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  • "Devenir propriétaire est loin d’être contraignant et aujourd’hui, j’ai sans doute en partie survécu en restant privilégiée, même dans la précarité, grâce à cela. Devenir propriétaire m’a affranchie, libre de vendre et d’acheter à ma guise, quand la nécessité l’imposait, pour continuer à rester autonome. Être propriétaire, c'est un pass-libertaire. "


    Un jour, je comprends qu'être salariée m'oblige à d'affreuses distorsions. À emprunter le costume de quelqu'un d'autre que moi. Comme un pacte signé avec moi-même, après une séance de dialogue social schizophrénique.

    Lors de mon 1er entretien d'embauche, je m'étais entendue répondre à la question qu'on me posait : Oui, je sais mentir. C'est même ce que je fais de mieux, m'sieur. J'étais devenue Dircom'. Pendant que ces mots-là sortaient de ma bouche, mes pensées en escalier me criaient le contraire.

    Je sais à présent que je n'ai jamais menti puisque j'ai passé ma vie de salariée à mentir. Pour y parvenir. À rentrer dans le moule. Compromis efficace quoique douteux entre mes besoins et les injonctions, moi et les autres.

    Devenir proprio, je ne l'avais pas davantage souhaité. Effet aliénant. De cette idée aussi, je me suis accommodée. Pour le meilleur. C'est en achetant et en revendant ce patrimoine que j'ai pu vivre hors salariat. Au prix de déménagements chaotiques certes, mais autant s'acquitter de ce prix-là. De ma liberté. À plusieurs reprises, je suis allée au bout du bout et quand le bout a été atteint, j'ai vendu et je suis partie.

    Dans le 1er immeuble où j'ai acheté, un véto exerçait. Qui a euthanasié notre chien Oscar quand le moment fut venu.

    Qui a stérilisé ma Mimi trouvée abandonnée. Avant de vivre moins chez moi que chez elle.

    Aujourd'hui, je suis installée au bout du bout du monde. Au sens littéral. Bout de terre avant l'Océan et d'autres continents. Il n'est sans doute plus question de fuir cette fois. Mais alors : affronter quoi ?


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  • "Je vais occuper la fonction de dircom’ pour la DRGP (dans le groupe, au siège, tout le monde est plus ou moins directeur en vérité), en pleine restructuration (on n’emploie pas encore de termes brutaux, on nuance. Restructuration plutôt que réorganisation). Sa secrétaire générale rencontre un problème avec moi : mon salaire ne correspond pas à la classification du poste. Philippe V. lui recommande de ne pas atermoyer des heures et je me retrouve sur-classifiée : je suis IV – 3 (classification – grade). J’ai l’impression de devenir un fossile dans la foulée. En réunion, les IV-3 parlent aux IV-3 mais pas aux IV-2, et rares sont les IV-4, les V et VI-le graal- invités. Comme dans toute institution de ce genre, verticale et autocratique, les bureaux des stratèges relèvent des étages élevés. Ceux de leurs équipes sont répartis au premier ou au deuxième étage. Le président cela va de soi, dispose du dernier étage, avec terrasse et vue panoramique, ascenseur personnel, pour ne pas avoir à répondre aux possibles importuns."


    On est passés à l'an 2000. Rien ni personne n'a bugué, sauf moi. Pour célébrer ce bug, je décide de me raser le crâne. Raser pour repartir, je sais qu'ils repousseront mes cheveux. Ce n'est pas la meilleure idée que j'ai eue, je l'avoue.

    Je suis passée de Dircom' en filiale à Dircom' au siège de La Poste. Le XXIè siècle sera parisien, institutionnel et bureaucratique, apparemment. Pas sûr que cette formule soit gagnante, mais comme un train à grande vitesse : je suis lancée. Il sera toujours temps d'y réfléchir à l'arrivée.

    Et vous, votre passage à l'an 2000, réussi ?


