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  • Ancien commandant militaire du siĂšge du port ukrainien de Marioupol en 2022, le gĂ©nĂ©ral AndreĂŻ Mordvitchev a Ă©tĂ© nommĂ© jeudi Ă  la tĂȘte des forces terrestres russes. Ce gĂ©nĂ©ral expĂ©rimentĂ©, blessĂ© au combat et mĂȘme donnĂ© pour mort par les Ukrainiens, est un adepte de la guerre totale, il a largement contribuĂ© Ă  amĂ©liorer l’efficacitĂ© des troupes russes.

    MĂąchoire carrĂ©e et regard d’acier, AndreĂŻ Mordvitchev, 49 ans est un gĂ©nĂ©ral, sans Ă©tats d’ñmes, pointe Anissa El Jabri correspondante de RFI Ă  Moscou, un officier qui est une figure de la guerre d’Ukraine, « C’est mĂȘme une figure haute en couleur ! Dans une rare interview donnĂ©e Ă  la tĂ©lĂ©vision russe en 2023, il professait aimer l'humour d'officier, et disait notamment qu’un ordre donnĂ© sans juron, ce n'est pas un ordre, c'est un souhait. C'est aussi dans cette interview qu'il avait clairement laissĂ© entendre qu'Ă  ses yeux, la guerre en Ukraine, n'Ă©tait qu’un tremplin avant un conflit plus large avec les pays d'Europe centrale, Ă  commencer par la Pologne. Alors Ă  cette Ă©poque, AndreĂŻ Mordvitchev Ă©tait dĂ©jĂ  un commandant trĂšs remarquĂ© en Russie, c'est lui qui avait dirigĂ© la bataille de Marioupol, l'assaut sur Azovstal. L'Ukraine et des ONG, l’avait alors accusĂ© de crimes de guerre ».

    Une stratégie axée sur la mobilité

    Adepte de la vitesse et de la manƓuvrabilitĂ© ce gĂ©nĂ©ral a promu l’utilisation de moyens de transport lĂ©ger, comme les motos pour faire avancer l’infanterie. Sa nomination n’est pas une surprise, c’est un renouvellement dans la continuitĂ©, il est dans le moule de l’institution militaire dit Vincent Tourret spĂ©cialiste de la pensĂ©e stratĂ©gique russe : « Il a l'air d'ĂȘtre un officier solide et peut ĂȘtre mĂȘme compĂ©tent. Mordvitchev, c'est quelqu'un qui a fait une carriĂšre classique, je pense qu’il y a une part de symbolique aussi. On a Ă©levĂ© Ă  la tĂȘte de l'armĂ©e de terre russe une personne qui a dĂ©montrĂ© des succĂšs sur le terrain. Il a dĂ©montrĂ© du moins des capacitĂ©s de planification rares dans l'armĂ©e russe avec la complexitĂ© entre comment on intĂšgre les drones, comment on intĂšgre les blindĂ©s, les armes traditionnelles et comment on fait ça pour le maintenir dans le temps ».

    Un changement de génération sans rupture doctrinale

    BlessĂ© Ă  la tĂȘte de la VIIIe armĂ©e lors de la bataille de Marioupol, AndreĂŻ Mordvitchev s’est Ă  nouveau illustrĂ© lors de la prise de la forteresse d’Avdiivka en fĂ©vrier 2024, ce qui lui a valu, souligne Anissa El Jabri, la mĂ©daille de HĂ©ros de Russie,« C'est la rĂ©compense militaire la plus haute. AndreĂŻ Mordvitchev avait notamment Ă©tĂ© crĂ©ditĂ© par certains blogueurs d'avoir utilisĂ© un tuyau pour faire dĂ©boucher ces hommes derriĂšre les lignes ennemies. Parmi les plus jeunes gradĂ©s de l'histoire militaire, il est aussi mis Ă  son actif d'avoir Ă©tĂ© le tout premier commandant russe Ă  introduire l'utilisation obligatoire de drones dans chaque unitĂ© sous sa responsabilitĂ©. Mordvitchev occupe dĂ©sormais des positions beaucoup moins proches du champ de bataille, mais ils sont nombreux ici Ă  dĂ©jĂ  le voir en pĂŽle position pour remplacer le chef d'Ă©tat-major des armĂ©es ValĂ©ry GuĂ©rassimov ».

    L’arrivĂ©e du GĂ©nĂ©ral Mordvitchev marque un changement de gĂ©nĂ©ration Ă  la tĂȘte des forces terrestres, mais pas de doctrine. C’est une transition naturelle, assurent les spĂ©cialistes de l’armĂ©e russe et les kremlinologues.

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  • Le conflit entre la Russie et l’Ukraine a montrĂ© le rĂŽle primordial de l’artillerie pour frapper loin de la ligne de front en l’absence de maĂźtrise ciel. L’armĂ©e française fait le constat qu’elle doit rapidement se doter de systĂšmes d’artillerie Ă  longue portĂ©e. Car les systĂšmes qui Ă©quipent les forces seront bientĂŽt obsolĂštes, pointe une mission d’information menĂ©e par l’AssemblĂ©e nationale.

    Un trou capacitaire est Ă  redouter, disent les dĂ©putĂ©s. Jusqu’à prĂ©sent, les feux dans la profondeur Ă©taient l’apanage de l’armĂ©e de l’Air. GrĂące Ă  leurs missiles de croisiĂšres, les chasseurs bombardiers avaient pour mission d’attaquer les cibles stratĂ©giques, Ă  plusieurs centaines de kilomĂštres derriĂšre les lignes ennemies. Mais la dĂ©mocratisation des dĂ©fenses antiaĂ©riennes, fait planer un vĂ©ritable doute sur les chances de l’aviation Ă  pouvoir franchir les bulles de dĂ©ni d’accĂšs. Pour s’affranchir de ces barriĂšres, l’artillerie roquette est donc redevenue centrale, souligne Vincent Tourret, chercheur Ă  l’UniversitĂ© de MontrĂ©al : « On a besoin Ă  la fois d'une puissance de feu dans la profondeur qui ne soit pas aĂ©rienne, mais en plus de ça, on a besoin d'une puissance de feu qui soit en fait beaucoup plus cheap, ou du moins qui a des effets de neutralisation qui sont plus vastes. Tout notre modĂšle quand mĂȘme depuis la guerre froide, c'est comment on arrĂȘte des chars russes. On passe lĂ , de trois ou quatre cibles bien identifiĂ©es, Ă  une centaine de fantassins qui courent dans tous les et sens ou qui circulent sur des motos ! Jamais on aura le volume de feu pour traiter ça ! Et donc c'est pour ça qu'on revient Ă  une logique roquette »

    Foudre, un systÚme proposé par Turgis et Gaillard

    ArmĂ© par le 1er RĂ©giment d’Artillerie de Belfort, les 9 derniers systĂšmes LRU (pour lances roquettes unitaires), arriveront en fin de vie en 2027. Ce trou capacitaire, Turgis et Gaillard l’a identifiĂ© il y a deux ans. En mode agile, cette entreprise de taille intermĂ©diaire, vient donc proposer un systĂšme appelĂ© Foudre : c’est-Ă -dire un chĂąssis, un panier de guidage et un systĂšme de conduite de tir capable de recevoir tous les missiles existants de 75 Ă  1000 kilomĂštres de portĂ©e. L’entreprise s’est dĂ©jĂ  fait remarquer avec l’Aarok, un prototype de drone de reconnaissance et d’attaque longue distance, rappelle la prĂ©sidente de l’entreprise, Fanny Turgis. « On a une capacitĂ© Ă  effectivement fabriquer rapidement les choses, mais ça, c'est inhĂ©rent Ă  la configuration de notre sociĂ©tĂ©. On a des capacitĂ©s qui sont duales, du personnel civil qui peut aller vers le militaire et nous on Ă©tait dĂ©jĂ  prĂȘt il y a quelques annĂ©es Ă  cette Ă©conomie de guerre. On est Ă  l'avant-garde du combat connectĂ©, donc en prĂ©sentant, Ă  la fois notre drone Aarok et Ă©galement ce lance-roquettes qui est sorti trĂšs rapidement, on veut dĂ©montrer qu’on a la capacitĂ© de pouvoir faire de la reconnaissance avec un systĂšme aĂ©rien, et de la frappe dans la profondeur et que toutes ces plateformes peuvent communiquer entre elles. »

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    Deux consortiums, Safran-MBDA d’un cĂŽtĂ© et Thales-Arianegroup de l’autre, dĂ©veloppent Ă©galement des projets de systĂšmes d’artillerie roquette.

    Les drones d’attaque longue portĂ©e comme alternative

    Mais les premiers tirs de dĂ©monstration n’auront lieu que l’an prochain, et si l’un des projets n’aboutit pas, Ă  un coĂ»t raisonnable, les armĂ©es seront contraintes d’acheter ce matĂ©riel sur Ă©tagĂšre, Ă  l’étranger, alerte le dĂ©putĂ© Jean-Louis ThiĂ©riot, « Ce dont il faut bien se rendre compte, c'est qu'aujourd'hui, on a un 'time to market' avant de mise sur le marchĂ© qui n’est pas bon puisque la plupart des pays europĂ©ens ont dĂ©jĂ  passĂ© des commandes, que ce soit d’HIMARS amĂ©ricain, de PULS israĂ©lien ou encore les Polonais qui ont achetĂ© corĂ©en.

    Ça veut dire que les chances de succĂšs commercial sont limitĂ©es. Donc il faut vraiment se poser la question : qu'est-ce qui est stratĂ©gique ? C’est d'ĂȘtre capable de produire de la roquette sur le territoire national, Ă©ventuellement sous licence et qu'est-ce qu'il l'est moins ? C'est le chĂąssis, le panier, la conduite de tirs Ă  partir du moment oĂč elle est interopĂ©rable puisque ça, il n’y a aucun saut technologique dedans. »

    La roquette n’est pas non plus l’alpha et l’omega de l’artillerie longue portĂ©e, souligne Vincent Tourret et le chercheur de rappeler qu’en Ukraine, les drones d’attaque longue distance ont prouvĂ© leur efficacitĂ© Ă  moindre coĂ»t.

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  • AprĂšs l’attentat du 22 avril dernier dans le Cachemire Indien, la rĂ©ponse de New Delhi est intervenue cette semaine avec un raid de reprĂ©sailles menĂ© dans la nuit du 6 au 7 mai par l’Indian Air Force. Le Pakistan affirme avoir abattu cinq avions de combat indiens, puis peut-ĂȘtre un Rafale de fabrication française. Si le sort des appareils indiens est incertain, PĂ©kin observe de trĂšs prĂšs ces tensions, malgrĂ© l'annonce d'un cessez-le-feu : l'industrie chinoise fournie les forces pakistanaises.

    C’est un test grandeur nature pour l’industrie de dĂ©fense chinoise, Ă  mĂȘme de fournir de prĂ©cieux retours d’expĂ©riences. Car le Pakistan, Ă©troitement liĂ© Ă  PĂ©kin, est Ă©quipĂ© Ă  plus de 80 % d’équipements militaires chinois, et achĂšte de tout : missiles, avions, drones.

    Islamabad affirme avoir abattu trois Rafale, un Sukhoi 30 et un Mig 29. L’utilisation possible de missiles air-air chinois PL 15 embarquĂ©s sous les ailes d’avion chinois J10C est Ă©voquĂ©e. Un Rafale aurait possiblement Ă©tĂ© dĂ©truit, disent les experts sans certitude, mais ce serait la premiĂšre fois que l’avion français est perdu en situation de combat.

    C’est donc l’occasion de jauger les systĂšmes d’armes, mais aussi la prĂ©paration opĂ©rationnelle des pilotes. Et dans le cadre de l’opĂ©ration aĂ©rienne sindoor (« vermillon », en français), l'ArmĂ©e de l'air indienne semble avoir Ă©tĂ© un peu lĂ©gĂšre pointe l’expert aĂ©ronautique Xavier Tytelman : « Les Indiens l’ont trĂšs clairement dit, on n'a pas attaquĂ© et on ne s'en est pas pris aux infrastructures militaires pakistanaises. Cela veut dire que, s'il y avait par exemple de la dĂ©fense sol-air pakistanaise, ils ne l'ont pas dĂ©truite. Alors que normalement; c'est un prĂ©alable quand on entre dans une situation de guerre et de bombardements. Et Ă  partir du moment oĂč vous ĂȘtes dans une zone dans laquelle vous ĂȘtes Ă  portĂ©e de missile, logiquement, malgrĂ© des trĂšs bons systĂšmes d'auto protection, vous n’ĂȘtes pas infaillible. »

    À lire aussiL'Inde et le Pakistan s'accusent mutuellement de violer le cessez-le-feu conclu plus tĂŽt dans la journĂ©e

    Les faiblesses de l’Indian Air Force

    L’Indian Air Force, forte sur le papier de 1 500 appareils, reste essentiellement dotĂ©e d’avions russes vieillissants, elle a aussi probablement pĂ©chĂ© par excĂšs de confiance et manque de maitrise des nouveaux appareils Rafale acquis rĂ©cemment par New Delhi.

