de l'institution, aussi, qui a une visée, une portée auprès de son public et puis, nous, de nos envies, de ce que nous avions envie d'apporter au projet. Nous, c'est l'idée de performance, de mouvement. Dans l'histoire de l'art, il y a un photographe qui s'appelle Eadweard Muybridge, qui a été à la fois un artiste et un scientifique, d'une certaine manière, qui a révélé au monde la structure du mouvement, et graphiquement comme scénographiquement, nous nous sommes appuyés sur cette logique de la fragmentation de la performance, du geste, de la beauté du geste. Cette exposition révèle des médailles, le pourquoi nous faisons des médailles. Pour récompenser l'effort et la performance dans l'effort. Visuellement, l'exposition, l'affiche, la communication tentent de révéler aux visiteurs cet effort, cette performance.

    La Monnaie de Paris célèbre les Jeux olympiques et paralympiques, mais avant que le scénographe n’arrive, il y a une réflexion sur ce qui pouvait être réutilisé dans l’exposition antérieure. Dominique Antérion :

    C'est un peu compliqué parce que des fois, nous allons avoir besoin de places là où dans l'expo d'après, nous n’en avons pas besoin et inversement. Nous sommes dans la gymnastique, pour garder la métaphore olympique et sportive, mais en effet, nous sommes dans la prospective de comment sera l'expo d'après et sans avoir forcément tout le scénario, tout le tableau d'objets et autres. Cela veut dire que toutes ces cimaises, nous n’allons pas les jeter une fois que la première expo sera terminée.

    Ensuite, le fait déjà d'avoir toute une exposition en papier peint, je pense que cela doit changer pas mal de choses en termes d'impact écologique. Malgré tout, c'est une très grosse contrainte pour le commissaire puisque toute l'exposition est intégralement imprimée avant même que les œuvres ne soient présentes. Il faut être sûr que tous les espaces laissés libres pour les œuvres, là où il n'y a pas de texte, soit correctement dimensionné et au bon endroit. Je crois que chacun y a mis beaucoup du sien, et je crois que nous y sommes tous arrivés assez bien. Nous avons fait un beau travail de relais, d'équipe. Même chose pour les vitrines. Je pense que très logiquement, ce sont des vitrines que nous allons réutiliser. Il y a vraiment une pensée en écoresponsabilité avant même que l'expo ne sorte de terre.

    La mission du scénographe est d’informer, présenter et marquer la mémoire des visiteurs, mais avec cette exigence écoresponsable. David Lebreton :

    Le développement durable est une donnée supplémentaire, mais aussi une source de création d'une certaine manière. C'est une donnée à prendre en compte, positive, qui nous oblige à nous redéfinir en tant que créateur. Et quand je dis créateur, je pense que le scénographe n'est pas le seul créateur. Le commissaire est un cocréateur. Le fabricant a sa part de création parce qu'il amène des solutions techniques dans l'élaboration des vitrines, des cloisons, de l'impression.

    Un habillage graphique total des surfaces de cloisons déjà existantes a permis de donner une identité très forte qui se décline depuis la Cour d'honneur avec un objet événementiel attractif pour les JO, dans la cour de la Monnaie de Paris. Une charte graphique qui se déploie sur une identité visuelle à travers les affiches, les cartons d'invitation dans l'exposition, à la fois avec une grande cohérence et une forme de sobriété d'action. Et le dernier point, c'est la question des vitrines. Cette matière va être réutilisée deux fois, trois fois. Moi, j'aime bien parler d'héritage dans la création, nous sommes à la fois les héritiers de choses fabriquées que nous transmettons à d'autres créateurs qui vont rejouer avec, et de la même manière, nous sommes les héritiers d'une matière, les médailles, et que nous portons aux yeux du public. Le fait d'être un « designer-passeur » est quelque chose d'assez symbolique de notre pratique à l'agence.

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  • Cet été, tous les regards se tournent vers Paris. Pour la troisième fois de son histoire, la ville lumière accueille les Jeux olympiques, après ceux de 1900 et 1924. 100% création aborde l’esprit créatif de ces Jeux. Les JO, ce ne sont pas seulement des sportifs et des compétitions, ce sont aussi les métiers de la création qui s’activent dans le plus grand secret.

    Aujourd’hui, nous vous parlons de la tapisserie olympique avec Hervé Lemoine, président du Mobilier national. Nous avons rencontré Alexane Jouve, lissière à la manufacture des Gobelins qui a tissé avec une autre artisane d’art la partie centrale de la tapisserie olympique.

    Lors d’un événement tels que les Jeux olympiques, cela nous paraissait essentiel que la dimension culturelle s'incarne aussi au travers des créations singulières des créations faites spécialement pour ce moment dans nos manufactures nationales qui perpétuent la tradition de savoir-faire et de création française d'excellence.

    Hervé Lemoine, président du Mobilier national

    Créer, être artiste lissière, c'est tout ce que j'ai voulu être tout le temps. Faire un métier manuel, un métier de création, c'est très enrichissant. Le travail de la main, c'est fou, c'est avec nos mains que nous créons des œuvres monumentales. Moi, c'est ma passion, je n’ai pas l'impression de travailler. Je vis de ma passion. Je me lève le matin en me disant je vais tisser. C'est comme si j'allais faire de la poterie après mon travail, sauf que c'est mon travail.

    Alexane Jouve, lissière

    La tapisserie olympique est l’œuvre originale de l’artiste Marjane Satrapi. Il s’agit d'un triptyque mesurant 9 mètres de long et 3,30 mètres de haut. Tissée par les manufactures des Gobelins et de Beauvais, la tapisserie olympique a nécessité un travail entre les ateliers des manufactures. Alexane Jouve, lissière à la manufacture des Gobelins, a réalisé la partie centrale.

    « Nous avons commencé en 2021, confie-t-elle. Nous avons mis tout juste deux ans pour tisser la partie centrale. Moi, je suis une lisière de la partie du milieu parce qu'il y a trois ateliers pour les trois tapisseries. C'était pour que cela soit bien fait en temps et en heure, parce que dans un seul atelier, ce n'était pas possible. Il n'y avait pas assez d'équipes pour trois tapisseries. Et en plus, cela montre les différents ateliers que nous avons au mobilier national et aux manufactures. »

    Cet ensemble monumental de 60 kg de laine aux 19 couleurs est un projet qui a commencé dès que Paris a eu la certitude d’organiser les Jeux olympiques.

    « Nous avons pensé au mobilier national et dans nos manufactures des Gobelins, de Beauvais, de la savonnerie. Bref, nous avons pensé que ce serait intéressant d’avoir aussi des créations artistiques qui s'inscrivent à la fois dans une longue tradition des arts décoratifs ou des arts textiles français, mais aussi qui correspondent et qui portent les valeurs de l'olympisme culturel, en 2024, explique Hervé Lemoine, président du Mobilier national. Un mariage entre, si j'ose dire, le patrimoine et la création contemporaine, qui est d'ailleurs notre ADN en quelque sorte. Nous avons fait la proposition à Tony Estanguet de la création d'un grand triptyque, d'une grande tapisserie olympique. »

    « Nous avons choisi ensemble Marjane Satrapi parce qu'il nous semblait que, par son parcours personnel, mais aussi par ses qualités artistiques et notamment son sens de la figuration que nous voyons beaucoup dans ses œuvres maintenant peintes, elle pouvait nous proposer quelque chose qui corresponde aussi à l'art de la tapisserie, qui est un art aussi du grand format, de la couleur et un art, nous semble-t-il, très expressif. »

    Le dessin imaginé par Marjane Satrapi puis reproduit à la main par les lissières s’inspire de l’histoire de l’olympisme. La partie gauche du triptyque fait écho aux Jeux de Paris de 1924 avec l’iconographie du lanceur de javelot.

    La partie centrale qui représente une femme et un homme portant le flambeau sous la tour Eiffel, fait référence à la parité homme-femme. La partie droite est en lien avec les nouvelles épreuves urbaines de breakdance et de skateboard qui sont introduites pour cette édition.

    « Ce qui m'a le plus marqué à titre personnel, c'est surtout de travailler pour Marjane Satrapi, pour une artiste. Depuis que je suis petite, j'ai suivi ce que fait Marjane Satrapi, c'était encore plus émouvant de travailler pour elle que pour les JO, même si les Jeux olympiques, c'est un événement très important, cela m'a impactée un peu moins à titre personnel, mais c'est surtout cette artiste qui est une femme forte, emblématique, qui se bat pour des droits et dont je partage les valeurs. De pouvoir la rencontrer. C'est un échange où nous nous apercevons que les artistes nous donnent énormément de confiance en nous. Nous, nous sommes admiratifs de leur travail, mais en fait, ils sont encore plus admiratifs du nôtre. C'est gratifiant de voir des artistes reconnus, bien sûr. Notre métier est reconnu, mais des fois, nous ne nous en rendons pas forcément compte. Nous faisons un métier incroyable et c'est en rencontrant des artistes qui, pour nous, sont incroyables et qui nous disent non, c'est notre travail qui est encore plus fou que le leur. Cela met du baume au cœur », explique Alexane Jouve.

    Cette tapisserie se veut l'expression de l'excellence des métiers d'art en France qui ont façonné chaque centimètre de cette pièce emblématique. Cette œuvre qui exprime les valeurs de l’olympisme et des Jeux de Paris 2024, selon Hervé Lemoine, c’est un avantage quand les ateliers ont 400 ans de création d’œuvres textiles en héritage.

    « Cela a été un échange très nourri entre les lissières ou les lissiers, c'est le nom par lequel sont désignés les techniciens d'art qui font de la tapisserie, également ceux qui créent la couleur dans nos ateliers », explique-t-il.

    « Un échange très nourri entre Marjane Satrapi, ces techniciens d'art. C'est pour cela que nous avons été heureux qu'elle passe tant de temps dans nos ateliers. Nous lui avons apporté ces 400 ans de savoir-faire et nous lui avons expliqué la différence entre la haute lice et la basse lice, les principes qui commandaient, je dirais, la création de la couleur, sachant que nous avons cet extrême avantage d'avoir depuis près de 400 ans notre atelier de teinture qui permet de créer des couleurs. C'est quand même quelque chose de magnifique, il y a 19 couleurs dans la tapisserie que nous avons réalisée avec elle, 19 couleurs et on espère que cela soit réussi », confie-t-il.

    La tapisserie a déjà une postérité post-olympique. « Elle va être exposée au musée des sports de Nice. Elle continue sa vie, c'est bien de voir que des tapisseries justement continuent après que ce n’est pas que pour un événement, il y a une suite », conclut Alexane Jouve.

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  • Cet été, tous les regards se tournent vers Paris. Pour la troisième fois de son histoire, la ville lumière va accueillir les Jeux, après ceux de 1900 et 1924. 100% création aborde l’esprit créatif de ces Jeux. Les JO, ce ne sont pas seulement des sportifs et des compétitions, ce sont aussi les métiers de la création qui s’activent dans le plus grand secret. Aujourd’hui, Benoît Verhulle, 13e chef d’atelier de la Maison Chaumet, nous parle des médailles olympiques.

    Il faut de toute façon, dans notre métier, avoir un goût artistique très prononcé. Cette passion, l'envie de bien faire, d'essayer de toujours se remettre en question en disant ‘est ce que je ne peux pas toujours mieux faire ?’ C'est vrai que c'est toujours frustrant parce que nous avons l'impression que cela ne va jamais s'arrêter.

    Benoît Verhulle, treizième chef d’atelier de la Maison Chaumet

    C'est toujours enrichissant, je trouve d'arriver le matin avec un dessin et de se dire ‘comment je vais le réaliser, avec quelle technique, qu'est-ce que je peux faire pour arriver justement à donner vie à ce bijou ? ‘ A chaque fois, c'est un éternel recommencement. Et c'est pour cela que 34 ans dans une même maison, cela paraît très simple parce que tous les jours il y a un nouveau projet qui va de la bague, à la boucle d'oreille, à des médailles olympiques. Nous changeons, finalement, les années passent très facilement et très rapidement.

    Benoît Verhulle est né au Havre, dans le nord de la France. Il y fait ses études, mais lors de vacances à Toulouse, dans le sud de la France, il découvre l’univers de la joaillerie, il a 12 ans. Ses parents l’accompagnent dans ce métier, mais c’est un moment où l’apprentissage est sinistré, où les places d’apprenti sont très rares. Jusqu’au jour où l’un des artisans sollicités dit à ses parents qu’il y a deux écoles sur Paris et que la sélection se fait sur concours.

    Retenu par l’une d’elle, Benoît Verhulle arrive à Paris à 15 ans. Après trois ans de formation, il obtient son diplôme. « Sincèrement, c'était assez difficile de trouver un travail. J'ai vite compris que si je voulais y arriver, il fallait travailler, j'ai donc travaillé. De fil en aiguille, j'ai fait plusieurs ateliers jusqu'au moment où dans mes connaissances, il y a quelqu'un qui m'a dit "Chaumet recrute des jeunes pour enrichir leur atelier". J'ai postulé, j'avais 26 ans et puis j'ai été accepté et j'ai commencé chez Chaumet. »

    « J'ai été joaillier, 26 ans. J’ai de la chance de ne faire que de la pièce unique, la chance d'avoir le temps par rapport à des gens qui font de la série. Mon passé professionnel et d'avoir fait de la série est très important parce que cela m'a appris à aller vite, à être un peu astucieux et assez inventif aussi sur ce que je voulais faire. Nous, au sein de l'atelier, nous faisons toutes ces pièces de haute joaillerie, les commandes spéciales, mais nous entretenons aussi toutes les pièces de notre patrimoine et cela nous permet d'avoir un œil sur ces techniques oubliées. »

    Aujourd’hui, Benoît Verhulle est le treizième chef d’atelier de la Maison Chaumet. Il dirige une équipe de 26 personnes réparties dans différentes spécialités.