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  • "Quand j’ai eu signé mon préavis de départ de l’appartement de Boulogne Nord, quand Christophe P. a eu officialisé sa démission, après l’enterrement de mamée qui m’a achevée, j’ai décidé d’inviter mes amis. Lele serait le disc-jockey. Ce serait une fête mémorable, on passerait à l’an 2000 et à autre chose. J’ai invité tout mon carnet d’adresses, de A à Z. J’ai eu envie de mettre les petits plats dans les grands et j’ai fait des folies au MIN de Rungis, où -en tant que dircom' dans la zone Silic- je possédais mes entrées. Le buffet était grandiose.

    Ce samedi-là, la gardienne de l’immeuble était partie avec sa famille, dans leur maison secondaire et comme chaque week-end, la résidence avait été désertée de ses occupants, qui en Normandie, qui à Ramatuelle. On pouvait brancher la sono à fond et sortir la boule à facettes. Je défiais les rats du bois de s’aventurer jusqu'à nous mais les rats, comme Christophe P., sont couards et insidieux. Nous n'avions rien à craindre. A priori."


    Sauf que...

    Rien ne se passe jamais comme prévu. J'avoue que cette soirée-là s'est déroulée aussi intensément qu'un scénario de Martin Scorcese et de Brian de Palma réunis. Des paillettes et du glam', du sang et des larmes, des poings et du verre brisé, des putes et des flics, des proxénètes et des rats, et des remises en question radicales. Heureusement du chaos a émergé autre chose, de plus régulé et de moins malsain, pour tous. Protagonistes majeurs comme personnages secondaires, même pour les figurants. Ça se passe toujours comme ça. Entre jamais et toujours, les ténèbres et la lumière, l'avant et l'après, ça tangue, tout devient nauséeux et décadent. Je me trompe ?


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  • "... Un parcours touristique quasi obligatoire au cœur de la Grande Pomme. L’avantage de découvrir les States avec des cops', c’est qu’ils ont des privilèges à nuls autres pareils. Le FBI et leurs bureaux me laissent de marbre. Administratif. Le Capitole et le Pentagone : spectaculaires, de véritables fourmilières. L’impression d’être plongée en plein cœur d’une série télé. De Quantico, je garde le souvenir le plus impérissable. L’université des federal agents. Ville fantôme, cachée en pleine forêt, dans laquelle les flics se forment, s’entraînent aux stands de tir, imaginent des jeux de rôles et des cas de figure extrêmes dans des espaces reconstitués comme des décors de cinéma. Ils sont alternativement flics, voyous, victimes. ..."


    Rien ne va plus dans ma vie.

    Déménager et vivre à deux, c'est l'enfer. Travailler ensemble, l'enfer. Être si vite enceinte, l'enfer. Avorter, c'est l'enfer. Assister à l'enterrement de ma grand-mère Mamée, c'est l'enfer. Avec Christophe P. l'enfer. Au bureau, l'enfer. En famille, l'enfer. Avec mes amis, c'est l'enfer. Boulogne Nord, c'est l'enfer. Je me perds. Tout se délite.

    Hier au sommet, aujourd'hui effondrée.

    M'envoler quelque part.

    Oui, c'est ça.

    Qu'importe la destination, pourvu que je puisse nier la situation.

    Je décide de rendre visite à ma copine Coralie C.

    Après avoir quitté le golf et la France, elle est devenue special agent au FBI et s'est mariée avec Jimmy T., lui aussi federal agent. Ils habitent à Washington et travaillent à la DEA. J'ignore tout de New-York, des États-Unis d'Amérique, de l'outre-Atlantique.

    Partir.

    Loin.

    Fuir.

    Est-ce la solution ?

    Et vous, qu'auriez-vous décidé : affronter ou abdiquer ? Comment abordez-vous un raz de marée ?


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  • "Ça commence de cette manière, l'emprise. Ça brille toujours un peu trop. Il me loue comme si j'étais une déesse, vampirise mon temps de travail et moi, au lieu de délimiter d’emblée le propos et le temps à y consacrer, je réponds à ses requêtes de plus en plus fréquentes en temps réel. Je me rends indispensable à ses yeux et je crée moi-même les contours du piège. Répondre du tac au tac à chacune de ses sollicitations justifie mon titre de directrice de la com', moi qui n'ai aucun diplôme et ne rentre dans aucun formatage. Je me retrouve dans son bureau chaque jour, avec toutes les pièces à conviction nécessaires.