    L’armĂ©e indienne ne semble pas au niveau, souligne Olivier da Lage chercheur associĂ© Ă  l’Iris : « Alors, la rĂ©ponse officielle des Indiens, c'est "nous ne voulions pas entrer dans une logique d'escalade et donc nous n'avons pas visĂ© les installations militaires pakistanaises". N'empĂȘche que cela rĂ©vĂšle aussi une sous-estimation des capacitĂ©s militaires pakistanaises, qui est prĂ©occupante. Mais clairement, l'armĂ©e de l'air indienne n'est pas capable de faire face Ă  un conflit de trĂšs grande ampleur, ce qui n'est pourtant pas le cas aujourd'hui, et Ă  fortiori si la Chine devait mobiliser sur sa frontiĂšre en immobilisant une partie des armes indiennes, que ce soit l'armĂ©e de terre bien entendu, mais aussi l'armĂ©e de l'air. »

    Deux puissances nucléaires

    Depuis 1947, l’Inde et le Pakistan se disputent la rĂ©gion du Cachemire, les escalades sont frĂ©quentes et toujours potentiellement dangereuses.

    Ce sont deux puissances dotĂ©es de l’arme nuclĂ©aire. Le Pakistan est dotĂ© de prĂšs de 170 armes sol-air, ainsi que d’une composante aĂ©rienne, notamment. Les risques sont donc d’autant plus Ă©levĂ©s qu’entre les deux nations, les doctrines divergent, rappelle Olivier Da Lage : « L'Inde s'est ralliĂ©e Ă  la doctrine quasiment universelle de l'engagement de ne pas utiliser en premier l'arme nuclĂ©aire. Ce n’est pas le cas du Pakistan, qui considĂšre qu’une menace conventionnelle d'ampleur de la part d'un ennemi, en l'occurrence l'Inde, qui menacerait l'intĂ©gritĂ© du pays et ses institutions, pourrait justifier le recours Ă  la force nuclĂ©aire. »

    Mais le pire n’est jamais certain, d’autant que le troisiĂšme acteur rĂ©gional, la Chine, n’a aucun intĂ©rĂȘt Ă  un affrontement Ă  ses frontiĂšres. « GĂ©opolitiquement, la Chine est derriĂšre le Pakistan et elle ne peut pas laisser un affaiblissement du Pakistan se produire au-delĂ  d'un certain niveau, indique Olivier Da Lage. Par ailleurs, la Chine a aussi des intĂ©rĂȘts en Inde, il y a des intĂ©rĂȘts Ă©conomiques Ă©normes. Et enfin la frontiĂšre entre la Chine et l'Inde et instable y a eu des affrontements ces derniĂšres annĂ©es. Mais depuis Ă  peu prĂšs un an, il y a un processus de rapprochement qui est trĂšs significatif, que la Chine ne peut pas nĂ©gliger au moment oĂč se prĂ©pare une grande confrontation, peut-ĂȘtre avec les États-Unis. La Chine a beaucoup Ă  perdre dans une conflagration dans son voisinage. »

    Attaques et ripostes, les opérations militaires se sont intensifiées jusqu'au samedi 10 mai et l'intervention ferme de la Chine. Les deux frÚres ennemis ont alors accepté un cessez-le-feu avec effet immédiat.

  • Le 22 avril dernier l’armĂ©e de l’Air et de l’Espace a procĂ©dĂ© Ă  un exercice inĂ©dit, la dispersion d’une escadre de chasse comme elle le ferait en temps de guerre. Dans le contexte d’un entraĂźnement des forces armĂ©es Ă  la guerre de haute intensitĂ©, les pilotes de chasse rĂ©apprennent Ă  se diluer pour Ă©viter d’ĂȘtre ciblĂ©s.

    Sur la base aĂ©rienne 133 Nancy-Ochey, siĂšge de la 3e escadre de chasse, personne n’avait Ă©tĂ© prĂ©venu. Soudainement en dĂ©but de journĂ©e, le GĂ©nĂ©ral Pierre GaudilliĂšre patron de l’aviation de chasse a donnĂ© le « Go » de l’opĂ©ration « Jade », pour « Jaillisssement d’Escadre » : « Ils ont Ă©tĂ© prĂ©venus Ă  8h30 quand j'ai donnĂ© l'ordre de la dispersion. Donc vous aviez des pilotes dans les avions qui ont mis en route, qui n’avaient pas encore leur terrain de destination et qui l'ont appris au roulage lorsqu'ils quittaient leurs hangars ».

    Agilité, rusticité, adaptation

    Destination OrlĂ©ans, Salon-de-Provence, Rochefort, Luxeuil - Ă  l’exception de cette derniĂšre - 25 Mirage 2000 D de la 3e escadre de chasse ont pris le large, par petits groupes de cinq appareils, vers des pistes qui d’ordinaire n’accueillent jamais ce type d’avions, « c'est pas banal, parce que c'est quelque chose qui nous permet d'entraĂźner et de se plonger dans un contexte qui demande de plus en plus d'agilitĂ©, de rusticitĂ©, d'adaptation. Attention, lĂ  je vous parle des pilotes et des avions. Vous vous doutez bien que derriĂšre, il faut aussi dĂ©ployer des mĂ©caniciens pour pouvoir rĂ©ceptionner les avions et puis faire la maintenance avant de les faire redĂ©coller. Et le fait de dĂ©ployer ces avions de chasse sur des bases aĂ©riennes qui ne sont pas habituĂ©es Ă  une activitĂ© quotidienne d'avions de chasse, Ă©videmment que ça faisait partie de l'exercice ».

    Un retour d’expĂ©rience de la guerre d’Ukraine

    La dispersion d’avion de chasse s’inspire directement de ce qui a pu ĂȘtre observĂ© en Ukraine. PrĂ©paration Ă  la guerre de haute intensitĂ© oblige, l’armĂ©e de l’air sait que l’aviation de chasse est la premiĂšre cible des bombardements, il faut donc renouer avec une pratique courante, en cas de conflit : la dispersion sur tous les terrains possibles, Pierre GaudilliĂšre : « La survivabilitĂ© d'une capacitĂ© militaire, elle passe Ă©galement par sa capacitĂ© Ă  se reconfigurer et donc ici en l'occurrence, Ă  se redĂ©ployer avec des moyens qui sont ceux qu'on trouve lorsqu'on se dĂ©ploie et qu'il faut continuer l'activitĂ© aĂ©rienne et reprĂ©parer des missions, et remettre en Ɠuvre des avions, les rĂ©parer le cas Ă©chĂ©ant. Il est Ă©vident qu'on peut trĂšs bien ĂȘtre amenĂ© Ă  envisager cette activitĂ© dans d'autres contextes, Ă  partir de terrains disponibles, donc civils. Bien sĂ»r que c'est quelque chose qui intĂ©resse grandement le commandement ».

    30% de missions en plus en trois jours

    Trois jours durant, les pilotes de la 3e escadre de chasse ont donc opĂ©rĂ© depuis cinq bases diffĂ©rentes, et dans ce contexte inhabituel ils sont parvenus, Ă  augmenter significativement le rythme des missions, « Ă  chaque fois qu'on met ces mondes sous tension, on constate que non seulement ils arrivent Ă  rĂ©aliser l'activitĂ© qui est prĂ©vue, mais ils la dĂ©passent mĂȘme. J'ai eu Ă  peu prĂšs sur les 3 jours, 30% de plus d'activitĂ©s que ce que nous pourrions rĂ©aliser lors d'une activitĂ© quotidienne Ă  partir d'une base chasse. Ce n'est pas un hasard, le rĂ©seau des bases aĂ©riennes a parfaitement fonctionnĂ© alors que nous mettons Ă  la fois les Ă©quipages et les mĂ©caniciens sous tension ».

    AprĂšs plusieurs dĂ©cennies d’engagement sur des théùtres d’opĂ©ration oĂč la supĂ©rioritĂ© aĂ©rienne Ă©tait acquise, l’aviation de chasse se prĂ©pare Ă  des conflits plus durs. TrĂšs prochainement une autre escadre de chasse, sera, elle aussi amenĂ©e Ă  se disperser, sans prĂ©avis.

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  • La Marine française porte l’ambition de devenir une rĂ©fĂ©rence mondiale dans la maitrise des grands fonds marins oĂč reposent des cĂąbles stratĂ©giques. Pour maĂźtriser ces espaces, depuis trois ans, les forces navales françaises dĂ©veloppent une capacitĂ© souveraine pour agir dans la profondeur des ocĂ©ans.

    Rediffusion du 23 mars 2025.

    D’une importance majeure, les grands fonds marins sont pourtant moins connus que la surface de la Lune. Et pour la Marine nationale, le rĂ©veil a sonnĂ© en 2007, quand un sous-marin russe a rĂ©ussi l’exploit de dĂ©poser Ă  l’aplomb du pĂŽle Nord, par 4 000 mĂštres de fond, un drapeau en titane aux couleurs de la fĂ©dĂ©ration de Russie. Un vĂ©ritable signalement stratĂ©gique, se souvient le contre-amiral CĂ©dric Chetaille, coordinateur central pour la maĂźtrise des fonds marins : « Un message qui voulait nous dire, c'est un espace commun, mais en fait, c'est un espace qui appartient Ă  ceux qui sont capables d'agir et d'intervenir Ă  cet endroit-lĂ  et de dire "moi, je suis capable de le faire, Vous, vous n'ĂȘtes pas encore capable de le faire". Donc aujourd'hui, on est en train de rattraper ce retard et on sera Ă  trĂšs court terme capable de faire le mĂȘme type de mission. »

    Objectif : 6 000 mĂštres de fond

    Pour accĂ©der aux grands fonds, la Marine nationale peut dĂ©jĂ  compter sur plusieurs robots autonomes pouvant descendre jusqu’à 2 000 mĂštres. Et Ă  court terme, dit CĂ©dric Chetaille, l’objectif est 6 000 mĂštres : « les 6 000 mĂštres correspondent Ă  une ambition et Ă  la vocation mondiale de la Marine française. On dĂ©ploie nos forces partout dans le monde. On est capable d'atteindre 97 % du plancher des ocĂ©ans quand on est capable d'aller Ă  6 000 mĂštres de fond. Pour pouvoir percer l'opacitĂ© de ce milieu-lĂ , il faut ĂȘtre Ă  quelques dizaines de mĂštres. Et quand on a la volontĂ©, avec un robot, d'ĂȘtre capable de ramasser, de sectionner, de rassembler, de nouer, d'agir, il faut maintenir ce robot Ă  quelques dizaines de centimĂštres de sa cible. »

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    Nature des sĂ©diments, variations du champ magnĂ©tique, cartographie : autant d’élĂ©ments qu’il faut maitriser et la vitesse des manƓuvres sous l’eau est Ă©galement un Ă©lĂ©ment clĂ©. « Le milieu sous-marin ne permet pas une communication continue avec l'engin, poursuit le contre-amiral CĂ©dric Chetaille. Rapidement, le drone va aller plus loin, plus profond. Il leur faut une autonomie dĂ©cisionnelle pour optimiser leur mission en fonction de ce qu'ils vont voir. AprĂšs la mission, quand on rĂ©cupĂšre le drone, il faut tout dĂ©charger rapidement pour pouvoir rĂ©orienter la mission suivante. Et c'est ce cycle d'observation par le drone, puis exploitation de la mission, dĂ©cision et orientation de la mission suivante qu'il faut mener le plus rapidement possible pour obtenir un cycle qui soit supĂ©rieur Ă  celui de nos adversaires. »

    Le Yantar: un navire espion russe taillé pour les grands fonds

    L’intensification de la compĂ©tition au large s’accompagne de nouvelles menaces sous la surface, cĂąbles de tĂ©lĂ©communications sectionnĂ©s accidentellement ou volontairement, la guerre hybride se joue aussi dans les grandes profondeurs.

    Et dans le collimateur des marines de l’Otan, il y a le navire espion russe Yantar, un bĂątiment souvent prĂ©sent le long des cĂŽtes europĂ©ennes. « Le navire russe Yantar, c'est un navire trĂšs intĂ©ressant parce que c'est un des trĂšs rares navires au monde qui est spĂ©cialisĂ© et qui est trĂšs moderne pour mettre en Ɠuvre des capteurs et des engins en toute discrĂ©tion et qui vont aller trĂšs profond, explique le contre-amiral CĂ©dric Chetaille. C'est un navire qu'on surveille, c'est un navire qu'on traque pour l'empĂȘcher de nuire Ă  nos intĂ©rĂȘts et de restreindre ce qu'on appelle notre libertĂ© de manƓuvre. Ça veut dire qu'on ne veut pas que l'usage potentiel des fonds marins Ă  partir d'un navire comme le Yantar ne nous contraigne. On peut imaginer que le Yantar militarise les fonds marins en disposant des capteurs, et ainsi dispose d'une meilleure connaissance des fonds marins que nous. Il faut donc aller observer le Yantar, aller dans les zones oĂč son activitĂ© nous semble suspecte et se donner les moyens de l'empĂȘcher de nous nuire. »

    Nouveau lieu de compĂ©tition, la maĂźtrise des grandes profondeurs s’impose en particulier pour la France qui possĂšde le deuxiĂšme domaine maritime mondial. Mais c’est aussi un dĂ©fi technologique qui Ă  ce jour n’est Ă  la portĂ©e que de quelques marines.