    « Nous sommes 26 personnes divisées en joailliers, sertisseurs, polisseurs. Parmi ces 26 personnes, j'ai aussi quatre alternants. Parce que si je n’ai pas les alternants, je n’ai pas les mains de demain. Il faut vraiment transmettre. Nous ne transmettons pas uniquement du savoir-faire, nous transmettons aussi de la passion, explique-t-il. Rien n'est plus important que d'avoir des gens passionnés. Si nous avons des gens passionnés, nous pouvons les emmener très loin. Quand nous avons les dessins, chacun commence à réfléchir "qu'est-ce que je peux mettre dedans ? Qu'est-ce que je peux faire ?" Alors que si nous avons de très bons techniciens, mais qui n'ont pas cette passion, ils vont dire "voilà le dessin, je t'ai fait exactement ce que tu m'as demandé, c'est fini", et ce sera bien fait, mais il n'y aura pas d’âme en plus. »

    « Alors que là, chaque artisan est toujours très fier de ce qu'il réalise. Je pense que notre méthode de travail, d'échange est importante. Il y a un échange entre les personnes du studio de création, les personnes de l'atelier et ils partagent en direct sans les filtres ou le prisme de chaque manager, de chaque département qui échangent entre eux. Je pense que c'est important. Ce n'est pas parce qu'une personne vient d'arriver dans le métier, un peu plus junior, qu'elle n'a pas de bonnes idées. Moi, cela ne me gêne pas de donner la première réalisation d'une collection à quelqu'un qui est junior, parce que peut-être qu'il va me surprendre dans sa réalisation et peut-être que cela va m'intéresser. C’est cet échange, cette façon de travailler qui permet de les emmener un peu plus loin, de les intéresser, les impliquer 100% dans leurs réalisations. »

    Les médailles olympiques gardent l’empreinte de Paris, puisque des morceaux de fer issus de la tour Eiffel, icône de Paris, ont été intégrés au centre de ces décorations et taillé en hexagone à l’image de la France. Imaginées par la Maison Chaumet, ces pièces sont serties comme une pierre précieuse. Les médailles sont fabriquées à la Monnaie de Paris et tout a été fait pour faciliter le travail entre les deux Maisons.

    « Nous ne pouvions pas, dans notre structure, réaliser plus de 5 000 médailles et surtout 5 000 médailles identiques dans un temps assez court. Moi, je ne pouvais pas le faire et pour nos commandes spéciales, nous allons chercher systématiquement le spécialiste de telle ou telle technique. Moi, je l'aurais fait de façon joaillière, c'est-à-dire que je l'aurais fait complètement différemment. Mais ce qui était surtout important, c'est d'intervenir sur le volume et de tout rendre facile pour que la Monnaie de Paris puisse rendre ce bijou aussi facilement que si nous le réalisions ici en interne », ajoute-t-il.

    « Nous avons vraiment cherché la façon de sertir justement ce morceau de tour Eiffel pour que ce soit réalisé de façon joaillière avec notre façon de faire. Mais en le répétant 5 000 fois et que ce soit à chaque fois identique. Nous nous sommes posés les vraies questions pour arriver à ce que ce soit très facile et que toutes les médailles soient les mêmes. C'était notre souhait que chaque médaille pour nous soit un bijou unique et touche l'excellence, d'être à la hauteur de ces athlètes qui ont sacrifié beaucoup de moments de leur vie pour arriver à toucher ce Graal et que lorsqu'ils vont avoir leur médaille, qu'ils soient fiers de porter cette médaille comme nous sommes fiers d'avoir apporté ce savoir-faire sur ces médailles. »

    D’or, d’argent ou de bronze, les médailles ont bénéficié d’un sens du détail poussé au maximum.

    « Si nous prenons la médaille d'or, il y a uniquement six grammes d’or parce que c'est un cahier des charges qui est établi par le CIO. Nous ne pouvons pas en mettre plus. Le reste de la médaille, c’est de l'argent, précise Benoît Verhulle. Une pellicule d'or de six grammes dont nous avons revêtu toute la médaille, celle qui est en argent est en argent et celle qui est en bronze est en bronze. Ces médailles, nous, nous avons essayé de les traiter comme un bijou parce que, par exemple, pour tenir le ruban, nous nous sommes appliqués à l'insérer dans la médaille et qu'il n'y a rien qui dépasse de cette médaille. Esthétiquement, c’est plus joli. »

    « Le sens du détail est important parce que cela fait partie entière de notre métier. Nous sommes pointilleux. Ce n’est pas d’instinct que visuellement nous allons nous dire oui, cela va être bien ! Pourquoi l'Hexagone, n’a pas été réalisé sur toute la médaille, nous aurions pu aussi ! Mais cela ne fait pas du tout la même sensibilité. Nous n’avions plus ce rayonnement, plus ce travail avec la lumière et cela nous gênait. »

    Pour les Jeux de la 33ᵉ olympiade, Benoît Verhulle et son atelier ont dessiné deux design pour des décorations à la fois très proches, mais différentes.

    « Nous avons la médaille du CIO et la médaille pour les athlètes paralympiques. Sur les médailles du CIO, la face est celle où on est intervenu et le dos, nous sommes obligés d'avoir la déesse Niké, la déesse de la victoire. Nous sommes obligés d'avoir des codes bien précis qui nous sont donnés par le CIO. La seule chose où on a eu le droit de modifier parce que cela faisait 100 ans que les Jeux olympiques avaient été à Paris et que la personne qui a remis les Jeux olympiques au goût du jour, le baron Pierre de Coubertin, était Français, nous avons eu le droit de rajouter une petite tour Eiffel sur cette face. Mais sinon, cette face-là, elle est figée. »

    « Sur la partie de la médaille paralympique, nous voulions que la face soit la même. Par contre, notre idée, c'était de mettre au dos une tour Eiffel vue du dessous. Être au centre de la tour Eiffel et regarder et en se projetant vers le haut, vers le ciel pour atteindre justement ce Graal. C'était notre idée pour ce côté paralympique. Nous avons rajouté sur la tranche de la médaille, tout autour en braille, parce que Louis Braille était Français, Jeux olympiques Paris 2024. C’est la même médaille, les seules différences, c'est au dos ce design qui n'est pas du tout le même et le ruban. Il y en a un qui est bleu pour les valides et rouge pour les paralympiques. »

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  • À l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques 2024, cet été, 100% création vous fait découvrir, les métiers et l’esprit créatif de ces JO. Cet évènement mondial encourage les créateurs, artistes ou artisans d’art à se surpasser, à donner le meilleur d’eux-mêmes. Aujourd’hui, Ugo Gattoni, artiste et dessinateur des affiches des Jeux. Il a imaginé un diptyque. En mettant les deux affiches ensemble, elles offrent une vision globale de Paris 2024.

    Je pars d'une expérience personnelle, d'un rêve des fois, d'une expérience vécue.

    Ugo Gattoni, artiste et dessinateur du diptyque de l’affiche des Jeux.

    Puis après, je vais bouquiner un petit peu. Je prends un peu ce qui passe dans ma vie. Je peux lire quelque chose sur la mythologie grecque, le chamanisme et je vais croiser des traditions. Je pioche ce qui me plaît, j'en fais mon mélange et je m'écris ma propre mythologie. Et après, une fois que j’ai des bases un peu sérieuses pour pouvoir partir en délire, c'est bon.

    Ugo Gattoni, est né et a grandi en banlieue parisienne. Il a fait des études de graphisme. Après son diplôme, il se consacre une année uniquement au dessin. Il aime les projets de grande envergure, raconter des histoires sur des rouleaux de 10 mètres sur 1 mètre. Ugo Gattoni est déjà un habitué du format de la fresque. Il dessine jour après jour des histoires du quotidien. C’est comme cela qu’il a trouvé son style, l’infiniment petit en grand format.

    « Souvent, j'ai un grand thème qui me fait plaisir. Cela peut être un parc d'attractions, le médiéval. J'ai déjà fait une fresque là-dessus. Je pars dans ce thème un peu large, et puis moi, je me raconte mes histoires au fur et à mesure, donc je ne sais pas forcément ce que je vais dessiner le mètre d'après ou les 30 cm suivants. C'est ce qui s'est passé quand j'ai fait cette première fresque, en sortant d'école, qui s'appelait "Ultra Copain", en 2011. Très vite, j'ai été invité à exposer à Londres, d'où mon départ de Paris pour un an à Londres et j'ai rencontré un éditeur qui m'a proposé de faire un livre. Ma première fresque en commande, plus en loisir, comme je pouvais faire, était sur le vélo. C'est une série qui s'appelle "Bicycle" qui a donné naissance à un grand dépliant en livre. J’avais le thème du vélo puis j'ai avancé centimètre par centimètre. »

    Il y a deux affiches, celles des Jeux olympiques et celle des paralympiques, le diptyque réuni forme une immense arène inclusive. Pour symboliser la parité, un nombre égal de femmes et d’hommes apparaissent au premier plan. Ugo Gattoni a glissé quelques touches, des détails, des symboles parisiens comme le Pont-Neuf, le Stade de France, les Invalides, la tour Eiffel, le Grand Palais, l’Arc de triomphe et le métro qui n’ont pas été oubliés.

    « Les JO, c'est une période où, normalement, il y a une trêve de conflits et de guerres dans le monde. C'est une période de paix. Il y a des vols de colombes, il y a des tout petits symboles comme cela que j'ai essayé de mettre, des choses qui sont peut-être à un troisième niveau de lecture du dessin, mais grâce à ce format très imposant de fresque, j'ai des détails qui sont de l'ordre du trois ou quatre millimètres. Il y a un premier niveau de lecture. De loin, la grande arène avec une ambiance un peu épique, un peu péplum, mais il y a aussi la tour Eiffel, le Stade de France, ce plongeur au premier plan, le balcon olympique aussi. Il y a plusieurs niveaux d'échelles. »

    « Et puis, plus près de l’affiche, il y a des petites histoires. Et encore un troisième pas où, là, nous oublions complètement le cadre du dessin, du format, puisqu'il est plus grand que nous en se perdant dans des micro détails où, en effet, il n'y a pas que du sport, il y a aussi des petites saynètes d'amoureux parisiens qui sont sous un saule pleureur. Il y a des petits coins que moi, j'aime bien dans Paris. »

    Ces affiches ne sont pas une commande comme les autres, le travail d’Ugo Gattoni a été très intense pendant 4 mois. « C'est très gratifiant d'être choisi pour le faire. Je ne me rendais pas compte au début de l'ampleur du projet et de sa diffusion. Je m'en suis rendu compte, je pense même le jour du dévoilement au musée d'Orsay où il y avait ces milliards de caméras et puis après toute la couverture médiatique. Ce dessin a été le dessin le plus vu au monde pendant un mois, c'est complètement fou. C'est donc, un honneur. Moi, je suis très attaché à Paris, donc j'étais ravi de le magnifier à mon sens. »

    Alors que l’intelligence artificielle aurait pu générer des images, Ugo Gattoni a dessiné à la main les 40 000 personnages des affiches officielles de Paris 2024. Pour l’artiste dessinateur, il s’agit de sa fresque, son dessin le plus accompli. « C'est le plus abouti, le plus poussé en termes de technique, de couleur. Je n'avais jamais fait de fresques aussi grandes, colorées en quatre mois. Je sens que je prends vraiment une aisance en dessin et que cela me fait énormément évoluer. Je suis ravi parce que dès que je finis une commande, je replonge dans Nebula, dans mon univers où je vais amener beaucoup de légèreté et d'aisance dans mon travail plus personnel. Ce travail Nebula, il est très frustrant parce que j'aimerais y consacrer ma vie, mais en fait, j'y consacre quelques mois entre les commandes. Mais du coup, j'ai toujours un nouveau regard sur cet univers et cela permet de faire des dessins un peu plus mûrs, je pense. »

    Toutes les disciplines sportives sont représentées, y compris les nouveaux venus de cette édition comme le breaking, l’escalade, le skateboard et le surf. « Je crois qu'il y en a 43, mais par exemple, il y a le côté olympique, le côté paralympique, le tennis est représenté en tennis fauteuil, mais pas deux fois, pas côté olympique. En haut, il y a la vague pour le surf de Tahiti. La vague se casse vers la gauche, je l'avais dessinée vers la droite. Enfin des détails qui sont importants avec un petit pourcentage de retouches. Il y a Stoke Mandeville aussi, le berceau paralympique, côté Angleterre en face. J’ai essayé de mettre le maximum. »

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  • À l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques 2024,  100% Création met en lumière les artisans d’art, leur créativité et leur savoir-faire  à la française, à travers une série de neuf épisodes. Les Jeux de la 33e Olympiade encouragent les créateurs, artistes ou artisans d’art à se surpasser, pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Ce dimanche, le designer de la torche olympique, un objet iconique qui fait partie des grands symboles des Jeux, conçue par Matthieu Lehanneur.

    Je me nourris intellectuellement ou créativement, quasiment sans design. J'achète beaucoup de livres d'art, historiques, sur des civilisations disparues. Il y a une forme de lâcher prise. Évidemment, je choisis les ouvrages qui me semblent intéressants, mais ensuite je laisse mon cerveau, quand je les consulte, garder ce qu'il pense intéressant d'être gardé et de mettre de côté ce qui ne pense pas intéressant de le garder.