    (...)

    Un matin, quelqu’un sonne à la porte de mon studio. Étonnée, je vais ouvrir. C’est Christophe P., caché derrière un énorme bouquet : J’ai quitté Clarisse. Hier soir j’ai loué un camion, j’ai déménagé mes affaires, que j’ai stockées dans le garage de mes parents. Je veux vivre avec toi. Je veux que tu sois ma femme et la mère de nos enfants."


    J’ignore ce qui va se passer même si je soupçonne que ça cloche.

    Dix ans plus tard cet épisode, romancé, sera l'objet de mon 1er roman : Cet enfant que tu m'as volé.

    Je m'aperçois que mon 1er éditeur avait tout plaqué de sa vie de financier à Paris, pour s'installer en forêt de Brocéliande et créer sa société d'édition, lui qui était amoureux des lettres et des mots (même si ces redditions de comptes étaient au cordeau), et poète, sensible à la simplicité et la beauté des choses de la vie.

    Cet homme est mort, sa société a été liquidée ; le stock de mes romans éparpillés, vendus au poids. J'ai récupéré les droits de ce roman. Si je devais le réécrire, je ne garderais ni le titre, ni la forme, ni la structure, ni le genre, ni le fil conducteur, ni les prénoms, ni les personnages secondaires. Rien d'autre que... l'Événement.


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  • "Tout compte fait, cette ambiance industrielle me convient. Je suis bien plus souvent dans les centres de tri, à comprendre le fonctionnement des machines que dans un bureau ou une salle de réunion, même si à l’époque, cela n’est pas institutionnalisé. Avec les cols bleus, je me sens à l’aise. (...)

    Un lundi, Daniel D. présente Christophe P. en comité de direction : le comptable qu’il vient de recruter. Il aura en charge les budgets des directions fonctionnelles de Somepost, donc la mienne, la com’. Frais diplômé d’Assas, il s'affiche dans un costume trop chic, gris perle sans faux pli, une chemise blanche-cravate, des Weston reluisants, le teint blafard, les yeux vides de sens, d’un bleu délavé, le cheveux court et d’un blond du même délavé, de grosses joues. Il commence toutes ses phrases d’un ton sentencieux par « Fondamentalement, Je… » (...)"


    J'aurais dû suivre mon intuition.

    Mon intuition et les prédictions de ma voyante.

    Les chiffres, les tableaux excel et les mecs en costard, ça n'a jamais été mon truc. Pourtant...

    Vous êtes-vous aussi trompés en toute conscience ? Vous pénétrez dans un " déni lucide". Comme si vous saviez que vous deviez vous planter, vous planter GRAVE même, pour comprendre de manière ferme et définitive ce qui ne vous convient pas ? Ces provocations dangereuses m'apprennent à identifier les limites et me situer. J'avance à l'aveugle, je frôle toujours un peu le précipice et j'avoue que le prix à payer est proportionnel au danger et au risque.

    Mais impossible de faire marche arrière...


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  • "Me voilà dircom’ à Somepost. Une filiale historique du groupe La Poste qui assure la maintenance des centres de tri en France et propose une expertise de conseil postal à l’international. Je suis en charge de la com’ interne (...), de la com’ externe aussi. (...) En matière de conseil postal international, je soutiens les experts postaux (organisation par continents et pays). (...) J’accompagne les certifications qualité (ISO, EFQM). Somepost devient la première filiale du groupe à être certifiée, au niveau national et européen (process, procédures, processus). Je prends en charge la com' de marque, création de logo, signature, nom. Je trouve passionnant de créer une entreprise et d'imaginer son identité. Ce volet est-il à l'origine de mon esprit entrepreneurial ?"