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  • L’armĂ©e de terre française a reçu pour mission de se prĂ©parer Ă  la guerre de haute intensitĂ©. Le conflit ukrainien a changĂ© la donne pour les soldats français et les ordres se modifient et c’est toute une stratĂ©gie qui se durcit, avec l’ambition du commandement par l’intention. Entretien avec Pierre Schill, chef d’état-major de l’ArmĂ©e de Terre.

    Le commandement par l’intention n’a rien d’une formule creuse, dit le gĂ©nĂ©ral Pierre Schill, chef d’état-major de l’armĂ©e de Terre. Le commandement par l’intention est au cƓur de la rĂ©forme Ă  l’Ɠuvre pour le modĂšle d’armĂ©e de terre de combat 2025 : « Mon ordre principal, c'est, penser opĂ©ration, penser effets opĂ©rationnels. D'oĂč cette injonction vers l'armĂ©e de terre d'ajuster son style de commandement, ses mĂ©thodes de commandement, vers ce commandement par l'intention. C'est-Ă -dire donner le sens, laisser le pari de l'intelligence et puis ĂȘtre au rendez-vous sur l'objectif. »

    Le commandement par l’intention à tous les niveaux

    L’intention est de dire les choses de maniĂšre claire et courte pour donner le cadre de l’action, mais chaque subordonnĂ© conserve une prise d’initiative possible pour atteindre l’effet majeur de son chef.

    « C'est clair que c'est une mĂ©thode qui doit s'appliquer Ă  tous les niveaux. Cette notion de sens Ă  donner, la façon dont on attend que tout soldat, quel que soit son niveau, puisse inscrire son action dans une action plus large, plus ample, qui est l'atteinte de l'intention de son niveau supĂ©rieur. Cela me semble primordial. C'est clairement une façon de gagner de la vitesse. C'est surtout une façon de gagner de l'adaptabilitĂ©, de prendre acte du fait que dans la complexitĂ© de la bataille, le plan peut difficilement ĂȘtre posĂ© dĂ©finitivement d'emblĂ©e et qu’il sera important que chaque niveau puisse exercer son intelligence, son initiative. De façon Ă  contribuer Ă  l'atteinte de l'objectif collectif en ayant compris l'intention, le pourquoi de l'action et de la mission qu'il a reçu. »

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    Un état-major ne sera jamais omniscient

    Les ruptures technologiques, la multiplication des capteurs ne permettront jamais aux Etats-Majors d’ĂȘtre omniscient, estime Pierre Schill. Face au dĂ©luge de feu d’un conflit moderne, les troupes auront toujours l’absolue nĂ©cessitĂ© de se disperser : « Il pourrait y avoir une illusion qu’un jour, on aura des systĂšmes de commandement tellement puissants qu'on saura en permanence oĂč se trouve chacun, et qu’un commandement tout Ă  fait central pourrait donner des ordres Ă  chacun des soldats sur le champ de bataille, un peu comme on le ferait dans une Ă©quipe cycliste. Je pense que c'est une illusion fondamentale. C'est une illusion parce que les unitĂ©s militaires, et surtout dans les guerres qui sont potentiellement celles auxquelles nous aurons Ă  faire face, appellent des unitĂ©s de plus en plus nombreuses. Ce paradoxe va plus loin, le brouillard de la guerre, la rugositĂ© du terrain, de l'adversitĂ©, de la peur, de la pluie, des tranchĂ©es font qu’on ne pourra jamais diriger et avoir la totalitĂ© de la perception des sentiments de chacun. Et donc des Ă©chelons de responsabilitĂ© de commandement intermĂ©diaire devront continuer Ă  exister : le rĂ©giment, la compagnie, la section, les brigades et cetera. »

    Pour emporter la victoire : le dernier des soldats, comme le premier des gĂ©nĂ©raux, doit avoir la comprĂ©hension de la mission de l’échelon supĂ©rieur, l’initiative individuelle, insiste le gĂ©nĂ©ral Pierre Schill, passe donc par le commandement par l’intention.

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  • DĂ©tection des Ă©missions radars, captation des communications adverses ou encore brouillages, le conflit ukrainien a rappelĂ© l’importance de la guerre Ă©lectronique dans les conflits de haute intensitĂ©. Au Sofins, le Salon de l’armement terrestre qui s’est tenu il y a quelques jours dans le sud-ouest de la France, les entreprises du secteur ont dĂ©voilĂ© leurs derniers produits. Des appareils de plus en plus puissants et de plus en plus petits.

    Avec peu d’innovations, en particulier en termes de taille et de poids, les appareils de guerre Ă©lectronique furent longtemps le parent pauvre des Ă©quipements terrestres. Une fois de plus, la guerre d’Ukraine est venue bouleverser l’offre.

    Au Sofins, ThalĂšs, gĂ©ant du secteur, a prĂ©sentĂ© l’Eagle Traker, l’un des plus petits capteurs du marchĂ© : 40 centimĂštres par 10. Nicolas Fauvet, ingĂ©nieur, dĂ©crit l'appareil : « On va couvrir avec ce type d'Ă©quipement les radios soldats, la tĂ©lĂ©phonie par satellite. On va pouvoir dĂ©tecter des drones, on va pouvoir dĂ©tecter des brouilleurs de GPS, on va pouvoir dĂ©tecter de l'i OT, tout ce qui est dans la gamme de frĂ©quences, des moyens de communication. Et vraiment, la nouveautĂ© sur ce type d'Ă©quipement, c'est le fait de l'avoir miniaturisĂ©. D'avoir un Ă©quipement qui fait de la classe 4 kilos, ce qui permet du coup de l'installer sur un drone. LĂ , on ciblait un bunker, on va effectivement dĂ©tecter qu'il y a des moyens de communication qui sont dans le bunker. On va pouvoir du coup remonter ce type d'information pour mener une opĂ©ration. »

    Détecter, classifier, localiser grùce à un appareil de 4 kilos

    L’appareil dĂ©tecte les menaces, les classifie, il permet aussi d’avoir accĂšs au contenu des tĂ©lĂ©communications. « Le cas d'usage typique de ce type de drone, c'est un vĂ©hicule d'opĂ©ration qui va passer Ă  cĂŽtĂ© d'un relief, qui va peut-ĂȘtre contourner un relief, une montagne et qui veut voir avant de contourner s'il n’y a pas une menace de l’autre cĂŽtĂ©, donc il va envoyer le drone, poursuit l'ingĂ©nieur. L’appareil va juste regarder au-dessus la vĂ©gĂ©tation, lĂ  oĂč normalement les moyens de goniomĂ©trie qui seraient au sol ne verraient pas d'Ă©ventuelles menaces, lui va pouvoir dĂ©tecter la menace. De plus, de l'autre cĂŽtĂ©, les forces ennemies voyant un drone arrivĂ©, vont commencer Ă  communiquer pour dire, attention, il y a un drone, et ce sera encore plus simple de les dĂ©tecter. »

    Un capteur totalement passif

    Autre innovation, l’Eagler Traker positionne directement sur une carte les Ă©missions repĂ©rĂ©es, sans lui-mĂȘme pouvoir ĂȘtre dĂ©tectĂ©. « Le capteur est totalement passif, prĂ©cise Nicolas Fauvet. Ce n’est pas comme un radar qui va Ă©mettre une onde qui sera rĂ©flĂ©chie. LĂ , on va vraiment capter l'ensemble des signaux qui peuvent ĂȘtre dans les environs. Donc ce capteur-lĂ  n'est pas dĂ©tectable. Si on utilise ce type de drone alimentĂ© par un cĂąble de fibre optique, c'est la totalitĂ© du systĂšme qui est passive et donc on peut protĂ©ger un campement. Ça va donner l'Ă©quivalent d'une antenne, d'un pylĂŽne d’une hauteur de 100 mĂštres et on va avoir une capacitĂ© de dĂ©tection des signaux qui est de plusieurs dizaines de kilomĂštres. Cet Ă©quipement fait Ă©galement ce qu'on appelle de la remontĂ©e de rĂ©seau. Par exemple, quand on va dĂ©tecter que plusieurs communications arrivent Ă  un mĂȘme point, c'est en gĂ©nĂ©ral un centre de commandement, on va pouvoir remonter comme ça le rĂ©seau de communication, Ă©tablir une situation tactique. »

    Les premiĂšres unitĂ©s de sĂ©rie seront disponibles en fin d’annĂ©e. C’est aussi pour les industriels l’un des retours d’expĂ©rience ukrainien : ĂȘtre capable de produire vite et en quantitĂ©.

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  • Le Salon des forces spĂ©ciales et de l’armement terrestre (Sofins) avait lieu cette semaine Ă  cĂŽtĂ© de Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. Dans les allĂ©es, il y avait des drones Ă  foison : reconnaissance, dĂ©tection ou attaque. Tour d’horizon des nouveautĂ©s de ce secteur trĂšs dynamique.

    Au Sofins, les forces spĂ©ciales françaises font toujours une dĂ©monstration : ces hommes de l’ombre dĂ©barquent en hĂ©licoptĂšre, c’est classique ; sauf que cette fois, l’hĂ©licoptĂšre a prĂ©alablement lĂąchĂ© des drones qui Ă  leur tour ont lĂąchĂ© d’autres drones destinĂ©s Ă  dĂ©truire, par exemple un pick-up.

    Dans les allĂ©es du Sofins, les drones sont donc partout pour la plus grande satisfaction du dĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral de l’armement, Emmanuel Chiva : « L'art de la guerre a changĂ©, la dĂ©mocratisation aussi. Le nivellement qui est apportĂ© par les drones, qui sont tirĂ©s normalement par l'industrie du divertissement aujourd'hui, arrive sur le théùtre d'opĂ©rations. Il faut d'abord s'adapter, se dire qu'il n’y a pas un seul systĂšme qui permet de rĂ©aliser une seule fonction, mais se dire qu’il y a plein de drones. Et si ça se trouve que dans l'armĂ©e de terre, il y aura 10, 15, 20 types de drones diffĂ©rents. Le drone de contact c’est la future grenade du fantassin, avec notamment des drones qui larguent des petites munitions tĂ©lĂ© opĂ©rĂ©es. Et je pense qu’il ne faut prendre aucun retard dans ce dĂ©veloppement. »

    Le drone de contact, la nouvelle grenade du fantassin

    Les industriels espĂšrent vite passer Ă  la production de masse, Ă  l’instar de l’Akeron proposĂ© par le missilier MBDA, le directeur programme nous prĂ©sente le RCX 50, le plus petit modĂšle d’une nouvelle gamme de MTO, c’est une munition tĂ©lĂ© opĂ©rĂ©e pour le combat rapprochĂ© : « On vient de franchir un jalon clĂ©. On a rĂ©alisĂ© le premier tir Ă  charge active de cette MTO française. RCX 50, c'est une munition de 2 kilos avec une capacitĂ© anti blindĂ© lĂ©ger et une portĂ©e de 5 Ă  10 km et nous serons prĂȘts Ă  la produire Ă  la fin de cette annĂ©e 2025. On pourra trĂšs rapidement viser des cadences de plusieurs centaines de munitions par mois ».

    Autre grand industriel, ThalĂšs mise de son cĂŽtĂ© sur Toutatis, un engin de 4 kilos prĂ©cise l’ingĂ©nieur Gilles Labit, il peut marauder 45 minutes Ă  la recherche d’une cible, « On lance une petite sĂ©rie d'ici la fin de l'annĂ©e, hein ? Plusieurs dizaines d'exemplaires. Et ce qu'on souhaite faire, c'est arriver Ă  en fournir aux forces pour qu'ils soient capables de les opĂ©rer et de les dĂ©ployer au sein des rĂ©giments ».