    Mathieu Lehanneur, fondateur de la Factory et designer de la torche olympique de Paris 2024

    « Je crois que pour moi, tout le travail de création, c'est d'arriver à cohabiter le mieux possible avec l'organe de la création qui pour moi est le cerveau. Dans mon métier, je pense que mon cerveau fonctionne en filtres, sauf qu'il a mis au fil du temps, des systèmes de canaux qui dit Il y a une chose qui est intéressante dans cette petite brique-là que je vois en passant au coin de la rue, hop, il prend, il range dans les détails, matière, assemblage, minéral. Ce n’est pas aussi calé que cela. Ce n’est pas un tableau Excel, mais j'ai le sentiment qu'il organise tout cela. Vous vous rendez compte que si vous le laissez faire. En fait, cela a un sens. Il y a trouvé une logique que vous, consciemment, vous n'arrivez pas, encore, à voir, mais, que lui, qui a toujours un petit temps d'avance sur vous, ‘tu vas voir, laisse-moi faire !’"

    Mathieu Lehanneur est né à Rochefort en Charente-Maritime, dans le sud-ouest de la France et il grandi en banlieue parisienne. C’est un élève plus contemplatif que bricoleur, dessinateur ou créatif. La Médecine l’attire, il pense à devenir artiste et ce n’est que tardivement qu’il se tourne vers le design, en passant par les bancs de lÉcole nationale supérieure de création industrielle à Paris. Dans ses études de design, la science occupe une place importante, à l’instar de son projet de fin d’études sur le design des médicaments. Mathieu Lehanneur a donc une approche scientifique du design.

    « L'idée, ce n'est pas de faire un objet pour un objet. L'idée, ce n'est pas d'utiliser juste du bois parce que j'aime le bois. L'idée, c'est de se poser la question, mais à quoi cela va servir et à qui cela va servir ? Donc pour moi, cela me paraissait la première marche nécessaire pour devenir un designer. Oui, c'est le paradoxe, cela s'est révélé atypique alors que cela me paraissait la chose la plus naturelle du monde. »

    « Je continuais en parallèle et même sans clients, à réfléchir sur les effets de la pollution sonore sur nous et comment nous pourrions trouver des moyens d’y faire face, me poser la question de l'air que je respire qui est là, partout autour de nous, là, mais nous n'y pensons jamais et à la fois, c'est une des rares matières qui m'entoure que je touche et qui rentre même à l'intérieur de moi, donc, elle est évidemment clé pour notre vie et même pour notre plaisir. Est-ce que le taux d'oxygène est suffisant ? Et donc là, j'apprenais par les scientifiques : Non ! Dans nos grandes villes, il n'est jamais suffisant pour qu'un être humain soit dans le maximum de ses capacités. Très bien. Mais alors comment pouvons nous ré-enrichir cet air en oxygène? Il y a différents systèmes très techniques, très chimiques, très artificiels ou très naturels. Le côté naturel, je le trouve paradoxalement plus intéressant et plus magique. Vous rentrez dans des champs et donc vous nourrissez. Cela devenait des projets de recherche, des projets parfois conceptuels, des projets souvent expérimentaux, mais qui avaient tous la vocation. En tout cas, c'est ce que j'essaie de leur faire porter comme responsabilité, d'apporter des réponses possibles. »

    Dès la fin de ses études, en 2001, il se lance et pour maitriser toute la chaine de production, il installe son usine à idée : la Factory. Son processus créatif est basé sur l’écoute. « Je ferme les yeux. Si c'est une demande qui vient de l'extérieur, un client, un commanditaire. Souvent, ils vont préparer un "brief", une sorte de cahier des charges. En général, je ne les lis pas parce que je ne crois pas que la bonne réponse, l'intuition ou l'idée va se trouver dedans. Je prends plutôt du temps, je les rencontre, discute avec eux pour essayer de savoir, mais comme un psychologue va le faire ou comme un médecin va le faire avec quelqu'un qui vient avec des symptômes. Les gens ne viennent pas pour me dire qu'ils ont mal au dos, ils viennent pour me dire que "ma marque, voilà ce qu'elle était, voilà ce qu'elle est aujourd'hui. Je voudrais qu'elle redevienne cela". Je les fais parler. »

    « Puis je ferme les yeux, je laisse mon cerveau jouer avec tout cela. Et mon cerveau, comme à tous, a cette capacité d’agglomérer des choses, de fusionner des choses qu'on pouvait penser non fusionner, de combiner, de jouer, de proposer, etc. Progressivement, les idées prennent forme. Certaines, ne vont pas être poussées au bout parce qu'elles ne méritent pas d'être poussées au bout, et puis d'autres, ont un potentiel plus fort, plus riche, plus intéressant. Donc c'est celles-là que vous allez mettre sous serre et faire grandir progressivement. »

    C’est le projet de Mathieu Lehanneur qui a été sélectionné pour créer le design de la torche pour les Jeux olympiques de Paris 2024. Une torche qui pèse 1,5 kg, mesure 70 cm de haut et 3,5 cm de diamètre en haut comme en bas et qui est l’un des emblèmes de ces Jeux.

    « En reprenant un peu la séquence : à l’annonce du choix de mon projet pour la torche et la vasque olympique, il y a eu quelques secondes d'intense joie, d'intense bonheur, mais quelques secondes, suivies quelques secondes plus tard de pression en se disant "Mon Dieu, waouh" cela dure quelques secondes aussi. Ensuite, vous êtes concentré sur la torche, donc pendant tout le processus, honnêtement, j’y pense relativement peu, voire jamais ! je ne me dis pas que cela va être vu par des milliards de personnes, que cela s'inscrit dans l'histoire, non ! Je le fais comme j'ai toujours fait. »

    « Chaque projet, même infiniment, ils ont tous été beaucoup moins ambitieux, forcément, qu'un objet aussi historique qu'une torche olympique. Mais vous vous êtes concentrés sur l'objet, ce que vous voulez lui faire dire, ce que vous ne voulez pas qu'il dise, vous, l’affiné jour après jour. Et puis c'est vraiment une fois qu'il est terminé que là vous reprenez conscience un petit peu effectivement que oui, que ce n'est pas n'importe quel objet qui s'inscrit dans une chose infiniment plus grande que vous. Que c'est vous qui l'avez créé, mais que vous, comme créateur, n'avez aucune importance. C'est une chose qui ne vous appartient plus. C'est une chose qui appartient à l'humanité. Il y a ceux qui l'aimeront, ceux qui ne l'aimeront pas, ceux qui la comprendront, ceux qui ne la comprendront pas. Mais tout cela, il ne faut pas trop y penser au moment de le faire."

    Pour réduire l’empreinte environnementale, les jeux de Paris 2024 ont produit moins de torches. Il y a, seulement, 2 000 torches fabriquées : 1 500 olympiques et 500 paralympiques, chacune sera utilisée environ dix fois pendant le parcours de la flamme.  « Nous avons cette vision du relai autour du stade où se passe le témoin, il y a une torche et je me passe la torche. Mais nous nous passons la flamme. C'est beaucoup plus beau, ce n’est pas l'objet que l'on se passe. Le plus important c'est la flamme. C'est elle qui est porteuse de symboles. Parce que la flamme, qui se transmet naît à Olympie, en Grèce, berceau de l'olympisme, naturellement. La première flamme, qui s'allume au début de chaque édition du relai vient du soleil. Au milieu des ruines d'Olympie une sorte de bol tout tapissé de miroirs est placé. Il est orienté vers le soleil. Les rayons du soleil convergent dans ce miroir, font monter la température, à un tel niveau qu’une une flamme est créée à partir des rayons du soleil. La flamme vient, donc, du soleil. Ensuite, c'est cette flamme, ce petit morceau de soleil, qui va se transmettre de torche à torche. »

    « La torche n'est qu'un support pour se transmettre ce feu sacré. Dans toute l'organisation du relai, il y a besoin que les torches soient rechargées, préparées, réajustées, nettoyées, etc. Donc pour toute cette organisation qui est très importante parce qu'on a in fine 10 000 à 12 000 relayeurs qui vont se succéder, 10 000 à 12 000 qui vont chacun courir des petites sections, c'est un moment collectif. L'idée, c'est qu'il y ait un maximum de gens qui participent. C'est très beau. Nous avons réduit effectivement le nombre de courses de chacun pour qu'il y ait beaucoup de monde. C'est une caravane et une organisation d'une complexité telle que 2000, c'est le minimum vital. »

    Mathieu Lehanneur a créé trois autres objets inclus dans sa mission pour les Jeux

    « Je dessine la torche olympique, le cadeau pour les relayeurs, ce qui est appelé le mini-chaudron qui sert de point d'étape pendant le relai, ces mini-chaudrons sont installés dans chacune des villes, étape du relai à la fin de la journée. À Quimper, par exemple, les relayeurs arrivent à Quimper le soir et vont embraser un mini-chaudron. Il y a une cérémonie tous les soirs pendant le relai, car la nuit, les relayeurs ne courent pas. Et puis in fine, le soir de la cérémonie d'ouverture va s'embraser la vasque olympique, l'officielle, la grande qui va brûler pendant toute la durée des Jeux. J'ai la mission de dessiner tous ces éléments. Ce qui est sûr, c'est qu’ils ne sont pas conçus pour être des clones qui changeraient uniquement d'échelle en fonction de nos besoins. Ils sont liés, mais ce ne sont pas des produits dérivés les uns avec les autres. »

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  • Cet été, 100% Création met en lumière les designers, artisans d’art, leur créativité et leur savoir-faire « à la française », autour des Jeux olympiques de Paris 2024 célébrés à partir du 26 juillet. Les JO encouragent les créateurs, artistes ou artisans d’art à se surpasser et à donner le meilleur d’eux-mêmes. Aujourd’hui, Joachim Roncin est le designer en chef de Paris 2024. Un métier, un statut, une fonction au cœur du dispositif créatif de la 33e olympiade.

    « Pour moi, les Jeux olympiques et paralympiques sont un peu le pinacle de la création pour un créatif designer parce que c'est le moment où nous pouvons tester plein de choses et il y a surtout une variété de sujets », estime Joachim Roncin, designer en chef de Paris 2024. « Avec la confiance de Tony Estanguet, je me suis épanoui dans ce travail : avoir une réflexion globale et créative sur tous les sujets de Paris 2024, de la mascotte en passant par les médailles, les pin's, les produits de licences, le look des jeux, l'emblème, l'emblème de l'équipe de France... C'est très varié. Jusqu'à récemment, les affiches officielles des Jeux olympiques et paralympiques avec Ugo Gattoni mais aussi la torche avec Mathieu Lehanneur. »

    Joachim Roncin est né en France d’une mère ukrainienne et d’un père français. Après le baccalauréat, il suit des études d’art à Paris puis une école spécialisée dans la scénographie. Très vite, il exerce en tant que créatif artistique junior dans le domaine de la publicité, mais cela ne lui plait pas ! Il travaille quelque temps pour une agence d’éditions d’art. Ensuite, très proche de l’univers de la musique, il travaille dans l’évènementiel. En 2013, il crée un gratuit féminin qui malheureusement disparait pendant la période Covid. En parallèle, en 2018, un ami lui propose de faire partie d’un groupe de réflexion sur les sujets créatifs autour des Jeux olympiques. C’est comme cela que sa mission commence.

    Une mission incroyablement multiple. « Cela a toujours été intense par le nombre de sujets à traiter, la variété d'interlocuteurs. Le matin, je peux travailler avec un fabricant de peluches, une heure après, j'ai une réunion avec ArcelorMittal. Il faut énormément de curiosité et être alerte sur le monde dans lequel nous vivons. La création au sein de Paris 2024, ce n’est pas de la création pure. C'est de la création avec du sens. C'est quelque chose de très important pour nous, c'est que tout ce que nous faisons doit avoir une justification, qu'elle soit au regard de la vision de Paris 2024, grosso modo la révolution par le sport, avec l'ouverture du sport et le fait de sortir par exemple le sport des enceintes sportives, ce sont des révolutions comme cela. Rapprocher l'olympisme et le paralympique, c'est prendre en compte ces notions et à chaque réflexion créative, d'essayer d'intégrer le maximum d'informations autour de cela. »  

    Joachim Roncin est celui qui se doit de veiller à la vision de Paris 2024, et ses messages. « Par la mascotte, il y a cet hommage à la Révolution française et le bonnet phrygien. C'est plein de petits détails comme cela. Mais quand je parlais aussi de valeur, c'est à un moment donné se dire que les mascottes n'ont pas de genre, elles sont dégenrées, ce qui était quand même une mini révolution parce qu'avant, il y avait tout de même beaucoup de mascottes qui étaient genrées. Je ne dis pas qu'elles étaient toutes genrées, mais la majorité l'était. Aujourd'hui, notamment avec la société dans laquelle nous vivons. Pour nous, c'est important d'aller dans ce sens-là, d'amener ce genre d'indicateurs dans la création. C'est important des mascottes olympiques et paralympiques qui sont les mêmes. C'était aussi important parce que, pour nous, cela fait partie de ce rapprochement entre l'olympisme et le paralympique que nous prônons depuis le début. De même pour les médailles qui sont les mêmes, les torches qui sont les mêmes, les affiches que nous avons rassemblées aussi. Nous pouvons acheter l'affiche olympique d'un côté et l'affiche paralympique de l'autre. Mais pour avoir la vision globale de Paris 2024, il faut rapprocher l'affiche olympique et l'affiche paralympique. C'est un diptyque qui donne la vision de Paris 2024. C'est tous ces petits messages, des micro messages, mais qui expliquent bien la vision de Paris 2024. Et c'est notre rôle aussi de rendre tangibles ces visions. »

    Être designer en chef de Paris 2024, c’est plus qu’un titre ou une fonction, c’est une activité que Joachim Roncin ne conçoit pas d’exercer en solitaire. « J'ai ce titre qui est un peu ronflant de directeur du design de Paris 2024, mais je suis quand même bien accompagné par des collaborateurs d'exception, en interne, soit avec Camille Yvinec, Directrice de l’Identité Visuelle des Jeux de Paris 2024, Camille qui sait très bien comment créer une marque. C’est quand même très rassurant pour un créatif qui est plutôt dans l'impulsion. Mais à l’externe aussi, quand je suis aux côtés d'un Mathieu Lehanneur ou d'un Ugo Gattoni, je suis en bonne compagnie et plutôt rassuré. Je sais ce qu'est Paris 2024. Maintenant, je connais très bien dans tous les angles cet événement et ce qui nous paraît essentiel. Après le talent des auteurs avec qui je travaille, c'est très rassurant. »

    Joachim Roncin est le garant de la retranscription des valeurs de Paris 2024. « La parité, le rapprochement olympiques et paralympiques, la révolution par le sport. Ce sont des messages très fort dès le début. Je ne suis pas chevalier seul dans mon coin à faire les trucs et à balancer, Non. Nous nous concertons notamment avec la Commission des athlètes de Paris 2024, qui est présidée par Martin Fourcade. Par exemple sur les médailles, un travail a été fait avec la commission des athlètes. Cette réflexion autour de la tour Eiffel est venue avec eux. C'est ce qui m'a plu dès le début : cette volonté de création très forte. Ce qui n'est pas le cas dans toutes les entreprises, souvent, la création, c'est la dernière roue du carrosse, c'est du polish sur la réflexion et s'il reste du budget. Je l'ai expérimenté par ailleurs sur plein d'autres sujets avant. Alors que qu’ici, et c'est cela qui est assez réjouissant, il y a vraiment de la place pour faire rayonner la créativité française. »

     Une mission, un métier, un comité, mais un travail qui s’achève avec la clôture des Jeux de la 33e olympiade.