    J'étais bien loin d'imaginer que 17 ans plus tard, j'allais déposer mon propre logo, ma propre signature, l'identité de ma propre société, et devenir chef d'entreprise... Chaque étape constitue un signe, un palier, un morceau du puzzle qui nous définit. Reconstituer ce puzzle prend une vie.

    La vie n'est qu'un enchaînement de causes et conséquences. La vie est un très long-métrage.


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  • "Directrice de la communication au sein du groupe La Poste, une entreprise qui appartient à chacun d’entre nous, groupe messager de tous les citoyens. Une institution. Un honneur. Ce que signifie le logo me plaît : les ailes de l’oiseau bleu messager, sur fond de soleil jaune fertile et fécond. Il y a du Prévert, dans cette entreprise industrielle et de services."


    Après le golf amateur, puis le basket pro, une nouvelle opportunité s'offre à moi, internationale : Dircom' dans une filiale du groupe la Poste. Je l'ignore, mais j'embarque pour une carrière institutionnelle, dans la fonction publique, au sein d'une entreprise de service public, qui durera 17 ans. J'ignore aussi que La Poste révèlera ma véritable personnalité, artistique, et mon arménité. Pourtant, à l'époque, je signe à reculons. J'avais même une autre proposition mais j'ai choisi La Poste, dans une impulsion alors que je ne cochais aucune des cases d'un tel recrutement. Si j'avais réfléchi, je serais partie.

    Ou est-ce La Poste qui m'a retenue ? Qui sait.

    Ce qui est certain, c'est que "Je ne serais pas arrivée là, si..."

    C'est cela que racontent mes chroniques, toujours tellement en lien avec l'actualité (rapport aux livres d'Annick Cojean et Isabelle Carré. Que des #si).

    Ballades Confinées, ce sont les choix d'une vie, l'instinct d'une vie, le hasard, les coïncidences, les synchronicités extraordinaires, la disponibilité, l'ouverture. Comme dans la chanson d'Étienne Daho : "Il n'est pas de hasard/Il est des rendez-vous/Pas de coïncidence/Aller vers son destin"

    Et vous, vous posez-vous souvent cette question : "Et si... ?"


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  • "Le basket, je n’y connais rien, pas plus que le golf à l’époque. Je suis néanmoins recrutée par un ponte du milieu pour prendre en charge la coordination du Championnat de France masculin de Pro A. Jean-Claude B. me demande mes prétentions : je n’en ai pas. J’ignore tout, des salaires qui se pratiquent. Mon seul souci (je fais de la résistance de ce point de vue), est de pouvoir me garer parce que je ne prendrai pas les transports en commun. Je préfère passer trois heures par jour en voiture, seule, musique à fond, chantant faux, toutes cordes vocales mobilisées, à louvoyer et esquiver, au milieu des klaxons et des insultes, protégée par l'habitacle qui fait office de sas de décompression. Je ne fais pas exception, je suis une conductrice comme les autres à Paris et en Île-de-France : énervée. Mon autre personnalité prend le dessus, agressive et vernaculaire, mais cela m'est égal. J'évacue les tensions.

    (...)

    Pour mon premier jour, Jean-Claude B. me fixe rendez-vous au All Star Game dont Richard Dacoury fait l’événement. Ce jour-là, je fais la connaissance de George Eddy et Éric Besnard, les journalistes commentateurs vedettes du basket français, de Jean-Jacques Amsellem dont la carrière est encore frémissante, réalisateur officiel des matches, et Armel le B. qui deviendra l’un de mes plus fidèles complices.

    (...)"


    Comment est-il possible que moi, non sportive à tendance lymphatique à 20 ans, ait pu commencer ma carrière dans le domaine sportif : Golf, Basket pro ? Les malices de la vie. Comment ai-je pu y louvoyer ? L'amitié, encore et toujours... socle indétronable. Même des années après, intacte. Les fidélités de la vie.


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  • ...


    Je ne pointe pas longtemps à l'ANPE : le temps de m'y inscrire. Je ne reste pas non plus longtemps dépérir chez mes parents, qui ont réaménagé ma chambre.