    Le graal, ĂȘtre sĂ©lectionnĂ© par les armĂ©es

    Être sĂ©lectionnĂ© par une armĂ©e c’est aussi l’ambition d’Aeryx System, une PME de seulement 16 salariĂ©s avec Ă  sa tĂȘte un tout jeune patron : « Je suis ClĂ©ment Picaud, le cofondateur et directeur gĂ©nĂ©ral de la sociĂ©tĂ©. Avec mon associĂ©, on a Ă©tĂ© diplĂŽmĂ© il y a 4 ans et en sortant des Ă©tudes, on s'est lancĂ©s tous les deux. Nous, notre technologie, c'est une propulsion qui a la capacitĂ© de s'orienter et de s'incliner dans toutes les directions de l'espace, sans aucune limite jusqu'Ă  200 km/heure. Typiquement pour cet appareil de la gamme micro, on a un kilo de charge utile pour deux types d'applications, donc typiquement de la munition tĂ©lĂ© opĂ©rĂ©e et surtout principalement le secteur sur lequel on se positionne le plus : la lutte antidrone. C'est un appareil qui du fait de sa vitesse et de sa manƓuvrabilitĂ© va ĂȘtre capable de prendre en chasse d'autres appareils et crĂ©er des bulles de protection. Donc en heat to kill sur un autre appareil ».

    Le laser s'invite dans la défense antidrone

    La lutte antidrone s’étoffe aussi et le laser de dĂ©fense entre en jeu Teddy Albion de la sociĂ©tĂ© Cilas, « HELMA-P pour Ă©nergie laser for multiple applications, c’est une arme laser antidrone, arme qui a Ă©tĂ© dĂ©ployĂ©e pour la protection des Jeux olympiques et qui a Ă©tĂ© acquis par la France et qui sera dĂ©ployĂ©e dĂšs la fin de l'annĂ©e. Nous aujourd'hui, avec un laser de deux kilowatts, on neutralise un drone Ă  un km en trois secondes ».

    Protection, reconnaissance, dĂ©tection, attaque et mĂȘme ravitaillement les drones s’imposent partout, pour preuve les forces ukrainiennes, en 2025, comptent en utiliser plus de 4 millions d’exemplaires.

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  • Une trentaine de pays alliĂ©s de l'Ukraine Ă©taient rĂ©unis, le jeudi 27 mars, Ă  Paris pour un sommet destinĂ© Ă  finaliser des « garanties de sĂ©curitĂ© » pour Kiev, dont un Ă©ventuel dĂ©ploiement militaire europĂ©en si un accord de paix est trouvĂ©. Les Britanniques et les Français Ă  l'origine de cette initiative vont, dans les prochains jours, envoyer une mission en Ukraine pour prĂ©parer ce que sera le format de l'armĂ©e ukrainienne ainsi qu'un possible dĂ©ploiement de forces. Un chemin difficile Ă  tracer.

    Premier axe d'effort : un soutien accru Ă  l'armĂ©e ukrainienne, car a insistĂ© Emmanuel Macron la meilleure garantie de sĂ©curitĂ© pour l'Ukraine, c'est l'armĂ©e ukrainienne elle-mĂȘme. Il faut dĂ©sormais dĂ©terminer le format d'aide pour cette armĂ©e : un format finlandais avec une population en armes, plus prĂ©cisĂ©ment composĂ©e de plusieurs centaines de milliers de rĂ©servistes. Un modĂšle d'armĂ©e qui tient le front ou une armĂ©e prĂȘte Ă  repartir Ă  l’offensive. Et si cela ne suffit pas, en deuxiĂšme ligne, la plus discutĂ©e, les pays europĂ©ens volontaires envisagent de dĂ©ployer des troupes au sol.

    Et tout a commencĂ© le 17 fĂ©vrier dernier rembobine le diplomate Jean de Gliniasty : « le 17 fĂ©vrier, Emmanuel Macron rĂ©unit ses collĂšgues europĂ©ens pour essayer de rĂ©pondre Ă  un questionnaire de six questions prĂ©sentĂ©es par l'administration Trump qui tournait autour de qu'est-ce que l'Europe est prĂȘte Ă  faire en matiĂšre de garanties de sĂ©curitĂ© pour l'Ukraine et quel soutien elle attend des États-Unis dans ce domaine. L'Europe a essayĂ© d'avancer sur deux fronts, si j'ose dire. D'une part, renforcer son potentiel militaire, ce sur quoi tout le monde est d'accord, et d'autre part, essayer de travailler sur les garanties de sĂ©curitĂ© que l'Europe peut fournir. Et lĂ , Ă©videmment, c'est beaucoup plus difficile parce que une partie des EuropĂ©ens seulement est d'accord pour le faire. La prĂ©sence de troupes europĂ©ennes, sur le territoire ukrainien sera s'il y a un accord rĂ©glĂ© par l'accord. Et lĂ  c'est trĂšs peu probable parce que les Russes n'en veulent pas et les AmĂ©ricains deviennent rĂ©ticents puisqu'ils considĂšrent de plus en plus que les EuropĂ©ens sont plutĂŽt un obstacle pour le progrĂšs de la nĂ©gociation ».

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    Des troupes au sol : une option défendue par Londres et Paris

    Cette hypothĂšse a Ă©tĂ© posĂ©e dĂšs le 11 mars dernier lors de la rĂ©union des Chefs d’État-Major par l'amiral Britannique Tony Radakin et le gĂ©nĂ©ral français Thierry Burkhard. Un vĂ©ritable tournant puisque dix chefs d'États-Majors europĂ©ens rĂ©unis ce jour-lĂ  Ă  Paris avaient indiquĂ© avoir un feu vert de leur gouvernement pour envisager une telle mission.

    Un dĂ©ploiement qui ne sera pas une force d'interposition ont prĂ©cisĂ© Français et Britanniques, mais qui pour ĂȘtre dissuasif devra ĂȘtre composĂ© de grandes unitĂ©s soit prĂšs de 30 000 hommes. Mais faut-il placer cette force en Ukraine, ou se limiter Ă  des missions de protection sur le flanc est europĂ©en ? Envoyer nos meilleures troupes c’est un pari risquĂ© analyse Philippe Gros de la Fondation pour la recherche stratĂ©gique : « La guerre en Ukraine, c’est un champ de tir avec des milliers de drones par jour qui frappent sur tout ce qui bouge. Toutes les manƓuvres sont tuĂ©es dans l'Ɠuf. Vous ne pouvez pas dissuader sans avoir d’importantes rĂ©serves. Cette histoire de troupes, elle est dans les limbes depuis plusieurs mois. Tout ça ne reposait que si derriĂšre vous aviez la garantie amĂ©ricaine, la rĂ©assurance de Washington. Donc ça tombe Ă  l'eau ».

    Une force europĂ©enne qui pourrait ĂȘtre dans le collimateur de Moscou

    Il faudra au moins six mois disent les militaires, pour dĂ©ployer des hommes au sol. Il faudra aussi mesurer tous les risques, souligne Vincent Tourret de l’UniversitĂ© de MontrĂ©al : « En termes de matĂ©rialisation d'un engagement, il n'y a pas mieux que la prĂ©sence au sol. Par contre, aprĂšs vient tout de suite la question de la crĂ©dibilitĂ©, du format et de la mission. Si c'est pour crĂ©er une FINUL 2.0 (Finul, Force intĂ©rimaire des Nations unies au Liban) sous menace d’Iskander (systĂšme russe de missile balistique Ă  courte portĂ©e ou moyenne portĂ©e de nouvelle gĂ©nĂ©ration), je trouve que c'est une trĂšs mauvaise idĂ©e. Parce que nos brigades mĂȘme mises sur trois directions diffĂ©rentes Ă  50 km de la zone du front, ou mĂȘme plus loin, elles n’auront pas la capacitĂ© de peser sur l'escalade avec la Russie. Donc pourquoi, avant d’aller Ă  l'Ă©tape du sol, ne pas d’abord passer par l’étape aĂ©rienne, le contrĂŽle du ciel, ce qui me paraĂźt ĂȘtre un prĂ©requis ».

    L'utilisation d'avions de chasse le long de la frontiĂšre ukrainienne serait plus rapide et tout aussi dissuasif font d’ailleurs entendre d'autres voix. Les questions ne manquent pas, mandat a Ă©tĂ© donnĂ© aux militaires français et britannique de se rendre en Ukraine pour Ă©tudier toutes les options.

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  • La Marine française porte l’ambition de devenir une rĂ©fĂ©rence mondiale dans la maitrise des grands fonds marins oĂč reposent des cĂąbles stratĂ©giques. Pour maitriser ces espaces, depuis trois ans, les forces navales françaises dĂ©veloppent une capacitĂ© souveraine pour agir dans la profondeur des ocĂ©ans.

    D’une importance majeure, les grands fonds marins sont pourtant moins connus que la surface de la Lune. Et pour la Marine nationale, le rĂ©veil a sonnĂ© en 2007, quand un sous-marin russe a rĂ©ussi l’exploit de dĂ©poser Ă  l’aplomb du pĂŽle Nord, par 4 000 mĂštres de fond, un drapeau en Titane aux couleurs de la fĂ©dĂ©ration de Russie. Un vĂ©ritable signalement stratĂ©gique, se souvient le Contre-Amiral CĂ©dric Chetaille, coordinateur central pour la maitrise des fonds marins : « Un message qui voulait nous dire, c'est un espace commun, mais en fait, c'est un espace qui appartient Ă  ceux qui sont capables d'agir et d'intervenir Ă  cet endroit-lĂ  et de dire "moi, je suis capable de le faire, Vous, vous n'ĂȘtes pas encore capable de le faire". Donc aujourd'hui, on est en train de rattraper ce retard et on sera Ă  trĂšs court terme capable de faire le mĂȘme type de mission. »

    Objectif : 6 000 mĂštres de fond

    Pour accĂ©der aux grands fonds, la Marine nationale peut dĂ©jĂ  compter sur plusieurs robots autonomes pouvant descendre jusqu’à 2 000 mĂštres. Et Ă  court terme, dit CĂ©dric Chetaille, l’objectif est 6 000 mĂštres : « les 6 000 mĂštres correspondent Ă  une ambition et Ă  la vocation mondiale de la Marine française. On dĂ©ploie nos forces partout dans le monde. On est capable d'atteindre 97 % du plancher des ocĂ©ans quand on est capable d'aller Ă  6 000 mĂštres de fond. Pour pouvoir percer l'opacitĂ© de ce milieu-lĂ , il faut ĂȘtre Ă  quelques dizaines de mĂštres. Et quand on a la volontĂ©, avec un robot, d'ĂȘtre capable de ramasser, de sectionner, de rassembler, de nouer, d'agir, il faut maintenir ce robot Ă  quelques dizaines de centimĂštres de sa cible. »

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    Nature des sĂ©diments, variations du champ magnĂ©tique, cartographie : autant d’élĂ©ments qu’il faut maitriser et la vitesse des manƓuvres sous l’eau est Ă©galement un Ă©lĂ©ment clĂ©. « Le milieu sous-marin ne permet pas une communication continue avec l'engin, poursuit le contre-amiral CĂ©dric Chetaille. Rapidement, le drone va aller plus loin, plus profond. Il leur faut une autonomie dĂ©cisionnelle pour optimiser leur mission en fonction de ce qu'ils vont voir. AprĂšs la mission, quand on rĂ©cupĂšre le drone, il faut tout dĂ©charger rapidement pour pouvoir rĂ©orienter la mission suivante. Et c'est ce cycle d'observation par le drone, puis exploitation de la mission, dĂ©cision et orientation de la mission suivante qu'il faut mener le plus rapidement possible pour obtenir un cycle qui soit supĂ©rieur Ă  celui de nos adversaires. »

    Le Yantar: un navire espion russe taillé pour les grands fonds

    L’intensification de la compĂ©tition au large s’accompagne de nouvelles menaces sous la surface, cĂąbles de tĂ©lĂ©communications sectionnĂ©s accidentellement ou volontairement, la guerre hybride se joue aussi dans les grandes profondeurs.

    Et dans le collimateur des marines de l’Otan, il y a le navire espion russe Yantar, un bĂątiment souvent prĂ©sent le long des cĂŽtes europĂ©ennes. « Le navire russe Yantar, c'est un navire trĂšs intĂ©ressant parce que c'est un des trĂšs rares navires au monde qui est spĂ©cialisĂ© et qui est trĂšs moderne pour mettre en Ɠuvre des capteurs et des engins en toute discrĂ©tion et qui vont aller trĂšs profond, explique le contre-amiral CĂ©dric Chetaille. C'est un navire qu'on surveille, c'est un navire qu'on traque pour l'empĂȘcher de nuire Ă  nos intĂ©rĂȘts et de restreindre ce qu'on appelle notre libertĂ© de manƓuvre. Ça veut dire qu'on ne veut pas que l'usage potentiel des fonds marins Ă  partir d'un navire comme le Yantar ne nous contraigne. On peut imaginer que le Yantar militarise les fonds marins en disposant des capteurs, et ainsi dispose d'une meilleure connaissance des fonds marins que nous. Il faut donc aller observer le Yantar, aller dans les zones oĂč son activitĂ© nous semble suspecte et se donner les moyens de l'empĂȘcher de nous nuire. »

    Nouveau lieu de compĂ©tition, la maitrise des grandes profondeurs s’impose en particulier pour la France qui possĂšde le deuxiĂšme domaine maritime mondial. Mais c’est aussi un dĂ©fi technologique qui Ă  ce jour n’est Ă  la portĂ©e que de quelques marines.