    « Je suis ravi de travailler pour ce comité parce que d'un point de vue créatif, c'est hyper enrichissant et je pense que je vais être un peu triste quand cela va s'arrêter. Après les Jeux paralympiques, il va y avoir un temps calme qui va être, je pense, assez étonnant et je n’en suis pas ravi. Je suis triste que cela s'arrête parce que cela a été cinq ans de ma vie physique, mais 20 ans mentalement ! Je pense que c'est un des marqueurs de ma vie. »

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  • À l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques 2024, la France accueille les athlètes, mais pas seulement. Cet été, 100% Création met en lumière les artisans d’art, leur créativité et leur savoir-faire « à la française », à travers une série de neuf épisodes. Nous vous présentons les femmes et les hommes qui ont œuvré autour de cet événement exceptionnel.

    Ces Jeux, célébrés à partir du 26 juillet, encouragent les créateurs, artistes ou artisans d’art, eux aussi, à se surpasser, à donner le meilleur d’eux-mêmes. Ce dimanche 14 juillet, la flamme olympique arrive à Paris, nous accueillons Hawa Sangaré, styliste, entrepreneuse engagée et porteuse de la flamme olympique.

    La création, c'est la liberté, l'inclusion, ne pas être comme les autres, pouvoir s'affirmer, l'émancipation. C'est tout cela pour moi, la création.

    Hawa Sangaré, styliste, fondatrice de Hawa Paris, entrepreneuse engagée avec son atelier H.a.w.a. au féminin et porteuse de la flamme olympique.

    « Hawa Paris, H.a.w.a. au féminin, c'était vraiment un projet qui me tenait à cœur depuis longtemps. J’ai fait un jeu de mots avec les initiales de mon prénom. Donc, j'ai mis un H pour Honorer les femmes, A pour les Accompagner, W pour vraiment entretenir ce côté de Winners, Winneuses, et A pour Accomplir leurs rêves. À Paris, je suis à ma place parce qu'il y a tous les styles, toutes les personnalités et je trouve cela génial. »

    Hawa Sangaré est née à Drancy, en Seine-Saint-Denis. Elle est issue de l’immigration, ses parents viennent du Mali. Elle suit des études de psychologie, ce qu’elle aime, c'est l’humain. Avant de se lancer dans la mode, elle accompagne pendant plus de 20 ans des personnes éloignées de l’emploi. Hawa Sangaré lance une structure, H.a.w.a. au féminin, en 2020, pour une mode au service de l’insertion qui lutte contre le gaspillage vestimentaire. Hawa Paris est une jeune marque engagée et responsable. « Quand vous vous rendez compte du pouvoir du vêtement, vous n'êtes plus dans une surconsommation. Vous êtes dans quelque chose d'utile et de nécessaire. Vous allez garder aussi le vêtement, vous n'allez pas être dans ce schéma de prendre, jeter, prendre, jeter et jamais de satisfaction. »

    « Quand vous portez nos vêtements, vous vous sentez libre, belle et beau. Vous pouvez les porter en journée, en soirée. Vous pouvez être, avec nos vêtements, qui vous avez envie d'être. Vous les portez avec des baskets, des talons, des sandales. Ce sont des vêtements qui sont pensés pour durer dans le temps et pour être adaptés à tout le monde, en fonction de qui vous avez envie d'être. Si vous êtes timide, grâce à nos vêtements, vous pourrez donner l'illusion que vous êtes moins réservé. Cela va être votre armure, votre outil de communication, d'émancipation et vous permettre d'accéder à une autonomie qui vous est propre. »

    Hawa Sangaré a toujours voulu mettre à l’honneur les femmes, la mode, l’environnement. C’est en 2020, pendant la période du Covid, qu’elle structure son projet avec un atelier d’insertion pour les femmes : H.a.w.a. au féminin. Sa passion pour la mode et le travail collaboratif font émerger les collections de Hawa Paris. L’émancipation, l’accès à l’autonomie, la diversité, l’inclusion, Hawa Sangaré transmet ces valeurs par la coupe de ses vêtements. « Moi, j'ai des pièces phares. J'aime beaucoup les combinaisons, les bustiers, les corsets. Dans la deuxième collection qui va arriver, nous allons décliner les corsets et nous allons rechercher aussi dans l'histoire de l'évolution de la femme tout ce qui est autour du corset, comment le corset a évolué, qu'est-ce que le corset représentait et donc décliner toute notre collection autour. »

    « Nous sommes dans l'inclusion, nous intégrons une collection pour les hommes, cette touche aussi de féminité que nous voulons apporter tout en étant dans un côté masculin. Je trouve que quand nous parlons d'égalité femmes hommes, c'est aussi cette rencontre entre les hommes et les femmes où nous les femmes, nous pouvons avoir notre côté masculin affirmé et les hommes peuvent aussi avoir leur côté féminin. Tous ensemble, nous créons une belle égalité. »

    En petite série, les collections d’Hawa Paris sont réalisées grâce aux dons de fins de stocks de partenaires de grandes maisons du luxe ou de la mode haut de gamme. « Ce sont des partenaires qui restent avec nous, qui nous soutiennent énormément parce qu'ils adorent le travail que nous pouvons faire. Ils sont en accord avec toutes les valeurs que nous défendons, et surtout, ils sont fiers de voir comment nous valorisons les dons de leurs tissus. Ce sont des tissus qui vont perdurer et qui vont avoir une seconde vie et qui vont aider. Je leur ai dit : "Donnez-moi vos produits, nous allons déconstruire pour reconstruire, les salariés que je recrute vont déconstruire leur passé pour reconstruire leur présent". Et tout cela avec du tissu. »

    Hawa Sangaré est mise à l’honneur aussi pendant les Jeux des 33ᵉ olympiades. Son atelier d’insertion produit des t-shirts, porte-clés, ainsi que les nappes pour le pique-nique géant des Buttes-Chaumont le 15 juillet. La créatrice porte la flamme lors de la dernière étape du relais national de la flamme qui vient de Seine-Saint-Denis en vue de la cérémonie d’ouverture sur la Seine. Elle est entourée de 48 enfants, 24 de Seine-Saint-Denis et 24 de Paris. « Nous avons fait un t-shirt que les enfants porteront en imaginant un symbole autour du département du 93 et celui du 75, un t-shirt fait par notre atelier avec une broderie main faite par nos brodeuses, de manière artisanale. »

    « Les t-shirts sont portés par les enfants. Le petit clin d'œil, c'est que je suis née à Drancy, la dernière traversée, c'est la Seine-Saint-Denis pour arriver à Paris. Le comité olympique trouvait cela intéressant, justement, le fait que je sois née à Drancy et que le bateau arrive de Drancy et que maintenant, j'habite à Paris. Et les Jeux olympiques, c'est cela, nous existons. Nous avons fait les porte-clés pour le chantier Adidas Arena, nous avons pris les élingues du chantier et nous avons fabriqué des porte-clés. C'est quelque chose qui ne fait pas partie de notre corps de métier. Les élingues, ce sont les longs fils de chantier. Nous n’avions pas l'habitude. Nous étions tellement fiers que nous avons relevé le défi. Nous avons fait des porte-clés qui ont été remis à tous les visiteurs. Il y a les nappes, les t-shirts et la flamme. »

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  • Hugues Gnambri, plus connu sous son nom d’artiste de Don Hugo, est un styliste autodidacte, Ivoirien. Avec sa marque Unik Dress, il s’adresse aux femmes et aux hommes qui veulent porter leurs tenues comme des bijoux. C’est un adepte de l’upcycling. Il propose, donc, une mode traditionnelle forte de son héritage ivoirien tout en étant à l’écoute de son temps. Nous l’avons rencontré pendant la fashion week de Lomé, le FIMO228, organisé par Jacques Logoh.

    L'âme et l'esprit créent mais il faut un corps pour réaliser. L'essence de mes créations, c'est de rendre précieux tout ce que je touche. C'est un peu comme des joyaux qui doivent être portés par chaque personne qui arrive, peu importe son rang social. Je prends mes créations comme des joyaux.

    Hugues Gnambri, plus connu sous son nom d’artiste Don Hugo, styliste et fondateur de la marque Unik Dress :

    « Unik Dress parce que je veux que toute femme et tout homme se sente unique lorsqu'il porte le vêtement. Lorsque je l'habille, c'est ce que je veux faire ressortir, donc, Unik Dress, un vêtement unique pour une personne unique, pour une occasion unique. Faire ressortir cette beauté singulière que toute personne a, c'est vraiment ce qui m'intéresse. C'est un peu tout cela, la signification de la marque. »

    Hugues Gnambri est né à l’ouest de la Côte d’Ivoire à Man, surnommée, la ville aux 18 montagnes. Il suit un cursus en droit des affaires, mais il ne se voit pas dans le cadre très formel du juridique, durant toute sa vie. Il rêve plutôt d’une vie professionnelle pleine de découvertes. Alors, en parallèle de ses études de droit, dès 2003, cet autodidacte, plus connu sous son nom artistique Don Hugo, commence par l’organisation d’évènements, la décoration, et au fur et à mesure, il tente le stylisme. Après son diplôme, en attente d’un emploi, il se lance dans la vente de vêtements et décide de suivre sa passion. Son entrée dans le mode du stylisme commence quand il aide l’une de ses sœurs en réalisant sa tenue de soirée.

    « J'ai constaté que mon expérience en matière d'aménagement décoratif, ma connaissance des couleurs m'aide beaucoup dans le conseil en image, donc cela s’est développé et un jour, ma sœur, qui voulait aller à un gala, se plaignait de ce qu'elle avait pris sa robe dans de la friperie, qu’elle serait très mal habillée. Ce jour-là, je l'ai vraiment entendue et j'ai eu de la peine pour ce qu'elle vivait. Je lui ai dit "donne-moi la robe, je vais faire quelque chose". Honnêtement, je n’avais aucune idée. J'avais juste le souvenir d'une dentelle perlée noire que j'avais vu au marché et qui m'avait plu. Comment l'utiliser ? Qu'est-ce que je devais en faire ? Je ne savais vraiment rien. Je suis parti chez un grand frère styliste qui avait un mannequin. Je l'ai posé dessus. J’ai découpé les motifs et les ai placés. Au fur et à mesure que j'avançais, j'avais le schéma qui s'est développé dans ma tête. Lorsque j’ai fini la robe, elle était magnifique, pratique. Elle était franchement très bien habillée. J'étais fier. J’ai découvert que j'avais ce potentiel-là, celui de refaire de vieux vêtements. »

    Après cette expérience et la confirmation de ses compétences, Don Hugo lance la marque Unik Dress en 2021, à Abidjan. Pour ce créateur ivoirien, ses productions sont le reflet de ses émotions.

    « J'ai besoin d'un environnement décoré qui répond à mon besoin du moment. Un environnement très sain, agréable à voir, où je peux créer. Si vous arrivez chez moi, que vous voyez un environnement désordonné, c'est mon état émotionnel. Les fois où vous venez, tout est propre, avec de beaux pots de fleurs, les parfums, les senteurs, vous saurez en même temps mon état émotionnel. La création est essentielle pour moi. J'aime aussi voir des personnes s'épanouir, je pense pour un artiste, en tout cas pour ma part. La satisfaction dans le regard des gens, c'est vraiment l'une des choses essentielles. J'aime voir la personne très épanouie, satisfaite de ce qu'elle a reçu. »

    Unik Dress, c’est une garde-robe bijoux, ainsi qu’une rubrique sur les réseaux sociaux pour aider chacune et chacun à se mettre en valeur, à avoir confiance en soi et à se sentir unique.

    « J'ai créé une rubrique dans mon animation des réseaux sociaux intitulée : "Elle est unique", parce que aujourd’hui, une personne va se mettre devant le miroir, elle va voir tel aspect de sa beauté. Moi, lorsque je regarde une personne, je vois autre chose. J'ai constaté que beaucoup de personnes cachent derrière leur pseudo-humilité un complexe d'infériorité, "je ne veux pas être regardé parce que je pense que j'ai tel défaut, je ne me sens pas trop belle". Non. Je pense qu'il y a une pierre en toi que tu dois mettre en valeur. C'est vrai que l’habit ne vient pas mettre en valeur. Nous avons en nous-même cette valeur. Vous voyez, l'habit ne fait pas le moine, mais nous reconnaissons le moine par son habit. Être bien habillé, il y a une certaine confiance en soi regagnée à partir du moment où soi-même, on a confiance en soi, nous commençons à faire ressortir ce qu'il y a de meilleur. Je pense que le vêtement peut le faire."