    Je suis responsable d'un magasin de fringues Galerie du Claridge, sur les Champs-Élysées et j'emménage dans un studio à Rueil-Malmaison. Cette période est l'une des plus pailletées, insouciantes et joyeuses. Je sors tous les soirs : Régine's, Pacha club, Bus Palladium, Planches, Globo. C'est le début de ma période Club med', celle de toutes les love-stories comme avec Le Loup, G.O. à Corfou. C'est surtout la période de consolidation de toutes les amitiés.

    L'amitié, c'est plus fort que l'amour, l'échec, les recommencements, les deuils, les embrouilles, les absences, les silences, les désaccords, le temps qui passe. Sans l'amitié, je ne sais pas faire. Mes amis demeurent mes fidèles et nécessaires repères. Si je parviens à me situer, c'est grâce à eux, mes amis.

    À nos folies, nos rires, nos émois, nos peines, nos faiblesses et maladresses, nos succès, nos résiliences, ensemble. Tant que mes amis seront là, je suis sûre d'être sur le bon chemin.

    Et vous, quel est votre rapport à l'amitié ?


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  • "À 27 ans me revoilà au point de départ, chez mes parents, avec mon panda géant en peluche, interdite Banque de France, prête à pointer à l’Agence Nationale Pour l’Emploi. Je me suis résolue à quitter Cannes. Prendre cette décision constitue un choc traumatique. Je n’aurai plus de nouvelles de Philippe L., de Roger D., de Rémy le M. et de tous les autres, avant un long moment.

    (...)

    Cette période -de transition- est plus lumineuse qu’il n’y paraît. Elle porte un espoir de renaissance. Elle n’est cependant pas la plus glorieuse ni la plus enrichissante. Quoique dissolue, elle constitue un réel tremplin, une étape nécessaire pour reprendre confiance et haleine. C'est aussi les prémices d'une arménité timide et confuse qui se meut en moi. "


    ...


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  • (...)

    Roger D. poursuit néanmoins le travail de Jean-Louis S. et fait de la chrysalide, un papillon. Grandir est la somme de rencontres captivantes, charmantes, tout aussi attachantes que déchirantes. Grandir, ce n’est pas si facile. J’ai longtemps cru qu’au bout du chemin, quelque chose m’attendait. Quelque chose de grandiose. À la hauteur des vicissitudes. J’ai longtemps cherché ce quelque chose avant de comprendre que l'essentiel, c’est le chemin, et ces aventures, plutôt que l’hypothétique destination. Chacune de ces rencontres providentielles a constitué une étape de plus, encore une marche, plus haut, toujours plus haut.

    (...)


    Et s'il suffisait de s'en remettre aux rencontres, aux autres, à d'autres que soi ?


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  • (...)

    Puisqu'il va être question d'amour dans ces 2 épisodes, d'amour sous le soleil de la Riviera, venons-en à la rencontre de mes parents, la plus belle des histoires, selon moi (certes, Albert Cohen en a écrit une époustouflante : Belle du Seigneur, et dans un autre genre David Bowie en interprète une non moins sensible : Heroes). Je ne devrais pas, ce n’est pas mon histoire, sauf que si, c’est un peu la mienne.

    (...)

    (Ça se passe non pas à Mandelieu, pas encore, mais à l'exacte diagonale de coeur... à Brest)

    (...)

    Maman (bretonne) habite chez ses parents, à Brest...

    Papa (varois, méditerranéen plus plus) s’appelle Georges, comme son père et comme le père de maman, son futur beau-père. Son nom de famille arménien signifie : le fils de Georges. Sacrée daronnie.

    (...)


    Est-ce que les sacrées daronnies font des sacrées filles (ou fils) de ? à votre avis...

    On ne choisit pas sa famille dit-on. Moi je crois que l'Univers a choisi pour nous, pour qu'on s'en dépatouille et qu'on évite de se ratiboiser les uns les autres, du mieux possible.


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  • À Cannes...