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  • La rĂ©union s'est dĂ©roulĂ©e mardi 11 mars, en marge du « Paris Defence & Strategy Forum », Emmanuel Macron a Ă©changĂ© avec 30 chefs d’état-major de l’Union europĂ©enne et de l’Otan dont le Royaume-Uni et la Turquie. Un format de rencontre Ă  huis clos singulier pour les chefs militaires qui ont abordĂ© les garanties de sĂ©curitĂ© Ă  apporter Ă  l’Ukraine dans la perspective d’un cessez-le-feu. Les entretiens ont Ă©galement portĂ© sur le rĂ©armement nĂ©cessaire de l’Europe, qui face aux bouleversements stratĂ©giques, est Ă  la croisĂ©e des chemins.

    Trente chefs d’état-major autour d’une table, ce n’est pas courant et cela souligne la crainte que fait peser la Russie. L’Europe, mise au ban des nĂ©gociations amĂ©ricaines et russes, saisit l’opportunitĂ© offerte par Paris cette semaine pour faire entendre sa voix et sa position : pas question de lĂącher l’Ukraine. La sĂ©curitĂ© de l’Europe est en jeu, mais pour y parvenir, il faut ĂȘtre crĂ©dible, plaide le gĂ©opolitologue Nicolas Tenzer : « C'est soit la dĂ©faite, soit la victoire. On est malheureusement dans une situation de tout ou rien. Ça veut dire rĂ©armer, rĂ©armer, rĂ©armer et se mettre en capacitĂ© de remplacer en quelque sorte les États-Unis dĂ©faillants. Et lĂ  aussi, faisons trĂšs attention aux discours de propagande. Il ne s'agit pas d'une guerre entre l'OTAN et la Russie. Ni de la 3ᔉ Guerre Mondiale, mais c'est vĂ©ritablement conventionnellement ĂȘtre capable de rĂ©sister et Ă  un moment de repousser les forces russes en dehors des territoires qui ne lui appartiennent pas. »

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    L’Europe ne doit pas dĂ©crocher dans le domaine spatial

    AprĂšs les chefs d’état-major, cinq ministres de la DĂ©fense : polonais, italien, allemand, britannique et français - rĂ©unis en format E5 Ă  Paris - ont dessinĂ© les contours d’un rĂ©armement de l’Europe et des trous capacitaires Ă  combler. C’est ce qu’a martelĂ© mercredi aux cĂŽtĂ©s de ses homologues, SĂ©bastien Lecornu ministre français des ArmĂ©es : « Le premier, c'est Ă©videmment la dĂ©fense Sol-Air, c'est un des Ă©lĂ©ments importants du retour d'expĂ©rience, non seulement de la guerre en Ukraine, mais aussi de ce qui se passe aux proches et au Moyen-Orient. Cela vaut pour le haut du spectre, jusqu'Ă  la lutte antidrones. Des initiatives capacitaires sont sur la table, mais on le sait, elles sont trop longues. La 2ᔉ, c'est Ă©videmment la question du spatial, sur lequel le risque de voir l'Europe dĂ©crocher est un risque immense. Il y a aussi la dĂ©pendance Ă  Starlink. Et puis enfin des autres questions liĂ©es aux munitions, liĂ©es Ă  ce qu'on appelle l'alerte avancĂ©e. L'alerte avancĂ©e, c'est la capacitĂ© souveraine de constater un dĂ©part de missile venu de Russie ou d'Iran, la comprĂ©hension de cette menace est un des sujets sur lesquels nous devons avancer. »

    Deux positions doctrinales qui se percutent

    Face Ă  un possible dĂ©sengagement amĂ©ricain, l’Europe doit bĂątir son autonomie stratĂ©gique, concept cher Ă  la France. Deux transitions doctrinales doivent dĂ©sormais se croiser, souligne David Behar, directeur adjoint du centre d’Analyse, de prĂ©vision et de stratĂ©gie au quai d’Orsay, « Il s'agit de passer d'une autonomie stratĂ©gique nationale Ă  une autonomie stratĂ©gique nationale couplĂ©e Ă  un effort spĂ©cifique sur les coopĂ©rations europĂ©ennes. Mais il y a encore un changement de paradigme Ă  faire cĂŽtĂ© français qui n'est pas simple, qui est d'arriver Ă  penser les cycles d'acquisition d'Ă©quipements, les cycles de programmation en coopĂ©ration avec un certain nombre de partenaires europĂ©ens. Et c'est ce dĂ©fi qui attend la France. Du cĂŽtĂ© de nos partenaires europĂ©ens, c'est un autre dĂ©fi qui est d'accepter l'idĂ©e d'une prĂ©fĂ©rence europĂ©enne et un peu moins systĂ©matiquement avec le partenaire amĂ©ricain. »

    Le bouleversement stratĂ©gique oblige l’Europe Ă  accĂ©lĂ©rer : dans les deux prochaines semaines, 15 ministres de la DĂ©fense europĂ©ens se rĂ©uniront avec l’ambition de porter une nouvelle architecture de sĂ©curitĂ©.

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  • Mercredi 5 mars, aprĂšs l’annonce du gel de l’aide militaire amĂ©ricaine, le chef de la CIA John Ratcliffe a « mis en pause » le partage de renseignement avec Kiev. Le renseignement amĂ©ricain Ă©tait pourtant essentiel Ă  la conduite des opĂ©rations sur un champ de bataille particuliĂšrement transparent. La fin de l’aide amĂ©ricaine dans ce domaine crucial laissera un vide difficile Ă  combler.

    Pour Kiev, le coup est rude : les forces ukrainiennes ont Ă  la fois perdu l’apport en matĂ©riels stratĂ©giques, Ă  l’instar de la dĂ©fense sol-air avec l’emblĂ©matique systĂšme Patriot, l’artillerie longue portĂ©e avec les Himars, mais surtout, elles ont perdu l’accĂšs au renseignement, vĂ©ritable clĂ© de leur efficacitĂ©, souligne Philippe Gros de la Fondation pour la recherche stratĂ©gique.

    « Le moins visible, explique-t-il, c'est le renseignement, et pourtant il est Ă©norme : c'est-Ă -dire l'appui renseignement aux forces ukrainiennes, et notamment l'appui renseignement qui leur permet de planifier leurs feux dans la profondeur. Le renseignement amĂ©ricain a servi directement Ă  appuyer la planification du ciblage effectuĂ©e par les Ukrainiens dans la profondeur du dispositif russe, ça c'est sĂ»r. Alors attention, les AmĂ©ricains n’ont pas Ă©tĂ© les seuls Ă  en fournir. Mais la machine du renseignement amĂ©ricaine Ă©tait telle que dans ce domaine, vous avez un Ă©cart Ă©norme avec les productions des autres alliĂ©s. »

    Des conséquences immédiates sur le champ de bataille

    Les frappes ukrainiennes sur les concentrations d’hommes et de matĂ©riels ont permis d’entraver les offensives russes. Sans renseignement, les consĂ©quences se feront sentir trĂšs rapidement, note Vincent Tourret, chercheur Ă  l’universitĂ© de MontrĂ©al : « L'absence d'une aide amĂ©ricaine de renseignement va surtout avoir un impact en termes de dĂ©lai du ciblage. C'est-Ă -dire qu'au lieu d'avoir une frappe rĂ©active en cinq minutes - on parle de frappe dynamique - lĂ  les frappes ukrainiennes risquent d'avoir un temps de latence un peu plus Ă©levĂ©. Mais ce n’est pas insurmontable, parce que les Ukrainiens sont toujours trĂšs inventifs, ils ont plein de capteurs assez alternatifs pour compenser le manque d'aide amĂ©ricaine. »

    La perte problématique de la constellation Starlink

    Et l’alternative pourra venir de Paris, qui a indiquĂ© cette semaine fournir du renseignement aux Ukrainiens. Du renseignement spatial pour avoir une image prĂ©cise et en temps rĂ©el du champ de bataille et du renseignement Ă©lectromagnĂ©tique pour obtenir des indications sur les activitĂ©s aĂ©riennes.

    En revanche, il sera plus difficile de compenser le retrait du systĂšme de communication amĂ©ricain, pointe Vincent Tourret. « Les Ukrainiens dĂ©pendent quand mĂȘme trĂšs fortement de Starlink [le rĂ©seau satellitaire de communication appartenant Ă  Elon Musk, NDLR], poursuit-il. LĂ  encore, ça n’est pas rĂ©dhibitoire, mais encore une fois, ce sont des latences supplĂ©mentaires. L'avantage de Starlink, c'est que ça vous donne un internet du champ de bataille aisĂ©ment dĂ©ployable, avec un temps de dĂ©ploiement qui n’excĂšde pas cinq minutes. L'objet est trĂšs ergonomique, donc en plus la prise en main est facile. Il existe d'ailleurs d'autres constellations qui sont moins sophistiquĂ©es. Le champ de bataille est quand mĂȘme assez positionnel, donc mĂȘme s'il y a une perte de l'internet maintenant, il faut bien imaginer que les Ukrainiens, comme les Russes d’ailleurs, ont de la fibre optique, ont des fils tĂ©lĂ©phoniques, ont plein d'autres moyens de communication. Mais Starlink, c'Ă©tait un peu la crĂšme de la crĂšme des COM et ça leur permettait de pallier beaucoup de problĂšmes. [Ce retrait] rend les choses plus complexes pour les Ukrainiens, mais ça ne sera pas synonyme d'un effondrement de la ligne de front. »

    Pas d’effondrement du front, plutĂŽt un rééquilibrage en faveur de Moscou. Car avec le retrait amĂ©ricain du renseignement et des communications disparaĂźt une partie de l’excellence tactique des forces ukrainiennes. Washington impose un frein Ă  l’efficacitĂ© opĂ©rationnelle. C’est le cadeau de la Maison blanche au Kremlin.

  • Il signe l’appartenance Ă  une armĂ©e, vĂȘtement du quotidien, le treillis de l’armĂ©e française fait sa mue et sa rĂ©volution. Fini les treillis « dĂ©sert » bien jaune, ou les treillis « centre Europe » bien verts, place dĂ©sormais au BME pour « bariolage multi-environnement » : un seul vĂȘtement pour tous les environnements, aux couleurs soigneusement choisies.

    Rediffusion du 26 janvier 2025.

    C’est une alternance de grandes et petites taches brisĂ©es, avec un panachage de vert, un soupçon de kaki, et un fond brun dit « Terre de France ». TrĂšs utile ce « terre de France » insiste le commandant StĂ©phane, le doigt sur le nouveau treillis qu’il porte, il est responsable du programme BME au sein de la section technique de l’armĂ©e de terre : « Il y a un peu de marron, un peu de brun, on appelle ça le 'brun terre de France', qui est la couleur majoritaire et qui est celle qui fusionne Ă  la distance de portĂ©e des tirs. »

    Il y a aussi du blanc, une premiÚre. « Absolument, d'ailleurs le blanc, vous le voyez sur trÚs peu de treillis dans le monde. C'est un petit peu une caractéristique du BME. Le blanc, il apporte en fait un contraste trÚs fort, le blanc c'est un petit peu le reflet du soleil sur une feuille dans la lisiÚre. Les contrastes que nous donnent les couleurs donnent du relief et permettent cette adaptation à un plus grand nombre d'environnements. »

    Du blanc mais pas de noir

    Du blanc donc, mais cette fois pas de noir, « Le prĂ©cĂ©dent treillis fusionnait en noir et le noir dans la nature, il n'existe pas. À l'Ă©tat naturel en tout cas. Et c'est la couleur qui a le plus fort signalement aux infrarouges et mĂȘme Ă  l'Ɠil nu, donc il a Ă©tĂ© retirĂ©. C'Ă©tait en fait une faiblesse technique pour le Centre Europe. »

    Simplifier la logistique

    Un treillis Ă  la place de deux, l’objectif est donc de simplifier la logistique. Et pour y parvenir six ans d’études et de tests auront Ă©tĂ© nĂ©cessaires, souligne le commissaire en chef Nicolas, chef de la division Habillement au sein des armĂ©es, « Oui, ça prend du temps parce que par exemple, le blanc pour avoir cet effet de dissimulation, il est difficile Ă  mettre au point puisque le tissu est assez technique. Il incorpore des fibres d'aramide, qui donne une protection au feu, on dit que le treillis est thermostable. Ensuite, on a la phase d'approvisionnement du tissu. On a dĂ» en commander 3,5 millions de mĂštres linĂ©aires. Et une fois qu'on a approvisionnĂ© le tissu et qu'on l'a contrĂŽlĂ© pour vĂ©rifier qu’il prĂ©sentait toutes les caractĂ©ristiques demandĂ©es par les armĂ©es, on le donne Ă  d'autres types d'industriels qui vont nous confectionner les tenues. Ce qui a Ă©tĂ© important pour nous, c'est d'avoir le temps de constituer un stock suffisant pour qu'ensuite la manƓuvre de distribution se passe de façon fluide et pilotĂ©e. Une fois que le bouton 'ON' a Ă©tĂ© enclenchĂ©, ça ne s'arrĂȘte jamais ! »

    Le chef d’état-major des armĂ©es sera le dernier Ă  percevoir le sien

    Quelque 750 000 treillis ont Ă©tĂ© commandĂ©s. Deux industriels français et une sociĂ©tĂ© belge produisent le tissu qui est ensuite coupĂ© en Bulgarie, avec quelques modifications, indique le commandant StĂ©phane : « On a rajoutĂ© de l'ergonomie au treillis F 3 tel qu'il avait Ă©tĂ© conçu initialement. Tout d'abord, dans la poche de poitrine, plutĂŽt que d'avoir du tissu en fond de poche, nous avons mis un tissu Mesh, c'est un tissu qui est aĂ©rĂ©. Ensuite, nous avons rajoutĂ© une poche qui se superpose Ă  la poche cargo que nous avons sur la cuisse. Cette nouvelle poche s’ouvre verticalement, lorsque nous avons un genou Ă  terre, nous pouvons accĂ©der Ă  cette poche et rĂ©cupĂ©rer une checklist ou un message Ă  envoyer, sans avoir besoin de se relever pour aller le rĂ©cupĂ©rer ».