    Don Hugo crée pour les femmes, les hommes, sa grande capacité d’écoute lui permet de restituer les demandes dans une ambiance détendue.

    « Je tiens vraiment à garder un esprit convivial et une ambiance familiale avec les personnes que je reçois. C'est une maison avec un salon, un bureau. Une musique vous accueille et il y a de petites choses que j'utilise, par exemple, les senteurs de maison, lorsque vous venez, l'odeur vous capte. Vous vous sentez chez vous. Ensuite, j’entre en scène. Je viens. Je suis toujours détendu. Si c'est l'heure du repas, le repas est là. Je vous invite à venir y goûter. Je détends l'ambiance. Nous finissons par revenir au sujet du vêtement, "qu'est-ce que vous voulez ?’" Avec beaucoup d'aisance, vous me dites ce que vous voulez. Vous allez commencer à me dire vos craintes. Vous allez commencer à me dire ce que vous aimez, ce que vous n'aimez pas. Là, ce n'est plus du fournisseur ou du styliste au client, mais c'est un peu comme des amis. Vous vous sentez belle, vous vous projetez dans le vêtement que vous hésitiez à porter dans telle couleur. Il y a des échantillons de tissus. Cela va dans tous les sens, puis le courant passe. »     

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  • La création de chacun des bijoux d’Elia Pradel est unique. Avec sa marque Anicet, la jeune créatrice de bijoux upcyclés installée aux Ateliers de Paris, elle réemploie et revalorise des bijoux anciens pour en créer des pièces uniques, authentiques, élégantes, modernes et non genrés. Elia Pradel aime les bijoux qui ont déjà vécu, avec une histoire, une âme, en faisant le lien avec l’économie circulaire.

    La création, pour moi, ne s'arrête pas aux bijoux. C'est une création qui est totale, un peu 360. Au-delà du bijou, j'explore aussi d'autres médiums. Il faut quand même être en état d'esprit de créer, c'est-à-dire en tout cas dégager suffisamment de temps dans son agenda. Arriver à se mettre dans une bulle de création, c'est important et nécessaire pour que je puisse arriver à une pièce.

    Elia Pradel, fondatrice d’Anicet : « Quand j'ai lancé la marque, je voulais un lien avec la Guadeloupe et c'est le deuxième nom de mon papa. Je voulais ce lien et lui rendre hommage. Il y avait aussi cette volonté d'un nom mixte, c'est-à-dire "Anicet", je ne sais pas si c'est d'essence plutôt féminine ou masculine. Dans ce que je propose, je souhaite que nos bijoux n'aient pas un genre déterminé, attitré. Ils peuvent être plutôt féminins, plutôt masculins, mais c'est la personne qui choisit, qui décide de porter la pièce. Et Anicet, c'est aussi l'anagramme de "ancient" en anglais, donc, comme je travaille des bijoux anciens, de là que cela vient. »

    Elia Pradel est née et a grandi en Guadeloupe. Passionnée par la création de bijoux, elle en conçoit dès l’âge de 13 ans et organise même des rencontres pour les vendre. Elle fait une école de commerce puis travaille en accompagnant des autoentrepreneurs. En parallèle de ce premier emploi, elle suit des cours pour se former aux techniques de base de la bijouterie. C’est comme ça qu’elle rencontre beaucoup de particuliers et qu’elle récupère des bijoux anciens. Née d’une passion, sa marque Anicet est lancée en 2020. Elia Pradel donne une seconde vie aux bijoux des années 1970, 1980, 1990 et 2000, en les modernisant.

    « Dans l'ADN de nos créations, nous allons beaucoup retrouver des mailles et notamment des mailles assez sculpturales, des jeux de contrastes. Par exemple, ce mélange d'or et d'argent, ces asymétries de pièces et mélanges de mailles très fortes - ou peut-être masculines - avec des mailles beaucoup plus féminines, peut-être beaucoup plus romantiques. En retravaillant des bijoux anciens, en termes d'exigence, cela va être l'exigence de la qualité des matériaux proposés. J'aime bien dire que nous créons des bijoux qui ont appartenu au passé, portés au présent et que potentiellement, nous pouvons transmettre à des générations futures, donc, que les gens aussi peuvent peut-être se réapproprier. »

    Elia Pradel poursuit : « Être à la fois créateur et entrepreneur, cela coûte, puisqu'il faut à la fois être la tête créative, la tête pensante, mais aussi raccorder tout cela à des objectifs financiers et chiffrés. C'est cela aussi la réalité du monde de la création. »

    Les modèles uniques d’Anicet s’inscrivent dans de petites collections créées également grâce aux savoir-faire d’ateliers partenaires.

    « Dans mon travail, je cherche vraiment à nouer des relations de long terme. Cela va être principalement le facteur humain et le facteur fiabilité et rigueur. S'il y a ces trois facteurs, peut-être que nous pouvons travailler ensemble. Mais l'humain d'abord, puisque j'aime bien dire que j'ai choisi le métier d'indépendant pour choisir aussi les gens avec qui je travaille. J'ai cette chance. Donc l'humain avec tous ces éléments, rigueur, fiabilité, technicité évidemment, et réunir aussi tous les savoir-faire qu'il nous faut pour créer ces pièces uniques. »

    « Parce qu'aujourd'hui, le travail de création va au-delà de nous, puisque nous pouvons travailler avec des fondeurs, d'autres bijoutiers, avec des ateliers partenaires de bijoutiers pour tout le travail de soudure, de sertissage. Donc, nous allons aussi nous entourer de certains savoir-faire autour d'une collection. Et une fois que nous avons les premiers croquis, les premiers éléments, les premières matières, les premières couleurs, nous allons pouvoir créer notre collection et puis nos pièces uniques. »

    Elia Pradel propose des créations durables sur-mesure ainsi qu’un travail de sensibilisation en collaboration avec de grandes Maison du luxe.

    « Par exemple, nous avons travaillé avec la maison Chanel à partir de leurs stocks dormants pour organiser des ateliers d'upcycling à destination du grand public, pour leurs clients VIP ou les collaborateurs de l'entreprise. Nous faisons aussi un travail de codéveloppement, de création et de pièces à partir des fins de stock des maisons afin de concevoir des pièces ensemble, et une collection. Nous avons un travail en cours avec une maison artisanale et cet aspect d'atelier d'upcycling est important puisque nous, cela nous permet de sensibiliser le plus grand nombre à cette pratique d'upcycling et montrer que nous pouvons regarder autrement tout ce que nous avons sous la main pour créer cette réflexion autour de 'comment faire avec les stocks inutilisés ?' ».

    « J'ai l'impression que la plupart des maisons commencent à y réfléchir... Ou si elles ne le font pas, elles devraient y réfléchir. Tous ces stocks dormants non utilisés, finalement, ce serait mieux que cela profite à la création, que ce soit à travers des ateliers d'upcycling pour le grand public ou à travers des jeunes créateurs comme nous, qui avons besoin de matières premières. Nous pourrions construire quelque chose ensemble, une certaine circularité ensemble. Beaucoup de maisons font ce travail, il est plus que nécessaire. »

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  • Koumba Cissé, styliste guinéenne installée aujourd’hui au Ghana, avec sa marque de vêtements, Koumbis, elle veut faire connaitre la culture, l’histoire, les femmes et les hommes qui ont apporté leur contribution culturelle à la République de Guinée. Koumba Cissé a lancé sa marque en 2022 et sa collection présentée au Festival international de la mode au Togo, le FIMO228, raconte et fait connaitre cette histoire quelquefois oubliée.

    « J'ai une relation particulière avec la création, explique Koumba Cissé. Quand je me réveille le matin, il faut impérativement rentrer dans le bureau, j'ai mon tableau de création. Il me faut toucher les matières pour voir l'inspiration. Qu'est-ce que cela donne ? Je ne force pas. C’est au toucher, c’est tout ce qui m’entoure. La mode, c'est ma vie, je l'ai choisie, donc du coup, j'assume. »

    Koumba Cissé, styliste et fondatrice créatrice de la marque Koumbis

    « Koumbis, quand j'étais petite, c'était mon surnom. Quand j'ai fini mes études de mode, j'étais à la recherche d'un nom assez original et je me suis inspirée des grandes marques, des grandes maisons de couture qui existent, je me suis dit "Pourquoi pas Koumbis ?" Et puis Koumba, c'est un prénom que je porte fièrement, parce que c'est un prénom qui représente l'Afrique. Il se retrouve un peu partout, que ce soit en République de Guinée, en Côte d'Ivoire, au Mali, au Sénégal. Très récemment, j'ai appris qu'au Gabon, c'est un nom de famille au lieu d'un prénom. »

    Née en Guinée-Conakry, Koumba Cissé fait des études universitaires à Dakar, au Sénégal. Elle obtient un Master en marketing stratégique et communication commerciale et un Bachelor de Styliste modéliste. À la fin de sa formation, elle s’installe au Ghana pour appréhender un peu plus la mode des pays d’Afrique anglophones. Rencontrer les autres, découvrir d’autres cultures, apprendre de nouvelles techniques : la curiosité de Koumba Cissé se porte aussi sur l’histoire de son pays.

    Hommage à « Binta Pilote », la « première femme pilote d’hélicoptère d’Afrique Noire »

    Sa collection intitulée « Binta pilote » est un hommage à une femme, une pionnière guinéenne et à sa contribution à la République de Guinée Conakry. « Binta Pilote fut la première femme pilote d’hélicoptère d’Afrique Noire, qui est méconnue pour certains, mais pour moi c’est une "Queen". »

    « Il faut parler d’elle parce qu’être pilote d’hélicoptère dans les années 1970 - je pense que c’était en 1975 -, ce n’était pas donné à tout le monde. Comment a-t-elle eu l’idée d’être pilote d’hélicoptère ? J’ai appris en lisant les archives qu’être pilote d’hélicoptère est plus difficile que d’être pilote de ligne. Il faut vraiment la faire connaitre, que le monde entier parle d’elle. Il faut que tout le monde connaisse qu’elle vient de la République de Guinée et qu’elle est guinéenne tout court. Je suis fière de cela. C’est dans ce sens que s’inscrit justement la marque Koumbis. À chaque fois qu’il y aura une collection, il y aura toujours une histoire derrière qui mettra en exergue des personnages ou une personne qui ont marqué le pays. »

    Sa marque Koumbis - lancée en 2022 à Dakar, alors qu’elle était encore étudiante - est une marque qui allie toutes ses formations et compétences. « Pour moi, c’est un cocktail Molotov. La mode et le marketing, ce sont des choses qui doivent aller ensemble. Je suis présente au niveau de la conception, de la communication, de la recherche des matières, de la couleur. Je gère tout. Tout cela, ce sont mes études de marketing et de communication qui me permettent justement de sortir une pièce finie de Koumbis, surtout pour cette collection de quinze tenues que j'ai réalisées seule. C'était très compliqué, mais la seule chose qui m’aidait justement à aller au-delà, c’était la passion. Dans la mode, c’est à ce moment-là que la passion intervient. »

    « La passion ce n’est pas 80 % du métier, moi, je dirais personnellement, que c’est 20 % du métier. Quand tu as envie de tout abandonner, c’est uniquement la passion qui peut te dire “écoute, tu as choisi cela, tu aimes cela, vas-y, lance-toi". La mode, c’est tout pour moi. Je fais tout dans mon dynamisme. L’équipe sera formée à travailler comme je travaille, parce que chaque styliste, chaque maison de couture a une façon très particulière de travailler ses pièces. »

    Une marque africaine avec une touche personnelle made in Guinée que Koumba Cissé veut faire connaitre au monde entier. « L’International m'intéresse parce que Koumbis c'est au-delà d'une marque. C'est une identité culturelle. C'est tout un pays que je représente. Mon objectif derrière cette marque, c'est de dire au monde entier que la République de Guinée existe. C'est un pays de l'Afrique de l'Ouest, peut-être que mon pays n'attire pas, mais il retient. Venez, nous rendre visite. Nous avons une identité culturelle hyper riche. Et nous aussi, nous pouvons faire partie du tatami de la mode internationale. »

    Koumba Cissé aime découvrir d’autres cultures africaines, mais elle s’est fixé une mission. « Vous savez, l’Afrique, c’est vraiment un cocktail. Donc à peu près toutes les cultures se valent, toutes les cultures se ressemblent. Mais quand nous ne prenons pas le soin d’aller étudier chaque culture de façon vraiment détaillée, nous avons tendance à mixer les cultures alors que chaque pays a une identité culturelle très particulière. J’ai choisi d’aller dans ces différents pays pour découvrir et apprendre, pour justement ne pas mixer les cultures entre la République de Guinée et la Côte d’Ivoire, par exemple. Ce que j’ai compris avec le temps, c’est que toutes les régions frontalières de la Guinée, comme le Mali, Kankan, c’est une ville de la République de Guinée qui n’est pas très loin du Mali. Donc nous avons tendance à avoir la même culture. Si tu ne fais pas attention, tu vas penser que c’est le même peuple. Mais si tu observes bien, il y a juste un détail qui peut identifier l’autre pays. Alors ma mission à moi justement, c’est de trouver cette nuance. Et dire que cela appartient à la République de Guinée. »

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  • Innovation en protection cutanée et protection de l’environnement avec French Kiss, une marque de crème solaire lancée par Yann Delplace, marin et entrepreneur. Il a voulu créer la meilleure protection solaire pour la peau et l’océan. Sa crème est adaptée à tous les membres de la famille. Pour Yann Delplace c’est important de contribuer à la préservation des écosystèmes fragiles tout en protégeant la peau des rayons UV nocifs.