    (...) On rit moins, quand elle obtient des invitations pour monter les marches du Palais des Festivals : comment s’habiller, talons pas talons, se maquiller, se coiffer, gravir l’escalier sans tomber, le tapis rouge sous les flashs, qui et quoi regarder ?

    (...) On rit moins, quand elle obtient des invitations pour la soirée délirante, hollywoodienne, qu'organise Georges Michael dans sa villa azuréenne, entre deux saints (Maxime, Tropez). Tout cela est brumeux aujourd’hui, presque irréel. (...)

    Que m’a appris la French Riviera ? La concentration et la patience, me faufiler en société, flairer le moment, cesser de respirer jusqu’à la révélation, suivre mon intuition. Tout cela me sera précieux, même si apprendre à canaliser son énergie est l'affaire d'une vie. (...)


    Tempérance et constance... dans ce monde si privilégié. Difficile à dompter. La Rolex à moins de vingt-cinq ans, c'était banal. On n'avait pas le sentiment d'avoir raté ou réussi sa vie. On vivait bien trop intensément pour y réfléchir. Le moment viendrait bien assez tôt pour apprendre le sens de la mesure. Moi, il m'a fallu arriver à la cinquantaine et un long cheminement introspectif.... et vous ?


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  • (...)

    Après discussions avec Jean-Louis S. et Philippe L. sur les conditions de mon départ, j’annonce à mes parents, sans avertissement : Je pars vivre à Cannes. Philippe L. a accepté et Jean-Louis S. ne m’a pas retenue. J’ai vingt-quatre ans. Une nouvelle liberté m’ouvre les bras. Je m’affranchis du cocon familial, de Jean-Louis S. et de Paris.

    (...)

    Si cette femme de la laverie, avait su que ma mère se battait contre un cancer, que j’avais quitté ma mère alors qu’elle était soignée pour un cancer, cette femme de la laverie aurait sans doute redoublé de peine et de compassion et m’aurait rapatriée sine die à Paris.

    (...)

    C'était une époque lumineuse, malgré les tourments de l'existence, malgré le mistral, malgré le crabe tumoral invasif. En Côte d'Azur, il y avait cette lumière particulière, fauve et libertaire, qui supplantait tout, recouvrait la vie d'un pointillisme extatique.

    (...)


    Même au paroxysme du chaos, la lumière s'invite.

    Voilà. J'y suis. Mes années d'apprentissage. Comme le jeune Werther, j'apprends, à mes dépens.

    Vous souvenez-vous de ce moment de bascule dans votre jeune existence, cette plongée dans le romantisme ?

    En ce moment je lis le livre de Stefan Hertmans (Une ascension, Gallimard) et Mientje, exemplaire et fidèle (quoiqu'il lui en coûte) à son époux SS Willem Verhulst, dit ceci : "Aujourd'hui on a eu le droit à un merveilleux sermon sur le besoin, chez l'être humain, de Communauté -qui ne doit pas se limiter au romantisme parce que cela tourne toujours à la déception."

    Le romantisme qui tourne à la déception. Appuie l'auteur. À méditer.


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  • (...)

    Ce jour-là, Jean-Louis S. de retour de ce voyage, se met à déballer ses affaires et je regarde tout, aussi avide qu'un chaton pas tellement indépendant. Jean-Louis S. s'empare d'une pochette brodée qu’il me remet. Surprise, je l’ouvre et découvre un bracelet en argent duquel pend une colonie d'éléphants. Je l’ai encore, ce bracelet. L'un des éléphants s'est fait la malle, comme s'il s'était échappé de la ligne de cœur, une ligne de ma main brisée, dessinée comme une gourmette composée de maillons. Il me l’enfile autour du bras, se rapproche de moi, encore, un peu plus, encore un peu, et voilà.

    Notre premier baiser.

    Après c’est gênant. Je ne sais pas trop ce qu’il convient de faire ou dire, et lui non plus. Je me sens empotée. Nous sommes aussi embarrassés l'un que l'autre, autant qu'on l'est à quinze ans. Il finit par rompre le silence : Elsa, on n’en parle pas, d’accord ? tu le racontes pas à tes copines, je te connais !