    Ce treillis BME sera en dotation pour au moins trente ans. Les troupes en opĂ©ration seront les premiĂšres Ă©quipĂ©es et comme le veut la tradition : le chef d’état-major des armĂ©es sera le dernier Ă  percevoir le sien.

  • AprĂšs trois ans de guerre, les combats d’artillerie et les tentatives de percĂ©es ont laissĂ© place Ă  un affrontement par drones. L’usage massif des drones aĂ©riens bouleverse dĂ©sormais les doctrines militaires classiques et rend difficile une guerre de mouvement.

    L’Ukraine produit 10.000 drones aĂ©riens par jour, et elle en consomme presque autant
 Le volume est vertigineux. Sur la ligne de front, les drones pullulent, avec pour consĂ©quence de rendre transparent le champ de bataille et illusoire la concentration d’hommes et de matĂ©riels. Les Russes qui, ces derniers mois, ont repris l’initiative, ont dĂ» s’adapter, analyse Jean-Christophe NoĂ«l, chercheur associĂ© Ă  l’Ifri, Institut français des relations internationales : « Ce qu’ils vont privilĂ©gier, ce sont des assauts avec un nombre trĂšs rĂ©duit de soldats. Avec peut-ĂȘtre trois Ă  quatre soldats, de prĂ©fĂ©rence motorisĂ©s pour aller un petit peu plus vite et essayer d'Ă©chapper justement Ă  tous ces drones. Ils vont ainsi s'infiltrer, prendre position et essayer de tenir en attendant des renforts. Et donc ils vont ainsi rĂ©ussir Ă  modifier, par des petits sauts, les lignes de front et progressivement Ă  grignoter, grignoter, grignoter. »

    Les drones «First Personal Viewer»

    Au dĂ©but du conflit, l’armĂ©e russe a Ă©tĂ© surprise par l’afflux massif des drones, elle a depuis comblĂ© son retard, mais deux approches diffĂ©rentes ont initialement vu le jour. « Les Russes ont dĂ©veloppĂ© des drones qui valaient beaucoup plus cher, poursuit Jean-Christophe NoĂ«l, les drones russes Ă©taient des drones sophistiquĂ©s qui valent 30.000 dollars, alors que les Ukrainiens maintenant utilisent des FPV — les First personal viewer – ce sont des drones qui coĂ»tent moins de 1000 dollars, mais qui sont trĂšs consommables. S’ils en perdent un, c'est pas trĂšs grave, il y en a toujours un qui fera le travail.

    On s'aperçoit que progressivement les Russes arrivent un petit peu aussi à décentraliser ces productions pour essayer de copier ce qui se fait de mieux chez les Ukrainiens. Et les Ukrainiens à l'inverse ont remarqué toutes les attaques de drones russes avec les Shahed iraniens. Eux aussi commencent à développer des drones qui leur permettent d'attaquer à l'intérieur de la Russie. Chacun essaie donc de réagir, mais encore une fois avec deux modÚles différents, un modÚle chez les Russes qui au départ est trÚs centralisé, voir trop centralisé, et chez les Ukrainiens, quelque chose qui est trÚs décentralisé, voire trop décentralisé. »

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    Un effet miroir

    Dans un systĂšme oĂč l’innovation est reine, l’écueil principal c’est la production des drones. Comment passer Ă  l’échelle dans la fabrication de drones aĂ©riens toujours plus complexes ?

    « Les jeunes Ukrainiens arrivent Ă  trouver des solutions pour compenser certaines faiblesses. Et c'est pour ça qu'on a vu une multitude de drones apparaĂźtre, qui remplissent des fonctions trĂšs diverses. Évidemment, c'est pour voir, Ă©videmment c'est pour dĂ©truire ; mais parfois c'est pour aussi servir de relais. C'est aussi pour essayer de dĂ©tecter diffĂ©rents capteurs ou mĂȘme des tentatives pour essayer d'abattre d'autres drones, etc. Donc, on est vraiment dans un processus trĂšs dĂ©centralisĂ©, oĂč on a du mal Ă  passer Ă  l'Ă©chelle. C'est-Ă -dire que finalement des initiatives locales ont du mal Ă  ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ©es. Chez les Russes, c'est l'inverse, la porositĂ© avec l'armĂ©e est plus compliquĂ©e, et donc souvent ils rĂ©agissent au bout d'un ou deux mois Ă  certaines innovations. Ça oblige les Ukrainiens Ă  penser en permanence cette innovation. Et on voit des deux cĂŽtĂ©s, un effet miroir, quand il y a une solution qui marche bien, le camp adverse va tout de suite l'adopter. »

    Produire en masse, le sujet est devenu brĂ»lant dans les Ă©tats-majors europĂ©ens, les militaires plaident pour l’émergence de champions, des entreprises de dĂ©fense capables de produire des drones ultra-novateurs, en quantitĂ© industrielle.

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  • L'Otan place l’intelligence artificielle au cƓur des systĂšmes de dĂ©cision militaire. À l’occasion du sommet de Paris, qui s’est tenu cette semaine, Lignes de dĂ©fense a pu rencontrer l’amiral français Pierre Vandier, commandant suprĂȘme alliĂ© pour la transformation de l'Otan. Pour l’Alliance atlantique, l'IA est dĂ©jĂ  une rĂ©alitĂ© au quotidien.

    En matiĂšre d’innovation technologique, l’Otan a l’ambition de tirer les alliĂ©s vers le haut, et Ă  Norfolk, quartier gĂ©nĂ©ral du Commandement alliĂ© Transformation (ACT), les premiĂšres intĂ©grations, les premiers outils d’intelligence artificielle, nous dit l’amiral Vandier, sont dĂ©jĂ  en place. « Sur nos rĂ©seaux, NATO secret et NATO Unclassified, on a des outils d'intelligence artificielle, donc, au quotidien, on l'utilise pour la production documentaire, pour rĂ©sumer des papiers, pour naviguer dans l'immense rĂ©seau documentaire de l'Otan. Et donc ça nous permet d'aller beaucoup plus vite. Donc, on se forme, on a un "monthly package" comme on dit en anglais, donc, tous les mois, on reçoit un mail avec un certain nombre de liens, des podcasts, des vidĂ©os, et puis on a trois sessions par an oĂč tous les officiers gĂ©nĂ©raux sont formĂ©s ».

    Une formation à l’IA obligatoire

    Personne n’échappe Ă  l’IA, Ă  ses applications militaires qui viennent accĂ©lĂ©rer le temps. « Un travail qui demande une journĂ©e peut finalement se faire en une heure. On va pouvoir produire beaucoup plus de contenu intĂ©ressant, pertinent, donc c'est une rĂ©volution des Ă©tats-majors. AprĂšs, vous avez l’IA qui est embarquĂ©e et on voit arriver aujourd'hui, grĂące aux capacitĂ©s de l'edge computing, des solutions embarquĂ©es, dites trĂšs frugales, qui n'ont pas besoin des "big data centers". Ça tourne sur votre tĂ©lĂ©phone. On voit ça arriver dans les systĂšmes d'armes, dans les systĂšmes d'adaptation. Votre systĂšme va vous proposer la meilleure solution possible compte tenu de l'environnement ».

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    Baltic Sentry, premiĂšre opĂ©ration dopĂ©e Ă  l’IA

    L’intelligence artificielle sera d’ailleurs bientĂŽt intĂ©grĂ©e dans les opĂ©rations de l’Otan, et d’abord en mer Baltique.

    PremiĂšres expĂ©rimentations avec Baltic Sentry, l’opĂ©ration de l’Otan menĂ©e en ce moment mĂȘme pour protĂ©ger les cĂąbles sous-marins et les conduites de gaz stratĂ©giques en Baltique. Des infrastructures menacĂ©es, risque de sabotage, Moscou est pointĂ© du doigt. Mais les Marines de l’Alliance Atlantique ne peuvent surveiller chaque kilomĂštre du rĂ©seau, l’IA est donc un prĂ©cieux atout. Elle sera d’abord dĂ©ployĂ©e sur deux navires Ă  la fin du mois, puis, prĂ©cise l’amiral Vandier sur 10 bateaux de l’Otan d’ici l’étĂ© : « On va rassembler les donnĂ©es acquises par les navires de surface, avec une flotte de drones de surface, et on va faire tourner des routines IA qu'on a dĂ©jĂ  expĂ©rimentĂ©es. On va pouvoir produire une situation de surface augmentĂ©e avec des alertes, avec des systĂšmes qui vont dire, c'est lĂ  qu'il faut regarder. C'est lĂ  qu'il s'est passĂ© des choses bizarres. De maniĂšre Ă  ce qu'ensuite la partie action puisse ĂȘtre orientĂ©e correctement. Le but, c'est que ce soit en temps rĂ©el, c'est-Ă -dire qu'effectivement, vous avez tout ce flux de donnĂ©es qui vient et quand vous avez par exemple des bateaux qui se rencontrent alors qu’ils ne devraient pas se rencontrer, des anomalies sur la vitesse, des gens qui coupent leur AIS, le systĂšme de positionnement radio. À ce moment-lĂ , on a des alertes qui sortent et on peut directement intervenir, plutĂŽt que de se poser la question dix jours aprĂšs ».

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    L’enjeu de l’interopĂ©rabilitĂ©

    Face Ă  des compĂ©titeurs de plus en plus hostiles, l’Otan s’engage donc dans une course technologique dopĂ©e Ă  l’IA oĂč les enjeux sont importants, surtout en matiĂšre d’interopĂ©rabilitĂ©, Pierre Vandier : « Les impĂ©ratifs, c'est faire que les 32 alliĂ©s puissent travailler ensemble avec une confiance dans les donnĂ©es, dans leur utilisation, avec des rĂšgles d'engagement qui soient comprises par tous, et puisque les flux de donnĂ©es qui sont produits par les diffĂ©rents alliĂ©s puissent se mĂ©langer et participer Ă  la mĂȘme situation ».

    L’alliance Atlantique n’a pas d’armĂ©e, elle agrĂšge les forces des alliĂ©s, des forces aux formats capacitaires contraints, l’intelligence Artificielle sera donc, peut-ĂȘtre pour l’Otan, un moyen de garder une longeur d’avance.

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  • Coup d’envoi, ce lundi 10 fĂ©vrier, Ă  Paris, du Sommet mondial sur l’intelligence artificielle. Tous les projecteurs seront braquĂ©s sur les applications et les nouveaux acteurs de ce secteur rĂ©volutionnaire. Si les champs de bataille ne sont pas encore peuplĂ©s de robots tueurs, les algorithmes d’intelligence artificielle se font une place sans cesse grandissante dans les systĂšmes d’armes.

    Radars hyper-adaptifs nourris au deep learning, cartographie, acquisition de cibles, partage automatisĂ© d’information et drone d’attaques construit autour d’un logiciel dopĂ© Ă  l’IA... la guerre d’Ukraine sert de laboratoire. L’agence ministĂ©rielle de l’IA de dĂ©fense, l’Amiad, créée en 2024 a pour mission de permettre Ă  la France de maĂźtriser souverainement l’intelligence artificielle de dĂ©fense, pour « ne pas ĂȘtre en retard d’une guerre », dit son directeur Bertrand Rondepierre :« La guerre en Ukraine, c'est quand mĂȘme un laboratoire en matiĂšre de drones justement. Il y a Ă©normĂ©ment de choses qui sont en train de s’y faire en matiĂšre d'autonomie, d'accomplissement de mission, Ă  la fois sur de la reconnaissance et aussi sur des munitions tĂ©lĂ© opĂ©rĂ©es, donc des drones qui font ensuite des frappes. C'est un constat que la guerre Ă©volue. On est vraiment sur une mutation, par exemple avec une massification de drones Ă  bas coĂ»ts versus des gros objets trĂšs chers, ce n'est pas que l'un soit supĂ©rieur Ă  l'autre mais c'est une question qui se pose et donc ça, c'est une mutation qu'il faut prendre en compte et qu'il faut suivre ».