    L'idéal pour se protéger du soleil, c'est qu'il ne faut pas s'exposer au soleil. Lorsque vous voulez aller à la plage, il faut mettre la crème solaire parce que le taux de cancer explose. En France, la région qui a le plus de cancers c'est la Bretagne. Les UV passent à travers les nuages. il y a la Bretagne et l'Australie, par rapport à la couche d'ozone, il faut vraiment se protéger. C'est une casquette et de la crème solaire régulièrement.

    Yann Delplace, navigateur et créateur de French Kiss

    " C'est assez osé à l'époque d'appeler un bateau French Kiss. 90 % des gens ont trouvé cela drôle et l'ont retenu. Le but, c'était de communiquer sur un nom que les gens retiennent. Il y avait France, il y avait French Kiss. Cela cochait toutes les cases."

    Né dans le nord de la France, Yann Delplace est un marin et un passionné de voile de haut-niveau depuis l’enfance. Tout naturellement, il est devenu régatier. Installé aujourd’hui dans le sud de la France, près de la Méditerranée pour exercer sa passion, car il aime naviguer. Ses sorties en mer quotidiennes l’ont progressivement fait prendre conscience de l’importance de la protection cutanée et celle de l’environnement. Yann Delplace crée, en 2016, French Kiss, une marque de crème solaire respectueuse de la peau et de l’environnement qui doit son nom au célèbre voilier de l’America's Cup.

    " L'avantage, c'est que French Kiss est connu, mais comme un bateau. L’inconvénient, c'est que maintenant, French Kiss, c'est aussi une crème solaire. Les moins de 30 ans reconnaîtront French Kiss comme une crème solaire alors que les plus de 50 ans connaîtront French Kiss par rapport à un bateau et une crème solaire. C'est un nom qui marque les esprits. Il y a 2 000 fabricants de crèmes solaires à travers le monde. Certains ont des qualités, d'autres des défauts. Moi, je sais que le produit est bon."

    « Ceux qui font de la voile, les plaisanciers sont les deuxièmes personnes les plus exposées au monde au soleil après ceux qui font de l'alpinisme. Le taux de réverbération sur un glacier est encore plus important que sur les océans. Si c’est bon pour les personnes qui font de la plaisance, de la grande plaisance, des régates où ils sont extrêmement exposés au soleil, si c’est validé, forcément c'est validé pour la personne qui va quelques heures seulement sur une plage pour se baigner ou pour bronzer. Nous sommes partis dans cette niche par rapport à l'histoire du bateau qui est absolument fantastique et pour toucher d'abord les gens qui font de la plaisance et après élargir à Monsieur tout le monde. »

    Pour créer sa crème solaire French Kiss, Yann Delplace a fait un tour d’Europe et visiter de nombreux laboratoires. « J'ai fait un tour d'Europe pendant quatre ans pour trouver la crème solaire qui correspondait le plus à mon cahier des charges et je l'ai trouvée à cinq kilomètres de chez moi à Nice. Dans ce laboratoire, il y avait trois crèmes, deux crèmes avec des filtres naturels et une crème avec un mélange naturel, organique. Avec leur premier test de crème solaire, les filtres naturels tuaient 70 à 80 % des cellules souches. Leur crème solaire qui était un mélange ne tuait que 30 %. Ils se sont aperçus que ce sont des filtres naturels, en grande partie qui tuent les coraux. Pourquoi ? Parce que c'est naturel. Mais c'est naturel à terre, pas dans l'eau. Donc, les organismes comme les anémones de mer ou les coraux n'arrivent pas à les filtrer. Ils ne sont pas habitués à ces produits."

    « Les crèmes solaires perturbent cet environnement. Cela tue l'algue à l'intérieur et du coup cela fait blanchir les coraux. Il faut, donc, un filtre chimique qui soit bon pour la peau parce qu'il y a des filtres chimiques qui ne sont pas bons et des filtres naturels qui soient bons pour les océans et les filtres chimiques également. Ils ont pris le meilleur de chacune ou le moins mauvais de chacune pour sortir une crème solaire. »

    Fabriquée en France, la composition de la crème solaire French Kiss limite au maximum les effets sur les coraux et sur l’ensemble de l’écosystème marin. Écologique, elle est certifiée par plusieurs labels comme Skin Safety. Afin de la faire connaître au plus grand nombre, Yann Delplace a nommé des ambassadeurs. « Le premier, c'est Jean Luc Van Den Heede, VDH pour ceux qui connaissent un peu les mordus de voile. C'est ma première égérie. Ma deuxième égérie, ce sont des jeunes filles championnes du monde de voile, championne olympique. J'en ai douze autour de moi maintenant. Jean-Pierre Dick qui est Niçois devrait me rejoindre très prochainement. »

    « Le but, c'est que la marque soit visible sur tous les plans d'eau, pour les auditeurs, French Kiss c'est le bateau qui a représenté la France en 1987 pour la Coupe de l'America en Australie. Il était barré par Marc Pajot. C'est un bateau français avec un nom bien français qui a défendu les couleurs de la France en Australie et qui a atteint les demi-finales, qui a réalisé le résultat le plus important en 147 ans de l’America's Cup. Nous avons repris le nom de French Kiss. Le bateau nous sert de laboratoire et de tests en conditions réelles. Et moi, je cherche des ambassadeurs, donc des jeunes qui sont sur tous les plans d'eau, pour rajeunir la marque. Un Français sur six de plus de 50 ans connaît le bateau, ce qui est énorme. Mais je pense qu'on est quasiment à zéro Français en dessous de 30 ans. Le but de ces jeunes égéries, c'est que lorsqu'elles naviguent sur les plans d'eau, elles fassent connaître la marque aux plus jeunes."

    Yann Delplace souhaite améliorer le contenant de sa crème solaire. Son nouveau défi, l’emballage. « Je me suis rendu compte que le packaging n'était pas à la hauteur de la crème, nous nous améliorons d'années en années. Le but du jeu, c'est de réduire considérablement la teneur en plastique, l'énergie pour produire et ainsi que la quantité d'eau pour produire. Du coup, je me suis rapproché d'un laboratoire qui est juste à côté de Sofia-Cosmétique, donc à trois kilomètres de Carros, près de Nice. Il y a quasiment zéro empreinte carbone puisqu'il n'y a pas de trajet. »

    « Le nouveau packaging est sorti au mois de mai dernier. C'est huit fois moins de plastique, c'est 70 % de consommation d'eau, 80 % d'électricité en moins. La révolution dans la révolution, c'est que son système de packaging est une reprise du système des poires en pâtisserie, lorsqu'on compresse le tube, au final, à la fin de vie du tube, il reste moins de 1 % du produit, alors qu'actuellement tous les tubes de crèmes solaires au monde et dans ce format laissent entre 23 et 24 % de crèmes solaires. »

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  • Olivia Yatoundé Olympio a décidé d’apprendre du passé pour construire l’avenir. Pour contenter son désir de création, elle lance en 2021 sa marque OYO. Cette créatrice propose des accessoires, sacs à mains aux formats allant du petit au plus grand, des bijoux et des vêtements sur-mesure. Des pièces en édition limitée, totalement uniques et fabriquées à la main.

    Olivia Yatoundé Olympio réalise chaque pièce avec la même passion, la même attention portée au choix du cuir, aux finitions des coutures, aux assemblages et mélanges des matières ou pas. Les formes géométriques apportent une touche d’originalité et de féminité à ses accessoires.

    Quand je crée, je me sens vivante. C'est une manière de m'évader.

    Olivia Yatoundé Olympio, Créatrice de la marque OYO

    Je m'appelle Olivia Yatoundé Olympio. OYO, ce sont mes initiales, tout simplement

    Née à Lomé, Olivia Yatoundé Olympio quitte le Togo à 12 ans et suit sa scolarité, jusqu’au baccalauréat, dans un pensionnat à Beauvais, près de Paris. Elle poursuit par des études de droit et d’anglais. Elle exerce plusieurs métiers, mais avec OYO, elle revient au travail manuel. Sa mère, partie trop tôt, l’a sensibilisée à la mode, à l’élégance, elle lui a transmis sa passion pour le travail artisanal. « Ma maman a été adoptée par sa tante et son oncle, qui étaient Bretons, à l'âge de trois ans, raconte-t-elle. Elle n'a vécu qu'à Neuilly, à Paris. Ma maman est une Parisienne et nous a donné une éducation très française, parisienne. Elle a travaillé, a appris la haute couture chez Givenchy. »

    « Elle a rencontré mon papa par hasard. Ma maman était une métisse ghanéenne, quand elle a rencontré mon papa qui était Togolais, ils se sont mariés et sont venus au Togo en 1963, juste après l'indépendance, avec mes deux sœurs aînées. Ma maman a exercé son métier de couturière styliste à Lomé. Elle avait comme clientèle tous les expatriés de l'époque, les ambassadeurs, les femmes d'ambassadeur. À la maison, moi, je voyais défiler des personnalités qui venaient commander des robes ou des vêtements à ma mère », se souvient-elle.

    Installée à Nantes, dans l’ouest de la France, cette autodidacte, après une vie de mère de famille bien remplie, s’essaye au travail sur le cuir, en 2021, elle lance sa marque OYO. Elle crée des sacs à main qui lui ressemblent, avec un bijou unique. Olivia Yatoundé Olympio pense d’abord à une forme géométrique en réalisant son prototype. « Le cuir est souple, montre-t-elle. Je mets une matière entre le cuir et la doublure, une fibre rigide, qui permet au cuir souple de tenir. Si je ne mettais pas cette matière, il ne tiendrait pas debout, il n'aurait pas cette forme qui reste quand même rigide. Cette matière rigide, on ne la voit pas, elle n'est pas apparente, on la sent dans le toucher. Il y a des cuirs d'une épaisseur plus importante et le grain aussi du cuir peut faire que je n'ai pas besoin de mettre cette matière rigide. Le cuir seul avec la doublure fait tenir le sac à main comme un bijou que vous posez sur une table. »

    L’inspiration qu’Olivia Yatoundé Olympio trouve à Lomé se réalise en France et inversement. Elle travaille le cuir, mais aussi, les pagnes tissés, parfois précieux et rares. Elle aime les matières nobles qui lui rappellent ses origines africaines. « Les tissus tissés, ce sont des rayures. Il y a beaucoup de rayures ou alors c'est très géométrique. J'aime ce côté géométrique un peu épuré. J'imagine déjà le vêtement, ensuite, j'imagine les couleurs qui peuvent composer ce vêtement. Je fais un dessin sur le style de tissage que je souhaite avoir. Je mets les couleurs et je l'envoie aux tisseurs et ils me font les tissus. Le concept que je veux, c'est que même dans le tissu, il ne faut pas qu'on le retrouve ailleurs. Donc, le vêtement est unique. Le sac à main est unique, et les boucles d'oreilles sont uniques. Je pense que nous sommes tous uniques et je pense que nous ne le mettons pas souvent en avant."

    Sacs à mains, bijoux ou collection de vêtements, Olivia Yatoundé Olympio développe sa production. « Ce sont surtout les choses très difficiles que j'ai vécues qui aujourd'hui me poussent à me dire que nous n'avons qu'une vie, se confie-t-elle. Pendant longtemps, il me fallait faire face. Après un divorce, avec deux enfants, si je voulais créer, je l'ai mis de côté parce qu'il faut nourrir les enfants, donc j'étais prête à prendre n'importe quel travail alimentaire pour assurer le quotidien. J'ai eu ce genre de vie pendant très, très longtemps. »

    « Aujourd'hui, au-delà de 50 ans, je me dis '"tu as eu faim, tu as eu soif, il ne peut plus rien t'arriver de grave, donc fait ce que tu as envie de faire et vas-y et n'ait pas de retenue", relativise-t-elle. C'est venu sur le tard, mais je suis contente que cela vienne maintenant et je ne me frustre pas en me disant bon "bah, j'aurais voulu, mais je n'ai pas osé." Je ne veux pas cela. »

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    À écouter aussiERY MERA, la mode de Rekiatou Daboya sublime en toute discrétion

  • Alexandra Latour, styliste de broderie et créatrice de la Veste en jean. Avec sa jeune marque française, elle revisite une pièce iconique de nos vestiaires : la veste en jean. Pour cela, Alexandra Latour récupère d’anciens pantalons en denim, les découpent et les recomposent en fonction de la trame du textile et de ses couleurs. Ses créations de veste sont uniques, réinterprétées et sublimées grâce à la broderie, des collections originales tout en faisant du bien à la planète.

    « Il n'y a pas de limite en broderie, c'est juste impressionnant. Nous pouvons tout nous permettre, tout peut se broder à partir du moment où nous pouvons fixer la matière, nous arrivons à broder. Nous pouvons broder de la nacre, des perles, des paillettes, toutes sortes de choses. Nous pouvons. Il n'y a pas de limites », raconte Alexandra Latour, styliste de broderie et créatrice de la Veste en jean.

    « J'ai beaucoup aimé la petite robe noire et je me suis dit : "la veste en jean", tout simplement. » Alexandra Latour commence son parcours en architecture d’intérieur, en scénographie après avoir étudié à l’école Boulle à Paris, une école en arts appliqués. Après sa licence d’arts plastiques, elle exerce dans un bureau de style pendant deux ans. À 25 ans, elle se met à son compte et monte son atelier de broderie. Elle travaille en dessin et techniques de broderie pour la maison Lesage et d’autres maisons de haute couture. Et en 2020, elle lance sa marque la Veste en jean. Alexandra Latour est à la fois artiste, artisan d’art et entrepreneuse. Son atelier de broderie et sa marque la veste en jean grandissent ensemble.