    (...)


    Bien sûr que si ! je vais m'empresser d'aller tout raconter à mes copines. Au bureau, je partage tout : le pire et le meilleur. La vie privée et les dossiers. J'y passe plus de la moitié de mon temps, alors oui, on se dit tout, mes copines et moi.

    62 % ont déjà franchi le pas… 38 % sont même actuellement en couple avec une personne rencontrée sur leur lieu de travail (étude Page Personnel-2018).

    Je n'ai jamais rien laissé au fantasme : Et vous ?


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  • (...)

    À Cannes, Jean-Louis S. arrive un ou deux jours après moi. Il prend possession de sa chambre, dans laquelle il ne mettra pas les pieds, comme à chaque tournoi que l’on organise ensemble. Il me rejoindra dans la mienne. Notre liaison est désormais un secret de polichinelle. Pour autant, on continue de se cacher. Après avoir déposé sa valise, il me retrouve pour déjeuner, dans le jardin d'hiver art déco du Carlton Intercontinental :

    - Putain cette chambre, c’est un placard ! ils se moquent de moi ! peste-t-il, Wayfarer sur le nez, mocassins qui résonnent sur le marbre, et on va encore se taper un croque-monsieur même pas cuit pour cinquante balles !

    L’après-midi, nous devons la consacrer à vérifier l’organisation du tournoi, la Carlton Golf Cup. Retrouver Philippe L., inspecter les parcours, l’aménagement du club-house, la bonne réception des lots et récompenses, des bijoux des sponsors à exposer dans leurs vitrines sécurisées, l’accueil dans les hôtels, les traiteurs, les dîners, les cocktails.

    Jean-Louis S. s’installe en maugréant, sans me regarder, et prononce très vite :

    - Elsa, il faut que je te dise...

    (...)


    Dans la vie, il existe toujours un moment de bascule irréversible. Qui signe un avant et un après. Même s'il s'accompagne d'indices annonciateurs, il surgit à l'improviste, dans un contexte qui ne s'y prête pas, tout est décalé, la réalité déformée. Tout bascule. Demain ne sera pas comme on l'avait imaginé et il est vain de résister. Facile à dire des années après.

    Avec le recul, la décision que vous avez prise, vos choix dans l'instant ont-ils été bénéfiques, cette bifurcation s'est-elle révélée positive ?


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  • (...)

    L’envers du décor aussi me réjouit. Me lever aux aurores (même si, ou justement parce que, la veille on a trop bu et au matin tellement mal au crâne que dormir est impossible. Agnès P. a pris l'habitude -et je la singe- de programmer son réveil à sonner toutes les dix minutes pendant une heure, avant l'heure du rendez-vous. Elle dispose même plusieurs réveils dans différents endroits pour s'obliger à se lever), l’herbe fraîche, trempée par la rosée, le ciel rose, le silence incandescent, installer les banderoles sur les parcours pendant dix-huit trous, quelque quatre ou huit kilomètres, vérifier l’état des greens des roughs et des fairways, ratisser les bunkers, s’assurer que tout est lissé aux abords des leader-boards, être là aux départs avec les cartes de score et les tees, les balles griffées de logos, puis aux arrivées, rentrer les scores sur le logiciel en se rappelant les règles selon la formule de jeu.

    Apprendre qu’avoir un handicap, au golf, est un apanage.

    (...)


    Oui. Le golf constitue un privilège à 20 ans. Castel, Régine, Dinard, Hardelot, Golf National, Hôtels du Palais, Westminster, magnums, jéroboams, Lacoste, Pequignet, Peugeot, Ford. Et l'envers du décor. Le silence doré de l'aurore, le soleil rose, l'herbe fraîche, le bavardage des oiseaux, le sourire des golfeurs. C'est tout et son contraire : les mondanités et la profondeur. Ça rend frivole et ça appelle l'essentiel. Ça propulse aux sommets et ça ancre.

    Pour trouver l'équilibre, soyez disponibles : celui qui tient la barre n'est peut-être pas si loin.


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