    HX-2 un drone dopĂ© Ă  l’IA

    Helsing, jeune pousse française a ainsi dĂ©veloppĂ© l’HX-2 un nouveau type de drone d’attaque, capable de dĂ©truire avec prĂ©cision des objectifs d’artillerie ou encore des blindĂ©s tout en rĂ©sistant aux brouillages adverses, l’entreprise, nous dit son fondateur Antoine de Braquilanges, a rĂ©pondu Ă  l’appel du gĂ©nĂ©ral ukrainien Valeri Zaloujny pour obtenir de ces entreprises venues du civil, une percĂ©e technologique, « L'entreprise (Helsing) a annoncĂ© un certain nombre de partenariats et de contrats pour les Ukrainiens, pour offrir finalement aux Ukrainiens cette masse Ă  bas coĂ»ts, c'est-Ă -dire un grand nombre d'objets produits rapidement, dont le prix unitaire finalement est assez faible, mais qui est augmentĂ© avec de l'IA et qui est donc rendue un peu plus d'intelligence. Ce paradigme est fondamentalement nouveau par rapport Ă  des approches de dĂ©veloppement capacitaire de trĂšs long terme oĂč on dĂ©ploie et oĂč on dĂ©veloppe des plateformes trĂšs complexes, sur spĂ©cifiĂ©es, et en fait finalement assez peu agiles en termes de dĂ©veloppement logiciel et d’IA ».

    Repenser l’art de la guerre

    L’IA remodĂšle l’art de la guerre et s’impose comme l’alliĂ©e indispensable face au dĂ©luge d’informations dont disposent les armĂ©es. L’IA offre donc plus de vĂ©locitĂ© mais pas seulement, indique Marc de Fritsch directeur de MASA leader mondial des logiciels pour l’entrainement des État-major : « AccĂ©lĂ©rer la dĂ©cision, mais c'est aussi proposer d'autres solutions et c'est de tester les solutions. C'est lĂ  Ă  mon avis, qu’est le plus gros enjeu parce que on peut gagner du temps, mais finalement si on arrive au mĂȘme rĂ©sultat, bon, on va juste gagner du temps. Le fait par exemple, d’avoir une simulation connectĂ©e au systĂšme d’information et de commandement et de pouvoir tester la solution que l'on envisage dans une simulation et de la rĂ©injecter dans les systĂšmes de commandement, lĂ  c'est un Ă©norme avantage ».

    Les solutions existent, restent Ă  les concrĂ©tiser, notamment pour produire en masse des drones Ă©quipĂ©s d’IA souligne Antoine de Braquilanges. Les entreprises de l’IA de dĂ©fense plaident donc pour la crĂ©ation d’un « Airbus » du secteur, ce sera l’un des enjeux du sommet de Paris, « Comment est-ce qu'on fait pour se prĂ©parer Ă  ça ? Comment est-ce qu'on passe Ă  l'Ă©chelle industrielle ? Quel modĂšle de production et de supply chain logistique met on en place pour ĂȘtre capable de monter en cadence de production de ces drones par milliers ? Comment le faire Ă  l'Ă©chelle europĂ©enne ? Tout cela relĂšve d’une volontĂ© de politique industrielle. Nous, on pense qu'on a des solutions. Aujourd'hui, on a des projets chez Helsing qui proposent des solutions souveraines au niveau national, mais sur un modĂšle europĂ©en, pour que le jour J on puisse produire Ă  l'Ă©chelle industrielle, des objets en toute autonomie stratĂ©gique ».

    Les entreprises d’IA de dĂ©fense plaident donc pour la crĂ©ation d’un « Airbus » du secteur, et ce sera d’ailleurs l’un des enjeux du sommet de Paris.

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  • L'armĂ©e française a rĂ©trocĂ©dĂ© jeudi sa derniĂšre base militaire Ă  l'armĂ©e tchadienne. Le dĂ©part du camp Kossei de Ndjamena, vient boucler une prĂ©sence militaire française historique au Tchad.

    Cent cinquante ans d’une prĂ©sence militaire continue.

    1885, c’est « la course aux clochers » selon la formule de l’époque, rappelle l’historien Christian Bouquet, trois colonnes militaires françaises s’élancent alors Ă  travers l’Afrique, « Une qui partait du sud, une qui partait de l'ouest et du SĂ©nĂ©gal et l'autre qui partait du nord, c'est-Ă -dire d'AlgĂ©rie. Et c'est celle qui venait d'AlgĂ©rie qui a rejoint les autres, d'abord au niveau du Lac Tchad et ensuite au niveau de la bourgade qui allait devenir Ndjamena, aprĂšs s'ĂȘtre appelĂ©e Fort-Lamy. C'est cette derniĂšre colonne en fait, qui avait Ă©tĂ© impressionnĂ©e par les fameux guerriers du dĂ©sert. Alors Ă  partir de lĂ , il y a eu une certaine admiration pour ces gens qui se battaient et qui n'avaient pas peur de mourir ».

    Le préfet-méhariste Jean Chapelle

    Des dĂ©cennies durant, Lieutenants et capitaines français, vĂ©ritable colonne vertĂ©brale d’une administration coloniale, vont façonner l’immense territoire tchadien et l’indĂ©pendance, dit Christian Bouquet, n’y changera rien, « AprĂšs l'indĂ©pendance de 1960 et pendant trois ans, toute l'immense rĂ©gion nord du Tchad, c'est-Ă -dire le Borkou-Ennedi-Tibesti, avait comme prĂ©fet un colonel français, le colonel mĂ©hariste Jean Chapelle. Et puis ensuite, assez rapidement, Ă  la fin des annĂ©es 60, l'instabilitĂ© Ă©tait grande et on a fait revenir cette fameuse mission de rĂ©organisation administrative en 1969. C'est le gĂ©nĂ©ral De Gaulle qui a accĂ©dĂ© Ă  la demande de Tombalbaye (François Tombalbaye, dit Ngarta Tombalbaye, 1er prĂ©sident de la RĂ©publique du Tchad) et on a renvoyĂ© des administrateurs coloniaux, souvent dans leurs anciens postes, pour essayer de rĂ©tablir l'ordre ».

    Le Tchad va servir de creuset Ă  l’armĂ©e française

    OpĂ©ration Bison, Tacaud puis Manta contre la Libye du Colonel Kadhafi. Les opĂ©rations extĂ©rieures au Tchad se multiplient dans les annĂ©es 70. De 1984 Ă  2013 l’opĂ©ration Épervier, la plus longue, fut dĂ©cidĂ©e pour protĂ©ger les rĂ©gimes d'HissĂšne HabrĂ© et d'Idriss DĂ©by face aux groupes rebelles. Le Tchad au centre du grand jeu, mĂȘme l’opĂ©ration Barkhane au Sahel avait son État-Major Ă  Ndjamena. Tous les officiers français y sont passĂ©s se souvient le Colonel des troupes de Marine Peer de Jong : « Le Tchad, c'est une partie de ma jeunesse ! Mais aussi la jeunesse de tous les officiers français. La professionnalisation de l'armĂ©e française vient en partie des combats de 1969 au Tchad, parce qu'on avait la LĂ©gion Ă©trangĂšre, mais il y avait des besoins, donc il a fallu professionnaliser une partie de l'armĂ©e française, dont le 3e rĂ©giment d'infanterie de Marine. Et donc cette construction autour de Tchad a fait qu'Ă©videmment l'histoire de l'armĂ©e française s'est inscrite dans l'histoire du Tchad. Il y a un vrai attachement, et puis c’est un pays magnifique. En plus, le nord, le sud, vous faites 100 km, vous avez un paysage diffĂ©rent ! En termes gĂ©ostratĂ©giques, on voit bien que le Tchad est dĂ©terminant, qui est au Tchad, peut rayonner dans l'ensemble de l'Afrique. On voit bien l'utilitĂ© pour l'armĂ©e française d'ĂȘtre prĂ©sent au Tchad ».

    Une relation étroite entre les deux armées

    Entre le Tchad et l’armĂ©e française, c’est une histoire intime relĂšve l’historien Christian Bouquet, « C'est quelque chose qui relĂšve de l'Ă©motion. Il y a tellement eu d'opĂ©rations et d'interventions militaires françaises sur ce territoire, qui en plus est un territoire gĂ©ographiquement trĂšs attachant avec cette zone sahĂ©lienne et toute cette zone saharienne. Depuis que le commandant Lamy Ă©tait mort sur les bords du fleuve Chari, il y a toute une mythologie qui fait que les militaires français ont un petit coup au cƓur ».

    L’armĂ©e tchadienne est la plus efficace de la rĂ©gion assurent les officiers français, prĂȘts Ă  ouvrir un nouveau chapitre de la relation militaire franco-tchadienne, qui pour la premiĂšre fois se fera sans prĂ©sence permanente.

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  • Il signe l’appartenance Ă  une armĂ©e, vĂȘtement du quotidien, le treillis de l’armĂ©e française fait sa mue et sa rĂ©volution. Fini les treillis « dĂ©sert » bien jaune, ou les treillis « centre Europe » bien verts, place dĂ©sormais au BME pour « bariolage multi-environnement » : un seul vĂȘtement pour tous les environnements, aux couleurs soigneusement choisies

    C’est une alternance de grandes et petites taches brisĂ©es, avec un panachage de vert, un soupçon de kaki, et un fond brun dit « Terre de France ». TrĂšs utile ce « terre de France » insiste le commandant StĂ©phane, le doigt sur le nouveau treillis qu’il porte, il est responsable du programme BME au sein de la section technique de l’armĂ©e de terre : « Il y a un peu de marron, un peu de brun, on appelle ça le 'brun terre de France', qui est la couleur majoritaire et qui est celle qui fusionne Ă  la distance de portĂ©e des tirs. »

    Il y a aussi du blanc, une premiÚre. « Absolument, d'ailleurs le blanc, vous le voyez sur trÚs peu de treillis dans le monde. C'est un petit peu une caractéristique du BME. Le blanc, il apporte en fait un contraste trÚs fort, le blanc c'est un petit peu le reflet du soleil sur une feuille dans la lisiÚre. Les contrastes que nous donnent les couleurs donnent du relief et permettent cette adaptation à un plus grand nombre d'environnements. »

    Du blanc mais pas de noir

    Du blanc donc, mais cette fois pas de noir, « Le prĂ©cĂ©dent treillis fusionnait en noir et le noir dans la nature, il n'existe pas. À l'Ă©tat naturel en tout cas. Et c'est la couleur qui a le plus fort signalement aux infrarouges et mĂȘme Ă  l'Ɠil nu, donc il a Ă©tĂ© retirĂ©. C'Ă©tait en fait une faiblesse technique pour le Centre Europe. »

    Simplifier la logistique

    Un treillis Ă  la place de deux, l’objectif est donc de simplifier la logistique. Et pour y parvenir six ans d’études et de tests auront Ă©tĂ© nĂ©cessaires, souligne le commissaire en chef Nicolas, chef de la division Habillement au sein des armĂ©es, « Oui, ça prend du temps parce que par exemple, le blanc pour avoir cet effet de dissimulation, il est difficile Ă  mettre au point puisque le tissu est assez technique. Il incorpore des fibres d'aramide, qui donne une protection au feu, on dit que le treillis est thermostable. Ensuite, on a la phase d'approvisionnement du tissu. On a dĂ» en commander 3,5 millions de mĂštres linĂ©aires. Et une fois qu'on a approvisionnĂ© le tissu et qu'on l'a contrĂŽlĂ© pour vĂ©rifier qu’il prĂ©sentait toutes les caractĂ©ristiques demandĂ©es par les armĂ©es, on le donne Ă  d'autres types d'industriels qui vont nous confectionner les tenues. Ce qui a Ă©tĂ© important pour nous, c'est d'avoir le temps de constituer un stock suffisant pour qu'ensuite la manƓuvre de distribution se passe de façon fluide et pilotĂ©e. Une fois que le bouton 'ON' a Ă©tĂ© enclenchĂ©, ça ne s'arrĂȘte jamais ! »

    Le chef d’état-major des ArmĂ©es sera le dernier Ă  percevoir le sien

    Quelque 750 000 treillis ont Ă©tĂ© commandĂ©s. Deux industriels français et une sociĂ©tĂ© belge produisent le tissu qui est ensuite coupĂ© en Bulgarie, avec quelques modifications, indique le commandant StĂ©phane : « On a rajoutĂ© de l'ergonomie au treillis F 3 tel qu'il avait Ă©tĂ© conçu initialement. Tout d'abord, dans la poche de poitrine, plutĂŽt que d'avoir du tissu en fond de poche, nous avons mis un tissu Mesh, c'est un tissu qui est aĂ©rĂ©. Ensuite, nous avons rajoutĂ© une poche qui se superpose Ă  la poche cargo que nous avons sur la cuisse. Cette nouvelle poche s’ouvre verticalement, lorsque nous avons un genou Ă  terre, nous pouvons accĂ©der Ă  cette poche et rĂ©cupĂ©rer une checklist ou un message Ă  envoyer, sans avoir besoin de se relever pour aller le rĂ©cupĂ©rer ».