    « Cela faisait plusieurs années que je me disais "j'aimerais bien créer une marque", parce que vendre de la broderie à une clientèle de proximité, ce n'était pas possible par des échantillons. Nous travaillons plus pour de la haute couture, du prêt-à-porter et je trouvais cela intéressant de développer une marque. Cela nous permettait de broder. Quel textile utiliser ? Une matière qui est polluante à sa fabrication : le jean. »

    « Je suis passionnée par le jean »

    « Je suis passionnée par le jean donc, du coup, je trouvais évident de créer une marque qui soit écoresponsable. À défaut d'utiliser des rouleaux, autant récupérer des jeans qui étaient destinés à être jetés et de les ennoblir par la broderie. Donc, nous utilisons un savoir-faire pour ennoblir notre matière principale. »

    Alexandra Latour récupère des jeans usagés pour leur donner une seconde vie et les transformer en vestes uniques et brodés. Des partenariats lui permettent d’avoir une démarche écoresponsable. « Emmaüs à Trappes nous suit depuis maintenant trois ans. Ils nous vendent les jeans au poids. Nous venons sourcer la matière en amont, c'est-à-dire ils nous font une présélection de ce qu'ils vont mettre en vente, par exemple les jeans qui ne peuvent pas être vendus, qui sont troués. Nous sélectionnons la matière pour qu'elle soit 100% coton sans élasthanne et nous l'achetons au poids. Ce sourcing de matières, je ne dirais pas tout le temps, mais par moment, c'est problématique. C'est-à-dire que si nous avions plus d'Emmaüs qui pourraient nous suivre et si nous avions un espace de stockage plus important, ce problème n'existerait pas. »

    « Notre problématique, pour le moment, c'est un espace qui est trop restreint pour à la fois travailler et stocker, toutes ces matières. Il y en a à profusion. Mais il faut avoir tout le process : sélectionner, nettoyer les jeans et après les stocker. Pour le moment, c'est plus la deuxième étape qui est problématique. Récupérer les matières, non, ce n'est pas du tout problématique. Et cela pourrait se faire à plus grande échelle. »

    Le jean est une matière abondante et permet de broder les pièces reconstituées sur la base de pantalons en denim recyclés. Après la matière, il y a le choix de la thématique, des teintes du denim et le dessin avant de passe à la réalisation de la veste.

    « Parfois, il y a des teintures particulières. Le denim a une multitude de teintes qui est assez impressionnante, des dégradés de bleu, des bleus qui sont plus rouges, des bleus qui sont plus verts ou plus grisonnants. Pour la collection, je pars toujours d'un dessin, mais parfois, je sors certains dessins sur d'autres périodes de collections pour un défilé. Je reste sur une thématique. La dernière fois, nous avons collaboré avec des artistes. Nous avons fait une veste étoile qui est assez exubérante, je dirais assez atypique. Nous avions ce qu'il fallait en matière. »

    « Nous commençons à sourcer aussi des matières de cuir, des chutes de cuir avec des personnes qui travaillent dans l'ameublement, il y a des chutes assez intéressantes. Nous associons aussi le jeans et le cuir. Il y a toujours un croquis à la base, c'est quand même de l'artisanat d'art puisque nous brodons. La broderie, c'est énormément de temps. Nous ne pouvons pas nous permettre de partir à l'aveugle. »

    Alexandra Latour a créé un atelier de broderie et une marque avec l’objectif de réduire, le plus possible, son impact sur l’environnement. « Pendant les périodes de collection, il y a énormément de réalisations qui sont faites à l'étranger. L'idée, c'était de créer un nouvel atelier qui soit à proximité des maisons de couture. Et quand j'ai créé la veste en jean, c'était avec l'idée de résoudre un soupçon de problème sur cette thématique de denim qui est très polluant à sa fabrication. C'était d'apporter une technique, un savoir-faire à proximité. C'est de pouvoir travailler en circuits courts, de réutiliser une matière qui était initialement vouée à être un déchet. »

    « Les personnes qui m'accompagnent au sein de l'atelier sont soit formées en couture ou en broderie, parfois les deux. Nous sommes une équipe de quatre personnes. C'est aussi des valeurs que j'essaye de leur transmettre : montrer que c'est possible de travailler avec justement d'autres matières que de dérouler un simple rouleau sur une table pour pouvoir broder. »

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  • Kokou Gilles d’Almeida Elessessi, plus connu comme Gilles d’Almeida est un styliste togolais. En 2022, il lance sa marque G-Style et ouvre un atelier en 2023 à Lomé. Ce jeune créateur se lance dans la mode avec un objectif : la mise en valeur du perlage. Cette technique artisanale Gilles d’Almeida l’utilise pour créer ou rehausser les motifs du tissu. Perles, sequins, paillettes embellissent alors les collections de G-Style, des pièces uniques pour femmes et hommes.

    La créativité, dans toutes mes confections, c'est moi, parce que je ne peux pas la mettre à l'écart. Il faut mettre de la particularité dans chaque tenue. La création, c'est m'investir totalement.

    Kokou Gilles d’Almeida Elessessi, styliste togolais, jeune talent de G-Style.

    « Les amis, les connaissances m'appelaient déjà G à cause de Gilles et quand je leur ai dit que je commençais ma formation en stylisme, ils se sont dit : "ajoute un "style" ou un "fashion" !" Je suis allé avec le "style". "G-Style", c'est plus cool. Et le nom est resté comme cela. Mais le G était toujours là, imposé par les amis et les connaissances. »

    Né à Lomé, Kokou Gilles d’Almeida Elessessi, plus connu comme Gilles D’Almeida a fait tout son parcours scolaire dans la capitale du Togo. En 2017, à la fin de son cursus universitaire en communication des organisations. Il s’offre une année de césure, une année pour réfléchir à son avenir. Cet amoureux du vêtement, de la mode et du style, après cette réflexion, se lance dans une formation de styliste sur trois ans. À la fin de son apprentissage, un accident avec une longue opération et plus d’un an et demi de rééducation le coupe dans son élan. Mais en 2022, il lance sa marque G-Style. Il confectionne des vêtements sur mesure à la main en sélectionnant avec soin les tissus. « Souvent, j'ai tendance à trouver des tissus de stock limité qui font la particularité de la collection. J'accentue aussi beaucoup sur les pagnes, sur les motifs et sur le perlage, ce qui permet de faire ressortir vraiment le motif qui est dans le pagne. Parfois les clientes amènent le pagne ou d'autres me font confiance et me demandent de choisir le pagne ou le tissu pour elles. Je travaille surtout avec la dentelle, peu importe la texture, de la soie, du lin et aussi une variété de satin. »

    La difficulté n’arrête pas ce jeune talent, il crée des pièces uniques avec de la dentelle, de la soie ou du satin et pour que le rendu soit élégant et luxueux, il applique la technique du perlage. « Perles, sequins, paillettes. Il y a les pierres de différentes tailles que je colle, surtout pour les robes de mariage. Pour les tissus unis, il y a des parties vraiment spécifiques, cela dépend de la coupe de l'habit. Il faut choisir un endroit particulier où mettre le perlage pour qu'il soit visible. Mais pour les tenues à motifs et autres, forcément, j'accentue sur le motif. Parce que quand vous avez un tissu, un pagne devant vous, il s'agit de voir, d’imaginer, parfois. Je peux voir le tissu et ne pas le couper sur le coup, mais pendant la nuit, j’y pense, je réfléchis, parfois j’en rêve même et cela m’inspire. Je peux faire un dessin, faire le tracé sur le tissu. Après la mise en forme de la tenue, je fais le tracé pour le perlage, je sélectionne les différentes formes de perles et je commence le perlage petit à petit. Parfois, je peux défaire pour recommencer parce que j’ai raté un petit détail. »

    Gilles d’Almeida, aujourd’hui dans son atelier, transmet déjà à ses deux apprenties sa technique du perlage, celle qu’il a apprise au cours de sa formation et qu’il a perfectionné. « Il y a la technique de perlage qui diffère. Je m'en vais dire que je n'ai pas vraiment de nom, pour ces différentes techniques là, mais peut-être je vais les nommer, cela deviendra une création. Mais chaque perlage sur chaque tissu a une technique différente, des points de couture différents. »

    « Certaines peuvent être faites sur mannequin, mais pour d’autres il va falloir carrément mettre l’habit sur une table, le tenir avec la main et le faire petit à petit. Au piqué, il faut faire assez attention, surtout pour les matières très sensibles pour celles-là, je m'y mets moi-même parce que je sais le rendu que je veux. Par exemple, la soie, il ne faut pas forcément la renforcer, mais il faut choisir un fil adapté pour que cela ne s'effiloche pas tout en tenant. Pour le pagne qui est un tissu plus rigide, je peux mettre des perles qui sont un peu plus lourdes, un peu plus grosses, et accentuer le perlage à certains niveaux parce que là, je suis sûr que le pagne va tenir. »

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  • Aurélia Westray adopte le feutre de laine, un textile non-tissé pour ses œuvres mais elle le modernise. Ce textile Aurélia Westray le met à l’épreuve en le mélangeant à d’autres matériaux et en y ajoutant des couleurs. Cette feutrière et créatrice d’objets textiles réalise ainsi des jeux de volumes ou de graphisme dans ses pièces uniques. Aurélia Westray trouve son inspiration en étant à l’écoute de ses sensations, lors de ses balades dans la nature.

    Elle se lance des défis qui se manifestent dans les objets textiles qu’elle confectionne. Coussins, plaids ou tableaux de laine, ils subliment les intérieurs.

    La création, c'est mon échappatoire. C'est une façon de me dire, de me faire plaisir, d'être aussi alignée avec moi-même. La création est partout. Nous sommes tous créatifs. Je pense que c'est en moi et que je ne pourrais pas vivre sans la création. C'est vraiment quelque chose qui m'anime chaque jour.

    – Aurélia Westray, feutrière et créatrice textile de la marque Accords Feutrés.

    « J'avais du mal à mettre mon nom sur mon travail parce que peut-être que je ne me sentais pas assez légitime ou pas assez experte. Avec les Accords Feutrés, puisque c'est au pluriel, il y avait cette idée de couleur, un accord de couleur. Cela me paraissait évident que je devais mettre le mot feutrer puisqu'en habillant de textile, nous allons, comme dans votre studio, rendre l'espace très doux, très confortable. C'est un peu cela aussi Accords Feutrés : se mettre dans un cocon de feutre, dans des accords de couleurs. »

    Aurélia Westray, est née à Marseille, dans le sud de la France, à partir de six ans, elle vit à Évian-les-Bains, au bord du Lac Léman, à l’est de Genève en Suisse. Après un baccalauréat en arts appliqués, puis un BTS plasticien d’environnement architectural, elle enseigne les arts appliqués. Sur son temps personnel, elle peint et s’exprime à travers plusieurs médiums, mais il y a une quinzaine d’années, le besoin de créer est devenu plus intense et c’est une révélation quand elle rencontre le feutre de laine.

    « Je travaille cette matière avec la main, avec le corps, avec les yeux », relate la créatrice. « J'ai eu une sorte de passion soudaine et finalement trouvé le matériau que je recherchais quand j'étais étudiante, c'est-à-dire peindre avec le textile. Alors, je me suis mise chez moi, dans ma cuisine, à faire des expériences. L'expérience était plutôt concluante. J'ai voulu me former pour développer cette activité de façon professionnelle et j'ai donc été formée au centre Lainamac, à Felletin, à Aubusson, dans la Creuse, où j'ai pu côtoyer des feutrières de renom. Feutrières, c'est un métier peu répandu parce qu'il est très peu connu. Mais là, j'ai pu vraiment faire mes armes et découvrir des techniques assez fabuleuses sur ce matériau. »

    Aurélia Westray aujourd’hui installée à Lyon, travaille des laines locales. En 2019, elle lance sa marque Accords Feutrés, plaids, coussins ou tentures murales, ses objets textiles revisitent la laine feutrée.

    « Moi, ce que j'essaye de donner à la laine feutrée, qui manque un peu, c'est ce côté un peu contemporain. Nous associons souvent cette matière aux beatniks, une matière qui gratte, qui n'est pas forcément noble, qui est plutôt mate. Moi, j'essaye de lui donner un côté luxueux, un côté brillant et aussi une sorte de raffinement. Parce que la laine a quelque chose de brut, elle peut être très grossière et je vais rehausser par mes tableaux de graphismes, de fibres de soie, de textile, de soieries lyonnaise, pour lui donner à la fois cet aspect luxueux, unique et aussi un aspect plus graphique, plus contemporain, en travaillant la ligne. »

    « Il n'y a pas spécialement d'outils, à part avoir une table qui soit assez grande, des outils qui vont permettre d'enrouler le feutre, donc les superpositions de couches de laine dans une natte. J'ai besoin de très peu de choses, de l'eau de savon. Après, cela va être les techniques plus spécifiques que j'ai acquises justement dans ces formations où nous allons plutôt faire de la dentelle. Travailler en unies couches, cela veut dire qu'il faut un doigté, une façon de poser la laine bien particulière. Il n'y a pas d'outil particulier, c'est plus un process de création qu'il faut mettre en place et qui va donner des formes en volume, en creux, en réserve. »

    Aurélia Westray a développé un univers autour du feutre artisanal en faisant intervenir la couleur.

    « Mes mèches de laine sont sur ma table de travail. C'est comme une palette. J'ai des rouges, des jaunes, des bruns. Je vais les positionner sur mon plan de travail. Au départ, j'ai une laine française, je travaille avec des éleveurs locaux ou des éleveurs qui sont autour de la région lyonnaise. Je vais d'abord déposer une couche de blanc comme une feuille de papier blanc, je vais mettre ma laine blanche et ensuite, je vais appliquer de la couleur en dégradé, en motifs, à la manière d'un peintre qui mettrait des touches de couleur sur son support, sur sa toile. »

    Pour concevoir ses pièces textiles, Aurélia Westray, pose d’abord les fibres de laine, organise les dégradés de couleurs, et passe ensuite au feutrage. Une technique à la fois maitrisée et incertaine sans correctifs possible.