    Ce treillis BME sera en dotation pour au moins trente ans. Les troupes en opĂ©ration seront les premiĂšres Ă©quipĂ©es et comme le veut la tradition : le chef d’état-major des ArmĂ©es sera le dernier Ă  percevoir le sien.

  • Quelque 300 soldats nord-corĂ©ens ont Ă©tĂ© tuĂ©s et plus de 2 000 blessĂ©s sur les milliers d’hommes dĂ©ployĂ©s par Pyongyang en Russie, c'est le chiffre donnĂ© en dĂ©but de semaine par un dĂ©putĂ© sud-corĂ©en. Ni Moscou, ni Pyongyang ne reconnaissent la prĂ©sence de troupes nord-corĂ©ennes dans la rĂ©gion de Koursk. En revanche, l’Ukraine, les États-Unis et la CorĂ©e du Sud accusent le rĂ©gime de Kim Jong Un d’avoir envoyĂ© plus de 10 000 soldats pour aider les forces russes dans leur invasion.

    Et il y a quelques jours, Kiev a diffusĂ© le 11 janvier les images de deux prisonniers, une preuve irrĂ©futable de cette prĂ©sence Nord-CorĂ©enne. Le NIS, le renseignement Sud-CorĂ©en, auditionnĂ© par le Parlement Ă  SĂ©oul a admis avoir participĂ© Ă  leur interrogatoire nous dit notre confrĂšre StĂ©phane Lagarde, de passage en CorĂ©e : « Les mĂ©dias ici effectivement ont repris ce qui est sorti du briefing Ă  huis clos des parlementaires sud-corĂ©ens, donc l'agence de renseignement sud-corĂ©enne a fait une confĂ©rence Ă  l'AssemblĂ©e nationale concernant ces soldats nord-corĂ©ens arrĂȘtĂ©s dans la rĂ©gion de Koursk. Des Ă©lĂ©ments ont fuitĂ©. L'agence de renseignement sud-corĂ©enne aurait pointĂ© tout d'abord une prĂ©paration au terrain, ce qui expliquerait ces pertes importantes de soldats Nord-CorĂ©ens qui n’ont pas l'habitude notamment des grandes plaines : ils Ă©taient dans des zones dĂ©couvertes visiblement.

    « Et puis un manque de prĂ©paration aussi Ă  la guerre moderne avec les drones. On a vu beaucoup de ces vidĂ©os de duels quasiment au corps Ă  corps entre soldats nord-corĂ©ens et drones. Donc ils n’étaient pas prĂ©parĂ©s Ă  cela. Et on a vu Ă©galement passer ce dessin de soldats Nord-CorĂ©ens, montrant justement qu'ils auraient peut-ĂȘtre servi d'appĂąts, puisqu'on a retrouvĂ© sur une dĂ©pouille d'un soldat nord-corĂ©en un dessin montrant des soldats au sol, combattants ces drones. On a vu aussi les images, Ă©videmment, dans la presse sud-corĂ©enne des deux soldats prisonniers. L’un avec le visage bandĂ©, l'autre avec une bande sur le menton. Ce sont des soldats dĂ©vouĂ©s au pouvoir nord-corĂ©en. Il y a eu des mĂ©mos qui ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s sur les dĂ©pouilles des soldats disant qu'ils avaient reçu pour ordre de se suicider plutĂŽt que de se laisser capturer. Puis le mĂ©dia de fact.kr, pointe Ă©galement ces images, d’un Nord-CorĂ©en qui dĂ©goupille une grenade et crie : "Vive le gĂ©nĂ©ral Kim Jong-un !" Donc voilĂ  des ordres de ne pas se laisser prendre »

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    L’implication de la CorĂ©e du Nord constitue une escalade majeure et inquiĂšte vivement SĂ©oul, relĂšve encore StĂ©phane Lagarde : « Il y a d'abord la crainte d'une dĂ©localisation d'un conflit europĂ©en ici en dans le nord-est asiatique. Et puis surtout de l'Ă©change qu’il y a dĂ» y avoir. Pyongyang est sorti de l'isolement post-Covid-19 avec cet accord avec la Russie, avec cet envoi de soldats nord-corĂ©ens en Ukraine, forcĂ©ment, il y a un deal derriĂšre. Et donc ici, on s'inquiĂšte de ce qui a Ă©tĂ© donnĂ© par la Russie en matiĂšre technologique, en matiĂšre de renforcement de l'arsenal nord-corĂ©en. Et puis on s'inquiĂšte aussi sur le plan intĂ©rieur.

    « La Corée du Sud est en pleine crise politique suite à la loi martiale qui avait été décrétée par le président Yoon Suk-yeol, qui aujourd'hui est en procédure de destitution. Ce président avait dégainé la loi martiale en raison soi-disant de menaces nord-coréennes. Et donc des démocrates ici demandent à ce que les agents des renseignements sud-coréens ayant participé aux interrogatoires des soldats nord-coréens aux cÎtés des forces ukrainiennes rentrent au pays. Cela ainsi que les conseillers militaires sud-coréens pour éviter d'alimenter tout conflit. »

    Contreparties dans la balance ?

    Qu’a bien pu promettre Moscou pour inciter Pyongyang Ă  s’engager dans une aventure militaire sur le sol europĂ©en Beaucoup de capacitaire et une bonne dose de diplomatie, estime le chercheur en relations internationales Cyrille Bret : « Des contreparties diplomatiques, avec un soutien du veto russe au Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies et sur d'Ă©ventuelles nĂ©gociations nuclĂ©aires avec l'administration Trump 2. Évidemment, des contreparties capacitaires, avec le transfert d'Ă©quipements de dĂ©fense anti-aĂ©rienne russe. Une mutualisation des retours d'expĂ©rience d'aguerrissement sur le théùtre europĂ©en, et puis probablement Ă©galement des Ă©changes d'informations grĂące Ă  la couverture satellitaire que la Russie opĂšre sur la plupart des champs connexes Ă  son territoire national. »

    Un « deal », pointe Cyrille Bret, qui signe la renaissance d’une trĂšs vielle alliance nĂ©e lors de la guerre de CorĂ©e : « L’alliance Russie-CorĂ©e du Nord, conçue comme une façon d'Ă©quilibrer l'expansion de la puissance chinoise en Eurasie. Ceka dit la crainte des CorĂ©ens du Nord de trop dĂ©pendre de la RĂ©publique populaire de Chine. Puis cela dit la crainte des stratĂšges russes d'ĂȘtre vassalisĂ©s ou relĂ©guĂ©s comme brillants seconds de la RĂ©publique populaire de Chine. »

    Pyongyang, liĂ© Ă  Moscou par un pacte de dĂ©fense mutuel ratifiĂ© en novembre, apparaĂźt donc comme un troisiĂšme acteur du conflit ukrainien, Ă  mĂȘme de dĂ©stabiliser les Ă©quilibres jusqu’en Asie.

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  • L'Ă©tat-major de l'armĂ©e ukrainienne a dit mercredi 8 janvier, avoir frappĂ© avec des drones, un dĂ©pĂŽt pĂ©trolier Ă  Engels, oĂč est basĂ©e l'aviation stratĂ©gique russe. L'attaque Ă  500 kilomĂštres de la frontiĂšre ukrainienne illustre l’omniprĂ©sence des drones dans ce conflit. AprĂšs bientĂŽt trois ans de guerre, le retour d’expĂ©rience est sans appel, les drones de combat sont devenus les nouveaux rois du champ de bataille.

    Le chiffre est vertigineux : pour la seule annĂ©e 2024, l’Ukraine a produit plus d’un million de drones et en majoritĂ© des drones suicides, responsables Ă  eux seuls de la plupart des frappes sur la ligne de front. Ces machines de toute taille, souligne le colonel FrĂ©dĂ©ric, cĂ©lĂšbre artilleur français et ex-commandant de la Task Force Wagram en Irak (DĂ©ployĂ©e de 2016 Ă  2019, la Task Force Wagram a participĂ© au « pilier appui » de l’opĂ©ration Inherent Resolve en Irak. EquipĂ©s de canons Caesar, les artilleurs ont soutenu l’action des forces partenaires engagĂ©es au sol dans les combats contre Daech), ont rĂ©volutionnĂ© dans tous les compartiments, l’art de la guerre : « Les drones permettent surtout de tirer dans la profondeur pour façonner l'adversaire, dĂ©truire ses propres moyens d'artillerie, c'est ce qu'on appelle gagner la supĂ©rioritĂ© des feux, c'est la contre batterie. On peut aussi dĂ©truire des postes de commandement, des dĂ©pĂŽts logistiques ou des concentrations de force. Les drones permettent aussi de donner des Ă©lĂ©ments pour cloisonner l'adversaire. C'est-Ă -dire l'amener par exemple sur un endroit oĂč on va lui tendre une embuscade. On a toujours besoin d'autres capteurs. Les observateurs d'artillerie sont toujours lĂ , ça peut ĂȘtre aussi des radars qui vont dĂ©tecter sur une route le dĂ©placement d'une colonne blindĂ©e. C'est une combinaison de tous ces capteurs qui permettent d'ouvrir le brouillard de la guerre et d'aller dĂ©tecter le dispositif adverse, comprendre sa manƓuvre pour demander des feux d'artillerie, en utilisant les mortiers, le canon Caesar, et pourquoi pas un lance-roquette unitaire au besoin ».

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    Jusqu’à 10 000 drones utilisĂ©s chaque jour en Ukraine

    Pour compenser une pĂ©nurie d’obus l’armĂ©e ukrainienne s’est tournĂ©e vers les drones jusqu’à en consommer parfois 10 000 par jour. Les drones utilisĂ©s en masse, c’est une rĂ©volution, il faut en tirer les leçons dit l’expert aĂ©ronautique Xavier Tytelman,« En Ukraine, vous avez un drone pour 6 Ă  8 personnes et vous avez l'omniprĂ©sence des drones kamikazes. Que ce soient les États-Unis, ou l'Europe, personne n'est prĂȘt Ă  faire la guerre en consommant 10 000 drones par jour. Pourtant, c'est ça qui est nĂ©cessaire pour la guerre. Et c'est ça qui donne des rĂ©sultats qui permettent Ă  l'Ukraine de dĂ©truire toutes les offensives russes et d'avoir autant de succĂšs en termes de rapports de force et de nombre de pertes. L'Agence europĂ©enne de dĂ©fense a justement dit les 4 domaines dans lesquels il fallait absolument qu'on se renforce. Parmi ces 4 domaines, il y a les munitions Ă  usage unique, les munitions tĂ©lĂ© opĂ©rĂ©es, les drones kamikazes et il y a Ă©galement la guerre Ă©lectronique. Et je pense que c'est les deux domaines dans lesquels on a rĂ©alisĂ© qu'on n'Ă©tait pas du tout au niveau et qu'il faut vraiment qu'on fasse une accĂ©lĂ©ration ».

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    L’importance du couple drone-canon

    Pour rester Ă  niveau, il faut donc accĂ©lĂ©rer et c’est le cas notamment pour l’artillerie, grĂące au couple drone-canon, l’artillerie insiste le colonel FrĂ©dĂ©ric est de nouveau la reine des batailles, « Nous avions dĂ©jĂ  utilisĂ© le couple drone - canon dans d'autres opĂ©rations, notamment l'opĂ©ration Inherent Resolve au Levant (L'opĂ©ration Inherent Resolve (OIR) est le nom de l'opĂ©ration militaire amĂ©ricaine menĂ©e dans le cadre de la coalition internationale en Irak et en Syrie, Ă  partir d’aoĂ»t 2014). Il est vrai qu'aujourd'hui, grĂące Ă  la multiplication de tous les types de drones, cela permet de raccourcir encore plus vite la boucle entre le capteur et les effecteurs afin de traiter tout type de cible. Cela permet aussi de dĂ©centraliser jusqu'au plus bas niveau, l'emploi des feux d'artillerie pour traiter des cibles qui auraient Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©es par ces drones qui ont finalement créé une rĂ©elle transparence du champ de bataille. Cette rapiditĂ© dans la boucle de dĂ©cision a permis une plus grande efficacitĂ© pour les belligĂ©rants ».

    2025 verra la montĂ©e en puissance de l’automatisation des drones, notamment le vol vers les zones de combat et la frappe de cibles sĂ©lectionnĂ©es, lĂ  encore pour gagner un temps d’avance sur l’adversaire.