    « Quand je vais superposer ces fibres, même si j'ai connaissance de ce que cela va donner, même si je sais que certains textiles réagissent d'une certaine manière, il y a quand même toujours un peu de tension de se dire “est-ce que j'ai travaillé à la bonne échelle ? Est-ce que les couleurs contrastent bien entre elles ? Est-ce que j'ai bien obtenu le graphisme que je souhaitais ?“ Il y a une part de maîtrise et une part d'aléatoire. Et souvent, je ne peux pas revenir dessus. Il faut aussi accepter l'imperfection ou parfois accepter que ce ne soit pas exactement ce que j'avais imaginé. »

    Peindre avec le feutre de laine Aurélia Westray, le fait en suivant son instinct, en faisant émerger l’idée et surtout en acceptant cette latence créative.

    « Je vais me replonger dans des odeurs, des couleurs, des sensations physiques et je vais me mettre en gestation dans mon esprit, ces sensations. Ensuite, je vais coucher sur le papier quelques esquisses qui vont me permettre un peu de définir les couleurs, l'atmosphère colorée que je souhaite obtenir », explique Aurélia Westray. « Il y a une sorte de maturation, où je vais la nuit, le soir, le matin, réfléchir comment je vais mettre en œuvre si je mets du volume. Et puis, je ne sais pas, un jour, il y a une sorte d'élan où c'est le jour où tout est en place dans ma tête sur les croquis et je vais me lancer sur une œuvre. C'est assez rapide quand même. C'est une sorte de jet. Je sens cette énergie, cette spontanéité, cela a été un jet comme cela qui était pensé. Pour les commandes, c'est un peu différent. Les commandes, souvent les clients, puisque c'est très personnalisé, m'envoie des photos. Là, je suis en train de travailler justement sur une thématique de l'île de la Réunion. Les personnes m'ont envoyé des photos de leur intérieur, de l'image sur laquelle ils aimeraient que je travaille et je vais proposer une sorte de stylisation ou une impression de ce que ce paysage m'inspire. »

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  • ÊKÔ, dont Sarah Saint-Pol est la fondatrice, est à la fois une Maison d'Art Porté, une marque de vêtements et accessoires inspirés de l'origami et réalisés grâce à un savoir-faire d'exception : le plissage artisanal. Mais c’est aussi un bureau d’études à destination des professionnels du secteur de la mode, du design ou de la scénographie. Sarah Saint-Pol déploie la technique du plissage sans limite de matières.

    Un créateur ou artisan, en général, crée tout le temps. Chaque moment de la vie, même de la vie privée, va nous donner une idée pour un autre projet. Et c’est toujours quelque part dans notre tête.

    – Sarah Saint-Pol, designer et fondatrice d’ÊKÔ

    « Comme je travaille beaucoup sur les savoir-faire français, je me suis dit : "Il faut un nom à la fois français qui évoque un peu le Japon aussi", parce que l’origami, c’est à la source un nom qui retrace un peu mon parcours en tant que musicienne. Et finalement, l’écho, l’écho sonore, cela fait penser aussi au travail de l’origami. Il y a une sorte d’écho, de répétition du geste. Je me dis : "Je veux quelque chose autour de l’écho, Eko avec un K, c’est le nom japonais." »

    Sarah Saint-Pol est née dans le sud de la France. Elle a fait des études de musique classique à Aix-en-Provence puis en Belgique et aux Pays-Bas. Elle commence une carrière de flûtiste dans différents orchestres philharmoniques. Au cours de sa carrière, elle développe un problème à la mâchoire et elle est contrainte d’arrêter la musique. Elle se reconvertit grâce à une formation en management culturel, mais il lui manque une dimension manuelle ainsi que créative.

    À ses heures perdues, elle réalise des origamis sur tissus, c’est comme cela qu’elle découvre le plissage. En 2018, elle commence par faire une collection de vêtements, et depuis, elle développe son activité autour du design. Quand elle commence une collection ou un objet, elle débute toujours par un prototype en papier. « J’aime beaucoup travailler le papier comme de l’origami. C’est la base du travail du plissé. Je fais plein de maquettes en papier. Si ce sont des vêtements, je vais les mouler autour de mon mannequin pour voir comment cela tombe. Et c’est à partir de ces maquettes que je vais construire les métiers à plisser afin de construire le vêtement autour de ce plissé-là sur le vêtement ou l’œuvre murale. »

    Métiers à plisser

    Afin de réaliser ses pièces, Sarah Saint-Pol utilise des métiers à plisser. « Je fabrique un métier à tisser. C’est comme un moule en papier qui ressemble à de l’origami. Je fais deux épaisseurs, ensuite je l’étuve pour qu’il prenne la forme et après je le remets totalement à plat pour pouvoir mettre le tissu à l’intérieur bien à plat, sans avoir de faux plis. Je le resserre et le mets dans une étuve. Si la fibre du tissu est synthétique, cela va légèrement fondre. Si c’est une matière naturelle, cela va casser la fibre et prendre la forme du moule. Au moment où le moule est sec, après tubage, la matière est normalement indéplissable. »

    « Pour du synthétique, cela va rester marqué sur la matière. Pour le cuir aussi parce que c’est très rigide. Après, quand je travaille sur du lin ou du coton, pour des objets qui ne peuvent pas être touchés ou pas lavés, comme des luminaires, on peut faire des luminaires en lin parce que cela ne va par être lavé. Si c’est lavé, la forme se perd. C’est le cas des vêtements en coton ou en soie. C’est éphémère, en fait. Les métiers à plisser sont à chaque fois faits sur mesure. Je peux avoir de très grands métiers à tisser. En ce moment, je travaille avec une créatrice de luminaires et je lui prépare un métier à tisser qui fait 7 mètres de long sur 1,50 de large. J’en ai parfois des petits. Pour faire un sac, j’ai besoin d’un tout petit métier à plisser. »

    Se former toute seule

    Le métier de plisseur n’existe presque plus, Sarah Saint-Pol a dû développer sa propre technique. « Il n’y a pas de formation et il n’y a pas de transmission. Moi-même, je n’ai pas pu me former parce que quand je me suis présentée aux ateliers de plissage, j’ai été un petit peu naïve et je leur ai dit : "Moi, je vais me former parce que je veux créer une marque de vêtements plissés." Et cela leur a fait peur et ils m’ont tous dit : "Non, nous formons des apprentis pour travailler chez nous, mais nous ne formons pas en dehors." J’ai dû me former toute seule, ce n’est pas forcément évident d’apprendre une technique toute seule. Il y a beaucoup de vidéos qui circulent en ligne. Petit à petit, à force de regarder, je finis par comprendre leur technique et après, j’ai développé la mienne. Ce qui est intéressant, c’est que j’ai développé ma propre technique. »

    « C’est une technique qui existe depuis tellement longtemps, mais c’est protégé par le secret de fabrication, donc nous n’avons pas non plus trop le droit de tout dévoiler. Moi, j’ai vraiment à cœur de former de nouvelles générations de plisseurs, parce que pour l’instant, il n’y a pas de concurrence du tout et du coup, le savoir-faire n’évolue pas parce que quand il n'y a pas de concurrence... S’il y a de nouveaux plisseurs sur le marché du travail, cela va faire monter le niveau et de toute façon, il y a de la demande. Moi, je vois bien que depuis que j’ai ouvert mon bureau d’études, j’ai énormément de demandes, donc nous pourrions être dix de plus, 50 de plus, il y aurait toujours du travail pour nous. »

    Jouer avec de nouvelles matières

    Sarah Saint-Pol aime s’aventurer en dehors du tissu et appliquer les techniques du plissage sur de nouvelles matières comme le cuir ou encore la céramique et le bois. « Depuis que j’ai ouvert le bureau d’études, beaucoup de créateurs, de maroquinier par exemple, m’ont dit : "Oh la la ! J'adorerais avoir du plissé de cuir, mais ce n’est pas possible." Beaucoup de plisseurs m’ont dit : "Nous ne pouvons pas plisser le cuir, c’est impossible." Je me suis dit "mais pourquoi ?" J’ai testé, c'est possible. J’ai eu pas mal d’échecs avant de comprendre comment faire. Le cuir de vachette fonctionne très bien, le cuir de mouton aussi, mais il reste un peu trop mou. Il faut trouver la bonne matière, le bon traitement. En ce moment, j’attends du bois très, très fin que je vais essayer de plisser. »

    « J’ai beaucoup de fabricants qui m’envoient leur matière. J’investigue régulièrement, je teste de la céramique ou du feutre. Il y a une grande partie de mon travail, c’est de la recherche sur de nouvelles matières que je me fais envoyer. Ou je vais voir des fabricants. Il faut juste trouver la technique pour chaque matière, nous pouvons tout plisser. Souvent à Noël, je fais des sablés plissés ou des chocolats plissés. Nous pouvons faire ce que nous voulons, il suffit juste de pouvoir faire une feuille fine et de la mettre dans un métier à plisser pour que cela fonctionne. En trouvant la bonne température, tout fonctionne. Je pense que pour chaque matériau, il y a une façon de faire. »

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  • Mounir Moda, styliste sénégalais, créateur de la marque éponyme, est aussi le promoteur du festival de mode 2MDesign show à Dakar et du Salon international de la mode, le SIM. Mounir Moda a à cœur d’utiliser dans ses collections de vêtements pour homme le pagne tissé pour mettre en avant les savoir-faire de son pays et le Made in Sénégal. Il fait co-exister son héritage textile et le temps présent.

    Une manière de donner à voir une mode durable et responsable. Mounir Moda a fait du tissu et de sa créativité une signature. Son événement qui a lieu du 4 au 12 mai à Dakar est là pour mettre en lumière le potentiel créatif et économique de la mode sénégalaise, africaine, mais aussi internationale. Nous l’avons rencontré lors d’une autre Fashion Week, celle de Lomé, où son défilé a été très remarqué.

    Avant, je regardais les défilés des grands créateurs comme Jean-Paul Gaultier. Il y avait Adama Paris au Sénégal, Collé Sow Ardo, je me suis dit "Pourquoi je ne ferais pas comme eux ?". C'est cela qui m'a poussé à aimer la mode et à promouvoir le Made in Sénégal.

    Mounir Moda, styliste et promoteur du festival de mode 2M Design à Dakar et du Salon international de mode : « Mounir, c'est la lumière, en arabe, on dit Mounir, c'est la lumière brillante. Moda, cela veut dire la mode en italien. »

    Mounir Moda sait très tôt ce qu’il aime : la mode. Sans perdre de temps, il quitte l’école en seconde pour se concentrer sur sa passion avec une formation chez un tailleur pour devenir styliste. Ancré dans son temps, Mounir Moda se fait connaitre grâce aux réseaux sociaux et il lance sa marque éponyme en 2015 bien avant d’ouvrir une boutique ou un atelier à Dakar.

    « Nous sommes dans le monde digital, surtout au Sénégal. Nous sommes tout le temps sur Instagram, Facebook, TikTok, sur les réseaux sociaux. Il y a des stylistes qui ont du talent, mais leur problème, c'est qu'ils ne sont pas conseillés. Avant d'ouvrir une boutique, j’avais une page Facebook. Avant Instagram, j'avais une page Facebook. Je ne faisais que la chemise mélangée avec des pagnes tissés. J'ai commencé à avoir beaucoup de clients. Ma mère m'a conseillé d’ouvrir une boutique. C'était en 2018, mais la boutique n’est pas assez grande. J'ai ouvert une deuxième boutique, en 2020. En 2021, j'ai ouvert un grand showroom de 250 m2, il y a un appartement où il y a plus de quinze tailleurs et deux assistantes en même temps. »

    Mounir Moda travaille le pagne tissé d’une manière facilement reconnaissable aussi bien dans le prêt-à-porter que dans le sur-mesure pour homme. « Je dessine. Je fais le design. Le pagne tissé, c'est mon identité. Je prends le pagne avec toutes les matières du textile, parfois du lin, parfois du super 100 (finesse de la laine). Par exemple, si je fais une collection, d'abord, je commence par réaliser trois pièces, si je fais les trois pièces, je vais appeler un mannequin pour faire l'essayage. Est-ce que cela va ? Si cela va, je vais faire encore beaucoup de pièces. Pour le shooting, le pagne tissé est un tissu qui a beaucoup de valeur, donc du coup, il ne faut pas être trop chargé. Il faut le manier seulement avec discrétion. »

    Ce styliste sénégalais est également le promoteur de 2MDesign Show, dont la prochaine édition, se déroule du 4 au 12 mai à Dakar. Il est aussi le promoteur du SIM, le Salon international de la mode, un concept lancé autour de 2MDesign show en 2019 et devenu aujourd’hui un évènement à part entière. « Lors de cette quatrième édition, nous avons sélectionné 35 designers. Une sélection avec deux défilés différents. Je ne peux dire qu'il n'y a pas de jeunes créateurs. Il y a des créateurs anciens et de nouveaux créateurs et cela leur donne l'opportunité d’avoir une visibilité optimale. Nous sélectionnons aussi pour le grand défilé. Mais le grand défilé, c'est la crème de la crème. »

    « Sur notre événement, le 2MDesign show, la première édition, il n'y avait pas d'exposition, lors de la deuxième édition, il y avait une exposition, mais seulement pour les stylistes qui participaient à l'événement. Lors de la troisième édition comme nous avons eu beaucoup de demandes, l'exposition est devenue le salon de la mode afin de valoriser les talents. Le salon international de la mode, nous pouvons le faire à Dakar ou en France, pourquoi pas au Togo, partout. Parce que le salon international de la mode maintenant est indépendant de l'événement. Ce n’est pas la même chose, ce n'est pas le même concept. »

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